J'ai pris plus de temps que je ne l'aurais cru pour terminer ce que j'avais à faire avant d'aller voir Cazador mais j'ai sauvegardé juste devant lui, prête à l'embusquer bien comme il faut. Je vous laisse avec la suite et j'y retourne après.

Snif, j'ai perdu des gens...

Journal des reviewers :

Seulie : Toujours un plaisir de te voir autant au taquet, je sais que ma première review après avoir posté un chap est la tienne. Merci pour ta fidélité !

Liline37 : Dans le doute, je suis quand même allée buter Orin, j'aime pas laisser un méchant sur le feu XD Même si j'ai beau savoir ce qui m'attend dans quelques minutes, je vais devoir m'imprégner au max de l'ambiance pour savoir la restituer au mieux par écrit. Je tiens à ce que les cœurs battent à la lecture.

En route chez les gobelins !


CHAPITRE X – SOUS COUVERTURE

Les aventuriers s'avancèrent prudemment jusqu'à être assez près du mur sans être vus. Ce n'était pas encore le camp gobelin à proprement parler ; l'enceinte cerclée de pierre et autres échafaudages de bois était bien trop petite, ce devait être un avant-poste de contrôle. À l'oreille, il était facile de distinguer au moins cinq voix différentes et des grognements de bête.

« On se tient à ce qui a été dit auparavant, rappela Gayle. Nous sommes des âmes éveillées qui venons rejoindre les forces de l'Absolue. Et pas de prise d'initiative insensée.

_ Ah, par pitié, fulmina Lae'zel à contrecœur. Ces vermines ne brillent pas par leur intelligence. Nous pouvons nous en défaire facilement.

_ En attendant, ils ont l'avantage du nombre et de la sauvagerie. Si vous voulez prendre le camp à vous toute seule, ce sera sans moi », tempéra Ombrecoeur d'un air pincé.

Silesta ne prit pas part à l'échange, trop absorbée à réfléchir. S'infiltrer dans un fort rempli de gobelins et espérer sauver le druide Halsin – à supposer qu'il fût toujours en vie - sans se faire repérer relevait de la douce folie. Hélas, ils n'avaient guère le choix.

Le groupe continua d'avancer droit vers l'avant-poste et franchit l'arche d'entrée. Leurs pas furent vite arrêtés par de nouvelles barricades et par les grognements féroces de deux énormes bêtes grises s'apparentant à des loups surdéveloppés. Le propriétaire de ces worgs se tenait près d'eux et toisa les arrivants d'un rictus cruel.

« Voyez-vous ça, le dîner est servi, s'ébaudit-il. À moins que ce ne soit pour autre chose.»

Ses hôtes scannèrent les lieux. Comme au village abandonné, des sentinelles se tenaient en hauteur sur les côtés et au-dessus de la porte de sortie sur un échafaudage de fortune, de l'autre côté de l'escouade restée en bas. Pour des créatures jugées stupides, les gobelins avaient quand même un certain sens tactique.

Gayle planta ses iris bruns dans ceux du gobelin.

« Votre chef nous a fait demander.

_ Vous ? Eh ben, ils prennent vraiment n'importe qui, ces derniers temps. » La créature reprit sa féroce arrogance. « Très bien, mais avant de voir Dror Ragzlin, va falloir nous montrer que vous êtes bien des nôtres. On a organisé une petite sauterie pour fêter la victoire de notre dernier raid. » Il désigna un tas de crottes encore frais à ses pieds. « Portez nos peintures de guerre sinon on vous bute. Exécution. »

Un silence étrange flotta dans les airs. Les yeux de Lae'zel n'étaient plus que des fentes plus noires que l'encre, Ombrecoeur affichait une résignation passablement dégoûtée, Astarion tentait de masquer sa morbide curiosité derrière un air neutre et Silesta et Gayle partageaient la même froideur révoltée. Après le récit d'Astarion sur les humiliations causées Cazador, la jeune femme rousse n'était pas du tout encline à se rabaisser à cela. Malheureusement, leur plan disait...

« Ignis ! »

Une boule de feu traversa tout à coup l'enceinte de l'avant-poste pour éclater un baril de bois situé sur le côté gauche. Une explosion retentit en faisant voler plus loin débris de bois et archers gobelins postés à côté. Cette odeur alcoolisée qui se répandit dans l'air, c'était du vin-de-feu qui venait de mettre fin à la tentative d'entrée pacifique. D'abord prise par surprise par l'attaque impromptue de Gayle, Lae'zel ne se fit pas prier pour se ruer aussitôt sur les bêtes sauvages dans un cri enragé. Astarion attrapa son arc pour vite se défaire de l'archer en haut à droite tandis qu'Ombrecoeur figeait sur place le gobelin d'une étreinte mentale. Pris dans la fumée de l'explosion, les gobelins sur l'échafaudage du fond se mirent à glapir des injures et commencèrent à attraper des flèches dans leur carquois. Silesta prit l'un de ses bolas et le fit tournoyer aussi vite que son bras le lui permit.

« Pourvu que cela suffise. Ignis ! »

Le boulet s'embrasa de flammes puis elle lâcha la bride entre ses mains dans un mouvement qui rassembla toute sa force. Le bolas fendit l'air et s'écrasa contre une planche qui tenait la structure de l'échafaudage. Le bois se brisa tel le verre et toute la charpente sèche s'effondra avec vacarme et surtout les trois gobelins qui se trouvaient dessus. Si les dégâts de chute et du bois sur eux n'avaient pas eu raison des archers, nul doute que la vague d'énergie fracassante que Gayle fit abattre sur les débris finit de les achever. L'attaque éclair avait porté ses fruits et les sentinelles de l'avant-poste n'étaient plus.

« Pas de prise d'initiative insensée, n'est-ce pas ? Ma foi, pour une encyclopédie, vous savez quand passer à la pratique, railla Astarion à l'adresse du magicien.

_ Il n'était pas question de me rabaisser à ça, rétorqua celui-ci d'un air outré. J'ai ma réputation.

_ Espérons juste que cet acharnement sur le décor n'aura pas alerté le camp entier, maugréa Ombrecoeur en passant devant. Allons-y. »

Silesta eut une grimace gênée tandis qu'elle récupérait son projectile sous une pile de bois fumant et se hâta d'emboîter le pas des autres. Sa course s'arrêta tout à coup lorsqu'une force invisible et irrésistible brisa son élan et ses forces, la contraignant à se retrouver pratiquement ventre à terre.

« Obéis-moi », s'éleva une voix impérieuse dans le néant.

L'humaine poussa sur ses bras et ses jambes mais son effort se solda par un redoublement de l'oppression sur elle. Elle vit devant elle que ses compagnons subissaient le même sort avec tout autant d'impuissance. Puis, un voile de ténèbres s'abattit devant ses yeux, l'enlevant du reste du monde, avant de ne laisser entrevoir que trois silhouettes inconnues : un elfe en armure à la prestance imposante, un homme plus jeune avec un sourire aimable et enfin une femme à la peau de craie et aux yeux plus pâles encore.

« Voici mes Élus. Ils parlent en mon nom, annonça la voix inconnue dans l'écho. Aide-les à trouver l'arme et tu seras digne de siéger à leurs côtés. En ma présence. »

Les bras tremblant sous l'effort, Silesta ne put que relever la tête de quelques centimètres, assez pour voir devant elle Ombrecoeur lutter elle aussi. La prêtresse tenait dans sa main quelque chose difficile à identifier. Elle tendit le bras et l'objet s'envola de sa paume avant de s'illuminer. Une pulsation d'énergie en émana, faisant s'évaporer par miracle le poids invisible qui écrasait leur dos. La voix s'évanouit à son tour dans un murmure puis disparut enfin.

Silesta se redressa lentement en même temps que ses compagnons alors qu'Ombrecoeur récupérait l'étrange artefact, une sorte de boîte métallique polyédrique avec un symbole gravé sur chaque face. L'objet que la prêtresse avait sur elle après le crash.

« Par la chevelure de Mystra, qu'était-ce donc ? s'exclama Gayle en rejoignant la demi-elfe.

_ Je n'en sais guère plus que vous, répliqua la prêtresse, fermée. Ne restons pas là et continuons. »

Elle n'eut le temps de continuer que Lae'zel l'approchait, le regard vissé sur l'objet.

_ Cette voix mise à quia par... une relique gith ? Je reconnais ces écritures en tir'su. Que fait-elle entre les mains d'une semi-elfe ? »

Encore un peu tourneboulée, Silesta était surtout curieuse de savoir à qui appartenait cette voix si puissante.

« Je ne saurais dire qui c'était. Mais nous avons eu la chance de nous en protéger alors...

_ Une minute, c'est cette chose qui a repoussé la voix ? coupa Astarion. Qu'est-ce c'est au juste ? »

Ombrecoeur secoua la tête en signe d'ignorance. Tout ce dont elle était sûre, c'était que c'était pour récupérer cet objet qu'elle avait été envoyée en mission. Elle devait le rapporter coûte que coûte à son cloître des adorateurs de Shar à la Porte de Baldur.

« C'est donc ça, la mission qui vous a coûté une partie de votre mémoire ? se souvint Silesta.

_ Oui, je n'étais pas partie seule mais je suis la seule survivante. Je ne peux donc pas me permettre d'échouer. Pas maintenant. Quand je rapporterai l'objet, ma mémoire me sera rendue. Nous n'avons pas le temps de nous attarder, allons-y.»

Les autres échangèrent un œil circonspect mais eurent à s'y résoudre. Cela faisait bien des mystères, hélas, ils ne pouvaient se permettre le luxe de traîner entre deux structures gobelines. Ils acquiescèrent, sauf Lae'zel qui ne se défaisait pas d'une froide méfiance à l'adresse de la cléresse, et quittèrent l'avant-poste.

Le véritable camp gobelin était tout près, juste de l'autre côté d'un pont. Plus qu'un simple campement, c'était un véritable fort qui se tenait devant eux. De nouvelles hautes murailles s'élevaient autour d'un immense bâtiment et encadraient les festivités bruyantes des gobelins à l'intérieur de la cour. Les rires éraillés et rauques se mêlaient à des odeurs de grillade épouvantables à vous retourner l'estomac. Plus ils avançaient sur le pont, plus les aventuriers voyaient se multiplier des petites silhouettes dans des camaïeux de jaune et de vert.

« Maintenant, plus de prise de risque. Du tout. »

Ils franchirent la porte de l'enceinte et entrèrent dans une cacophonie de voix braillardes, qu'elles fussent guillerettes, ivres ou bagarreuses. La plupart des gobelins étaient en train de discuter entre eux ou de manger, le tout à grand renfort de chopines et autres verres qui s'entrechoquaient dans de joyeux levers de coudes et ponctués de rôts sonores. Charmant tableau.

« Il n'y a pas à dire. Toute cette débauche, tout ce débraillement... Les gobelins ont le sens de la fête », se délecta Astarion avec un air rêveur.

Silesta aurait pu en premier lieu s'étonner de ses dires si elle considérait le grand soin esthétique de l'elfe mais à présent qu'elle le connaissait un peu plus, elle se douta bien qu'il préférait la crudité d'une taverne plutôt que le guindé étouffant d'un boudoir. Ses pensées s'arrêtèrent dans les plis du drapé d'une statue qui trônait plus loin dans une alcôve. Rongés par les affres du temps, les traits d'albâtre de cette majestueuse femme brandissant une masse s'étaient estompés mais pas au point de lui ravir sa prestance.

Ombrecoeur eut un petit rire hautain en la voyant.

« L'ancien temple dédié à Séluné. Il a bien été recyclé. »

Sa voisine rousse eut plus de peine pour les lieux. Seuls les dieux savaient les horreurs que cette gardienne de granit avait bien pu voir.

« Gayle, comment procède-t-on ? lui glissa l'humaine.

_ Commençons par nous mêler un peu à la foule pour ne pas éveiller les soupçons. Essayons d'apprendre quoi que ce soit sur Halsin et retrouvons-nous d'ici une demi-heure. »

Silesta opina du chef et s'enfonça dans la foule. Bien que l'environnement ne fût pas des plus sécurisants, la jeune femme n'en était pas spécialement effrayée. En tant que saltimbanque, nul doute qu'elle avait déjà eu maille à partir avec ce genre de faune pas toujours très bienveillante. Elle garderait tout de même l'œil ouvert.

Ce qui était bien ouvert aussi, c'était ses narines. Malgré les fragrances épaisses de viande fumée peu ragoûtantes qui emplissaient l'espace, elle dût se résoudre à reconnaître qu'elle mourrait de faim. Ses pas la menèrent près d'un feu de cuisine au-dessus duquel tournoyait sur sa broche une énorme carcasse juteuse.

« Elle a faim, la rouquine ? » l'interpella une voix rauque venant d'en bas.

À en juger, la taille du couteau qu'il tenait dans la main, ce gobelin aux cheveux auburn devait être le cuistot. Elle haussa un sourcil. Il était mal placé pour l'appeler ainsi.

« Il faut voir. Ça sent quand même un peu fort. Qu'est-ce que c'est ?

_ Faut pas s'arrêter à l'odeur. C'est du nain. C'est à cause des poils, y'en avait trop, je n'avais pas envie de passer ma vie à l'épiler avant de le cuire, râla le gobelin en piquant un peu sa grillade pour juger sa cuisson. Mais il était dodu comme il faut. Alors, qu'est-ce que ce sera? »

Silence.

« Vous auriez de la saucisse sèche ? De porc. »

Sa viande de substitution récupérée, Silesta s'empressa de vite quitter le stand de cuisine. Elle n'était pas contre l'idée de se créer de nouveaux souvenirs dans cette aventure, mais avoir envisagé – même un bref instant – de manger du nain pour apaiser sa faim ne faisait pas partie de son projet. Quel cruel destin de finir...

Un poids se tamponna contre ses jambes.

« Hééééé... Fais attention ! »

Une gobeline au teint de salade feuille-de-chêne vacilla dans une valse chaloupée en manquant de renverser le contenu de sa chope grande comme sa tête. Ses yeux bistre roulèrent un peu dans leurs orbites avant de s'arrêter sur l'importune. La férocité qu'elle voulut contracter sur son visage rubicond se déforma sous l'ivresse en une figure grotesque risible.

« Une humaine ? C'que ça fait là ? Hips ! Tu vas voir, j'en ai encore sous le coude, même après notre raid ! Et j'y ret... Hourps ! Retourne dès qu'il le faudra !

_ Justement, il paraît que c'était quelque chose, ce raid ! s'enthousiasma Silesta en attrapant discrètement un verre sur une table voisine pour le toquer contre celui de son interlocutrice. Bravo ! Puisse l'Absolue vous porter vers de nouvelles victoires ! »

Sa combine fonctionna ; la gobeline se fendit d'un sourire aussi large que ses oreilles décollées.

« Ouais ! Vive l'Absinlute ! Euh.. l'Absolue ! » Elle s'enfila d'énormes goulées de bière puis fit un geste à l'adresse de l'humaine. « Trinque aussi ! »

Silesta grimaça, acculée. Elle connaissait le caractère belliqueux et explosif des gobelins et un gobelin ivre était encore plus sensible à la détonation que les autres. Si elle voulait continuer à éviter l'incident, elle devait jouer le jeu. Un coup d'œil à l'intérieur de son verre ne lui permit pas d'identifier le crû qui s'y trouvait. Une grande inspiration plus tard, la saltimbanque vida son verre d'une traite. Un feu coula dans sa gorge puis dans son sternum avant de remonter en une éruption cinglante qui fit vriller son cerveau. Il lui sembla perdre l'équilibre alors qu'elle n'avait pas remué d'un pouce. Une chape de plomb lui cercla le crâne au point de l'empêcher d'entendre ce que lui baragouinait la gobeline ivre alors qu'elle repartait. Au moins, la situation était sous contrôle.

L'effervescence de la fête lui parvenait à présent en sons étouffés indistinguables mais dont la réverbération tambourinait dans sa boite crânienne comme une caisse de résonance. Elle devrait vraiment bannir les alcools trop forts mais pour l'heure, elle devait se mettre au calme. Silesta fixa un point devant elle sans vraiment le voir et se résolut à l'atteindre. Ses pas se faisaient difficiles tant sa tête devenait brouillard et peinait à envoyer les bons signaux. Des ombres verdâtres et jaunâtres dansaient autour d'elle dans une bouillie indigeste. Est-ce qu'elle marchait toujours ?

Son visage heurta une surface ferme mais pas dure. Un parfum de romarin et des mains qui la tenaient par les bras.

« Pour savoir qu'un verre était de trop, encore faut-il l'avoir bu, se moqua la voix d'Astarion au-dessus d'elle. Vous cherchiez à noyer la mort de votre mémoire dans l'alcool ? »

Elle grimaça. Ce n'était pas gentil. Pourquoi avait-il fallu qu'il la vît dans cet état ? Mais au moins, le décor ne tanguait plus autour d'elle. Elle garda les paupières closes.

« L'alcool ne résout pas les problèmes. Ceci dit, l'eau non plus », répliqua-t-elle d'une voix lente sans bouger.

Il retint un rire. Elle ne perdait pas de sa répartie, c'était peut-être ce qu'il appréciait le plus chez elle. Il baissa un peu le menton dans ses cheveux cuivre. Cette impression de déjà-vu ne lui était pas étrangère. Combien de victimes enivrées d'alcool et de ses beaux discours avait-il ainsi tenu dans ses bras pour mieux les emporter après vers l'Enfer ? L'ivresse désarticulait le corps et endormait la raison, tout était si facile. Cette femme ne faisait pas exception.

Silesta prit une profonde inspiration et se recula un peu. Ses idées étaient encore confuses mais elle se tenait mieux sur ses deux pieds. Il ne restait que cette bouffée de chaleur qui empourprait ses joues.

« Désolée pour ce spectacle peu reluisant, s'excusa-t-elle en se massant un peu le crâne.

_ Je vous en prie, vous n'êtes pas assez saoule pour que cela en soit drôle ou navrant. Dommage.

_ Avez-vous découvert des choses intéressantes?

_ Apparemment, la drow qui est au sommet de la triade pensante de ce bastion est sur les dents. Cela aurait un rapport avec un prisonnier qu'ils essaient de faire parler depuis un moment.

_ Halsin ?

_ Non, mais je n'en sais pas plus, répliqua l'elfe en croisant les bras sur sa poitrine. Mes interlocuteurs étaient encore plus cuits que vous.

_ Ils devaient être toujours moins cuits que le nain.

_ Plaît-il ?

_ Rien, oubliez ça, rabroua-t-elle d'un geste de la main. Et d'abord, je ne suis pas une ivrogne, je déteste l'alcool. Je n'ai pas eu le choix. »

Astarion haussa un sourcil gouailleur et un brin coquin.

« Un vice, il faut bien en avoir un ou plusieurs. C'est ce qui rend la vie supportable. Si l'ivresse n'est pas le vôtre, je pourrais vous en suggérer un autre. J'ai une petite idée en tête.

_ Elle doit bien s'ennuyer toute seule.»

Et sur ces mots, Silesta s'en retourna sans demander son reste. Elle avait bien reconnu cette suave espièglerie au fond des prunelles carmines du vampire et il n'était pas question qu'il profite de sa pompette faiblesse pour la mettre dans ses filets. Non pas que ces petites joutes lui déplaisaient, elle avait juste conscience de l'équilibre des forces et elle se devait de constater qu'elle se trouvait bien faible face au charme ensorceleur d'Astarion. Elle secoua la tête. Oula, le vin lui montait vite à la tête pour penser à ce genre de chose. Se reconcentrer, trouver des informations pour les aider dans leur infiltration.

Justement, une ouverture se présenta à elle. Un peu plus loin, à l'abri d'un porche, se tenait un gobelin au milieu de tout un bazar fait de bric et de broc. Des armes, des bijoux, des caisses remplies de vêtements et des coffres contenant bien d'autres choses encore ; nul doute qu'il devait s'agir d'un marchand et d'une partie du butin récolté lors du raid. Et qui disait marchand disait multiples échanges et donc augmentation des chances d'obtenir des renseignements. Silesta approcha le stand tout en embrassant du regard la marchandise.

« Sacré magot, dis donc. »

Le marchand eut un ricanement satisfait. Elle pouvait le dire ; c'est qu'ils avaient de quoi faire, ces Poings Enflammés. Ils avaient été plumés comme des poulets.

« Il y a quelque chose qui te fait envie, ma mignonne ?, lança le gobelin en la jaugeant. J'espère que t'as de quoi payer. Même si tu fais partie du culte, je ne fais pas crédit. »

Silesta chercha n'importe quoi qui lui permettrait d'orienter la conversation. Ses yeux de pluie finirent par s'arrêter sur une petite statuette en bois en forme d'ours qu'elle prit et tourna entre ses doigts avant de la montrer à son interlocuteur.

« Ça ne fait pas très soldat, ça. On dirait plutôt une babiole druidique.

_ Ça ne vient pas du dernier raid, je l'avais avant. » Le marchand eut un rictus mauvais. « Si tu aimes les ours, je te déconseille de te balader dans les geôles, celui qu'on garde n'est pas du genre commode en plus d'être massif.

_ Un ours, rien que ça, répéta l'humaine, très attentive. Vous vous êtes lassés des worgs ? Ce n'est pas un peu gros pour vous ?

_ Laisse nos prises là où elles sont et contente-toi de faire ton marché, gamine. »

Une sensation étrange traversa Silesta depuis l'intérieur de sa tête. La larve se tortilla et une intense sensation d'autorité la saisit. L'occasion était trop belle. La jeune femme se redressa et toisa le gobelin de toute sa hauteur.

« Que fait un ours emprisonné ici ? » demanda-t-elle en détachant chaque mot.

Un instant de flottement embruma le regard de la créature qui finit par pester de mauvaise humeur. Ce n'était pas vraiment un ours, c'était un druide qu'ils avaient capturé alors que lui et une bande d'humains rôdaient dans leur secteur. Le pouls de Silesta s'accéléra. Halsin était bien ici et toujours vivant de surcroît, c'était fantastique. Était-ce vraiment le parasite de flagelleur mental qui lui avait permis cette prouesse charismatique ? Incroyable.

Forte de cette information, Silesta se détendit et reprit sa contemplation de la marchandise jusqu'à ce que son attention s'arrête sur un objet posé entre deux caisses de bois. Il s'agissait d'un instrument de musique de la famille des vièles, mais pas un violon. Sa caisse, bien plus petite et compacte était faite d'une calebasse de laquelle sortait verticalement d'un très long manche en bois orné de deux grosses chevilles qui encadraient deux cordes seulement. Juste à ses côtés se tenait l'archet permettant de le faire chanter. Un blanc se fit dans son esprit. Loin de s'attarder sur le raffinement de l'objet qui tranchait sans pitié avait la rusticité des lieux, ce fut surtout l'emballement familier qu'il produisait en elle qui la captura. Sans même faire fonctionner cet instrument, le son qu'il pouvait créer s'imprimait déjà partout dans ses oreilles.

« Je veux ceci. »

Lorsque sonna l'heure du rendez-vous, les cinq voyageurs se retrouvèrent dans une arrière-cour un peu à l'écart des festivités. Par chance, aucun incident d'explosion intempestive ne fut à déplorer cette fois-ci.

« Alors, qu'est-ce que ça a donné ?

_ Les gobelins ont parlé de recevoir une marque de l'Absolue, commença Ombrecoeur. C'est un rituel mené par l'âme éveillée du nom de Haruspia, l'un des leaders. Cela permettrait aux membres du culte de se reconnaître entre eux.

_ Rien qui n'en vaille la peine, regretta Lae'zel. Ces créatures n'attendent que de se vouer entièrement à cette Absolue. Néanmoins, j'ai perçu un frisson de tension. Ils sont sur quelque chose.

_ L'archidruide Halsin est vivant. »

À l'étincelle d'espoir qui illumina le visage de ses compagnons, Silesta rapporta son échange de tout à l'heure. Il leur faudrait trouver ce cachot au plus vite, seuls les dieux savaient combien de sévices Halsin pourrait encore endurer. L'espoir de trouver un remède se fit plus fort.

« C'est une heureuse nouvelle, dit Gayle avec soulagement. Hélas, la tâche ne sera pas aisée.

_ J'ai... J'ai aussi eu une étrange sensation tout à l'heure avec ma larve. D'un seul coup, je me suis sentie investie d'une...

_ … certaine forme d'ascendance ? compléta Astarion. Oui, moi aussi. C'était hier soir, aux dés.

_ Moi aussi », avoua Ombrecoeur.

La githyanki et le magicien confirmèrent à leur tour à demi-mot avoir aussi vécu ce phénomène. Tous s'épièrent du coin de l'œil. S'agissait-il des pouvoirs dont l'énigmatique visiteur onirique voulait qu'ils fissent usage ? Cette manifestation avait été si facile, si intuitive. Les flagelleurs mentaux avaient-ils tant d'aisance pour agir sur la conscience de leurs victimes ?

« Je refuse de penser que c'est ce parasite qui a fait cela, s'insurgea Lae'zel avec colère. J'ai bien assez de ma férocité pour faire ployer la vermine.

_ Vous n'avez donc rien senti se tortiller dans votre tête ? » s'enquit Ombrecoeur, pas dupe.

La guerrière hésita puis finit par pester un Chk ! rageur vaincu. Quand bien même il s'agissait en effet de la larve, elle n'en démordait pas et s'en tiendrait à ses positions. Elle ne deviendrait jamais un ghaik. Elle était née et entraînée pour éradiquer tout ce qui avait lien avec l'ancien oppresseur de son peuple.

« Nous l'entendons Lae'zel, tempéra Gayle en baissant la voix. Toutefois, qu'en serait-il si ces facultés spéciales pouvaient nous aider dans notre entreprise, par exemple ?

_ Qu'est-ce qui vous dit que faire appel à ces « dons » ne fait pas empirer les choses ? Prendriez-vous le risque, Gayle ?

_ Pour ma part, je reconnais qu'être de l'autre côté du pouvoir est un changement des plus grisants, glissa Astarion avec une confiance presque carnassière. Si des capacités comme celle-ci assurent ma survie et ma liberté, j'en suis. »

Silesta écoutait ses compagnons débattre, elle-même un peu perdue. Elle partageait une partie des craintes de Lae'zel quant à l'effet sur le long terme de ces pouvoirs spéciaux tout comme elle comprenait maintenant pourquoi Astarion pouvait se montrer si enclin à embrasser tout ce qui passait à sa portée. Enfin, Gayle avait soulevé un point intéressant. S'ils avaient la capacité d'influencer l'esprit d'autrui, ne serait-ce pas une opportunité de progresser tout en se préservant de mauvaises réactions ? La balance ne cessait d'osciller sans basculer franchement d'un côté ou d'un autre. Pour l'instant, Silesta se promit de faire au cas par cas. Elle n'utiliserait sa larve que si la situation l'exigeait sans aucune autre forme d'alternative.

« Tiens, au fait, qu'est-ce donc dans votre dos, Silesta ? » questionna Ombrecoeur en regardant par-dessus l'épaule de la concernée.

Silesta n'eut pas à se retourner car elle savait qu'elle faisait référence au long manche de bois de son instrument de musique.

« Rien d'important. Nous avons plus urgent à faire pour l'instant. »

La jeune femme bouillonnait d'excitation à l'idée de confirmer si cette nouvelle pulsion mémorielle était bien comme les autres, bien qu'un peu plus timorée que les précédentes. Si elle s'était trompée, elle aurait l'air fine. Elle tourna la tête vers une imposante et lourde porte de fer qui menait vers le bâtiment principal. Leur objectif se trouvait de l'autre côté et avec lui, des risques énormes. Leur salut en dépendait. Elle prit une profonde inspiration.

« Prêts à pénétrer dans l'antichambre de l'Absolue ? »


Si la phrase « As the symbol glows, power courses through you. Authority » a popé dans votre tête pendant la lecture, levez la main ! Mdr

Premier donjon à l'horizon... avec des combats... Ayez pitié de moi ç_ç (j'aime bien quand y'a des trucs à casser sur les mobs, ça aide à faire de gros carnages. Vive les échafaudages et les braseros qui tombent du ciel !)