Note de la traductrice : Je ne sais même pas par où commencer étant donné quand ça fait quand même huit ans que j'ai commencé à traduire cette fic T_T J'ai toujours su dans ma tête que je la terminerai un jour, mais je ne pensais pas changer deux fois d'ordi, survivre à une pandémie, entrer dans la vie active et me MARIER avant de lui mettre un point final. M'enfin voilà, pour ceux et/ou celles qui seraient encore là (et les nouveaux, bien sûr !), l'épilogue de LHTL.
En m'attelant sérieusement à la tâche il y a quelque semaines, j'ai beaucoup pensé aux commentateurices qui m'ont portée et encouragée dans les premiers chapitres de cette fic. Si vous en êtes, je suis super curieuse de savoir ce que vous êtes devenus, n'hésitez pas à me donner des nouvelles, ça me ferait super plaisir :) Cette période où j'ai traduit "à la chaîne" pas mal de fanfics alors que j'étais en Angleterre dans une bourgade côtière pluvieuse, en attendant chaque semaine vos commentaires et réactions, a vraiment été une parenthèse enchantée dans ma vie, et je dois vous remercier pour cela.
Je me suis récemment remise à la traduction de fanfictions sur un autre compte du site AO3 : /users/turning_of_the_tide/pseuds/turning_of_the_tide. Pour l'instant, je planche sur un texte The X-files (comment j'ai fait pour passer à côté de cette série pendant si longtemps : un x-file en soi), mais j'ai aussi une fanfic Faberry (Glee) dans les tuyaux. Pour la suite, comme dirait Emma : qui sait ? Passez me voir si vous en avez l'envie 3
Je termine en remerciant une dernière fois 1clevergurl de m'avoir laissé traduire cette histoire. Grâce à elle et à toutes les autres autrices de ces premières traductions, et à vous mes lecteurices aux retours toujours si positifs, j'ai tenté ma chance professionnellement, et pour l'instant, ça marche super.
On se retrouve dans l'espace com si le coeur vous en dit.
Dusty_words, terminé !
Chapitre 15 : The Definition of Perfect
Emma repoussa du bout des doigts les mèches mouillées qui collaient au front de Regina, puis essuya la pellicule de sueur sur son visage à l'aide d'un linge humide. Allongée, appuyée dos à elle, sa femme avait les hanches calées entre ses genoux relevés. La main d'Emma était enroulée à l'arrière de son genou, et ses doigts étaient fermement agrippés aux siens.
— Je… n'y arriverai pas, haleta Regina, les yeux clos, en faisant rouler sa tête contre l'épaule d'Emma.
Emma effleura sa joue de la sienne, en éprouva la moiteur. Tournant légèrement le visage, elle poussa son nez contre la joue de Regina, et cette dernière sentit sur sa peau la douce caresse de ses lèvres.
— Je sais que tu es fatiguée, Regina. Encore juste une fois. On y est presque. Tu veux bien, pour moi ? murmura Emma.
Regina déglutit avec peine entre deux halètements, avant d'opiner faiblement du chef. Emma fit glisser ses doigts le long de son bras et plaça la paume de sa main droite à l'arrière de son genou. Regina plaça sa main dans la sienne et serra en arquant le corps. Elle étouffa son hurlement, poussa aussi fort que possible, aussi longtemps que possible, avant d'enfin se permettre de l'exprimer. Après huit heures, elle ressentait enfin un début de soulagement. Elle se laissa retomber contre le torse d'Emma, complètement épuisée, vidée de ses forces. Entendant les cris de leur petite fille emplir la pièce, elle se mit à rire et à sangloter, et perçut, sous elle, qu'Emma frémissait et tremblait sous l'effet de ses propres rires et sanglots.
— Tu l'as fait, ma puce. Tu l'as fait. Tu l'as fait.
C'était tout ce que sa femme parvint à exprimer en déposant une myriade de baisers dans ses cheveux trempés.
Les yeux d'Emma papillotèrent et roulèrent dans leurs orbites pour tenter de lutter contre l'appel du sommeil. Petit à petit, elle passa en revue la chambre aux murs blanc immaculé où elle était allongée en essayant de se rappeler comme elle avait atterri là. Elle avait le corps en vrac, et ses muscles la faisaient atrocement souffrir et tressaillaient parfois, perclus de fatigue. Une caresse apaisante passa sur sa tempe humide, et ses doigts, agités par de petits mouvements convulsifs, se refermèrent soudain sur une main.
— Tu es réveillée, souffla Regina en lui embrassant tendrement le front.
Emma continua à parcourir lentement la pièce du regard – son cerveau était tout embrumé. Elle tenta de dire quelque chose, mais sa bouche lui donnait l'impression d'être à la fois très sèche et pleine de coton, et elle échoua à produire le moindre son. Une paille se pressa contre ses lèvres pour l'encourager à les ouvrir.
— Bois. Ça aidera, lui conseilla Regina.
La petite gorgée d'eau froide qu'elle avala la fit se sentir un peu plus alerte.
— Combien de temps j'ai dormi ? demanda-t-elle d'une voix rauque en fronçant les sourcils, inquiète.
— Juste une heure. Tu étais épuisée, mon ange, répondit Regina. Pas étonnant, après quatorze heures de travail suivis d'une césarienne et d'une réaction allergique aux antidouleurs.
— Ils vont bien ?
Regina entendit la panique poindre dans son ton et dans ses yeux. Posant une main sur sa joue, elle pressa son front contre celui de sa femme avec un grand sourire.
— Ils se portent tous les deux merveilleusement bien.
Les yeux d'Emma se fermèrent, et elle poussa un soupir de soulagement.
— L'infirmière m'a dit qu'elle reviendrait dans une heure pour t'aider à les nourrir. Tu devrais te reposer en attendant.
Emma hocha lentement la tête et se laissa retomber dans les bras du sommeil.
— Regina ? murmura-t-elle avant de s'endormir tout à fait.
— Oui ?
— Tu seras là quand je me réveillerai ?
— Je serai toujours là…
Fredrick, je vais te tuer, pensa Emma.
Elle étouffa un grognement et se prit la tête entre les mains face à la nouvelle volée de mesquineries qui fusa entre les deux lits. Ces derniers avaient été placés suffisamment près l'un de l'autre pour lui permettre de s'asseoir entre eux et de pouvoir être au chevet de chacune des patientes en un glissement de tabouret roulant. Sa préférence, cela dit, était d'en rester à équidistance parfaite, hors de portée. Son rôle aujourd'hui, de toute façon, était davantage celui d'une arbitre que d'une coach en respiration. Et personne n'aime les arbitres…
C'était un arrangement un peu spécial, pour un hôpital, mais la situation était loin d'être normale – à vrai dire, si on demandait son avis à Emma, c'était même un bordel sans nom de proportions épiques.
— Réfléchis, Emma. L'accouchement de Kathryn est prévu dans deux semaines. Je partirais seulement trois jours. Quelles sont les chances pour que le travail commence en mon absence ? demanda Fredrick avec désinvolture.
— Tu ne crois pas qu'il vaudrait quand même mieux que tu restes à la maison ? Personne ne pourra te joindre, et le bébé pourrait se décider à n'importe quel moment. Regina a accouché de notre premier presque deux semaines en avance, et j'ai eu les jumeaux trois semaines avant la date prévue. Je trouve que tu joues un peu avec le feu, là, répondit Emma en le considérant avec inquiétude.
— Emma, reprit Fredrick en baissant le ton. J'adore ma femme, mais elle est en train de me rendre dingue. Si je ne prends pas quelques jours pour moi, je vais finir par péter un câble. Fais ça pour moi, je t'en supplie.
— Aaaaargh, grogna Emma avec l'air de ne savoir qu'en penser.
Elle jeta un regard à Regina, qui était assise sur le canapé et se frottait le ventre en souriant et en murmurant des mots doux à leur bébé à naître. Son accouchement à elle était prévu la semaine suivante, et Emma avait espéré mettre à profit ce temps pour terminer de préparer son arrivée. Si elle acceptait, elle allait se retrouver à faire garderie pour DEUX femmes enceintes jusqu'aux dents et sept enfants.
— Il faut que j'en parle à Regina, trancha-t-elle.
— Il veut partir à l'aventure dans la brousse ?! chuchota Regina dans la cuisine en affichant une expression indignée. L'accouchement est prévu pour dans deux semaines. Rassure-moi, il est conscient que les dates qu'on nous donne sont approximatives ?
— Il dit que Kathryn le rend marteau…
— Ah, ça, je veux bien le croire ! Si j'étais à sa place, je chercherais sans doute à m'éclipser aussi…
Regina soupira et secoua la tête. Emma, comme elle, semblait agacée. Fredrick les mettaient toutes deux dans une position délicate. Ce n'était pas la faute de sa femme, mais Regina avait espéré profiter d'un peu de calme avant la naissance du bébé.
— OK, d'accord. Ça va aller, je pense, MAIS, si on accepte…
Elle avança aussi près d'Emma qu'elle le pouvait avec son ventre protubérant, et, une moue polissonne aux lèvres, glissa une main sous sa chemise pour lui griffer légèrement les abdos. Ces derniers étaient aussi définis que le jour où elles s'étaient rencontrées, et encore plus séduisants depuis qu'ils arboraient les marques acquises lors de la naissance des jumeaux. Remontant le long de son torse, Regina effleura un téton d'Emma à travers le tissu de son soutien-gorge, lui arrachant un soupir étouffé, puis elle attrapa la lèvre inférieure de sa femme entre ses dents et tira gentiment jusqu'à la laisser échapper.
— … alors moi aussi, je veux aller faire un tour dans la brousse, ce soir…, termina Regina.
— Pfiouuuuu…
Emma ne parvint à articuler rien d'autre avant de faire volte-face et de quitter la cuisine d'un pas décidé. Regina sourit en l'entendant, quelques secondes plus tard, débiter une succession de commandements :
— Kathryn, tu peux rester. Fredrick, dehors. Les enfants, on dîne à 16 :30. Ce soir, extinction des feux tôt… 18 heures 30, tout le monde au lit ! PAS DE DISCUSSION !
— Je ne vais pas aller au lit à 18 h 30 !
— Si, si, Kathryn.
— Mais il y a Orange Is the New Black à la télé, ce soir…
— Pas de bol… Il fallait penser à l'enregistrer !
— T'es trop nulle, Emma !
Personne ne devrait avoir le droit d'avoir un corps pareil après avoir mis au monde des jumeaux, grommela intérieurement Kathryn en observant le corps endormi de son amie.
—EMMA, RÉVEILLE-TOI, siffla-t-elle en lui secouant vigoureusement l'épaule.
Emma grogna un peu, puis sourit. Sans ouvrir les yeux, elle roula sur le dos et marmonna :
— Mmmmmh, tu veux encore jouer à la garde-forestière et à la campeuse perdue, chaton ?
— Rhôôôô, mais vous avez des délires trop bizarres, sur ma vie, se lamenta Kathryn, avant de répondre en haussant le ton : Non, Emma ! Regina n'a pas envie de te peloter les pommes de pins ! Remue-toi les miches ! J'ai des contractions !
Les yeux d'Emma s'ouvrirent immédiatement et tombèrent sur la silhouette de Kathryn, qui la surplombait et la fixait. Elle soutint son regard et ne bougea que pour trouver le bord de son drap. S'en saisissant, elle le remonta jusque sous son cou et le tint là de ses deux mains, sans savoir comment procéder. En dépit du boucan, Regina dormait toujours à poings fermés. Trois orgasmes spectaculaires en trente minutes l'avaient laissée comblée et épuisée.
Constatant qu'Emma ne bougeait pas et continuait à la dévisager, Kathryn réessaya, utilisant cette fois des aides visuelles en articulant lentement chaque mot. Elle se demandait bien comment ces deux-là avaient fait pour parvenir jusqu'à l'hôpital lors de leurs accouchements précédents.
— Bébé…, commença-t-elle en passant ses mains sur son ventre. Hôpital, fit-elle ensuite en mimant une boîte, avant de lever un doigt en l'air et d'imiter le hurlement d'une sirène. Maintenant ! termina-t-elle en tapotant sur son poignet une montre invisible.
Elle se pencha plus près du visage d'Emma pour répéter :
— MAINTENANT, EMMA !
Les yeux d'Emma s'écarquillèrent, et elle se mit enfin en mouvement : repoussant les couvertures, elle attrapa le téléphone et se rua vers l'armoire pour s'habiller. Cette effervescence commença à tirer Regina du sommeil ; cette dernière se tourna vers le centre du lit, paupières mi-closes, un sourire fripon sur les lèvres.
— Excusez-moi, garde-forestière ? Je ne retrouve plus ma tente…
Kathryn poussa un grognement et leva les yeux au ciel :
— Ma parole, vous avez vraiment un grain, toutes les deux. Je vais avoir besoin d'une thérapie après cette nuit, murmura-t-elle avec un soupir de frustration.
Elle s'approcha de Regina et plissa les yeux en découvrant sa silhouette dénudée, sentant monter en elle un mélange de respect et de confusion.
— Regina, c'est quoi ton problème ?!
La concernée se redressa dans le lit, les yeux écarquillés. Et piqua immédiatement un fard monumental.
— Tu es complètement à poil… dans ton lit… avec tes chaussures de rando aux pieds ? Et c'est quoi, ce sac à dos ? Tu sais quoi ? Laisse tomber. Je ne veux même pas le savoir, mais je n'ai pas intérêt à entendre UN autre commentaire sur ma vie sexuelle. Jamais. Parce que ÇA, énonça Kathryn en faisant un geste pour englober le lit et ses occupants, c'est l'un des trucs les plus CHELOUS que j'ai JAMAIS vu…
— Je… euh…
Kathryn se pencha vers son amie et reprit, en essayant de choisir des mots qui lui permettrait de comprendre l'urgence de la situation :
— Chaton, sérieusement, attrape une carte et retrouve le chemin du campement, genre, tout de suite. La garde-forestière est en train de s'habiller, et mon bébé arrive. Il faut qu'on file à l'hosto. Si tu pouvais rentrer dans ta tente imaginaire et mettre tes grosses fesses de femme enceinte dans tes habits, on pourrait décoller…, conclut-elle avec un geste des deux mains vers la porte pour indiquer la direction dans laquelle il faudrait songer à s'engager.
Pour toute réponse, Regina plissa les yeux et souffla, avant de se lever et de se diriger à pas lourd vers l'armoire.
— Le sac à dos ne te sera pas utile, héla Kathryn.
Voyant qu'Emma et Regina s'agitaient enfin, elle tourna ensuite les talons et s'en alla chercher ses propres affaires.
— Je te jure, gamin, murmura-t-elle en se frottant le ventre. Il ne manquerait plus que la maison se mette à flamber.
Emma entendit quelqu'un frapper et trouva avec soulagement Marco sur le seuil.
— Merci d'être venu si vite, Papa. Ça va aller, avec les gosses ?
— Mais oui, Emma.
— Salut, Marco. Le bébé arrive, déclara Kathryn de but en blanc en le contournant, traînant à sa suite un gros sac.
Regina la talonnait – elle tentait de garder le rythme, mais s'était mise à boîter, handicapée par une douleur sourde qui s'était éveillé dans le bas de son dos. Elle y était sans doute allée un peu trop fort avec Emma ce soir, mais ni l'une ni l'autre n'avait pu réfréner ses ardeurs. Elle s'arrêta pour planter un baiser sur la joue de Marco.
— M…m…merci d'être venu, Marco. Ç…ça va aller ? V-v-vous en avez sept à-à-à vous t-t-tout seul, là…, dit-elle avec un mélange de compassion et d'excuse, essayant de s'exprimer malgré ses dents qui, soudain, claquaient.
— Ne vous en faites pas pour nous. Tout va bien se passer. C'est promis, lui assura Marco avec un sourire confiant.
Il considéra Regina d'un œil soucieux et posa une main sur son bras.
— Vous vous sentez bien, miss Regina ? Vous tremblez.
Le visage de Regina prit une expression confuse.
— J-j-je vais bien. J-j-je suis j-j-juste un p-peu f-fatiguée.
Les yeux de Marco se tournèrent vers Emma, qui observait également Regina avec inquiétude.
— Vous devriez y aller, Emma.
— Oui.
— Kathryn ! Vous avez décidé que ce serez ce soir, alors ? s'enquit le Dr. Whale en tapant dans ses mains avec un grand sourire.
— Emma n'a pas voulu me laisser regarder Orange Is the New Black, alors je me suis dit « Bon, allez ! À ce compte-là, autant accoucher. », persifla Kathryn, qu'on poussait le long du couloir, assise dans un fauteuil roulant.
Emma suivait avec Regina à pas plus lent, la main de sa femme dans la sienne.
— Regina, Marco avait raison, tu frissonnes. Tu es sûre que ça va ? Tu veux que je leur demande s'ils peuvent te prêter une couverture ?
— J-j-je vais bien, Emma. J-j-je n'ai même pas f-f-froid. M-m-mon dos me f-f-fait mal, à d-droite. C-c-c'est rien.
Le Dr. Whale, qui n'avait pu s'empêcher d'entendre leur conversation, ralentit le pas pour marcher à leur hauteur.
— Bonsoir, mesdames. Comment allez-vous, ce soir ?
— B-b-bien, affirma Regina sur un ton toujours haché.
— Eh bien, Regina, on dirait que Kathryn va l'emporter, cette fois. J'avais pourtant parié que votre petit arriverait en premier.
— D-d-désolé, vous allez p-p-perdre votre p-p-pari, répliqua Regina en grelottant.
Elle soupira d'impatience. Elle n'avait pas froid. En fait, elle avait très, très chaud, remarqua-t-elle soudain en levant une main pour essuyer son front couvert de sueur.
— Je n'en suis pas si sûr que ça, pour être honnête.
— A-a-ah bon ? Et p-p-pourquoi donc ?
— Parce que je crois que vous avez commencé le travail avant Kathryn, et que vous êtes même plus avancée qu'elle.
Emma et Regina s'arrêtèrent net pour fixer le Dr. Whale, bouches bées.
— OK ! héla le docteur, s'adressant aux infirmiers qui les accompagnaient. On me met tout de suite ces deux gentes dames dans une chambre !
Alors que le fauteuil roulant de Kathryn tournait pour entrer dans la pièce, elle tourna la tête pour lancer par-dessus son épaule :
— Tu vois, Emma ? Voilà ce qui arrive quand tu ne nous laisse pas regarder Orange Is the New Black ! Nous trouvons d'autres façons de nous occuper. Ça t'apprendra !
— Ferme-la, Kathryn ! siffla Regina entre ses dents serrées.
— Toi-même, Regina, cria la concernée, le visage cramoisi. Je dis ce que je veux ! C'est mon quatrième !
— C'est notre cinquième !
— La bonne blague ! L'un d'eux est adopté, et il y en a deux pour lesquels Emma a fait tout le travail. Ce n'est que ton second, espèce d'amatrice à deux balles !
— Et bien, peut-être que si QUELQU'UN que je ne nommerai pas apprenait à fermer les cuisses de temps en temps, elle ne se retrouverait pas constamment dans cette situation !
Kathryn poussa un hoquet indigné et la fusilla du regard, mais retrouva rapidement sa langue :
— Va te faire foutre !
— Pourquoi ? Tu t'en charges bien assez pour nous deux…, rétorqua la brunette avec un sourire narquois.
Sa fanfaronnade fut cependant interrompue par une nouvelle contraction.
— Si je pouvais sortir de ce lit, je te garantis que je t'en collerais une !
— Mais VAS-Y, qu'est-ce que tu attends ? provoqua Regina en soufflant pour faire passer la douleur.
Emma se tourna vers le Dr Whale. Ça faisait quatre heures que ça durait. Il fallait que ça s'arrête, à un moment. D'ailleurs, cela n'allait pas tarder.
— Mesdames, déclara le docteur avec un gloussement amusé. Je suis désolé d'interrompre votre conversation, mais à la prochaine contraction, je vais vous demander de pousser.
Emma reporta son attention sur Regina, mais cette dernière fixait un point au-dessus de son épaule. Un sourcil haussé, elle défiait Kathryn du regard, les lèvres tordues en un sourire sournois. Emma fit pivoter son tabouret vers Kathryn, qui affichait une expression similaire. Dans leurs yeux brillait la même flamme compétitive. Emma jeta un œil à leurs moniteurs et aperçu la familière ligne régulièrement crénelé. Elle leur tendit une main chacune, et Kathryn et Regina s'en emparèrent immédiatement d'une poigne de fer. Sentant la pression augmenter, Emma baissa la tête et ferma les yeux en grognant légèrement, et en priant pour ne pas perdre l'usage de ses doigts cette nuit.
Le tintement des clochettes de l'entrée lui parvint jusqu'à l'établi, situé dans le fond de la boutique, annonçant l'arrivée d'un nouveau client.
— Restez là, souffla Emma en se levant pour aller voir.
Remontant ses lunettes sur son nez, elle balaya le magasin du regard. Personne. Secouant la tête, elle se demanda si elle se mettait à entendre des bruits inexistants. Ce ne serait pas surprenant ; elle était épuisée. Le nombre de commandes et la quantité de tâches dont elle avait à s'occuper chaque jour était considérable, mais elle en chérissait chaque minute. Elle était enfin à même de subvenir aux besoins de sa famille comme elle l'avait espéré.
Emma plaça ses mains à la base de sa colonne vertébrale et se cambra pour s'étirer, courbaturée d'être restée trop longtemps penchée. Son ventre, rond de sept mois, dépassait de sous sa chemise thermale, et elle y passa une main en souriant tendrement. Elle aimait les vendredis. La boutique était fermée au public et silencieuse ; elle avait tout le loisir de se concentrer sur son travail.
Son établi était presque enseveli sous la ribambelle de pianos, violons, violoncelles, guitares et autres instruments à corde dans divers états de réparation, de rénovation ou de réinvention ; des instruments envoyés ou rapportés du monde entier, qui n'attendaient que d'être transformés par ses mains agiles et son imagination.
Qu'ils fussent partisans de rock, de Rn'B, de country, de reggae, d'alternatif, de métal, de musique latine, classique, ou autres, tous les musiciens semblaient s'accorder sur un même désir : celui de sortir du lot, d'être avant-gardiste ; de se démarquer. La façon dont Emma faisait de leurs instruments de véritables œuvres d'art – qui, de surcroît, jouaient mieux que le jour où ils les avaient achetés –, leur offrait une opportunité précieuse de se singulariser.
Emma se fraya un chemin à travers son espace de travail en bazar jusqu'à un coin qu'elle avait délimité par des cordes pour en interdire l'accès.
Le piano en noyer, jeté par l'école de musique quelques années plus tôt, était à présent méconnaissable. Il avait retrouvé sa grandeur passée et était une œuvre dans tous les sens du terme. Les pieds cassés avaient été remplacés par quatre scuptures de majestueux chevaux sauvages qui se cabraient. Sur le couvercle s'étendaient de délicates gravures représentant un lion, un Tudor Rose, et le nom « Swan-Mills » ; un hommage à l'héritage anglais d'Emma. Le reste du meuble était couvert d'un magnifique entrelac de boucliers héraldiques, de fleurs anglaises traditionnelles, de fleurs, de lierre, de cygnes, de rouets et de heaumes. Le pupitre que Regina avait aperçu dans la boutique peu après son arrivée à Storybrooke avait été démonté et intégré à l'instrument : il s'ouvrait et se fermait parfaitement, et le clavier, réparé, produisait à nouveau des notes vibrantes.
Un violoncelle noir de jais était posé à côté. Des rainures en acier inoxydable avaient été ajoutés sur ses côtés. Une gravure de pieuvre, dont les tentacules s'enroulaient autour de la caisse de résonnance, tapissait la surface de l'instrument, passant sous le chevalet et le cordier, et la volute, taillée, avait pris la forme d'engrenages.
— Si tu le casses, tu me l'achètes, lança Emma avec un sourire fatigué, décrochant pour entrer la corde de velours qui protégeait les instruments des clients trop curieux, avant de la remettre en place derrière elle.
Elles avaient acquis une petite notoriété depuis leur passage à la télé.
— Je ne m'en fais pas ma femme est un as du bricolage, répliqua Regina avec un rire en s'arrêtant de jouer pour tapoter la banquette entre ses jambes.
Une fois qu'Emma fut assise, elle passa ses bras autour d'elle et se remis à pianoter, déposant au passage un baiser sur sa joue lorsqu'elle reposa sa nuque sur son épaule en fermant les yeux.
— Tu as l'air crevée, fit-elle remarquer, un peu inquiète, en s'interrompant derechef.
— Ça va aller. J'essaie de m'avancer un peu avant de partir en congé, mais ça ne marche pas tellement, soupira Emma en enfouissant sa tête dans le cou de Regina.
— Tu as deux merveilleux enfants, et deux de plus sont en route, répliqua Regina en passant ses mains sur le ventre d'Emma. Ton planning est complet pour les deux années à venir, tu as aidé Marco à prendre une retraite confortable, terminé de payer notre maison, et tu es à la tête d'une affaire qui nous rapporte 20 000 dollars par mois. Mais à part ça, ça ne marche pas tellement…, conclut-elle avec un sourire taquin.
— Tu m'as comprise, Regina… et l'entreprise n'aurait pas rencontré le même succès si toi et Kathryn n'aviez pas imposé à l'Académie de jouer avec vos propres instruments pendant le concert télé, soupira Emma.
— Ils étaient trop magnifiques pour qu'on s'en abstienne. Et puis, ce n'est pas ma faute si 30 millions de personnes ont choisi de regarder la chaîne ce soir-là, plaisanta Regina. Le reste, c'est toi qui l'as accompli, mon amour. Ne l'oublie jamais…
— Où sont Henry et Kathryn ? s'enquit Emma.
— Ils passent la nuit chez Kathryn et Fredrick…
— Ça te dirait de sortir, ce soir ? demanda Emma en faisant courir ses doigts sur les bras de Regina avant de les entrelacer aux siens.
— Et toi, ça te dirait de rester à la maison ? murmura Regina en lui attrapant les lèvres en un baiser sensuel et plein de promesses pour la nuit à venir.
— Encore mieux…
Emma était sur le point de penser que l'épuisement lui jouait des tours et de retourner dans son établi quand elle entendit les notes familières d'une berceuse espagnole en provenance du petit bureau situé à l'arrière de la boutique, qu'elles avaient transformé en nursery avant la première grossesse de Regina. Cette dernière passait souvent la voir, et la pièce leur avait servi à maintes reprises au fil des années. Emma se sentit immédiatement sourire en y découvrant sa femme dans le rocking-chair situé dans un coin, en train d'allaiter Fredrick, leur petit dernier. Les yeux de Regina étaient clos, et une expression paisible flottait sur son visage tandis qu'elle berçait le bébé en rythme avec la musique qu'elle fredonnait à voix basse. Elle les avait tous deux emmitoufflés d'une couverture, mais Emma apercevait les épaisses boucles brunes du bébé, qu'il avait clairement héritées de Regina. Une petite main était posée sur la poitrine de sa femme ses doigts minuscules serraient et se relâchaient alors que Fredrick, poussant de petits grognements, tétait voracement.
Emma referma la porte avec précaution et s'approcha sur la pointe des pieds.
— Dis-donc, il a faim, aujourd'hui, commenta-t-elle en tirant légèrement sur la couverture pour lui embrasser le sommet du crâne avant de s'asseoir sur le petit banc qui jouxtait le rocking-chair.
Regina sourit sans ouvrir les paupières.
— Nous avons pris un peu de retard en faisant les courses ; il a été obligé d'attendre un peu plus que d'habitude. Il a fini par me faire comprendre que sa patience avait des limites, gloussa-t-elle. Et, comme tu peux le voir, mon chemisier est tout mouillé. Je te laisse imaginer la tête du caissier.
Emma grimaça. Ayant rencontré ce problème plus d'une fois, elle comprenait l'embarras qu'avait dû ressentir Regina.
— J'ai des habits de rechange. T'inquiète.
Quelqu'un toqua doucement, puis la porte s'entrouvrit, révélant une petite tête souriante surmontée d'une touffe de cheveux blonds et affublée d'une paire de lunettes aux montures épaisses qui grossissait ses yeux vert émeraude.
— Psssssssttttt ! salua-t-elle de la porte.
— Psssssssttt toi-même ! répliqua Emma avec un clin d'œil.
— On a l'droit d'entrer ? demanda-t-on dans un chuchotement crié.
— Y z'ont l'droit ? répéta Emma en se tournant vers Regina, hilare.
Regina sourit et hocha la tête, enveloppant plus fermement Fredrick dans sa couverture.
Le garçon déboula dans la pièce, puis revint sur ses pas pour tirer sans sœur de trois ans par la main. Quand ils approchèrent, Emma l'aida à s'installer près d'elle sur le banc et prit la fillette sur ses genoux.
Le petit se tint un moment tranquille, à balancer les jambes, avant de descendre pour s'approcher du fauteuil. Plaçant ses mains sur les accoudoirs, il se dressa sur la pointe des pieds et dévisagea le bébé.
— Est-ce que Fredrick pourrait jouer avec nous aujourd'hui, Maman ? demanda-t-il à voix basse sans lâcher son frère des yeux.
— Non, pas aujourd'hui, Marco. Il est encore trop petit, mais dans quelques temps, il sera prêt. Tu dois juste être un peu patient, répondit tendrement Regina.
— Ah, d'accord, soupira le garçon. Il a l'air gentil.
Regina sentit son sourire s'élargir face à l'impatience de ses enfants, auxquels il tardait d'intégrer leur frère à leurs activités.
— Mmmmmh, j'ai l'impression que quelqu'un a eu une friandise, aujourd'hui, fit-elle remarquer en nettoyant du pouce les miettes qui collaient au coin de la bouche de Marco.
Elle haussa un sourcil taquin en direction d'Emma, qui baissa immédiatement les yeux avec un sourire coupable. Regina s'attaqua ensuite à la commissure de ses lèvres à elle, où s'attardaient également quelques traces de biscuit. Il était impossible de douter du fait qu'Emma avait mis au monde ces deux-là. Leur ressemblance physique était presque troublante, et leur gestuelle (et appétit) reflétaient parfaitement ceux de leur mère. La seule chose qui les distinguait était le tempérament extraverti de Marco. Il adorait aller vers les autres – Emma était persuadée qu'il avait hérité ça de Regina, d'une manière ou d'une autre.
— Toi aussi, tu as eu un cookie aussi, mon chat ? demanda Regina en effleurant la joue de sa fille du revers de l'index avant de glisser ses doigts dans ses cheveux pour remettre son aide auditive en place.
— Emma et Regina ! Qu'est-ce qui vous amène, aujourd'hui ? s'enquit jovialement le Dr. Whale.
Il perçut immédiatement l'inquiétude d'Emma et reporta son attention sur Regina, qui semblait tout aussi angoissée.
— Teresa est… comment dire… elle ne réagit pas beaucoup aux sons qui viennent de la droite. Elle ne parle pas beaucoup, et quand c'est le cas, c'est confus et trop fort. L'autre jour, j'ai accidentellement fait tomber quelque chose près d'elle, et elle n'a même pas tourné la tête.
Ayant terminé son explication, Emma fixa le docteur du regard, le suppliant silencieusement de dissiper ses craintes.
— Bon, nous allons regarder tout cela de plus près, déclara le Dr. Whale en approchant son tabouret roulant du lit où était perchée Teresa.
Il fit d'abord claquer ses doigts près de l'oreille gauche de la fillette et l'observa réagir immédiatement au son. Puis il passa à l'oreille droite et répéta le processus. Les yeux de sa patiente se mirent à parcourir la pièce, à la recherche de la source du bruit, et il continua de claquer des doigts jusqu'à ce qu'elle finisse par tourner la tête, l'ayant enfin localisée. Gardant le silence, il roula jusqu'au cabinet et en tira son otoscope. Il le plaça délicatement dans l'oreille de Teresa, et examina le conduit en repositionnant plusieurs fois l'outil pour une étude approfondie. Emma et Regina l'observaient attentivement, pleines d'appréhension, près du lit.
— Très bien, Teresa. Tu as mérité un cookie, annonça le Dr. Whale en tirant un biscuit aux flocons d'avoine et aux raisins secs fait maison de son pot à cookie
La petite s'en saisit immédiatement à deux mains.
Le Dr. Whale reporta son attention sur Regina et Emma.
— Comme vous le savez, Teresa a souffert de multiples otites au cours des 18 à 20 mois passés. Les dernières infections lui ont fait des cloques au tympan et ont laissé des cicatrices significatives. Malheureusement, je crains que cela ait résulté en une perte auditive importante et affecté sa capacité à concevoir et à former des sons.
Le Dr. Whale prit une grande inspiration avant de poursuivre. Le regard des parents lorsqu'il devait annoncer la nouvelle qu'il s'apprêtait à leur communiquer reflétait toujours leur culpabilité, et il était certain que ces deux mères ne dérogeraient pas à la règle ; surtout Emma.
— Teresa n'est pas sourde, mais elle a besoin d'une aide auditive, et nous devrons entamer avec elle une thérapie du langage afin qu'elle compense sa perte d'audition. Avec les jeunes enfants, il est parfois difficile de déterminer l'étendue des dégâts, puisqu'ils ne peuvent pas nous en parler eux-mêmes, alors nous n'aurons peut-être pas d'informations exactes à ce sujet avant un moment. Pour l'instant, nous allons faire tout ce que nous pouvons pour qu'elle soit capable d'entendre ses frères et sœurs se faufiler dans son dos pour lui faire une blague, d'accord ? conclut-il en leur offrant un sourire encourageant.
La posture de Regina avait déjà changé et reflétait sa détermination à toute épreuve, et les milliers de questions qu'elle se posait et plans qu'elle élaborait pour que Teresa reçoive les meilleurs soins. Emma avait juste l'air bouleversée, et pensait avec angoisse à tous les obstacles auxquels sa fille devrait faire face.
Avant que le Dr. Whale et Regina puissent formuler des mots de réconforts pour la rassurer, Teresa se mit debout sur la table d'examen. Elle avait dû percevoir la tristesse de sa mère, car elle tendit les mains et les plaça sur les joues d'Emma, avant d'approche son visage du sien pour lui donner un baiser plein de miettes de cookie sur les lèvres. Puis elle enroula ses bras autour de son cou pour lui signifier qu'elle voulait être portée et câlinée. Emme la serra fort contre elle sans parvenir à réprimer ses larmes.
— Emma, les enfants sont résilients. Vous devriez le savoir mieux que personne, lui rappela le Dr. Whale.
— Je voulais juste leur donner les meilleures chances possibles…
— Avec vous deux comme parents ? gloussa le Dr. Whale. Je doute sérieusement qu'ils manquent de chance…
Teresa leva la tête pour observer Regina à travers ses épaisses lunettes et opina du chef pour lui signifier qu'elle avait effectivement eu un cookie.
— On a eu une grosse journée, déclara joyeusement Emma.
Elle donna une légère pichenette au menton de son fils et serra un peu plus fort Teresa contre elle en lui caressant la jambe.
— Marco a aidé papi avec ses boîtes à musique, et l'a assisté avec les clients dans la boutique. Pas vrai ?
Marco sourit et hocha vigoureusement la tête, et Regina étouffa un rire en voyant Emma lever les yeux au ciel. Marco était un vrai moulin à paroles ; il ne s'arrêtait jamais de parler, et son charme avait réellement aidé à vendre un bon nombre de produits. Il était l'admirateur numéro 1 de sa mère.
— Et Teresa m'a aidée avec les gravures.
Teresa acquiesça une nouvelle fois, et Emma déposa un baiser dans ses cheveux. Elle était si intelligente, mais ses difficultés à parler et à entendre l'avait rendue très timide.
— Comment tu veux que je me sente, Regina ? C'est ma fille ! répliqua Emma.
Elles se trouvaient dans la dépendance.
Regina ouvrit la bouche pour la contredire, mais Emma lui coupa l'herbe sous le pied :
— Je suis bonne à rien, putain. C'est moi qui lui ai fait ça. À cause de moi, elle n'entend pas, s'énerva-t-elle en pointant le doigt sur la maison.
Regina comprit rapidement qu'être la voix de la raison allait s'avérer presque impossible ce soir. Emma était déterminée à s'auto flageller pour le handicap de Teresa ; un réflexe qu'elle avait développé tout au long de sa vie. En réaction, elle-même ne put s'empêcher de hausser également le ton, agacée. Elle avait besoin qu'Emma l'entende. Elles devaient travailler ensemble, ou cette épreuve les diviserait.
— Si je me souviens correctement, Emma, nous avons eu recours à un donneur. Il ne t'est pas venu à l'esprit que sa tendance à avoir des otites pourrait provenir de là ?
La réponse d'Emma était presque frénétique, et elle continua de montrer la maison du doigt alors que les larmes lui montaient aux yeux :
— Est-ce que tu as la moindre idée de ce que les gens diront d'elle, Regina ? De la cruauté dont les enfants feront preuve quand ils s'apercevront de sa différence ? Toutes les choses qu'elle ne pourra pas faire ? Comment je suis censée la protéger de ça ?
— VA TE FAIRE FOUTRE, EMMA ! s'époumona alors Regina en laissant libre cours à ses propres larmes.
Cette conversation devait s'arrêter, et elle avait besoin de sortir sa femme de ce cercle vicieux mental. Le procédé fonctionna à tous les niveaux.
— Tu dis que Teresa est « ta fille ». Qu'il est de « ta responsabilité » de la protéger, poursuivit-elle. Non, Emma c'est NOTRE responsabilité. Teresa est NOTRE fille. Tu penses que tout ce dont tu parles ne me fait pas peur, à moi aussi ? Tu crois que mon cœur ne se brise pas quand je pense à ce qu'on lui balancera à la figure ou aux choses qu'elle ne pourra peut-être jamais expérimenter ? Les gens sont cruels, Emma, et la vie est une vraie conne, parfois, mais nous ne pourrons pas aider notre fille si nous nous effondrons ou si nous renonçons. C'est une petite fille extrêmement intelligente, et je te suggère de canaliser ta colère et ta frustration d'une manière productive afin d'aider son esprit merveilleux à s'épanouir, parce que parler pour ne rien dire et t'auto-flageller ne nous avancera à rien du tout. Et, bon sang, j'ai besoin de ton aide. Teresa et moi, on ne s'en sortira pas toutes seules.
Regina était essoufflée quand elle termina sa tirade. Affichant un regard suppliant, elle pria pour que sa femme ait assimilé ses mots. Quand Emma s'écroula et fondit en larmes, elle la prit dans ses bras et enfouit ses doigts dans ses cheveux, comme elle l'avait fait des milliers de fois auparavant. Aujourd'hui était l'une de ces « journées de chien » qu'elles essayaient d'éviter, mais auxquelles elles ne pouvaient pas toujours couper.
— Je veux juste que les gens ne s'arrêtent pas à cette foutue aide auditive. Je veux qu'ils la voient, elle, murmura Emma.
— Ils la verront…
— On a fabriqué des cartes de jeu et lu un livre ensemble, l'informa fièrement Emma, les yeux voilés. Et Teresa m'a chanté une chanson en espagnol pendant que je travaillais.
Regina lui sourit. Elle savait qu'Emma oscillait toujours entre fierté et tristesse : fierté que Teresa continue à affronter courageusement l'une des plus grandes épreuves de sa vie ; tristesse qu'elle ait à travailler beaucoup plus dur que les autres enfants pour entreprendre les mêmes tâches. Teresa avait conscience d'être différente. Elle l'entendait dans le son de sa voix ; différente de son jumeau, différente de ses autres frères et sœurs, différente des autres enfants. Son handicap avait fait d'elle une enfant réservée, et Emma et Regina devaient l'encourager et la cajoler pour chacun des merveilleux dons de parole qu'elle leur offrait, car elle ne s'y résolvait pas facilement. Teresa ressemblait tant à l'enfant qu'avait été sa mère.
Heureusement, Emma avait appris à transformer sa culpabilité et ses doutes en une énergie incroyablement positive, et elle travaillait sans relâche aux côtés de Regina pour améliorer le langage de leur fille et encourager sa confiance en elle en la poussant à aller vers les autres. Presque un an avait passé depuis le diagnostic, et Teresa se sentait maintenant à l'aise avec les membres de sa famille et ses amis les plus proches. Elle avait accompli d'énormes progrès de langage, même si elle avait parfois des « journées timides » et qu'elle se renfermait complètement en présence d'inconnus. Elles en viendraient à bout. Elles n'avaient pas le choix.
— Je parie que ça plairait bien à Fredrick d'entendre cette histoire et cette chanson, Teresa. Tu veux rester m'aider ? proposa Regina.
Teresa hocha la tête.
— Oui, Maman, murmura-t-elle.
— Le livre est dans l'arrière-boutique, ma puce, dit Emma en la remettant sur ses pieds et en lui plantant un baiser sur la joue.
Teresa décampa et revint rapidement avec l'ouvrage en question : L'Arbre généreux, qu'elle tendit à Emma le temps de se hisser sur les genoux de Regina. Emma s'assura que tout le monde était bien installé avant d'embrasser les cheveux de sa fille, le front de Regina, et le sommet du crâne de Fredrick.
— Ah, je crois que j'entends le bus, Marco, déclara-t-elle l'instant d'après avec excitation. Tu veux aller demander à Henry et Kathryn comment s'est passé leur rentrée ?
Marco avait déjà bondi sur ses pieds et filé ; Emma le perdit de vue avant d'avoir terminé sa question. Elle entendit son papi Marco l'inviter à l'accompagner jusqu'à l'arrêt de bus, ce qu'il accepta immédiatement. Elle les observa s'éloigner depuis la porte d'entrée de la boutique. Une petite voix s'éleva dans l'arrière-boutique :
— Il était une fois…
Jetant un dernier regard par-dessus son épaule, elle retourna dans son établi.
Emma et Regina remontèrent le couloir à pas de loups pour s'acquitter de ce qui était devenu une tradition du soir. On était en début de soirée, et elles apercevaient encore, à travers les fenêtres de la dépendance, le pâle orange du soleil couchant à l'horizon. Malgré l'heure, les enfants étaient déjà tous endormis. L'excitation de la journée avait fatigué leurs petits corps.
— Je n'arrive pas à croire qu'il soit déjà en CP, chuchota Emma, émerveillée, en contemplant la silhouette endormie de Henry.
Elle enroula un bras autour des épaules de Regina et la serra contre elle, sentant en retour le bras de sa femme l'attirer par la taille et sa joue se presser contre son épaule. Elle observa la poitrine de son fils se lever et s'abaisser lentement, un doux sourire aux lèvres. Il occupait à peine un quart de son « lit de grand » et était étendu sur le ventre dans son pyjama Hulk. Ses épais cheveux bruns lui tombaient sur les yeux, et sa main s'était refermée sur la bretelle de son sac à dos Avengers, posé par terre, près du lit.
— Il a dû passer une bonne journée à l'école, fit remarquer Regina avec un petit rire en notant la réticence du garçon à lâcher le sac.
— J'ai l'impression qu'hier encore, on était dans le salon à se demander comment être de bons parents, murmura Emma avec un geste nonchalant de la main. Pfff, c'est à peine si on savait s'occuper de nous-mêmes, à l'époque et maintenant, regarde nous.
Regina grogna légèrement et secoua la tête en se rappelant ses craintes de ne pas être à la hauteur et sa tristesse pendant les premiers mois de la vie de Henry, puis sourit contre l'épaule d'Emma en se souvenant que ces mêmes bras forts l'enlaçaient déjà alors avec le même amour et la même volonté de protéger. Certaines choses ne changeaient jamais.
Levant la tête, elle s'aperçut que les yeux de sa femme étaient voilés de larmes. Aujourd'hui n'était pas n'importe quel jour, bien sûr. Elle l'avait compris dès ce matin, quand Emma s'était effondrée dans ses bras après que le bus avait disparu à l'angle de la rue. Elle avait tenu plus longtemps que Regina s'y était attendue ; beaucoup plus longtemps qu'elle-même. Emma avait perçut l'inquiétude des jumeaux quand leur mère s'était éclipsée lors du petit-déjeuner pour aller sangloter dans la pièce d'à côté, alors elle était restée forte pour elles d'eux ; elle avait ri, souri, pris des photos et agité sa main pour leur dire aurevoir, mais Regina n'avait pas été dupe : à l'intérieur, Emma souffrait autant qu'elle. Il était dur de voir leurs enfants grandir si vite. Elles auraient aimé pouvoir figer le temps pour toujours, pour leur permettre de rester insouciants et libres des fardeaux qui venaient avec la vie de grand.
Emma s'accroupit près du lit et détacha doucement les doigts de Henry de la bretelle, puis replaça son bras le long de son corps tandis que Regina le couvrait. Il remua à peine, soupira de contentement, et se blottit un peu plus dans le matelas. Emma passa doucement ses doigts dans les boucles de l'enfant pour lui dégager les yeux et déposa un baiser sur son front. Reculant d'un pas, elle sourit en voyant Regina l'imiter et caresser sa petite joue de son pouce. Puis elles sortirent de la pièce, refermant la porte derrière elles.
Lorsqu'elles se glissèrent silencieusement dans la chambre d'à-côté, Emma sentit les doigts de Regina s'enfoncer dans son bras sous l'effet de la panique. Kathryn n'était pas dans son lit. La brune se tourna vers sa femme, terrifiée, mais cette dernière lui tapota la main avec un air rassurant et pointa du doigt l'espace qui se trouvait sous le lit. Elles eurent juste le temps d'apercevoir un petit pied avant qu'il ne disparaisse. Emma leva un doigt pour lui demander de ne pas bouger, puis s'allongea à plat ventre à côté du lit.
— Coucou, toi, murmura-t-elle, un peu inquiète.
— Coucou, répondit une voix triste.
— Tu veux en parler ? demanda Emma en constatant que sa fille avait les yeux plein de larmes.
La petite secoua la tête pour toute réponse. Emma évalua l'espace qu'il y avait sous le lit. Ça allait être serré, mais il faudrait que ça passe. Rampant pour se rapprocher, elle se faufila vaille que vaille sous les lattes. Sa fille se blottit immédiatement contre elle en tremblant et en pleurant.
— Qu'est-ce qu'il se passe, Kates ?
— Je peux pas retourner à l'école demain.
— Mais pourquoi ?
— Parce qu'y faut que j'reste à la maison pour s'occuper de Maman. Elle était triste, ce matin. Je l'ai vu, répondit-elle en chuchotant.
— Mais tu as bien aimé l'école, non ? C'était chouette, aujourd'hui ?
Kathryn hocha la tête contre sa poitrine.
— Oui. C'était très çouette. Je me suis fait un nouveau copain et on a joué, et la maîtresse est très gentil…, soupira-t-elle.
— Mais tu t'inquiètes pour Maman, c'est ça ?
— Oui, confirma-t-elle à voix basse.
Toujours dans la chambre, Regina avait plaqué une main sur sa bouche pour ravaler une nouvelle vague de larmes. Elle parvint à rester silencieuse, mais sa poitrine était secouée par les sanglots, et ses doigts furent bientôt mouillés. Elle n'arrivait pas à en croire ses oreilles.
— Je vais te dire, proposa Emma en faisant glisser sa main sur le sol, à la recherche de l'objet qui avait attiré son attention lorsqu'elle avait rejoint sa fille.
Elle grimaça exagérément et tordit la bouche pour feindre la concentration sous les yeux attentifs de Kathryn. Enfin, ses doigts entrèrent en contact avec la douceur d'un bras duveteux, et elle haussa et abaissa les sourcils avec un sourire, déclarant « Aha ! » sur un ton triomphant, avant de tirer un dragon en peluche entre elles.
Disposant maintenant de toute l'attention de sa fille, elle reprit :
— Sans-Dents te redonne toujours le sourire, pas vrai, Kates ?
La petite fille aux cheveux noirs hocha la tête, les yeux rivés sur elle. L'expression de son visage dit à Emma qu'elle était pendue à ses lèvres.
— Eh bien, figure-toi que les dragons détestent l'école. Ils trouvent qu'ils sont trop intelligents pour y aller, annonça cette dernière en roulant des yeux, avec un clin d'œil qui arracha un sourire à Kathryn. Que dirais-tu d'un marché ? On garde Sans-Dents à la maison demain, et il pourra s'occuper de Maman pendant que tu es à l'école. Comme ça, il restera libre de son temps, ses bêtises feront rire Maman, et toi, tu pourras t'amuser avec tes copains. Dès que tu rentreras, tu raconteras à Maman ta journée et elle, elle te racontera tout ce qu'elle et ce vieux fainéant de Sans-Dents qui pète plus haut que ses fesses ont fait en ton absence. Qu'est-ce que tu en penses ?
Emma attendit en retenant son souffle, espérant que son plan allait marcher. Elle se retint de rire ; savait que le dilemme était sérieux pour la petite. Elle était réellement déchirée entre son désir d'aller à l'école et son besoin de réconforter sa mère.
Au milieu de la pièce, Regina osait à peine respirer.
— D'accord, Mama, souffla finalement Kathryn.
— Bon, toi et Sans-Dents allez donc avoir une journée chargée, demain. Tu crois que vous pourriez vous endormir, maintenant ?
Regina s'essuyait les yeux quand Emma sortit de sous le lit, suivie par sa fille. Affichant un sourire en espérant que Kathryn ne remarquerait pas ses yeux bouffis et les traces de larmes sur ses joues, elle s'agenouilla en lui souriant tendrement et en replaçant une mèche de cheveu derrière son oreille. Deux petits bras se jetèrent à son cou pour la serrer fort, et Regina lui rendit son étreinte.
— Merci, mon cœur, Maman se sent déjà beaucoup mieux. Et je te promets que Sans-Dents et moi nous occuperons bien l'un de l'autre demain, murmura Regina en plaçant un baiser sur sa joue.
Puis elle la souleva et la déposa précautionneusement dans son lit. Emma avait déjà retiré les couvertures, et les remit en place dès que la fillette fut allongée. Elle se pencha ensuite pour frotter son nez contre sa joue, avant de se pencher pour lui murmurer à l'oreille :
— Beau travail, Kates.
Un gloussement lui répondit.
— Tu veux que je te chante une chanson ? lui demanda Regina en s'asseyant sur le bord du matelas, écartant du bout des doigts les cheveux qui lui tombait devant les yeux.
Kathryn hocha la tête ses paupières se fermaient déjà.
— Arrorró, mi niña, arrorró, mi sol, arrorró, pedazo de mi corazón…
— Il faut vraiment qu'on arrête nos simagrées à l'arrêt de bus, s'esclaffa Emma alors qu'elles retournaient dans le couloir. Je passe à peine sous ce lit.
Regina répondit faiblement à son rire, mais l'instant d'après, ses yeux débordèrent à nouveau, et Emma ouvrit grand les bras pour l'accueillir dans une étreinte chaleureuse.
— Hé, ma puce, c'est fini, les larmes, la taquina Emma en utilisant son index pour l'obliger à lever la tête. Tu vas t'éclater avec Sans-Dents demain, je te rappelle. Tout le monde n'a pas la chance de passer une journée en compagnie d'un dragon, encore moins avec CE dragon. Tu sais à quel point elle l'aime ; elle ne s'en sépare presque jamais. Elle doit vraiment se faire du souci pour toi…
Regina hocha la tête avant de reculer d'un pas et de se frotter les yeux. Emma l'aida et essuya ses joues de ses pouces. Quand elle sentit que Regina était prête, elle fit un geste de la tête vers le couloir et lui offrit sa main :
— Allons voir les autres.
Les jumeaux étaient allongés dans deux lits séparés, dans la même chambre. Elles avaient essayé de leur attribuer une chambre chacun, mais le caractère très protecteur de Marco et la peur du noir de Teresa rendait ce nouvel arrangement plus stable, du moins pour l'instant.
Emma glissa avec précaution une main sous l'oreiller de son fils et détacha ses petits doigts des lunettes auxquelles ils étaient agrippés. Pliant les branches, elle les déposa sur sa table de chevet et s'accroupit près du lit pour observer son visage endormi. Elle effleura ses cheveux blonds et passa un index sur l'arrête de son nez avant d'embrasser son front, puis elle s'écarta pour permettre à Regina d'en faire de même, avant de se diriger vers le lit de Teresa. La petite fille dormait à poings fermés, allongée sur son côté gauche ; sa bouche était entrouverte, elle respirait calmement. Emma écarta les cheveux près de son oreille, pendant que, de l'autre main, elle trouvait le bouton de l'aide auditive et l'éteignait pour la nuit. La lui retirant, elle la plaça dans sa poche pour que sa fille la récupère chargée le lendemain matin. Puis elle lui enleva ses lunettes épaisses et les plaça sur la table de chevet, et lui donna deux baiser, un sur le front, l'autre sur l'oreille droite, et resta un moment à l'observer tendrement.
— À quoi tu penses, mon cœur ? murmura Regina en lui enroulant un bras autour de la taille.
Elle avait remarqué le regard pensif et lointain d'Emma.
— Ce sont nos plus belles œuvres d'art, Regina, chuchota la blonde en secouant la tête, avant d'enlacer les épaules de sa femme et de lui embrasser les cheveux.
— Tu t'en es bien sortie, Emma Swan-Mills, souffla Regina avec un sourire en se tournant vers la porte.
Elle fit courir sa main le long du biceps musclé d'Emma et le pressa doucement en penchant la tête pour l'encourager à la suivre.
Côte à côte, Emma et Regina se penchèrent sur le berceau de leur dernier né. Fredrick était étendu sur le dos, vêtu d'une grenouillère et enveloppé d'une couverture bien chaude. Son bonnet de laine était tiré jusqu'au sommet de ses sourcils, et ses lèvres se contractaient et se relâchaient autour de la petite main qui s'était glissé dans sa bouche. Il agitait occasionnellement ses jambes avec de petits gémissements, puis s'apaisait en suçant lentement son poing. Il avait déjà beaucoup grandi, mais restait tout de même minuscule, comparé aux autres. Il avait hérité de la frêle stature de Regina et de ses cheveux noirs. Par pur hasard, ses iris s'étaient révélés d'un merveilleux vert émeraude.
— Tu ne t'en es pas si mal sortie non plus, Regina Swan-Mills, murmura Emma avec un sourire. Bonne nuit, petit homme, souffla-t-elle ensuite en embrassant son propre doigt avant de le poser sur le poing du bébé.
Alors qu'Emma se tournait vers la porte, la main de Regina se glissa dans la sienne. Elle lui lança un regard interrogateur.
— Donne-moi une minute ? lui demanda sa femme à voix basse en parcourant la pièce du regard.
— Pas de problème, répondit Emma avec un sourire doux.
Déposant un baiser sur sa main, elle quitta la pièce et s'éloigna dans le couloir.
Regina tourna lentement sur elle-même, examinant chacun des quatre murs couverts de gravures de bois. Même après toutes ces années, elle ne pouvait s'empêcher d'être fascinée et émerveillée par la beauté éthérée de cette pièce. L'attention et l'amour qu'Emma y avait mis tant d'années auparavant sans rien attendre en retour… Les petits habitants de la forêt qui y figuraient avaient vu grandir quatre de leurs enfants ; les avaient vu, de bébé, devenir des garçonnets et fillettes, puis entrer en âge de rejoindre la maternelle, et le CP. Ils surveillaient maintenant le sommeil de leur cinquième tout en continuant leurs allées et venues et leurs jeux dans les feuilles, les arbres et les buissons de la forêt. Plus tard, ces murs seraient recouverts par de nouveaux souvenirs, de nouvelles couleurs, mais Regina voulait profiter des quelques années à venir (et peut-être plus) pour les graver dans sa mémoire.
S'approchant d'un coin de la pièce, elle jeta un œil dans un tronc d'arbre et y trouva Mme Trotte-Menue, toujours assise dans son fauteuil à bascule, son bébé dans les bras. Sur la couverture étaient à présent brodés cinq noms, et une deuxième souris se trouvait sur le pas de la porte, sa caisse à outil à la main, sur le point de rentrer après une dure journée de travail. Quatre souris plus petites s'amusaient et dansaient devant une vaste cheminée. Quand elle avait demandé à Emma pourquoi il restait encore tant d'espace devant l'âtre, elle lui avait simplement répondu, en souriant et en haussant une épaule :
— Fredrick aura besoin de l'espace pour jouer, et puis, pour la suite, qui sait ?
Ella trouva Emma dans le salon, occupée à regarder avec attention le manteau de cheminée au-dessus de l'âtre éteint. Allant se placer devant elle, Regina s'appuya contre elle et la laissa l'enlacer, resserrant ses bras autour d'elle en soupirant de plaisir. Emma tourna la tête pour frotter doucement son nez contre sa joue.
— Je crois qu'on va avoir besoin de faire un peu plus de place, énonça sa femme à voix basse.
Regina examina le manteau de bois brut sur lequel étaient exposées une myriade de photos de leurs enfants, de leur famille, de leurs amis et d'elles-mêmes. Nichées entre elles, pratiquement cachées, se trouvaient trois statuettes dorées : des silhouettes quelconques dans un style art déco qui tenaient à la main une épée brandie devant une pellicule de film. Emma les pointa tour à tour du doigt en les nommant :
— Kathryn, déclara-t-elle en montrant le premier Grand Prix de la meilleure musique de film. Marco, poursuivit-elle en passant à la seconde statuette. Et Teresa, termina-t-elle en désignant la dernière. Chaque fois qu'on a un bébé, tu es inspirée. Ta musique provient d'un endroit magnifique et merveilleux. Et les gens le voient, Regina. Ils l'entendent. Ils le sentent. Alors…, je ne voudrais pas nous porter la poisse, mais je vais sans doute devoir faire de la place pour Fredrick, acheva Emma en souriant. Le seul qui manque, c'est Henry…
— Oh, Henry a eu le meilleure Grand Prix du monde, Emma. Il t'a eu, toi, quand nous en avions le plus besoin.
Se tournant dans l'étreinte de sa femme, Regina l'embrassa longuement. Elle sursauta soudain en entendant un ronflement sonore, et étouffa un rire en apercevant Marco étendu sur le canapé derrière elle, qui piquait un somme.
— Malgré les apparences, c'est un très bon baby-sitter, s'esclaffa Emma, avant d'ajouter tout bas en le pointant du doigt : Il a des oreilles de faucon.
— J'ai entendu, signala Marco en roulant sur lui-même pour leur tourner le dos avant de se remettre à ronfler.
— Qu'est-ce que je disais ? répliqua Emma.
— J'ai juste besoin d'une minute, murmura Regina en se dirigeant vers leur chambre à coucher.
Avant d'entrer, elle fit un geste vers la porte à l'intention d'Emma pour l'encourager à partir devant. Sa femme lui adressa un clin d'œil, puis disparut.
Lorsqu'elle eut terminé dans la chambre, Regina sortit et l'aperçut lui faire signe de se dépêcher, tout excitée, à travers l'entrebâillement de la porte arrière.
Elle la rejoignit et attendit qu'elle referme précautionneusement la porte avec une grimace de concentration. Enfin seules. Elles se tournèrent l'une vers l'autre.
— Prête ? demanda Emma en trépidant d'impatience.
Une lueur de malice brillait dans ses yeux verts, et elle haussa et baissa rapidement les sourcils en une expression joueuse, ce qui obligea Regina à se mordre la lèvre pour réprimer un énorme sourire. Elle opina vivement du chef.
Elles ne purent s'empêcher de laisser libre cours à leur hilarité en s'élançant dans le jardin, côte à côte, mains jointes.
Elles s'arrêtèrent peu avant le ponton et laissèrent tomber leurs serviettes avant de se déshabiller et de sauter dans l'eau fraiche de la crique. Après avoir pataugé quelques instants, le besoin de se rapprocher se fit trop intense : Emma planta ses pieds dans le sol caillouteux, de l'eau jusqu'à la poitrine, et enlaça Regina alors que cette dernière enroulait ses jambes autour de sa taille. Elles s'embrassèrent passionnément, leurs langues se cherchèrent avec ferveur dans la chaleur familière et rassurante de leurs bouches. Emma déposa des baisers à bouche ouverte le long du cou et de la gorge de Regina, s'arrêtant momentanément pour sucer l'endroit où elle percevait son pouls sans cesser de caresser généreusement sa peau. Sentant une nuée de picotements et une chaleur se répandre dans ses seins, cette dernière se souvint que leur répit serait de courte durée.
— Il faut qu'on rentre bientôt, Emma je dois donner la tétée à Fredrick, murmura-t-elle.
— Et après ça ? s'enquit Emma.
— Soy tuya siempre, hazme lo que quieras….
Elle sentit le sourire d'Emma éclore contre sa peau et continua le doux assaut de ses lèvres et de sa langue contre ses clavicules et sa poitrine. Finalement, leur baiser prit fin, et elles tournèrent toutes deux la tête vers la maison, joues collées. La lumière se déversait par les fenêtres et jusque dans le jardin, et tout semblait calme ; les occupants sommeillaient paisiblement dans des lits chauds. Emma garda les yeux rivés sur l'arrière de la maison en demandant doucement :
— Tu penses qu'on a trouvé notre définition « d'aller bien », Regina ?
Regina recula un peu le visage pour observer le profil de sa femme. Elle avait gagné une maturité dans les lignes subtiles qui se dessinaient à présent sur son visage. Elle l'avait déjà remarqué, mais ne s'y était jamais vraiment attardée. Emma était réellement d'une beauté brute et indescriptible, qui ne faisait que s'accroître avec le temps et l'âge.
— Non, répondit Regina.
Emma tourna la tête et lui lança un regard curieux. Souriant, Regina appuya son front contre le sien avant de se pencher pour lui donner un baiser passionné. Juste avant que leurs lèvres ne se touchent, Emma entendit la voix merveilleuse de sa femme lui dire les mots qu'elle rêvait d'entendre :
— Je crois qu'on a trouvé notre définition de « parfait ».
FIN
