Par une belle matinée de novembre, Severus se promenait sur le chemin de Traverse. Des feuilles d'automne aux couleurs vives tombaient des rares arbres qui ornaient l'allée. Il lui paraissait incongru d'être de retour dans des boutiques pour des achats scolaires (il lui manquait, lui aussi, des plumes et de l'encre !). Il avait quitté les bancs de Poudlard il y a si peu, et il était admis comme professeur dans des circonstances si étranges. Soudain, il entendit une voix familière :

- Alors comme ça, tu vas être prof, hein ? Tu ne vas pas faire long feu sur l'estrade. Ils vont te manger tout cru, avec ta tête de déterré. Un conseil : met du cache-cerne, railla-t-elle.

Severus tourna sur lui-même. Bellatrix. Qu'est-ce qu'elle foutait là ? il la soupçonnait de mijoter un sale coup pour retrouver le Maître. Elle était trop enragée pour laisser le destin suivre son court, ou agir dans les limites de la légalité.

Elle faisait partie de ces gens attirés par les eaux troubles, embrasés qu'ils étaient. Les vapeurs toxiques de marais soupirants valent parfois mieux que le désordre qui vous a emmené si loin des vôtres. Avec un peu d'imagination, on peut se croire enrobé de l'encens d'un lieu de culte.

Bellatrix avait un temps investi ces marécages intérieurs impénétrables si on ne voit pas les Sombrals, ces abîmes de réflexion dans lequel vous plonge un instant la dépossession de la vie d'autrui. Meurtre est encore un terme trop cru. Si on veut encore se regarder dans le miroir, autant trouver a posteriori une raison à ses agissements. Bellatrix disparaissait des jours entiers dans les marais écossais, de chair et d'os ceux-ci, espérant que leurs spectres se mêlent aux siens. Dans une seule magistrale hallucination collective, ils lui dicteraient que la loi du plus fort est une philosophie qui vous laissera indemne.

Elle voyait sûrement quelque chose de son futur, dans ces bulles qui s'élevaient de la tourbe, celle où l'on sacrifiait autrefois aux Dieux de la lande. Ces émanations brunes et brûlantes semblaient propulsées par une lave souterraine. Elles attendaient un signal pour se muer en gargantuesques marmites grouillantes un maelström rugissant, grisant, qui engloutirait Bellatrix, la grignoterait jusqu'à la moelle des os et la recracherait sur la rive, re-née de la glaise originelle de l'humanité.

Pure.

Ou Bellatrix était-elle l'ainée offerte à la vilaine fée, en la personne du Maître ? Severus n'avait jamais démêlé à quel point elle avait voulu devenir Mangemort, et à quel point elle s'en était convaincue une fois que la Marque, immortelle, avait été apposée sur son bras d'albâtre au sang, parait-il, bleu.

On accusait souvent Bellatrix de jouer avec sa proie avant de la manger, mais Severus savait bien qu'une fille de bonne famille avait appris à ne pas jouer avec la nourriture : elle la soupesait. A ses débuts dans les rangs du Maître, elle vérifiait que sa victime n'avait vraiment rien qui mérite son indulgence, qu'aucune rédemption n'était envisageable, avant de l'abattre. L'honneur, qualité éminemment humaine, ne se révélait chez Bellatrix que si elle en percevait chez sa victime, si elle parvenait à ne plus la percevoir comme un animal, fusse-t-il moldu. Si le prisonnier résistait, ne lâchait pas un mot, qu'il préférait mourir plutôt que trahir, elle l'achevait sans plus de cérémonie.

Ce qui avait commencé comme un test, un dernier remord devant la sauvagerie qu'elle s'observait déployer, avait dégénéré bientôt en plaisir. En voulant se prévenir de toute cruauté inutile, Bellatrix s'était montrée si inventive, qu'avec les encouragements du Maître (enchanté de jouer les Pygmalions), il était inévitable qu'elle bascule du côté du sadisme assumé. L'attrait de l'interdit, de la preuve à apporter, voilà ce qui animait Bellatrix.

L'opprobre du sang impur avait dû être son atout principal, pensa Severus, cette fois absurde où ils avaient couché ensemble, après une attaque pendant laquelle ils avaient achevé en un tournemain une famille entière de Traitres à leur Sang. En dépit de la nature éminemment physique de l'acte, il ne parvenait jamais à trouver cet événement réel.

Leurs chairs, tristes dès le déshabillage, s'étaient glissées l'une sur l'autre, fugacement, une esquisse de sensualité, à chérir ou à honnir le lendemain mais aucun n'avait réussi à s'imprimer sur l'autre. La pénétration ne changeait rien à cet état de fait. Un simple emboitement signifie peu, à part un manque de créativité sexuelle.

Ils avaient si peu en commun que l'inverse eut été étonnant. Aucun des deux ne se berçait d'illusion quant à ce qui les animaient : plus que le désir charnel et le soulagement de l'extase, ils voulaient conquérir encore après leur coup d'éclat d'il y a quelques heures. D'un accord tacite, il n'y aurait qu'une seule nuit, car personne ne visite deux fois un cabinet de curiosité : on en a trop vite fait le tour.

Ils avaient chacun dépassé leurs propres limites, sans franchir celles de l'autre. Severus ne voulait pas plus détruire Bella qu'elle à son encontre. Ils voulaient goûter au fruit défendu en sachant déjà qu'il ne serait pas à leur convenance, de la même manière qu'on va dans des dîners mondains dont on sait pertinemment qu'on détestera les invités, pour le simple plaisir de ricaner par la suite des perles de la soirée.

A la différence qu'ils n'en parleraient à personne. Ils égrèneraient pour eux-mêmes cet événement sur le long chapelet de leurs expériences. Ils se le remémoreraient à la manière d'un propos abscons, s'il est particulièrement brillant dans sa philistinerie.

Cet instant rejoindrait dans leur esprit respectif le rang des anecdotes saugrenues, voire sordides, survenues dans l'enfance, et qu'on ne pourra jamais expliciter. Pour cause de témoins décédés ou de secrets de famille, un souvenir est délayé jusqu'au flou artistique. Chaque déni, chaque mensonge par omission, chaque conversation en petit comité ajoute une touche d'aquarelle, et bientôt la famille entière a dessiné un cadavre exquis si confus qu'on ne démêle plus qui a lancé telle rumeur sur l'oncle Untel, ou si le cousin Untel aurait vraiment osé faire ça (mais est-ce vraiment une rumeur ?).

Severus et Bellatrix chériraient ce souvenir, non pas pour ses qualités intrinsèques, mais pour ce qu'il représentait.

Ils s'étaient pratiquement battus pendant l'acte, ou plutôt, ils débattaient silencieusement, à travers le corps, de qui avait la main haute dans cette transaction, Bellatrix d'autant plus durement qu'elle était femme, Severus d'autant ouvertement plus qu'il se savait laid et de Sang-mêlé.

Severus n'en attendait pas moins d'elle. Il aurait été déçu si le sexe n'avait pas reflété le reste de leur relation, coup de coude filés en douce et croche-pieds à tire-larigot, physiques ou symboliques. Chaque insulte qu'elle avait proférée à l'encontre de ses origines humbles, il le lui repayait en faisant attendre le plaisir chaque sous-entendu prétendant qu'elle n'était là que par option canapé avec le Maître, elle le lui rendait par une caresse trop appuyée, par une maladresse calculée. Elle lui faisait miroiter les délices auxquels ils auraient pu s'adonner. Elle ne cédait pas un pouce de terrain au gueux, il ne s'attendrirait pas jusqu'à la surnommer « Bella ».

Ils tenaient leur rang.

Severus ne croyait même pas que le Seigneur des Ténèbres culbutait Bellatrix ! Elle vénérait le Maître comme une icône orthodoxe, dont les pigments auraient été broyés non pas à l'aide d'os de saints, mais avec ceux des ennemis que Bellatrix amenait à son trône. Son admiration débordante pour le Maître aurait dénigré la simple idée de l'acte charnel : il aurait nécessairement égratigné la fine feuille d'or dont elle l'auréolait si chastement.

Par ailleurs, son mari n'avait clairement aucun attrait pour les femmes. Après une première tentative désastreuse, ils avaient décidé que chacun irait de son côté. Bellatrix enchaînait les amants de passage. Elle séparait clairement Bellatrix Lestrange née Black et Bella, qui cherchait juste à satisfaire un besoin physiologique et à oublier ses soucis, toujours de manière très délimitée. Elle ne serait pas descendue jusqu'à niquer avec un Sang-de-Bourbe, mais éviter les Sang-purs, petit village chez qui les rumeurs couraient vite, était une stratégie qui se défendait. Severus ne pouvait se permettre de la juger, du haut de ses expériences toutes plus gênantes les unes que les autres, expédiées pour ne pas s'appesantir sur sa maladresse.

Si les Mangemorts insistaient tant pour propager cette sottise, c'était par un mélange de sexisme et d'envie de la position de Bellatrix, mais surtout, à cause d'une incompréhension fondamentale. Le degré de dévotion variait beaucoup d'un individu à l'autre. Barty Croupton Junior valait son pesant de Gallions en termes de fanatisme, et pourtant, on ne l'accusait guère de partager la couche de son Maître. Peut-être les Mangemorts ne se figuraient-ils pas que le plus grand amour dans la vie d'une femme ne soit pas nécessairement d'ordre romantique, ni filial. Ils auraient eu bien fait de se renseigner sur les religieuses moldues, « épouses du Christ », et sur leurs confrères, les moines-soldats. Bellatrix, par-delà les époques et les milieux, en offrait une synthèse pour le moins détonante.

La furtivité de l'évènement ne faisait qu'accroître le désir des deux aventuriers : si dans l'imaginaire collectif, la chambre est un délicieux cocon, un rempart, ni Severus ni Bellatrix n'adhéraient à cette vision ouatée du sexe. Justement, une parenthèse est un lieu de concentration de l'information. L'érotisme n'avait pas sa place entre eux : l'objectif était d'exacerber tout ce qui faisait leurs rapports. Ils concentraient la fascination mêlée de dégoût qu'ils avaient l'un pour l'autre, la précisait, la mettait en exergue jusqu'au paroxysme du plaisir.

Si la libido de Severus était indifférente à la bataille, celle de Bellatrix s'éveillait sans équivoque quand elle était en danger. Les yeux brillants, souffle plus court que n'importe quel autre soldat, le bonheur de la guerre se faisait presque érotique. Severus avait un temps cru que les rumeurs n'étaient que l'œuvre de mauvaises langues, qui feraient d'ailleurs mieux de se tourner sept fois dans la bouche de leur propriétaire : ses collègues masculins n'étaient pas en reste dans le rayon « fantasmes malsains ». Severus en savait quelque chose, en tant que Légilimens.

Bataille après bataille, il avait constaté de ses propres yeux que Bellatrix vivait pour la souffrance, reçue ou infligée, tant et si bien qu'il avait été étonné qu'elle ne lui demande pas explicitement de tenter des scénarios de domination une fois au lit – maintenant qu'il y pensait, c'était presque ce qui s'était passé, sans jamais le formaliser. Le sadomasochisme demande négociation préalable et rôles définis. Or, Bellatrix n'était pas là pour jouer mais pour gagner. Elle s'était battue à main nue, sans tout le tralala propre au SM.

Match nul.

Mauvais joueur, Severus avait attendu son endormissement pour attraper au vol des pans entiers de son existence, ceux qu'elle ne savait pas encore abriter derrière son occlumancie. Elle ignorait qu'il avait assisté à la collision entre deux mondes, celui de l'aristocratie et de ses terres somnolentes et celui, redoutable, de la nécessité de se battre pour défendre leurs privilèges.

L'identité Sang-Pur se diluait, presque mécaniquement, à chaque nouveau mariage mixte, il fallait de toute urgence mettre le poing sur la table : autant faire s'écrouler le château de cartes et le rebâtir, plutôt que de le laisser s'embourber, être recouvert du lierre qu'est le mélange. La plante avait déjà atteint les plus hautes sphères de l'Etat, un simple Sang-mêlé avait récemment été élu Ministre de la Magie. Quelle était la prochaine étape ? un Sang-de-Bourbe ? Un elfe de maison ? les grandes familles devaient rester la pierre d'angle de la société sorcière, ou tout serait perdu.

Cependant, Bellatrix ne se battait pas uniquement pour sa classe, pour des biens ou des honneurs. S'il ne s'était s'agit que de ça, elle serait restée une silhouette encapuchonnée parmi tant d'autres, sagement en arrière. A quoi bon se démener si l'on meurt sans avoir profité du fruit de ses efforts ? Bellatrix avait effectué ce calcul, puis l'avait délibérément ignoré.

Une politique de la terre brûlée, maintes et maintes fois cultivée par sa famille puis par le Maître, avait fait de Bellatrix un être insatiable. Elle se précipitait vers le destin de toute sa famille aux noms placés sous le signe des astres incandescents : la métamorphose en trou noir. Lors de son éducation et de son entrainement, des brimades répétées avaient brouillé les frontières entre absence de punition et présence de tendresse. Elle était prête à recevoir tout signe de reconnaissance, y compris la pire Marque. Elle les enterrerait tous, plutôt que de sombrer elle-même avant son heure. Personne ne méritait mieux le titre de Mangemort qu'elle.

La mémoire de Severus refusait d'admettre qu'ils avaient réellement couché ensemble. Avait-il vraiment caressé son corps doux et chaud ? Était-ce bien lui qui lui avait léché la chatte avec enthousiasme pendant qu'elle lui rendait la pareille, allongés sur le lit à baldaquin de Bellatrix (elle pouvait momentanément s'abaisser à baiser en-dessous de son rang, mais pas en-dessous de son confort) ? Ils avaient joui avec une rapidité incontestable, couple pourtant si mal assorti qu'il en devenait cocasse, voire grotesque.

La seule chose qui le rassurait quant à sa santé mentale était la suivante : il aurait été tout bonnement incapable d'inventer une histoire aussi tordue. Il était, pour reprendre les mots d'un certain grand écrivain japonais, un homme sans imagination. Ses fantasmes sexuels, tous plus basiques les uns que les autres, n'avaient jamais compris une femme fatale.

L'idée était venue d'elle, il n'allait pas dire non : entre son physique ingrat, son caractère de cochon et son Sang inférieur, il avait du mal à trouver partenaire. Au moment du premier baiser, il se disait déjà que c'était une folie. N'empêche, il avait envie de voir jusqu'où Severus Rogue, grand coincé devant l'Eternel, à peine foutu de demander ouvertement à une femme si elle voulait bien lui tailler une pipe, était capable d'aller.

Son corps malingre avait handicapé Severus dès l'école primaire. Le préjugé contre le laid était particulièrement vif chez les enfants, à qui le concept de vie intérieure échappe encore. Plus il grandissait, et plus Severus constatait l'arbitraire de la génétique et des standards de beauté, qui semblaient avoir conspirés contre lui pour en faire un paria avant d'avoir ouvert la bouche.

Comparer la beauté (surtout féminine) à une arme est peut-être un cliché, mais il appert rapidement dans la vie d'un individu moche, indépendamment de son sexe, qu'il lui manque un bouclier. Les premières impressions ne pardonnent pas, surtout couplées à une posture nulle, et à des vêtements qui crient la pauvreté et la négligence parentale. Pas sportif pour un sou, tâchant de raser les murs, cela n'avait pas suffi à sauver Severus de l'ire des Maraudeurs. Personne ne s'était demandé pourquoi un enfant de onze ans se protégeait sous des cheveux gras et des connaissances dérangeantes en magie noire.

Severus avait brièvement désiré Bella. Il désirait plus encore son assurance pendant l'amour (si on peut appeler ça comme ainsi, dans leur cas). Il était privé de son sarcasme chéri par le laconisme de leur échange. Dénudé, il était à la merci d'une femme qui l'avait emmené sur son territoire, son lit.

Bella incarnait une beauté à la fois classique et iridescente, changeante à chaque seconde. Elle coulissait contre lui, sa peau veloutée l'enrobait de son toucher précis. Il se sentait comme un serpent en mue perpétuelle, n'atteignant jamais une épaisseur de peau présentable.
Elle n'avait honte de rien. Elle se savait objectivement impeccable. Il se savait objectivement repoussant.

Ils avaient pris une douche chez elle juste avant, pour se défaire de la saleté et de la sueur de la bataille. Quand il sortit rhabillé de la salle de bain, Bella l'attendait déjà nue sur le lit, allongée sur le ventre, la tête sur les mains, battant des jambes avec impatience. Un sourire gourmand sur le visage, elle savait pertinemment que ses fesses rebondies et ses seins, qu'on devinait entre ses bras, faisaient leur petit effet. Severus avait retiré ses vêtements comme s'il allait chez le médecin, comme si on allait encore lui dire que quelque chose clochait.

Le cerveau du jeune homme considérait sans doute cet événement comme une déchéance, une fâcheuse conséquence de l'adrénaline du combat. Il se voyait de l'extérieur, faussement assuré, détectant la moindre faille dans son attitude et dans celle de sa partenaire. Il se souvenait de chaque détail, de ce qu'il avait cru deviner à travers eux. Néanmoins, le sexe n'occupait, au bout du compte, qu'un fragment fugace de son esprit. L'échange de fluide avait moins marqué Severus que les pérégrinations d'un esprit qui commençaient à perdre pied dans des sables mouvants.

Pendant qu'il rêvassait, Bellatrix le trainait par le bras vers une allée adjacente, plus tranquille. Seul un rat trainait dans le coin. Severus le tua aussitôt d'un Avada ferme : il ne pouvait prendre le risque d'un espion Animagus) :

- En effet. Que comptes-tu faire de ton temps, à présent, Bellatrix ? pas tourner en rond dans ton Manoir en te lamentant, j'espère. Moi, de là où je me trouverai, je continuerai mes recherches.
- C'est ce qu'on dit...
- Évite de commettre un acte téméraire, Bellatrix, tu ne seras d'aucune utilité à Azkaban. Je ne crois pas que le Seigneur des Ténèbres apprécierait de t'y ramasser en loque.
- Oh, on se fait du souci pour moi, Sevichou ? au fait, nous n'avons pas parlé seul à seul depuis le 5 juillet, mais il faut croire que je t'ai plu si tu reviens vers moi si à propos ?
- C'est toi qui es venu me parler, pour le rappel. Et je crois que nous devrions laisser certaines choses dans le passé.
- Il parle comme un traître... murmura-t-elle, comme en aparté.
- Ma loyauté est envers le Maître, pas envers toi, Bellatrix. Tu te crois donc si extraordinaire que tu penses que je vais ramper à tes pieds ? j'ai un honneur, figure-toi.
- Je ne suis pas là pour tes prouesses. Je plaisantais tout à l'heure, évidemment. Mais pour demander si tu vas m'aider, oui ou non?
- Tout dépend de ton plan. Te connaissant, il est foireux.
- J'ai remué terre et ciel, au lieu de faire le toutou de Dumbledore, et voilà ce que j'ai découvert.

Elle lui colla une copie d'un certificat de naissance sous le nez.

- Neville Londubat. Voilà qui nous devons attaquer. La date correspond à la prophétie.
- La preuve est faible. Qui te dit que l'assassiner sera utile au Maître ?
- Je n'en suis pas sûre, mais c'est notre seule piste.

Il se fixèrent indéfiniment, en chien de faïence, comme ces duels de regards que les enfants affectionnent tant. Le temps se faisait dense autour d'eux, âpre, vibrant. Un élastique tendu entre les doigts d'un petit, qui veut en tester les limites plutôt que de le mettre dans ses cheveux. Bellatrix ne cillait pas, ses paupières pétrifiées.

D'un coup, Bellatrix prit la mâchoire de Severus entre ses mains.

Sous ses gants de velours noirs, elle le maintenait fermement en place, tourna sa tête d'un côté, puis de l'autre, jaugeant des qualités souterraines, sûrement juchées entre la chair et l'os. La peau de Severus le picotait sous le regard de Bellatrix, mais il ne réagit pas, trop sonné.

Sur un ton détaché, embrumé, elle asséna la sentence :

- Exactement ce que je pensais. Une mauviette. Tout juste bon à baiser pour le frisson, incapable de prendre des risques.

Elle transplana avant qu'il réplique. Ce qui, dans le fond, arrangeait Severus.

Depuis la mort de Lily, il lui semblait que lui aussi était aspiré par une sorte d'ouragan, que rien en ce monde ne pouvait colmater cette brèche. S'il était rongé de l'intérieur, Severus refusait de prendre le même chemin que Bellatrix. Il fallait qu'il regarde en face son acte, et tente de le réparer. Il envoya aussi un message par Patronus à Dumbledore au sujet des Londubat.

Il savait que d'un point de vue extérieur, cet interlude bizarre avec Bellatrix ne le présentait pas sous son meilleur jour. Qu'il serait retenu contre lui. Et pouvait-il blâmer ses interlocuteurs imaginaires ? Partager le lit du bras droit du Seigneur des Ténèbres n'augurait rien de bon au sujet d'un individu, quelques que soient les raisons premières de son geste. Pourtant, avec le recul, cette nuit avait marqué un premier jalon vers la réalisation de son erreur.

Il aurait remercié Bellatrix, si elle n'était pas déjà partie.

Note:

Merci d'avoir lu jusqu'ici! J'espère que ça vous a plu, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé en commentaires!

Si vous vous demandez pourquoi j'ai eu cette idée : je voulais écrire le Bella/Severus le plus "crédible" et proche du canon possible (enfin, le moins crack possible, voyons-le plutôt dans cet ordre-là), donc j'ai tenté de trouver le missing moment le moins bizarre du canon pour qu'ils aient :
1) l'idée
2) l'envie
3) les moyens
de coucher ensemble sans commettre un meurtre mutuel.

Un IMMENSE MERCI à mes betas : Luna_grise, Xyxo_The_Ghost, Emilie, Esther et Denis !