Note de l'auteur: Bonjour, bonsoir tout le monde ! Voici pour vous un nouvel OS ! Je suis en veine d'inspiration en ce moment.
Il s'agit d'un énième Camilo, comme je les fais tout le temps, avec un personnage en OC (il m'en fallait un pour le bien de l'histoire mais je vous rassure c'est bien parce qu'il fallait que je lui trouve un nom). Soit dit en passant, si des gens s'appellent comme elle, je suis désolé.e. J'ai pris les premiers noms qui me passaient par la tête, évidemment tout est fictif. Le reste des personnages appartiennent évidemment à Kuramada !
C'est une version 2.0 de celle que j'ai publiée il y a deux jours parce que je n'aimais pas la tournure que j'avais fait prendre à l'histoire. Je l'ai rectifiée pour que ça convienne plus à la manière dont je voulais caractériser mes personnages et ce que je voulais en raconter. Donc, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez et j'espère que si vous la relisez vous aimerez les changements.
WARNING: Gros warning pour le sujet de l'histoire qui contient une description d'un abus sexuel. Si vous êtes sensible par rapport à ce sujet, je vous déconseille la lecture de ce One Shot. Ce n'est pas graphique mais quand même décrit avec un peu de détail. L'histoire est donc mise en M pour ce sujet là.
Si ça ne vous a pas refroidis, je vous souhaite une bonne lecture et j'espère que vous passerez un bon moment. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez en review, surtout que c'était assez difficile à écrire et à publier. Je me ferai un plaisir de répondre !
Sous les apparences
C'était une beauté sans pareille. Elle brillait dans sa robe de soie bleu nuit, telle une cascade de tissu le long de ses jambes. Sa peau était claire et éclatante. Savamment maquillée, ses yeux ressortaient dans la lueur de la soirée, plus vifs que jamais. Cette silhouette gracieuse ne laissait pas indifférent.
Dans ses talons hauts noirs à bout pointu, elle se promenait de petits groupes en petits groupes dans cette soirée mondaine dont sa famille était l'hôte. Riche, belle et cultivée, elle avait tous les atouts pour briller en société. Son nom : Emilie de Richier.
Cette très belle femme avait pour réputation une incroyable intelligence qui lui permettait de tout séduire autour d'elle. Passionnée d'art et de mythologie, elle pouvait converser longuement avec quelques initiés, qui courraient sans difficultés les salons dans lesquels elle se rendait. Et cela tombait bien, ce soir, elle était facile à trouver. Chez elle, dans l'appartement secondaire du seizième arrondissement de Paris que détenait sa famille, au beau milieu d'une soirée réservée à des objets d'art. Ceux-ci, revendus aux enchères, étaient sublimement mis en valeur par l'écrin parisien et l'ambiance intimiste. Beaucoup d'acheteurs riches étaient venus dans l'espoir d'acquérir une des pièces proposées à la vente, allant du tableau de maître inconnu au meuble Louis XV, en passant par une belle collection de bijoux hors de prix.
La famille de Richier faisait dans le faste. Rien n'était laissé au hasard.
Emilie était accoudée au balcon, sirotant vaguement un verre de champagne. Elle contemplait la rumeur tranquille du quartier aisé dans lequel se tenait la réception. C'était un rare moment de calme où elle n'était pas entourée d'un grand groupe de personnes, aussi, l'instant idéal pour quiconque voudrait l'aborder.
C'est ce que fit un homme qui se trouvait en ces lieux depuis un moment et qui l'observait sans qu'elle ne le sache. Il la détaillait de haut en bas, intérieurement subjugué par tant de grâce à la française. Une femme d'une telle beauté était rare, et ce qu'elle portait n'était qu'accessoire. Elle avait l'air proprement inaccessible.
Il allait pourtant tester cette théorie en tentant de s'approcher.
« Bonsoir », ponctua sa voix grave alors qu'il venait de s'arrêter à son côté.
L'homme fit un signe de tête révérencieux. Il avait fait en sorte de ne pas s'approcher trop près pour laisser de l'espace à la dame, mais pas trop loin non plus pour qu'elle ne puisse pas s'enfuir directement. Tout était méticuleusement calculé.
Emilie de Richier tourna la tête. L'homme à son côté la laissa le détailler consciencieusement. Il savait que son physique était plutôt atypique, mais il misait là-dessus pour avoir gain de cause. S'il se faisait remarquer dans le bon sens, et qu'il se montrait suffisamment intéressant, il pourrait probablement discuter davantage.
« Bonsoir monsieur, lui répondit-elle aimablement. Il ne me semble pas vous avoir déjà vu auparavant. Je suppose que c'est votre premier salon ? »
Son interlocuteur lui rendit un discret sourire et opina du chef. Il prit la liberté de s'accouder à côté d'elle contre le balcon, voyant qu'il n'était visiblement pas mal reçu par l'héritière des de Richier.
« En effet, l'informa-t-il calmement. C'est la première fois que je viens. Mais il faut dire que la réputation de vos salons vous précède. Cela faisait un moment que je voulais m'y rendre. »
Emilie lâcha un petit rire cristallin.
« Vous avez l'air de savoir qui je suis, constata-t-elle avec un air satisfait. Mais on ne peut pas dire le contraire. A qui ai-je l'honneur, monsieur ?
- Albert de Valrouge, madame. Enchanté. »
Il y eut un silence pendant lequel Emilie sembla réfléchir.
« De Valrouge ? répéta-t-elle, intriguée. Allons bon. Une famille de noble française que je ne connais pas ? C'est bien étrange. »
Ledit Albert se sentit désagréablement remis en cause. Il voulut ouvrir la bouche pour se justifier, mais ce fut Emilie qui l'interrompit.
« Je plaisantais, voyons ! le rassura-t-elle avec un éclat de rire. Je suis passionnée de généalogie et d'histoire. Dès que l'on prononce un nom que je n'ai jamais entendu, j'ai toujours envie de tout savoir ! Je suis comme ça. Vous m'intriguez, monsieur.
- Je vous intrigue ? releva Albert.
- Bien sûr, déclara-t-elle avec assurance. Tout ce que je ne connais pas m'intrigue. Puisque je ne connais pas votre famille, peut-être pourrez-vous me raconter son histoire ce soir, monsieur de Valrouge.
- Appelez-moi Albert, je vous en prie. »
Emilie rit une nouvelle fois. Albert commençait à se demander s'il avait quelque chose sur le visage.
« Si vous voulez, Albert. D'après votre prénom, je peux déjà dire que vous avez une famille bien traditionnelle. Peu de gens de votre âge le portent, commenta-t-elle.
- C'est vrai que je viens d'une famille attachée à son histoire, lui confirma Albert. Mais ce n'est pas pour autant que je suis un vieillard dans l'âme. J'espère que je pourrai vous le prouver ce soir.
- Vous me rassurez. D'autant que je doute qu'un vieillard dans l'âme porte aussi bien cette couleur de cheveux. »
Albert inclina légèrement la tête sur le côté. Son rideau de cheveux bleu-vert profond coula avec élégance dans son dos.
« Merci, répondit-il seulement. Vous n'êtes pas mal non plus.
- C'est gentil », acquiesça-t-elle en posant son verre à côté d'elle sur le balcon.
La voyant faire, Albert lui tendit la main.
« Que diriez-vous d'une petite danse ? Après tout, la musique est belle ce soir, lui proposa-t-il.
- A un bel homme comme vous, je dois dire que ça ne se refuse pas », accepta-t-elle avec un sourire.
Emilie posa sa main délicate dans la paume qui lui était tendue. Albert l'emmena lentement au milieu du salon, où les échos de musique se firent de plus en plus sonores à mesure qu'ils avançaient. Les deux prirent place au milieu de la piste de danse, et ils entamèrent ensemble une valse.
Emilie savait très bien danser, et cet Albert n'était pas en reste. Tous les deux formaient un couple gracieux et harmonieux. Une vision à couper le souffle. On avait rarement vu deux danseurs aussi bien assortis.
Et pourtant, derrière le nom d'Albert et cette apparence atypique, se cachait une personne qui n'avait pas grand-chose à voir avec la noblesse française et les salons d'apparat. Il s'agissait plutôt d'un homme en mission. Une mission secrète pour le Sanctuaire d'Athéna.
Camus du Verseau, puisque c'était sa véritable identité, avait écopé d'une quête bien spécifique, spécialement ordonnée et taillée pour lui par le Grand Pope. Celle de subtiliser un objet rare de la main bien manucurée d'Emilie de Richier, qui possédait un artefact que le chef du domaine sacré soupçonnait d'être un objet volé au Sanctuaire.
Lorsqu'Aioros s'était enfui du domaine il y avait de cela une dizaine d'années, l'autel d'Athéna avait également été pillé et la déesse Niké perdue dans la nature. Le Grand Pope n'avait alors eu qu'une idée, retrouver cette statuette par tous les moyens, et c'était la première fois depuis des lustres que celui-ci venait de tomber sur une piste concluante.
Depuis quelques temps, le Grand Pope avait fini par avoir eu vent d'une femme parisienne, dans la vingtaine d'années, qui se vantait allègrement de posséder un objet de grande valeur d'une provenance antique mystérieuse. Le Grand Pope soupçonnait que la statuette de la déesse avait été refondue sous une autre forme et peut-être transformée en objets divers. Cette pièce était une simple bague en or que la parisienne portait depuis quelques mois et qui rayonnait, disait-on, d'une beauté mystique.
La mission de Camus était de persuader, avec sa rhétorique et tout le charme possible, Emilie de Richier de lui léguer cette bague et de repartir avec. Il avait pour ordres stricts de ne jamais se servir de ses pouvoirs et de son cosmos. Le Grand Pope ne voulait pas révéler l'existence du Sanctuaire à une civile. De plus, la famille de Richier était influente, et le chef du domaine sacré craignait que des rumeurs ne circulent et n'atteignent des gens qui connaissaient déjà le domaine et ses actions. Le Sanctuaire ne cherchait pas à se créer des ennemis chez le peu d'alliés qu'il avait, et de risquer de révéler son existence.
Alors Camus s'employait à séduire comme il pouvait, du haut de ses dix-neuf ans, cette belle dame parisienne, pour l'amadouer et la convaincre de lui donner cette si belle bague. En la prenant par les sentiments et en l'étourdissant suffisamment, la jeune femme consentirait-elle peut-être à sa requête.
Du moins, le chevalier d'or du Verseau savait qu'il avait attisé son intérêt et sa curiosité. Son vis-à-vis lui rendait un regard admiratif et complice pendant la danse, et il savait qu'il saurait attiser davantage son intérêt s'il arrivait à la tirer dans un coin confortable pour discuter un peu plus en privé. Camus partageait également l'intérêt de la jeune femme pour les civilisations chargées d'histoire, et il savait qu'il pourrait sans peine soutenir une conversation érudite avec la jeune femme sur ce sujet-là. Ses nombreuses lectures au Sanctuaire l'avaient aguerri et il était capable de converser sur bien des matières. Ce qui en faisait un candidat idéal pour une mission de cette envergure.
D'autant que même si cette tâche contenait des défis, elle n'était ni glauque ni compliquée. Nul espionnage ou nulle tuerie en vue. Il fallait simplement influencer une femme à lui léguer un bijou, bijoux qu'elle avait par centaines, en lui donnant une bonne raison de le faire, et à l'issue d'une conversation intéressante avec elle. Il en était même content, car pour une fois, il était assuré de tenir une discussion qui le captiverait lui aussi, et par la même occasion, de passer une bonne soirée en sa compagnie.
Au bout d'un bon moment, les deux danseurs finirent par se lasser de tourner et de retourner en rythme, et Camus choisit de tirer la jeune femme à l'écart. Celle-ci, visiblement séduite, se montra remarquablement docile.
Sachant qu'il la connaissait férue d'histoire, il lui demanda s'il pouvait voir sa bibliothèque, et la parisienne, enjouée, l'y emmena directement. Une fois arrivée dans les lieux, Camus put admirer une somptueuse pièce toute en bois ancien, ornée de livres probablement édités dans des versions très onéreuses. Emilie lui montra quelques-uns de ses tomes préférés, et se vanta même d'avoir des éditions d'origine de certains auteurs. Camus en avait les yeux qui pétillaient. Il n'avait que rarement vu d'aussi beaux volumes dans sa langue natale. C'était vraiment une très belle soirée.
Emilie, ravie de pouvoir discuter littérature avec un connaisseur, le fit s'assoir autour d'une petite table et elle y fit apporter quelques petits fours et deux verres de vin. Camus les accepta avec grâce et ils conversèrent légèrement pendant un temps indéterminé. Cela sembla passer tellement vite. Au fur et à mesure de la discussion, ils finirent par se tutoyer, et se raconter leurs deux vies. Camus, nous les traits d'Albert, raconta la vie d'un jeune homme sans aventures particulières, passionné de mythologie et d'art, tandis qu'Emilie lui confia quelques secrets sur sa vie à Paris, et quelques anecdotes sur les gens qui fréquentaient ses salons. Elle avoua à Camus qu'elle s'y ennuyait souvent, les gens qui lui tournaient autour étant surtout des acheteurs soucieux de faire une bonne affaire, davantage que de véritables amateurs d'art. Elle n'avait que rarement trouvé chaussure à son pied pour discuter. Camus était l'un des rares qui savait soutenir sa conversation. Les seules choses qui semblaient intéresser les hommes qui lui tournaient autour étaient sa richesse et son influence. C'était la première fois qu'elle tombait sur une personne aussi intrigante que Camus.
Ce fut au détour de cette conversation que le Verseau entama la question cruciale de la soirée : la bague qu'il devait lui subtiliser sans qu'elle n'oppose de résistance.
« On raconte beaucoup de choses autour de cette magnifique bague que tu portes, lui signifia-t-il avec grand intérêt. Tu m'as fait découvrir beaucoup d'histoires passionnantes aujourd'hui, mais je me demandais si tu ne m'avais pas caché celle-ci. »
La jeune femme lui fit un sourire complice.
« Je me demandais quand tu allais poser la question, lui annonça-t-elle, malicieuse. J'étais sûr qu'un homme plein de goût comme toi allait finir par la remarquer. Je t'avoue que j'y tiens beaucoup.
- C'est une pièce magnifique, agréa Camus. Peut-être même davantage que toutes les œuvres que vous avez en exposition ce soir. »
Emilie se regarda la main, visiblement contente d'elle.
« Je suis désolée, mais elle n'est pas à vendre, rit-elle. Elle a une trop belle histoire pour ça. Tu savais qu'on dit que ce serait un artefact perdu de l'Atlantide ? Je trouve qu'il en émane vraiment quelque chose de mystérieux. »
La jeune femme tendit la bague à Camus pour qu'il puisse mieux l'observer. Il n'y avait pas de doute, c'était bien l'objet que le Grand Pope lui avait demandé de récupérer.
« Un artefact de l'Atlantide ? répéta Camus en prenant son plus bel air intrigué. Vraiment ? Mais je croyais que ce n'était qu'une légende. Tu crois à ces choses-là ?
- L'Atlantide, non, lui dit-elle avec sérieux. Ce n'est qu'une fiction, même si c'est une belle histoire. Non, je ne pense pas que c'est de là que vient cette bague, même si ça m'amuse de répéter cette rumeur. Je l'ai faite évaluer par un commissaire-priseur, et il m'a confirmé que ce bijou datait probablement de la Grèce Antique. Tu te rends compte ? Elle a des siècles et des siècles, et elle brille toujours autant.
- C'est impressionnant, confirma Camus. C'est vraiment un très bel objet artistique. Et tu dis qu'il y a une histoire qui va avec ? Qu'est-ce que c'est, si ce n'est pas l'Atlantide ? »
Emilie marqua un silence, et baissa la voix, comme pour lui parler d'une affaire très secrète.
« Eh bien, on raconte qu'il y a très longtemps, il y avait sur une montagne reculée de Grèce tout un domaine constitué de temples grecs à perte de vue. Ces édifices avaient été construits dans le seul but de vénérer la déesse Athéna. D'après la légende, des gardiens d'exception protégeaient ce domaine sacré et faisaient des prières régulières à la divinité. Il ne resterait plus rien de ce site aujourd'hui, mais je trouve que c'est une belle histoire. »
Camus faillit hausser un sourcil. Il n'était pas au courant que le Sanctuaire d'Athéna avait quelques légendes qui courraient dans la population.
« Je n'ai jamais entendu une telle légende, et pourtant je connais mes mythes grecs, lui fit-il remarquer.
- C'est normal, peu de gens la connaissent, lui indiqua-t-elle avec un sourire entendu. Juste quelques initiés… Tout comme la personne qui m'a donné la bague. C'est lui qui m'a raconté cette histoire. Apparemment, ce serait un bijou qui aurait fait partie des rites pratiqués sur cette montagne isolée. En tout cas, je l'aime beaucoup. Ce n'est pas une légende aussi populaire que l'Atlantide, mais c'est toujours une histoire d'une civilisation perdue. Et puis après tout, pourquoi pas ? On a bien trouvé des temples magnifiques en Grèce, que d'autres aient existé mais aient été perdus dans le temps ne me semble pas complètement impossible. »
Camus acquiesça. Il se demandait bien qui était la personne qui colportait ce genre de rumeurs sur le Sanctuaire et qui lui avait vendu cet anneau, mais il se garda de lui demander. La priorité était de récupérer cet objet.
« C'est une des histoires les plus intrigantes que j'ai pu entendre depuis un petit bout de temps, la flatta-t-il. Décidément, enrichie de cette histoire, cette bague en a encore plus de cachet.
- N'est-ce pas ? »
Camus marqua un silence. C'était maintenant qu'il fallait tenter.
« Tu es sûre de ne pas vouloir t'en séparer ? essaya-t-il en la regardant droit dans les yeux. Je ne sais pas si je devrais oser te le demander, mais cet objet a vraiment piqué ma curiosité. Depuis que je t'ai vue avec ce bijou, je n'arrive pas à le quitter des yeux. Si tu avais envie de considérer me le vendre ou me le léguer à des fins de recherche scientifique, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour trouver encore plus de réponses sur ce domaine sacré. J'ai quelques amis archéologues qui pourraient rechercher le site et nous apporter des informations supplémentaires. »
Emilie le regarda, semblant considérer la question.
« Intéressant. Mais je tiens beaucoup à ce bijou, refusa-t-elle. A moins que tu aies quelque chose de mieux à m'offrir que de l'argent, je ne me vois pas m'en séparer.
- Si tu ne veux pas d'argent de ma part, qu'est-ce que je pourrais t'offrir ? Si je peux te faire une faveur en échange, tu n'as qu'à demander, et je ferai ce que tu voudras. »
Un sourire se forma sur les lèvres de la jeune femme.
« Tu tiens tellement à cette bague ? le questionna-t-elle, comme pour vérifier. A quel point ?
- Enormément. Ce serait un gage d'amitié éternel que tu me ferais si tu voulais bien me la léguer. »
Emilie se tut, avant de se lever de sa chaise. Camus l'imita, se demandant ce qu'elle allait décider.
« Eh bien mon petit Albert, il me vient bien une idée de ce que tu pourrais faire, lui indiqua-t-elle. Suis-moi. »
Le Verseau n'eut pas le choix. Il suivit Emilie hors de la bibliothèque, et bien vite, ils arrivèrent dans un couloir qui menait à des appartements privés. Le chevalier d'or jugea rapidement que peu de privilégiés devaient avoir eu accès à cette partie du bâtiment. Son travail de charme au cours de la soirée n'avait visiblement pas été vain.
Emilie le guida finalement devant une belle porte d'intérieur d'appartement haussmannien et entra, laissant Camus faire de même à sa suite. Par politesse, le Verseau ferma la porte derrière eux, se doutant que la conversation qu'ils allaient avoir là relèverait du très privé.
C'était effectivement le cas, car Emilie l'avait guidé dans une chambre, et venait de s'assoir sur le rebord d'un immense lit à baldaquin aux draps de satin et le toisait avec un intérêt nouveau.
« Tu as de la chance de m'avoir tapé dans l'œil, lui annonça-t-elle sans détour. Si tu m'offres une nuit torride, peut-être que je te laisserai la bague, va savoir. »
Le sourire que lui fit la riche héritière devint carnassier.
« Pardon ? s'étouffa un Verseau qui ne s'était pas attendu à une proposition de ce genre.
- Ne fais pas le prude, tu m'insultes, décréta la parisienne. A moins que tu ne la veuilles pas, cette bague ? C'est toi qui vois. »
Camus considéra ces chances. Il savait que s'il choisissait de refuser et de partir, il pouvait dire au revoir au succès de sa mission. Il serait impossible de dire non et d'obtenir un gage d'amitié ensuite. Il était dans une véritable impasse. C'était vrai, il pouvait voler la bague au doigt de sa cible, mais ce n'était pas une option envisageable. Il risquait de se mettre la sécurité à dos, et il était hors de question de se faire repérer.
Emilie venait de le piéger et de le mettre au pied du mur, et il s'en voulait de s'être fait avoir aussi facilement. Camus se savait séduisant, mais il n'était pas forcément trop conscient de ses charmes. Surtout auprès de la gente féminine. Il n'aurait pas pensé qu'une riche héritière dans une soirée guindée lui fasse subitement ce genre de propositions indécentes.
« Bien sûr que ça me ferait plaisir, s'entendit-il dire pourtant. Je ferai tout ce que je peux pour te satisfaire.
- Mmmh, fit-elle, visiblement satisfaite. J'aime quand ils me parlent comme ça. »
Emilie s'allongea sur le lit, très fière d'elle.
« Bah alors ? Approche ! lui ordonna-t-elle depuis sa position. Elle ne va pas se faire toute seule, cette nuit torride. Et si tu veux ma bague, tu as intérêt à être bon. »
Le chevalier d'or s'avança vers elle, la mort dans l'âme. Il était intérieurement terrifié de ce qu'il était obligé de faire. Mais il fallait garder la tête froide. Peut-être que cette riche héritière ne lui demanderait pas grand-chose.
Pourtant, il n'en savait rien. Emilie était très belle, très séduisante à tout point de vue, mais lui… ça ne l'intéressait pas. La plus belle femme du monde ne pourrait jamais l'intéresser, c'était ainsi. Il n'y avait rien d'autre à dire. Même s'il se demandait pourquoi parfois, il avait déjà sa réponse.
Or là, il allait devoir faire semblant pour le bien de sa mission. Un peu de courage, s'admonesta-t-il. Ce ne devait pas être très compliqué de faire l'amour à une femme.
« Bon, qu'est-ce que tu attends pour te déshabiller, qu'il pleuve ? claqua une voix plus dure, tout à coup. Je te préviens, je déteste attendre. »
Douché, le Verseau s'exécuta, une sensation désagréable dans les tripes. Il sentit le regard prédateur de la jeune femme sur lui pendant toute la manœuvre.
« T'es aussi beau que je l'espérais, lui indiqua son interlocutrice, qui ne se privait pas pour se rincer l'œil.
- Merci.
- En principe, on complimente aussi la personne en face, lui fit remarquer Emilie.
- Tu es très belle aussi », se rattrapa Camus d'une voix fébrile.
Les deux étaient à présent nus sur le lit. Même si le chevalier réprimait une sensation de nausée, il ne fallait pas qu'il le montre. Si la jeune femme s'en apercevait, c'était fichu.
Camus tenta de se souvenir de ses maigres expériences sexuelles qu'il avait pu avoir pour savoir comment aborder la chose, mais cela ne contribua qu'à le rendre plus triste encore. Cette fille n'avait rien à voir avec…
Le Verseau se baffa mentalement, car ce n'était pas le moment de penser à ça en plus du reste. Les ordres étaient les ordres. Même s'il pleurait intérieurement devant ce qu'il devait accomplir, et qui serait sans doute vécu comme une trahison, il n'avait plus le choix.
Voyant ses mouvements hasardeux, la voix d'Emilie claqua encore.
« T'es puceau ou quoi ? l'attaqua-t-elle. Je fais pas l'amour à un mec tout mou moi. Je m'ennuie déjà. »
Le Verseau ne répondit rien, blême. Il ne sut quoi dire. Il n'avait rien à dire, sans doute. La seule chose qu'il avait envie de faire, c'était fuir loin de là et considérer que ce n'avait été qu'un mauvais rêve.
« T'es puceau, ricana la jeune femme. Remarque, tu pourrais m'intéresser quand même. Mais va falloir que tu m'obéisses, mon chou. Au doigt et à l'œil. »
Camus se figea, de la terreur pure passant dans tout son corps. Il n'aimait pas du tout le ton que prenait cette femme avec lui. Il sentait que cela lui faisait plaisir qu'il soit pris en défaut devant elle.
« Si tu fais tout ce que je te dis, je te donne la bague, fit-elle en passant l'objet près de son visage, comme pour le narguer. Toujours intéressé ?
- Oui, entendit-il sa voix répondre comme si celle-ci lui était étrangère.
- Ok, ricana l'autre. Alors, on va s'échauffer un peu. Je ne veux pas me faire un mec même pas excité. »
La jeune femme marqua un silence, avant de lui donner un ordre sec.
« Touche-toi pour moi. »
Emilie ne cessa pas de le regarder. Camus n'y réfléchit même pas, tellement il n'en avait pas envie. Il était abasourdi d'une demande aussi insensible.
Il ne pouvait pas se servir de son cosmos. Ce serait pourtant si facile. En théorie, il pouvait encastrer la jeune femme dans un mur et la transformer en statue de glace juste pour avoir prononcé des mots aussi affreux, mais il n'en avait pas le droit. C'était gâcher tout ce qu'il avait accompli ce soir-là pour récupérer cette maudite bague.
Alors il s'y mit, dégoûté de lui-même et de son propre acte, sous le regard affreux d'une femme qui n'avait plus rien de beau à ses yeux. Il avait cru à quelqu'un de bienveillant et docile, et dans cette chambre à coucher, c'était un véritable monstre qui se dévoilait à ses yeux.
« Allez, plus vite, là, ne me fais pas attendre, s'agaça la voix d'Emilie au milieu de ses pensées. On ne va pas y arriver à ce rythme. »
Le Verseau tenta de faire le calme dans son esprit. Tout ce qu'il fallait faire, c'était faire abstraction de cette femme. Faire comme si elle était absente. Qu'à sa place, c'était quelqu'un d'autre qui le regardait. Amoureusement. Avec bienveillance. Quelqu'un qui l'aimait. Qu'à la place de ces yeux verts, c'étaient des yeux azur, et qu'à la place de ces cheveux bruns, il y avait des cheveux bleu-violets.
Un joli torse bien dessiné, une belle voix grave.
Milo.
Milo lui manquait tant…
« On est pas mal, comme ça, s'immisça une voix féminine au milieu de sa vision. Je pense qu'on va pouvoir… Aaah ! »
Emilie avait crié, mais de dégoût cette fois. Le chevalier d'or eut un brutal retour à la réalité quand il constata qu'il venait de finir dans sa main. Il avait pensé à Milo, et… Il avait presque réussi à tout oublier.
« C'est pas vrai ! tonna la voix mécontente de la jeune femme. T'es sérieux là ? Tu viens de me dégueulasser les draps ! »
Mortifié, le Verseau voulut dire quelque chose pour se rattraper. Il était effrayé de la vitesse à laquelle il avait perdu pied.
Emilie était en train de quitter le matelas, visiblement en colère, quand Camus cria :
« A-Attends ! Je suis désolé, je me suis emporté ! Je veux me rattraper ! »
La parisienne le regarda seulement, hautaine.
« Qu'est-ce que tu veux rattraper ? lui demanda-t-elle sèchement. Dans l'état où tu es, tu ne me sers plus à rien ! C'est toujours la même chose ! Vous les hommes, vous ne pensez qu'à votre propre plaisir ! »
Camus se redressa pour essayer de la retenir. Malgré son envie interne de partir en courant ou de transformer la jeune femme en sculpture artistique, il ne devait en aucun cas échouer sa mission.
« Je ferai tout ce que tu voudras, plaida-t-il d'une voix tremblante.
- Tout ce que je voudrai ? releva Emilie avec un regain d'intérêt malsain.
- Oui. »
La jeune femme retrouva un sourire carnassier. Camus déglutit péniblement. Il savait au fond de lui qu'il venait de signer son arrêt de mort.
« Et si je te punis, tu accepteras ?
- Quoi ?! s'étouffa le pauvre chevalier.
- C'est vrai que tu pourrais renoncer à la bague », lui dit-elle sur un ton moqueur.
Le Verseau enregistra parfaitement qu'elle avait compris ce qu'il voulait. Et que maintenant qu'elle avait l'aval sur lui, elle pourrait faire ce qu'elle voudrait de lui. Il n'aurait plus qu'à endurer.
« Fais… ce que tu veux », s'obligea-t-il à prononcer, vaincu.
Le rire plutôt cruel qu'il entendit lui confirma qu'il allait souffrir.
La jeune femme ne lui laissa pas le choix. En ni une ni deux, elle le plaqua contre le lit et coinça son visage entre ses deux jambes.
« Sers-toi correctement de cette jolie bouche, lui demanda-t-elle sur un ton sans appel. Si je m'amuse assez, peut-être que tu auras ce que tu voudras. »
Le chevalier d'or sentit son cœur tomber au fond de la poitrine. Il n'avait certainement pas envie de la toucher là. Surtout pas comme ça, et…
« Dépêche-toi, claqua encore sa voix. Je t'avoue que j'ai une envie pressante, et si tu es mauvais… »
Camus ne voulait pas connaître la suite. Il s'exécuta et se força à approcher sa langue de la zone. Il voulut vomir. La jeune femme poussa un gémissement de plaisir qu'il trouva horrible. Malgré lui, il sentit son cosmos défensif se déclencher. La jeune femme eut une salve de frissons.
« J'ai froid, commenta-t-elle. Magne-toi de me réchauffer. Plus vite. »
Le Verseau s'employa à la tâche, comme il put, mais il était dégouté. Il se demandait comment il allait réussir à avoir cette bague. Les minutes s'égrenaient et tout ce qui l'envahissait, c'étaient les sensations brutes d'une texture visqueuse et d'une odeur atroce. Ce qu'il faisait, c'était répugnant. Tout était répugnant, elle, lui, cet acte… Mais il fallait faire abstraction. Ne plus penser à rien. C'était le seul moyen de s'en sortir sans devenir fou.
Tout était mécanique et gluant, et il n'y comprenait rien. Il entendait juste la parisienne au-dessus de lui pousser quelques gémissements qui lui semblaient aussi harmonieux que des cris de perruche. Parfois, il entendait la jeune femme le menacer de laisser couler sa vessie s'il n'allait pas plus vite. Il accélérait, il accélérait…
Et enfin, la parisienne finit par lâcher un long râle, signifiant probablement qu'il avait réussi à entreprendre ce qu'elle voulait de lui.
Les jambes qui l'avaient fait prisonnier le libérèrent enfin, et il put respirer. Cela avait été une des choses les plus atroces qu'il avait vécues de sa vie.
« Pas mal pour un bleu, commenta nonchalamment son bourreau. Je savais bien que tu saurais aussi bien te servir de ta langue pour dire des idioties que pour me faire plaisir. Tiens, c'est pour ton effort. »
La jeune femme jeta sans faire de manières la tant convoitée bague sur le matelas à côté du Verseau.
« Hésite pas à revenir si tu veux un autre de mes objets d'art, surtout », lui enjoignit la jeune femme avec un ricanement glauque.
Camus ne répondit rien. Il n'y avait plus rien qui comptait. Il se sentait vide. La seule chose qu'il ressentait, c'était une douleur sourde à son estomac.
Sur ces mots, Emilie claqua la porte de sa chambre, laissant le chevalier d'or seul avec son trophée. Camus se releva, hébété, et saisit la bague qu'il avait gagnée de haute lutte. Il la considéra un instant avant que de subitement se mettre à vomir tout ce qu'il avait mangé pendant la soirée. Tout devint silencieux dans son esprit, et à part son corps qui lui faisait mal, il avait peine à comprendre où il se trouvait. Jusqu'à ce qu'une explosion violente ne résonne juste à côté de lui.
Dans un souffle soudain, alors qu'il était encore en train de remettre son repas, Emilie venait de réintégrer la pièce en passant à travers le battant de la porte en bois. Son corps venait de s'éclater contre le mur en face, une tâche rouge dans son abdomen. Un cri de douleur sonore s'était fait entendre.
« Toi ! » tonna une voix qui contenait mal sa fureur.
Camus tourna comme il put le regard et vit, à travers la porte défoncée, un chevalier d'or entrer d'un pas furibond dans la pièce. La silhouette lui était extrêmement familière.
Vêtu de son armure étincelante et de sa magnifique cape blanche, il venait de pulvériser la jeune femme sans aucune sommation.
« Milo ? » prononça Camus dans un filet de voix, ne comprenant pas ce qu'il voyait.
Le Scorpion ne prêta pas attention au Verseau. L'ongle rouge au doigt, il lança une seconde Aiguille Ecarlate qui vint se ficher en plein dans la poitrine de sa victime. Un cri aigu à glacer le sang retentit dans la pièce.
« Au secours ! hurla-t-elle. Quelqu'un ! Venez m'aider ! »
Camus ne bougea pas, complètement sonné. Que faisait Milo ici ? Comment savait-il où il se trouvait ? Que se passait-il ?
« Au secours ! cria-t-elle encore. Sécurité ! On m'agresse ! Aidez-moi ! »
C'était peine perdue. Le onzième gardien savait déjà que Milo avait dû se débarrasser des hommes de main de l'endroit avant que d'attaquer la jeune femme.
« Qu'est-ce que tu as fait à Camus ?! retentit la voix ivre de colère de Milo. Réponds !
- Camus ?! Mais c'est qui, Camus ? brailla Emilie. Je n'ai rien fait ! »
Camus se redressa. Le Milo qui se tenait dans cette pièce était bien réel… Et au vu de la colère qui lui tordait le visage, cela n'augurait rien de bon.
« REPONDS ! hurla le grec.
- Je ne sais pas qui est Camus, couina la voix apeurée de la riche héritière. Je n'ai rien fait !
- Lui, là, fit Milo en désignant le Verseau du doigt. Tu sais seulement qui il est ?!
- Il m'a dit qu'il s'appelait Albert ! se défendit la jeune femme tremblante.
- Il s'appelle Camus, et toi, je vais te faire oublier ton propre prénom si tu ne me réponds pas sur le champ ! la menaça le grec. Qu'est-ce que tu lui as fait ?
- On… on a juste couché ensemble, lui dévoila Emilie en se ratatinant contre le mur. Je n'ai rien fait de mal !
- Est-ce que tu l'as obligé ?! l'interrogea immédiatement la voix furieuse du Scorpion. Tu l'as obligé ?!
- J'ai obligé personne ! s'exclama-t-elle avant de regarder derrière Milo dans l'espoir de voir de l'aide arriver. Au secours ! »
Milo voulut tirer un coup d'Aiguille Ecarlate, mais Camus eut une subite présence d'esprit. Une gerbe glacée atteint la main vengeresse avant même qu'elle n'ait eu le temps de lui faire subir son attaque.
« Mais qu'est-ce que…
- Milo ! lui cria le Verseau. Arrête ! Qu'est-ce que tu fais ?! »
Le Scorpion, surpris de la réaction du Verseau, lui prêta enfin attention. Il le considéra néanmoins calmement, un air grave au visage.
« Camus, est-ce que tu étais consentant ?
- Milo, je ne…
- EST-CE QUE TU ETAIS CONSENTANT ?! » le coupa un Milo qui n'avait pas cette patience.
Emilie le regarda avec des yeux suppliants. Elle n'avait pas l'air de comprendre ce qu'il se passait. Sous cet angle, elle ressemblait à un animal acculé devant un chasseur.
« Je n'ai pas voulu, Milo, bégaya-t-il, sous le choc. Je ne voulais pas, je…
- Tu étais consentant ? se répéta encore le Scorpion.
- Non », admit le Verseau dans un souffle.
Le regard de Milo s'assombrit.
« C'est bien ce que je pensais. »
Emilie avait l'air terrifiée. Elle se retrouvait face à deux personnes qui étaient tout à fait capables de causer sa mort, et le deuxième inconnu n'avait pas hésité à l'attaquer. D'une attaque terriblement douloureuse. Le Scorpion en colère n'y était pas allé de main morte. Voyant que Milo allait lever le bras pour lui donner un autre coup d'Aiguille Ecarlate, Camus courut vers lui et baissa son bras avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit.
« Milo, attends ! lui enjoignit-il précipitamment. C'est une civile ! »
Le Scorpion, en colère comme il était, ne répondait plus vraiment de lui-même.
« Ce n'est pas un combat loyal, raisonna la voix tremblante de Camus. Cette femme n'est même pas chevalier. Elle ne mérite pas la mort.
- Ce serait à moi d'en décider, lui annonça sombrement Milo en fusillant sa victime du regard.
- Non, réfuta immédiatement Camus. Ce n'est pas à toi de te mêler de ça. »
Le Scorpion, à ses dires, sembla se calmer, même si on sentait qu'il fumait toujours de colère. Camus sut qu'il venait de marquer un point.
« C'est à moi qu'elle doit réparation, argumenta-t-il encore. Il est hors de question que ce qu'elle a fait te transforme en meurtrier. »
Le chevalier d'or du Scorpion poussa un profond soupir rageur. Il savait que Camus avait raison, et qu'il n'était pas lui-même. Il ne pouvait tout simplement pas supporter la pensée que cette femme ait pu se jouer du français comme ça. Cela lui retournait l'estomac.
« Excuse-toi sur le champ, tonna-t-il alors à l'encontre de la jeune femme, toujours recroquevillée au sol.
- Pardon, je suis désolée, je ne le referai plus ! s'écria-t-elle, terrifiée. Ne me tuez pas ! »
L'excuse sembla satisfaire légèrement le grec. Il retrouva davantage son calme.
« Milo, stoppe l'hémorragie, s'il te plait », lui intima Camus à voix basse.
Le grec opina du chef, signifiant sans un mot qu'il ferait selon le désir du Verseau. Il s'approcha d'Emilie, qui se ratatina comme elle put contre le mur en le voyant venir près d'elle. Dans son état, elle ne pouvait de toute façon pas se dérober.
Au moment où Milo pressa le point stratégique qui faisait s'arrêter l'écoulement de sang, la parisienne, morte de peur, poussa un cri aigu, et tomba dans les pommes. Cela ne fit pas réagir plus que cela le huitième chevalier d'or. Il était habitué à l'effet de son attaque sur les autres. Pourtant, avec les années, il n'avait plus eu l'occasion d'épargner grand-monde.
« Elle vivra », annonça-t-il d'une voix grave en posant une main au niveau de son cou.
Le Scorpion sonda le cosmos de la personne qu'il avait attaquée et fit le bilan de son état.
« Je n'ai pas eu de points vitaux, en informa-t-il Camus. Elle s'en remettra.
- Merci. »
Le Verseau, sachant que le temps était compté, avisa un téléphone qui se trouvait dans la pièce, et se saisit rapidement du combiné.
« Allo ? Oui, bonjour. Je voudrais signaler une urgence au domaine des De Richier. Je viens de trouver une femme blessée par balle à son domicile. Probablement un cambrioleur. Venez vite. »
La suite s'était passée dans le chaos. Milo avait dû se cacher dans un cagibi non loin en attendant l'arrivée des secours. Camus en avait profité pour se rendre présentable pour accueillir l'ambulance qui prendrait sous son aile l'héritière des de Richier.
L'intervention du Scorpion avait causé un sacré fiasco.
Une fois les urgentistes sur place, la jeune femme fut très vite emmenée sur un brancard, et sa famille contactée. C'est à ce moment là que Camus choisit de s'éclipser, voyant qu'elle serait entre de bonnes mains. Il savait qu'elle vivrait. Si Milo ne souhaitait pas qu'elle le soit, son attaque n'était pas mortelle.
Lorsqu'il retrouva le grec dans la pièce exiguë où il s'était planqué, celui lui tendit un bras.
« Agrippe-toi à moi. »
Camus posa sa main sur l'avant-bras ganté d'or de Milo, et le monde bascula autour d'eux. D'un seul coup, le décor parisien s'évapora et laissa place à la pièce principale à vivre du temple du Scorpion.
Ils avaient été téléportés.
Camus regarda autour de lui, ébahi. Il ne s'était pas attendu à ça.
« Comment est-ce possible ? murmura-t-il, sonné du changement de décor soudain.
- J'ai demandé à Mû de nous aider », lui révéla le Scorpion.
Le Verseau fit deux et deux rapidement.
« C'est lui qui t'a téléporté auprès de moi ?
- Oui. J'ai senti ton cosmos, l'informa un Milo dont la voix devint plus triste. Je t'ai entendu m'appeler à l'aide… »
Le Scorpion marqua une pause. Sur son expression, il y avait du chagrin et de la colère. Camus eut peur qu'il ne soit fâché contre lui aussi.
« Alors je n'ai pas attendu, j'ai contacté Mû, et… Il m'a aidé à te sortir de là. »
Le Verseau considéra le Scorpion, intrigué.
« Mû… du Bélier ? releva-t-il. Cela fait bien longtemps que je n'ai plus entendu ce nom. Je croyais qu'il s'était définitivement retiré à Jamir.
- Je ne comprends pas tout ce que fait Mû, c'est vrai, admit le Scorpion. Mais je sais qu'il est toujours de notre côté. Ça me suffit. Et la preuve, quand je lui ai demandé de l'aide, il m'a tout de suite aidé. Il faudrait que je puisse lui rendre la pareille. »
Camus haussa les épaules.
« Un jour, peut-être… »
Milo posa une main sur l'épaule de son vis-à-vis. Camus pouvait parfaitement sentir l'inquiétude du Scorpion à son égard.
« Milo, je suis désol-
- Non. »
Le Scorpion ne lui avait même pas laissé finir sa phrase.
« Je t'interdis de t'excuser. En plus, tu ne sais même pas pourquoi tu t'excuses.
- J'ai été imprudent, s'amenda Camus. Je ne voulais pas que tu te mettes dans cet état pour moi.
- Tu n'as pas été imprudent, le reprit Milo avec de la colère dans la voix. Je ne veux même pas t'entendre essayer de justifier les actes de cette sorcière. Elle n'a eu que ce qu'elle méritait.
- J'ai eu peur que tu ne te mettes du sang sur les mains par ma faute, déclara un Camus dont la voix tremblotait. Personne ne mérite la mort…
- Camus », le coupa la voix consternée du Scorpion.
Ce dernier prit un air blessé. Lui, il lui avait semblé bien agir en venant le sauver.
« Si je n'étais pas intervenu, personne ne t'aurait fait justice. Et surtout pas toi-même. »
Il y eut un silence entre eux. Camus ne dit rien. Malgré ses réticences sur la manière dont Milo pouvait se faire justice, ce dernier avait raison. Au Sanctuaire, personne ne tenait de tribunal, excepté le Grand Pope. Et personne ne serait allé faire un procès à cette femme pour lui demander réparation.
Milo l'avait fait, à sa manière certes, mais il l'avait fait. Le Scorpion était brutal, mais on ne pouvait pas dire de lui qu'il était cruel. Il exerçait son jugement selon ce qui lui semblait le plus juste.
« Merci de m'avoir tiré de là », fit le onzième gardien avec plus d'émotion dans la voix. Même si Milo avait failli faire rater sa mission et en avait menacé le secret, il était touché que le Scorpion ait voulu le protéger.
Milo acquiesça en silence. De rien, lui fit-il savoir sans ouvrir la bouche. Il viendrait toujours prêter main forte à celui qu'il aimait. Aussi longtemps qu'il aurait de l'air dans les poumons et un cœur battant.
N'y tenant plus, le Scorpion le prit alors dans ses bras. La seule pensée que quiconque ait pu faire du mal à son Verseau le remplissait de haine. Camus lui rendit l'étreinte, visiblement secoué.
« J'ai échoué, résonna sa voix contre son torse. Je ne devais pas faire de vagues et au final, tu as attaqué cette femme. Pour la discrétion, c'est raté. Je vais sûrement me prendre un blâme.
- Personne ne la croira jamais si elle raconte ce qu'elle a vécu, le rassura Milo. Et je viendrai avec toi pour ton rapport de mission. Je saurai justifier mon acte. En plus, ce n'est pas de ta faute, c'est moi qui suis intervenu. Tu n'y es pour rien. »
Camus resserra seulement son étreinte sur Milo.
« Milo… Je me sens tellement mal, lui avoua le Verseau. C'était horrible. »
Le Scorpion ravala sa colère contre la personne qui avait été responsable de tant de souffrance. A la place, il l'embrassa dans le cou pour tenter de chasser ses mauvaises pensées.
« Je me sens sale, lui dit Camus dans un filet de voix. Je ne savais pas que ça pouvait être aussi… répugnant.
- Ce n'est pas de l'amour, Camus. Ce qu'elle a fait, c'est un crime, c'est tout, lui rappela la voix rageuse du Scorpion.
- J'ai eu l'impression de te trahir, lui dit encore son interlocuteur avec une voix qui transpirait de chagrin. Je n'aurais jamais dû accepter de faire ça, même pour une mission.
- Tu n'avais pas le choix, voulut le rassurer le grec. Je suppose que tu avais des ordres.
- Oui. »
Milo maudit le Grand Pope pour ses quêtes superflues. Quelle était l'utilité d'aller chercher des artefacts inutiles aux quatre coins du monde ? Surtout que son instinct lui criait que Camus avait vécu tout cela pour un objet inutilisable, et cela le mettait encore plus en colère. Cela faisait quelques années que les missions du Grand Pope devenaient de plus en plus discutables. Pourtant, Milo était dévoué à sa déesse et il croyait réellement en sa bienveillance. Il n'était juste plus persuadé que le Grand Pope actuel était la bonne personne pour la représenter. Beaucoup de choses dans son comportement étaient étranges.
Malgré tout, il suivait les ordres, tout comme son compagnon d'armes et tous ses confrères. Même s'il n'était pas content de toutes les quêtes qu'on lui demandait d'accomplir, il le faisait car il était loyal à Athéna, et c'était une chose qui ne changerait jamais.
« Si tu veux, tu peux aller te débarbouiller à la salle de bain, lui indiqua Milo en le lâchant, finalement. Peut-être que te laver te ferait du bien.
- Je veux bien, agréa Camus en se levant du lit. Tu viens avec moi ?
- Ça ne se refuse pas », accepta Milo en lui faisant un sourire.
Il lui tardait d'apaiser le mal être du Verseau. Il ne pourrait pas effacer ce qui avait été fait, mais peut-être pourrait-il rappeler au français ce que c'était qu'aimer réellement quelqu'un.
Milo vit rapidement, en arrivant dans la salle de bain, que Camus n'était pas dans son état normal. Il lui jetait des coups d'œil complètement hésitants en enlevant son haut. Pourtant, le français n'avait jamais été particulièrement pudique devant lui. Ils se connaissaient depuis toujours, et ils s'étaient vus dans bien des états, alors se promener devant l'autre torse nu n'avait rien de très particulier.
« Si tu préfères, je peux détourner le regard », lui proposa un Milo qui ne savait pas trop comment le mettre à l'aise.
Camus en ouvrit des yeux ronds en entendant cette phrase, et il sembla se rendre compte de son attitude.
« Non, non, ne t'en fais pas, voulut-il le rassurer malgré le faible tremblement de sa voix. J'ai… J'ai juste besoin de me remettre les idées en place.
- Prends ton temps, l'invita un Scorpion qui était soucieux de la santé mentale de son interlocuteur. Je comprendrais que tu veuilles y aller à ton rythme.
- Tu es tellement gentil, Milo, lui répondit une voix plus émotionnelle que d'habitude.
- Je t'aime », se justifia simplement le Scorpion.
Pour bien faire, Milo se détourna pour laisser de l'espace à Camus. Il savait que c'était probablement la bonne chose à faire. Laisser le Verseau rassembler ses pensées et ses émotions après ce qu'il venait de vivre.
Camus ne fit pas plus de commentaires et dans un silence tranquille, les deux hommes se déshabillèrent avant de pénétrer sous la douche spartiate du temple du Scorpion.
Milo regarda attentivement Camus dans l'espoir de trouver une expression familière de calme sur son visage, mais cela lui fut évident que son amant était dans un état vulnérable. Lui-même, il écumait toujours de rage malgré son accès meurtrier. Mais c'était l'angoisse qui lui nouait le plus l'estomac. Il avait peur que cette femme n'ait brisé quelque chose en Camus.
Pendant un moment, il n'y eut plus que le clapotis régulier de l'eau tombante de la douche. Sous le jet d'eau chaude, Milo se saisit du savon, et demanda d'un regard à son vis-à-vis s'il pouvait le toucher. Camus acquiesça d'un signe de tête et ferma les yeux. Lorsque Milo posa les mains savonneuses sur la peau de son amant, il vit celui-ci se tendre un instant avant de relâcher ses muscles.
Camus rouvrit les yeux alors que Milo lui massait gentiment le dos sous le jet d'eau. Il tourna les yeux pour les plonger dans les siens. Le Scorpion le regarda, l'air interrogateur.
« C'était une erreur, Milo, déclara-t-il finalement à voix basse. J'ai vécu une chose… horrible. Mais… je l'ai su tout de suite. Cette femme, elle n'a rien à voir avec toi. »
Entendre une telle déclaration de la part du français toucha sincèrement le grec.
« Tu es beau, continua-t-il en posant une main délicate sur sa joue. Elle, elle avait l'air belle, mais ce n'était qu'une façade. Je l'ai compris trop tard.
- Ce n'est pas de ta faute, Camus. Les gens sont parfois perfides.
- D'autant plus perfide qu'elle le cachait bien », fit le français avec un frisson de dégoût.
Milo lui fit une petite caresse sur le bras dans l'espoir dérisoire de le consoler.
« Si je peux faire la moindre chose pour toi, tu n'auras qu'à me le dire, lui enjoignit le Scorpion avec grand sérieux. Je ferai tout ce que je pourrai pour effacer ce mauvais souvenir de ta mémoire.
- Tant que tu continues de m'aimer, tout ira bien, lui répondit timidement le Verseau.
- Ce n'est pas près de s'arrêter, crois-moi. »
Milo appuya sa phrase d'un maigre sourire. Le Verseau en fut touché, il le vit tout de suite. Comme par miracle après ce qu'il venait de se passer, un sourire discret lui répondit.
Milo sut alors que rien n'était perdu. Camus, même au bout de lui-même, restait Camus. Une admiration intense s'insinua dans son esprit envers celui qu'il aimait. Son amant était si fort.
Le reste de leur douche se passa dans le silence. Camus avait besoin de calme, alors Milo le lui donna. Il ne l'avait pas vu depuis si longtemps, mais il ne ressentait pas forcément le besoin de s'épancher en paroles hasardeuses. De toute manière, son amant communiquait souvent bien plus par ses silences et ses postures que par le reste.
Le Scorpion nourrissait tout de même une crainte assez fondée. Celle que la femme n'ait dégoûté le Verseau de leur intimité. Comme son amant passait le plus clair de son temps en Sibérie, les rares moments que les deux chevaliers passaient ensemble étaient mis à profit dans ce sens. Les deux hommes n'étaient pas ensemble depuis si longtemps que ça, étant donné que leur histoire s'était en partie forgée avec la distance, alors à chaque fois qu'ils avaient le privilège de passer une nuit dans le même lit, ils expérimentaient. Doucement. Amoureusement. Camus avait été assez timide vis-à-vis de l'idée au début, et Milo avait lutté pour gagner sa confiance et tirer de lui des moments d'abandon complets.
Camus avait été magnifique dans ses bras. Milo en gardait des souvenirs chargés d'émotion et d'émerveillement. Le Verseau, ainsi, était une vision extraordinaire.
Et le huitième gardien ne voulait certainement pas laisser une femme qui n'avait rien à voir avec sa vie tout gâcher d'un revers de main.
Une fois lavés et rhabillés, Milo alla s'assoir sur son lit, un peu découragé malgré lui. Il ne savait pas ce qui allait se passer entre eux et comment son amant allait réagir, et il ne voulait pas tout recommencer. Il ne savait pas s'il serait capable de regagner encore une fois la confiance durement gagnée du français.
Camus le suivit de près, un air songeur sur le visage. Il semblait avoir enfin retrouvé son calme et ses esprits, ce qui était une très bonne chose. Se laver avait dû lui faire du bien. Cela rassurait le grec de voir son amant se comporter comme il l'avait toujours connu. Un être de réflexions complexes ambulant.
Dans une démarche gracieuse, le français s'assit à son côté et planta son regard dans le sien. Milo se noya dans le beau bleu océan de ses yeux. Il ne se lassait jamais de les contempler.
« Je sais que tu t'inquiètes pour nous, Milo, affirma Camus d'une voix posée.
- Il y a de quoi, grimaça l'intéressé. Tu as vu l'état dans lequel je t'ai trouvé ?
- Ne me parle pas comme si j'étais un gosse impressionnable, se défendit immédiatement le onzième gardien.
- Camus, le gronda Milo. Tu es un puissant chevalier d'or, je n'ai jamais remis cela en doute. Mais après ce que tu as vécu, tu as le droit de te sentir mal.
- Je sais. »
Le Verseau garda le silence un instant.
« Je pense que c'est une des choses les plus horribles que j'ai pu vivre, dit-il avec de l'émotion dans la voix. Rien qu'y penser... Je n'ai pas les mots pour ça. Mais je t'aime tellement, et… Et je ne veux pas laisser ça influencer notre relation. De plus, tu l'as dit toi-même, ça n'a rien à voir. Tu n'es pas elle, Milo. J'ai fait ça pour une mission, toi, tu es… Tu es mon petit interdit, on va dire. »
Le petit interdit en question lui rendit un sourire nerveux.
« Tu as accompli des missions difficiles aussi, continua-t-il, résolu. Voire… traumatisantes. Pourtant, tu n'as jamais laissé ça t'envahir. Tu as toujours tout fait pour que je me sente bien à tes côtés et il est de mon devoir de faire de même pour toi.
- Camus, ne dis pas n'importe quoi, se défendit mollement le Scorpion. Mes missions sont différentes des tiennes, elles ne touchent pas à l'affectif…
- Non. Je pense que c'est exactement pareil, réfuta immédiatement le français. On a tous les deux des missions compliquées derrière nous… ça n'a jamais rien changé et ça ne changera rien pour moi. Et en plus… Tu ne me feras jamais ce qu'elle m'a fait, n'est-ce pas ?
- Jamais, lui promit Milo. Jamais, Camus. Quitte-moi sur le champ si c'était le cas. Je ne comprends même pas comment on peut faire ça à quelqu'un. »
Milo tenta de réfréner la colère qui montait en lui quand il y pensait.
« Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé, mais tu peux être sûr que tu seras toujours libre de tes mouvements avec moi. »
Camus acquiesça. Cela, il le savait déjà, mais cela lui faisait énormément de bien à entendre. Milo était un être impulsif, et pourtant, malgré sa personnalité quelque peu excentrique, il était bien souvent la voix de la raison. C'était son ancre dans la tempête.
« Et si tu veux m'en parler, je t'écouterai », termina-t-il.
Le Verseau sembla jauger la proposition.
« Un jour peut-être, lui dit-il dans un souffle. Là tout de suite, je ne pourrai pas, Milo. Je sais que je n'y arriverai pas. »
Le Scorpion lui rendit un simple regard désolé.
« Embrasse-moi, Milo, lui intima Camus avec un air perdu. La seule chose dont j'ai envie, c'est d'être avec toi. »
Le grec ne se fit pas prier. Il posa ses lèvres contre celles du français, déjà grisé, et éperdument amoureux.
Tant qu'ils seraient ensemble, ils pourraient tout surmonter.
« Il m'avait semblé avoir spécifié pas de cosmos et discrétion absolue », tonna la voix mécontente du Grand Pope.
Après une nuit pleine de douceur pendant laquelle Milo avait été aux petits soins avec Camus, l'heure était ce matin-là aux explications musclées, avec le compte rendu de mission. Les deux chevaliers d'or s'étaient rendus au Palais du Pope, et Camus, malgré l'émotion qu'il ressentait toujours et l'horreur que lui faisaient ressentir ces souvenirs, avait raconté d'une voix plate le déroulé de sa quête, et tendu la bague de la discorde à son supérieur. Celui-ci, en comprenant que la mission avait fait une victime et que celle-ci avait clairement été attaquée par un chevalier d'or, ne fut pas mis de bonne humeur.
« Et je peux savoir ce que tu faisais là, Milo du Scorpion ? gronda sa voix colérique en direction de l'intéressé. Tu es censé garder ton temple ! Cette tâche était confidentielle et uniquement confiée au chevalier d'or du Verseau ! Qu'est-ce que tu as à me dire pour ta défense ? »
Milo soutint la tirade du Grand Pope sans ciller. Cela n'eut pas l'air de l'impressionner beaucoup.
« Camus était en difficulté, se justifia-t-il simplement. Vous connaissez notre entente, Grand Pope, nous fonctionnons particulièrement bien ensemble lors de nos missions. Son cosmos m'a envoyé un appel à l'aide. Je me suis simplement rendu sur place pour lui prêter main-forte. J'avais peur que cette femme ne se joue de lui et ne lui donne jamais cette bague. »
Milo marqua un silence. Il savait bien que son écart ne serait pas sans conséquences.
« J'ai voulu régler la situation plus vite. J'ai commis un impair. Mais soyez assuré qu'il y a peu de chances que quiconque la croie quand elle racontera ce qu'elle a vu. »
Le Grand Pope sembla jauger les paroles de son Scorpion en titre.
« Camus du Verseau. Qu'en penses-tu ? fit le chef du domaine en se tournant vers lui. Cette femme représente-t-elle une menace pour notre domaine ? »
L'intéressé savait bien que non. Emilie de Richier était une riche parisienne amatrice de légendes en tout genre, et personne autour d'elle ne la croirait si elle se mettait à raconter que deux personnes avec des pouvoirs surnaturels l'avaient attaquée d'un seul coup. Les médecins qui l'avaient prise en charge en concluraient surement que son cerveau avait inventé une histoire surnaturelle pour se protéger du traumatisme.
« Si c'est le cas, je devrai l'abattre », continua le Grand Pope sans aucune pitié.
Le Verseau hocha négativement de la tête.
« La de Richier ne représente pas de danger, annonça-t-il d'une voix ferme. Malgré l'intervention de Milo, elle m'a effectivement donné cette bague elle-même. Sa famille est habituée à ce qu'elle raconte des rumeurs étranges. J'ai dit aux médecins qu'elle avait été attaquée par des cambrioleurs. Ils croiront sans mal que le choc lui fera raconter n'importe quoi. »
Il y eut un silence.
« Peut-être même qu'avec le temps, Emilie de Richier croira elle-même avoir inventé ce qu'elle a vu. »
Le Grand Pope ne répondit pas tout de suite. Derrière son masque, il semblait analyser les paroles de ses subordonnés. Visiblement, il était en plein dilemme.
« Bon. Ça ira pour cette fois, siffla-t-il, mécontent malgré tout. Je ferai surveiller cette femme à l'avenir. Milo du Scorpion, c'est un avertissement. Si j'entends à nouveau que tu es intervenu sur une mission qui ne te concerne pas, je te le ferai regretter. Quant à toi, Camus du Verseau, félicitations pour la réussite de ta mission. Athéna bénit ton courage. »
Les deux chevaliers d'or s'inclinèrent.
« C'est tout. Vous pouvez disposer » fit le Grand Pope avec un signe de la main.
Les deux hommes ne demandèrent pas leur reste et quittèrent prestement les lieux.
« Merci d'être venu avec moi, Milo.
- C'est normal, Camus. Il était de mon devoir de répondre de mes actes. Fais attention à toi, quand tu retourneras en Sibérie.
- Tu sais, à part un disciple qui fait des cauchemars et trois pingouins, il n'y a pas grand-chose qui pourra m'occuper là-bas. »
Milo pouffa. Camus avait dit ça sans faire le moindre sourire, pourtant le grec savait bien que ce dernier était intérieurement amusé.
« Camus, il faut quand même que tu me promettes une chose, lui demanda le huitième gardien avec un air très sérieux.
- Oui ?
- Ne laisse plus personne te manquer de respect de ta vie. Même si tu as des ordres.
- Milo, et si le Grand Pope…
- Je serai là. Et je préfère encore que tu te prennes un blâme plutôt que de te retrouver comme ça une nouvelle fois. »
La mine mélancolique du Verseau le renseigna sur le fait que malgré toute sa volonté, il ne se remettrait pas de sitôt de cet épisode. Milo savait qu'il avait raison de lui demander une telle chose.
« Je te le promets, Milo. »
Camus le regarda, un air solennel au visage.
« Sur mon honneur de chevalier d'Athéna, appuya-t-il encore.
- Merci », fit Milo avec un signe de tête.
Il y eut un silence entre les deux hommes.
« Je ne te remercierai jamais assez de m'aimer, murmura le Verseau d'une toute petite voix. Qu'est-ce que je ferais sans toi, Milo…
- Tu te débrouillerais très bien, lui assura le Scorpion avec un joli sourire. C'est moi qui serais perdu si tu n'étais pas là. »
Les deux chevaliers se regardèrent, une belle lueur complice et amoureuse dans les yeux.
« Quand je te vois, je me rappelle qui je suis et pourquoi je combats, lui affirma le onzième gardien avec un sérieux touchant. Merci d'être là. »
Milo resta suspendu à ses lèvres. Il contempla ce beau visage lui dire des choses tout de même rares. L'écho de sa belle voix s'échoua dans ses oreilles avec délice.
Voyant son air complètement guimauve, le Verseau n'y tint pas. Il ne prit même pas la peine de regarder autour d'eux s'ils pouvaient être vus. D'un geste impulsif, il attira Milo à lui et l'embrassa sans sommation. Milo fondit contre sa bouche, littéralement aux anges.
« Je t'aime, Milo.
- Je t'aime aussi, Camus. »
A deux, ils seraient toujours là pour se sauver.
FIN
Pour Ninanina, si tu vois ceci : Merci beaucoup d'avoir pris le temps de commenter cette histoire, tout retour pour moi est toujours positif! Pour ce qui concerne Milo, comme tu l'as lu, j'ai effectué un changement, parce que je crois que je ne me le représente pas comme la première version du récit. J'ai fait assez court avec la scène à la fin dans la salle du trône parce que ce n'est pas le cœur de mon histoire et de ce que je voulais représenter, même si je voulais boucler la boucle on va dire. Et pour la guimauve, eh bien... J'avoue que j'avais envie d'un contraste quand même entre la première et la deuxième partie, ça me semblait important. En tout cas c'est toi que je remercie d'être passée par ici et de m'avoir lu.e et commenté.e ! C'est très encourageant pour moi !
