Hello !

Et nous revoilà après une longue pause, si bien que je vais vous faire un petit résumé des faits pour faciliter votre lecture :)

Un 6 juin, l'agent de Kise signale sa disparition. Cinq jours plus tard, la nouvelle parvient à Aomine et Kagami, qui vivent leur meilleure vie dans le Tennessee, l'un en tant qu'adjoint du shérif, l'autre en tant que Ranger au parc national des Smoky Mountains. Ils découvrent rapidement qu'Akashi est déjà sur l'affaire et décident de le rejoindre à L.A. le 14 juin.

Sur place, ils découvrent les éléments suivants :

- Akashi est au courant de la disparition depuis le lendemain du signalement, mais n'a rien dit.

- Kise a disparu suite à une soirée arrosée chez un producteur à Beverly Hills. Il serait parti en voiture, avec un dealer du nom d'Adam Keller, dont on a retrouvé la voiture à Hyde Park à Los Angeles, mais pas de traces du dealer lui-même.

- Le portable de Kise a borné une première fois à Oceanside, au sud de L.A, le 8 juin, soit deux jours après le signalement de sa disparition, puis à Julian, le 13, à environ 200 km au sud-est de L.A. Un retrait de 5000 dollars avec sa carte a également été effectué ce jour-là, mais on ne sait pas si c'est bien lui qui en est à l'origine.

- En dehors du fait que Kise soit parti avec un dealer, on soupçonne que l'affaire est liée à la drogue parce que Kise a eu des problèmes avec ça et en a potentiellement toujours.

Dans le dernier chapitre, Aomine et Kagami sont partis à Julian dans l'espoir que la piste soit encore fraîche, ont déposé des avis de recherches et ont acheté la presse locale, qui ne leur apprend pas grand-chose mais nourrit leurs réflexions sur ce que pouvait bien cacher Kise et sur ce à quoi pouvait bien vraiment ressembler sa vie, au-delà des apparences.


CHAPITRE SEPT

I

Adam Keller n'arrivait pas à croire que cet enfoiré de DiSantos lui tourne le dos. Des années qu'ils échangeaient des bons procédés, et maintenant qu'Adam se retrouvait en mauvaise posture, l'autre le lâchait ! Certes, il n'était encore jamais arrivé que l'un de leurs gros clients s'évanouissent dans la nature avec sa tête qui faisait la une des journaux. Adam donna un coup de pied rageur dans une canette vide qui roula mollement jusqu'à s'échouer dans le caniveau. Il ne pouvait pas rentrer chez lui, et il avait laissé son Audi à Los Angeles. La vérité, c'est qu'il n'avait nulle part où aller. Adam était le genre d'hommes à avoir toutes sortes de connaissances, mais peu de personnes à qui se fier. Sans compter qu'il était en cavale, il avait besoin d'un endroit discret, une planque. DiSantos aurait été sa meilleure option. Il enfonça les mains dans ses poches, fixant le bitume crasseux d'un air sombre.

La fête d'Oceanside avait été un désastre. Il aurait dû le voir venir. Bêtement, il croyait pouvoir faire confiance à DiSantos, qui possédait une villa cossue avec vue sur la mer. Ce salaud ne méritait pas de se faire plus d'argent que lui. Ce n'était qu'un beau parleur. Lui, il savait se montrer professionnel. Plus d'une fois, il avait rattrapé les bourdes du migrant italien qui ne jurait que par sa Sicile natale et les filles en bikini. Adam Keller, lui, faisait dans la discrétion.

Ancien vendeur de voitures sans autre futur que davantage de Maserati refourguées à des gosses de riches, il avait commencé à dealer pour arrondir ses fins de mois, après avoir goûté à la coke qui l'aidait à remplir ses « obligations de résultats » martelées par le patronat. Au début, ce n'était pas grand-chose, juste du petit deal pour un cercle restreint de connaissances. Et puis, il s'était montré plus gourmand. Il avait commencé à diversifier son offre. Il y avait tellement de demande, pourquoi rester un petit business quand on peut atteindre les hautes sphères ? C'était à cette époque qu'il avait fait la connaissance de DiSantos. Ils s'étaient croisés à une de ces fêtes VIP comme il y en avait tant dans les beaux quartiers de Los Angeles. Le courait était bien passé entre les deux hommes, et peu de temps après, ils faisaient affaire, partageant leurs contacts et parfois leurs bénéfices sur des opérations conjointes.

Honnêtement, Adam Keller n'avait jamais accordé trop de temps de réflexion au caractère moral – ou immoral – de ses activités. Au fil de ses années en tant que vendeur automobile, il avait développé une colère sourde qu'il ignorait la plupart du temps, mais qui parfois explosait quand il forçait sur la boisson ou la coke. Son intensité le surprenait chaque fois, mais il l'oubliait bien vite en la mettant sur le compte des substances. Pourtant, aujourd'hui Adam était en colère, et parfaitement sobre. C'était injuste. Ce n'était pas sa faute si Kise avait disparu. Et même si c'était le cas, qui s'en foutait ? C'était un junkie. Beau, riche, menant la belle vie, mais incapable d'apprécier ce qu'il avait, comme tous les autres. Le mannequin avait perdu les pédales à Oceanside. Il lui avait demandé un autre sachet. Il le lui avait donné. Il était dealer, non ? Pas Mère Teresa.

Il fronça les sourcils, essayant de se rappeler les détails de cette soirée, ou plutôt ces jours de débauche au cours desquels lui-même s'était quelque peu laissé aller. C'était ce foutu DiSantos. Quand on était près de lui, on avait tendance à oublier ses bonnes résolutions. Il devait accorder ça à l'Italien : son sens de l'hospitalité dépassait de loin celle de bourges comme Rick Bell, le producteur ventripotent de la soirée de Beverly Hills qu'il avait quittée en compagnie de Kise et d'une autre paumée. Chez DiSantos, il y avait toujours un festin et un bar apparemment impossible à vider. Des stripteaseuses, des escorts, une piscine, des chambres à ne plus savoir quoi en faire, et même une immense salle de jeu où toutes les dernières technologies, consoles, casques de réalité virtuels vous assuraient de ne jamais vous ennuyer. On y faisait aussi des parties de poker légendaires où Adam s'était déjà retrouvé noyé dans les liasses de billets. Bref, c'étaient des vacances de luxe tous frais payés.

Il était resté quelques jours. Il lui semblait bien qu'à un moment donné, Kise s'était plaint de ne pas retrouver son téléphone portable. Il avait dit quelque chose à propos du fait qu'il était censé être au boulot. Mais encore une fois, Adam était son dealer, pas sa baby-sitter. Il connaissait le mannequin depuis plusieurs mois, le travail de ce dernier l'amenant de plus en plus souvent à la Cité des Anges. Ils faisaient affaire, rien de plus. Adam n'était en rien responsable de ce qui lui était arrivé. Il n'était même pas sûr du moment où il avait quitté la résidence de DiSantos, mais il lui semblait que c'était le 8, soit le surlendemain de la soirée de Beverly Hills. Quelques jours plus tard, Adam avait découvert les articles de presse. Et compris que la police serait rapidement sur ses traces. Si seulement il n'avait pas laissé cette foutue Audi à Hyde Park ! En sortant de chez Rick Bell, ils s'étaient juste arrêtés là-bas pour qu'il refasse ses stocks, et puis, DiSantos était apparu et leur avait proposé de les emmener chez lui à Oceanside.

« Je te ramène quand tu veux, lui avait-il dit. Tu devrais pas conduire de toute façon, tu es saoul. »

Ça l'avait mis en colère, suffisamment pour qu'avec le recul, il sache que c'était vrai. Mais DiSantos avait une manière bien à lui de désamorcer ses pétages de plomb, et avait qu'il ne s'en rende compte, il était monté à bord de sa Maserati – le destin ne manque jamais d'ironie – en compagnie de Kise, mais sans la paumée qui avait préféré rester avec les junkies du coin. Le mannequin ne savait sans doute pas où était Oceanside, ou plus probablement, s'en fichait. Il voulait juste finir la soirée ailleurs. Voilà, c'était là la seule faute qu'Adam avait commise : l'emmener à Hyde Park, et laisser DiSantos l'embarquer. La police verrait sûrement des motifs cachés à ses actions, alors qu'il n'avait fait que rendre service à un type qui ne voulait pas rentrer chez lui, mais qui ne voulait pas non plus rester chez Rick Bell. Et pourquoi ? Adam n'en avait pas la moindre foutue idée. Il ne se mêlait pas de la vie de ses clients. Avec le recul, pourtant, il se disait que quelque chose avait dû pousser le mannequin à quitter cette soirée : le blond avait eu l'air plutôt pressé de mettre les voiles.

Seulement, ça n'avait rien à voir avec lui. Et maintenant, son nom était associé à l'affaire. Si on ne le coffrait pas pour enlèvement, il tomberait pour trafic de drogues. Ces foutus bourges l'avaient balancé, et même s'il n'y avait que leurs témoignages, c'était déjà trop pour un dealer comme lui. Son ego n'y ferait rien il manquait d'envergure, de contacts pour s'en sortir indemne. Il aurait dû le voir venir.

Il était dos au mur. Et ça le rendait hargneux. Trop pour son propre bien.

II

Le soleil s'était levé depuis un bon moment déjà, mais Aomine et Kagami étaient restés au lit dans leur chambre de motel, perturbés par les lectures de la veille et sans aucune piste valable à suivre. Cependant, Aomine était déterminé à trouver un moyen de tirer parti de son expérience de flic. Il ne pouvait pas vraiment s'impliquer dans l'affaire en cours, mais il pouvait mener sa propre enquête. Il devait trouver un maximum d'informations sur les événements survenus avant la disparition de Kise, dans les semaines et les mois qui précédaient. Comme le pensait Kagami, s'il en apprenait davantage sur l'état d'esprit du mannequin, peut-être que cela lui donnerait des pistes pour découvrir ce qui lui était vraiment arrivé.

Aussi, il commença par téléphoner à tous ses amis, même à ceux à qui il n'avait pas parlé depuis longtemps. Ce fut long et éprouvant. Renouer dans des circonstances aussi sombres n'avait rien de vraiment réjouissant. Personne n'avait eu beaucoup de nouvelles de Kise au cours des derniers mois, mais Aomine découvrit plusieurs éléments, notamment que son ami se rendait de plus en plus souvent à L.A. et que cette fois, il y était depuis un mois quand il avait disparu.

Il avait passé un long moment au téléphone, et Kagami était sorti patrouiller la ville, dans l'espoir d'y reconnaître Kise, qui s'y trouvait encore récemment selon leurs informations. Le brun jeta son portable sur le matelas et s'étendit en travers du lit en poussant un gros soupir. Les stores filtraient des rayons dorés striant les draps, il entendait le ronronnement de la climatisation et le marmonnement assourdi de la télévision de la chambre voisine, et pourtant le silence lui paraissait étouffant. Il se sentait à vif après ces échanges téléphoniques qui avaient remué bien des émotions, et en même temps, frustré, car une fois de plus, il lui semblait avoir fait chou blanc. Personne ne savait rien de substantiel. Les yeux clos, sourcils froncés, il se repassa les conversations dans l'espoir d'y dénicher un détail qui lui aurait échappé.

« Dai-chan ! Je voulais pas te déranger, mais j'attendais ton appel… »

Il sourit. Une fois de plus, il avait trop tardé à appeler sa meilleure amie, mais contrairement à sa mère, elle ne lui en tenait jamais rigueur.

« Ce qui me dérange, c'est qu'il ne postait presque plus sur les réseaux sociaux. D'une, c'est un passe-temps pour lui, de deux, ça fait aussi partie de son métier… »

Ok, ça c'était un détail bizarre. Aomine tâtonna pour retrouver son portable, puis se rendit sur les pages des comptes de Kise, où il ne put que constater la véracité des propos de Momoi. Les publications survivantes étaient tout ce qu'il y a de plus impersonnel. Et, remarqua Aomine, son intérêt soudain piqué, elles ne révélaient jamais rien de l'endroit où se trouvait Kise. Une étrange précaution pour le blond qui aimait documenter ses voyages.

Aomine passa mentalement à sa conversation avec Midorima.

« J'ai essayé de le contacter il y a quelques jours. Les signes n'étaient pas bons. (bla bla mystique) Chaque fois, son portable était éteint. »

Kise, avoir son portable éteint ? Ça, c'était encore plus étrange que sa relative absence sur les réseaux sociaux.

« J'avais un mauvais pressentiment. (bla bla mystique) La dernière fois que je l'ai vu, avant son départ pour Los Angeles, il m'a donné un pendentif en dent de requin en prétendant que ça me porterait bonheur, ce qui au passage est entièrement faux (bla bla mystique). 'Au cas où on se reverrait pas', a-t-il ajouté. Je lui ai demandé ce qu'il voulait dire par-là, mais il a haussé les épaules en souriant : 'On sait jamais ce que la vie nous réserve, pas vrai ?' »

Oui, ça ressemblait bien à un truc que pourrait dire Kise. Mais à la lumière de sa disparition, on pourrait voir bien des sous-entendus derrière ces mots inoffensifs. Kise se savait-il en danger ? Ou, comme Midorima, avait-il eu un genre de mauvais pressentiment ?

« Kisecchi travaille beaucoup, je crois. Il ne donne pas de nouvelles dans ces moments-là. Je ne me suis pas inquiété. Et j'ai pas vu le temps passer. Mais je crois qu'il voulait arrêter… Trop fatiguant, à force. »

Murasakibara avait été la seule personne à mentionner une possible fin de carrière, et cette nouvelle surprenait Aomine. Il lui semblait qu'il aurait fallu un cataclysme pour que Kise s'arrête. Il avait demandé à Mura comment il le savait :

« La façon dont il parlait du boulot. Comme d'un truc lointain. Détaché, c'est ça. Il était détaché. »

Ça ne ressemblait pas vraiment à Kise, qui s'était toujours investi énormément dans ce qu'il entreprenait, sa carrière en premier. Pour une raison qu'il ne s'expliquait pas vraiment, ce mot, « détaché », l'inquiétait plus que tout le reste. À croire que Midorima le contaminait avec son fichu mysticisme et qu'il commençait lui aussi à développer toutes sortes de mauvais pressentiments. Non qu'il soit étranger à ces derniers, mais en général, ils relevaient plutôt d'une intuition professionnelle. Cette fois, c'était différent. Depuis le début, il sentait dans ses tripes que quelque chose ne tournait pas rond.

« Je pense que quelque chose le préoccupait », avait dit Kuroko. « Comme un problème auquel on ne voit pas d'issue. Mais il refusait d'en parler. Je pense que c'était assez récent… Quelques mois. Son comportement avait changé. »

En quoi ? avait demandé Aomine.

« Je le trouvais moins spontané. Il regardait toujours son téléphone. Autour de lui, aussi. Comme s'il cherchait quelqu'un. »

Quelqu'un… Ce quelqu'un était-il responsable de ce changement d'attitude ? Quelqu'un en voulait-il à Kise ? Et si tout avait commencé au Japon, et non à L.A. ?

Aomine se massa le haut de l'arête du nez. Les témoignages de ses amis semblaient tous pointer dans ce sens. Kise s'était peu à peu renfermé sur lui-même, se détachant de ses relations sociales et semblerait-il de son travail, surveillait son téléphone et son environnement. Le mannequin avait dû, au moins d'une certaine façon, voir venir ce qui lui était arrivé. Et une personne inconnue en était peut-être responsable.

Il restait cependant une personne qu'Aomine n'avait pas interrogée. Akashi. Et il avait comme la sensation que ce dernier serait le mieux placé pour répondre à ses questions, même si, s'il en croyait leurs derniers échanges, il ne serait pas nécessairement facile de lui tirer les vers du nez.

III

Kagami rentra au motel en fin d'après-midi. Même s'il n'avait pas trouvé Kise, prendre l'air et se dégourdir les jambes lui avait fait du bien. Il accumulait trop d'énergie négative ces derniers jours, et ça le rendait nerveux. Chez lui au Tennessee, il avait l'habitude des longues marches, et quand il avait épuisé ses ressources physiques, il avait toujours la sensation que son esprit était plus clair. Rester à attendre n'était définitivement pas fait pour lui.

Il trouva Aomine penché sur un carnet de notes sur lequel il avait gribouillé des informations que le brun était probablement le seul à pouvoir décrypter. Il n'avait jamais été méthodique, et pourtant, il trouvait toujours un moyen de s'organiser, à sa manière. Kagami déposa un baiser dans ses cheveux en passant et disparut dans la salle de bain, anxieux de laver la poussière perpétuelle qui régnait dans la région et se collait désagréablement au corps et aux vêtements. Il ne s'attarda pas longtemps, cependant, impatient de savoir si Aomine avait découvert quelque chose. Il rejoignit la chambre les hanches ceintes d'une serviette blanche, et s'assit sur le lit aux côtés du flic. Celui-ci promena son regard sur lui d'un œil à moitié intéressé avant d'en revenir à ses notes, et Kagami lui demanda : « Alors ? »

Il écouta son homme sans l'interrompre, sourcils froncés, concentré. Ce qu'il apprenait était inquiétant, et pourtant, ça donnait du contexte à quelque chose qui jusqu'à maintenant semblait le pur fruit du hasard. Est-ce que tout cela avait un sens, finalement ? Est-ce qu'une série d'événements invisibles avait entraîné cette disparition ? En tout cas, il préférait cette idée, plutôt que, du jour où lendemain, son ami s'évanouisse de leurs vies, apparemment sans raison. Il y avait peut-être là une histoire à découvrir. Un récit plein de blancs, dont ils devaient remonter le fil jusqu'au tout début. Ils devaient découvrir quand et comment tout avait commencé.

Son cœur se serra. Il avait soudain tellement envie de parler à Kise. Pour de vrai, cette fois. Pas de banalités. La vie était allée trop vite. Et s'ils avaient laissé tout ça lui arriver ? Il déglutit. Il n'allait pas sombrer dans la culpabilité comme Aomine le faisait trop facilement. Ça n'apportait rien, et ce qui importait, c'étaient leurs actions présentes. Aomine avait raison : parler à Akashi semblait être la meilleure chose à faire.

Plus tard dans la soirée, après un échange de messages, ils parvinrent à s'organiser une visio. Assis au fond du lit, ils virent apparaître sur l'écran de l'ordinateur portable un Akashi fatigué, se trouvant apparemment dans sa chambre d'hôtel.

« Bonsoir, dit sobrement leur ami.

— Salut, Akashi, répondit Aomine. Bon, comme je te le disais… j'ai eu tout le monde au téléphone. »

Akashi continua de fixer son écran, imperturbable.

« On avait lu des trucs similaires dans les journaux, commença Kagami, et ils nous ont confirmé qu'un truc allait pas… Que Kise semblait déprimé, cherchait peut-être à arrêter, qu'il était plus vraiment lui-même… Si tu sais quelque chose là-dessus… On a besoin de réponses.

— Tu sais que les circonstances précédant une disparition sont capitales pour l'élucider », insista Aomine.

Akashi les contempla un long moment, lèvres serrées, et ils se demandèrent s'il allait les envoyer bouler. Puis, il soupira imperceptiblement.

« N'allez pas croire que je sais tout. Mais… J'ai ma petite idée sur la raison pour laquelle il avait réduit sa présence sur les réseaux sociaux. »

Aomine et Kagami échangèrent un regard, le cœur battant, et restèrent suspendus aux lèvres d'Akashi.

« Quelqu'un le harcelait, continua ce dernier. Je ne sais pas qui. Je pense que lui aussi l'ignorait. Il ne m'a pas parlé d'autre chose que du harcèlement en ligne.

— Quel genre de harcèlement ? demanda Aomine, les dents serrées.

— Je ne suis pas sûr exactement. Mais je sais que cette personne était obsédée par Ryota, entre amour et haine. Le fait qu'il l'ignore, sans répondre à ses messages, n'a peut-être pas apaisé les choses comme il l'espérait.

— C'est un homme ou une femme ?

— Un homme, apparemment.

— Et Ryota n'a jamais porté plainte ?

— Non. J'ai demandé à la police japonaise, dans le cadre de sa disparition. Ils n'avaient rien. Je l'ai signalé à la police américaine, cela dit. Apparemment, il faut parfois du temps pour obtenir les autorisations et fouiller les comptes en ligne. »

Kagami regarda Aomine qui fronçait les sourcils, et sut aussitôt ce qu'il pensait : pourquoi Akashi avait-il également omis cette information ? Ce dernier sembla le comprendre aussi :

« Ce n'est pas une piste solide, expliqua-t-il. Ryota était devenu prudent. Je ne sais pas comment son harceleur aurait pu le retrouver. Honnêtement, je ne crois pas que les deux affaires soient liées.

— Tu sous-estimes la détermination de certains harceleurs, grinça Aomine.

— Peut-être, admit Akashi, les prenant au dépourvu. Mais maintenant, vous avez l'information, faites-en ce que vous voulez.

— Ça durait depuis combien de temps ? voulut savoir Kagami.

— Il m'en a parlé il y a quelques mois, peut-être six.

— Tu es le seul à qui il en ait parlé, constata Aomine. Apparemment, il a fait de son mieux pour dissimuler le moindre problème aux autres. Ça devient de plus en plus difficile de croire que dans ce contexte, tu ne sais rien d'autre. »

Cette fois, Akashi eut visiblement l'air agacé.

« Ryota me fait confiance pour ce genre de choses. Cela ne signifie pas qu'il me raconte toute sa vie. »

Aomine le scruta d'un air suspicieux, puis se détendit légèrement. Cependant, Kagami eut l'intuition qu'il n'en avait pas encore terminé avec Akashi. Il savait seulement qu'il ne fallait pas trop pousser son avantage sous peine de braquer la personne qu'il interrogeait, que ce soit un ami ou un suspect.

Quelques instants plus tard, ils coupèrent la conversation.

« Je vais rappeler Lopez pour lui dire que je veux les infos qu'ils glaneront sur le net », annonça Aomine.

Kagami acquiesça, plongé dans ses pensées. Akashi avait-il raison de croire que le harcèlement et la disparition n'étaient pas liés ? Pour lui, en l'absence d'éléments, rien n'était moins sûr. Et puis, c'était une nouvelle piste, et ça valait le coup de la suivre. Il écouta vaguement la conversation d'Aomine et de son ancienne supérieure tandis qu'il se glissait sous la couette, assommé par cette nouvelle journée passée à s'interroger sans trouver de réponses assez solides pour se permettre de relâcher un peu la pression. Aomine ne tarda pas à le rejoindre, et il trouva un peu de réconfort dans son corps chaud lové contre le sien. Et il fut reconnaissait d'être happé rapidement par le sommeil, qui engloutit son mal-être et ses questions dans sa noirceur bienfaisante.