On approchait de la fin du mois d'Octobre, et évidemment, il était encore en retard pour son loyer. C'en était presque à se demander pourquoi la vieille ne l'avait pas encore viré par la peau du cul… Enfin, vu qu'il allait crever ici, ça ne servait plus à rien de se poser la question.
Quelle mort pathétique ce serait tout de même ! Il imaginait déjà parfaitement la honte qu'il se taperait, alors qu'on retrouverait son cadavre déformé par la faim et la soif, avec pour seule compagnie des mouches… Et l'autre tocard en prime. Non vraiment, il préférait ne pas y penser. Pourtant les choses avaient presque bien commencé. Ou plutôt, rien ne lui avait assez mis la puce à l'oreille, et l'opportunité semblait tellement alléchante qu'il n'y avait pas réfléchi à deux fois avant de se lancer là dedans. Il aurait sans doute dû. Mais il était maintenant trop tard pour se mordre les doigts. Cette pensée lui arracha un soupir défaitiste, et alors qu'il fixait de nouveau le mur en face de lui, il se remémora comment tout cela était arrivé.
On était donc fin Octobre, et il fallait qu'il trouve de quoi payer son loyer du mois. Il avait passé la journée à écumer les petites annonces dans les journaux, à la recherche du hold up parfait. En bon flemmard qu'il était, il lui fallait trouver le meilleur ratio effort/salaire. Il cherchait donc, sans plus vraiment y croire, et déjà prêt à se rabattre sur le genre de jobs qui le faisaient vivre d'habitude, quand il la vit. C'était une annonce vraiment sobre, laissée par un type qui ne donnait même pas son identité. Un boulot à la con, pour lequel il n'était même pas qualifié. Mais il l'avait su en la voyant : c'était précisément ça qu'il lui fallait. Trop heureux de sa trouvaille, et peu désireux de se la faire souffler, il s'était proposé sans plus de cérémonie. Et bien sûr, c'est cette même logique foireuse bien à lui qui lui avait donné l'idée d'aller fêter ça dans la foulée.
Dans le bar d'à côté.
Ouais, définitivement pas sa meilleure performance pour le coup. Il avait tellement bien fêté ça qu'il était rentré complètement torché à un heure tout à fait indécente. Forcément ça n'avait pas loupé : il s'était réveillé le lendemain relativement nauséeux, et fatalement en retard. On pouvait dire que ça démarrait fort. Il avait donc avalé en vitesse une aspirine et revêtu son plus bel habit de technicien pour avoir l'air pro. (Selon lui, bien sûr. Il fallait comprendre un simple bleu de travail et une casquette sûrement empruntée à un clodo du coin). Oui parce que le boulot en question lui demandait d'effectuer la maintenance de quelques appareils électroniques dans un Escape… Quoi déjà ? Il ne savait même pas ce que c'était censé être ! Mais bien sûr il avait chassé d'un revers de main cette réflexion et il avait fini de commettre sa fatale erreur, celle qui lui coûterait probablement bien plus qu'un loyer impayé...
Il aurait dû se méfier de ce nom qui ne lui inspirait rien… Et il aurait d'autant plus eu raison de le faire, quand il s'était rendu sur le lieu indiqué par l'annonce, et que son mystérieux client n'avait même pas daigné se montrer. Qu'à cela ne tienne ! Il fallait avouer que pour le coup ça arrangeait ses affaires. Outre son retard légèrement répréhensible, sa gueule de bois lui avait refilé un tenace mal de tête. Ce n'était donc pas plus mal qu'il n'ait personne à qui faire la conversation ! A fortiori quand il s'agissait de parlementer sur un sujet où il devrait faire semblant de s'y connaître. Avec un peu de chance, il arriverait à arnaquer ce pauvre mec avant même qu'il ne s'en rende compte, et filerait à l'anglaise une fois sa paye en poche.
Dans sa tête, tout était vraiment pour le mieux, et il s'en alla vers son funeste destin en sifflotant gaiement.
…
Il avait sans doute dû faire quelque chose au Karma. Ou il avait été un dangereux malfaiteur dans une autre vie. Il n'y avait aucune autre explication possible. En tout cas, aucune autre qui puisse lui faire avaler qu'il avait décemment mérité de finir comme ça. Enfermé ici, après s'être fait avoir comme ça... Juste avant de pouvoir profiter de la magie de Noël, ou qu'importe quelle autre connerie de lubie que l'ambiance si particulière de cette période aurait pu inspirer à son Commandant. Enfin, il disait ça, mais juste avant la neige duveteuse de Noël, il y avait Halloween dont il se serait bien passé !
Non pas qu'il détestait cette fête, mais disons qu'il avait un peu de mal à concevoir le fait qu'on puisse fêter la mort. La belle excuse pour occulter le fait qu'en réalité, il avait seulement une peur bleue de tous ces gamins déguisés en fantômes. Selon lui c'était une stupide fête probablement inventée par un mec tout aussi stupide.
Ou un sadique.
Et en parlant de sadique, il le retenait l'autre. Il avait osé l'abandonner ici, l'obligeant à passer ce qui seraient ses instants fatidiques en la présence de ce type qu'il ne pouvait pas se voir ! Non vraiment, même le seppuku ne suffirait pas à laver l'humiliation qu'il ressentait.
Décidément, sa vie ces dernière heures ressemblait à un mauvais film d'horreur.
Brr… Il préférait ne pas se souvenir de comment il en était arrivé là...
On était fin Octobre. Cette période n'était pas vraiment différente des autres pour lui. Enfin, les gredins et autres brigands avaient quand même l'air de les laisser souffler un peu, sans doute une évolution due à l'effervescence générale qui venait avec les fêtes de fin d'année… Même les criminels se rassemblent en famille pour Noël, faut croire ! Il n'allait pas s'en plaindre. Quoique ce calme tout relatif n'en était pas vraiment un, et que c'était, étrangement aussi, à cette période qu'on lui confiait les affaires les plus farfelues qu'on puisse imaginer.
Pas de vacances pour les valeureux ! Tu parles. Il était juste le seul assez fidèle -et con- à leur chef pour ne pas se défiler en prétextant des affaires personnelles autrement plus importantes que la sécurité de cette foutue ville. Tch.
Cette enquête là avait pourtant débuté comme n'importe quelle autre. Une banale histoire de tapage nocturne, plusieurs plaintes des voisins et une enquête à mener dans un quartier un peu éloigné du centre-ville : la routine. Ils avaient décidé d'attendre le coucher du soleil avant de se rendre sur les lieux, pour vérifier la véracité des témoignages. Tout ce qu'ils avaient était une adresse, et des rumeurs de disparitions près de cet endroit déjà réputé comme hanté. Et bien évidemment, ils s'étaient retrouvés à mener cette investigation en effectif réduit, pas loin du soir d'Halloween. Ambiance au top, en somme.
C'était un bâtiment qui sortait un peu du décor quand on faisait gaffe. Construit en retrait des voisinages environnants. Il donnait à la fois l'impression d'être apparu cette nuit, tout en étant d'apparence surprenamment vétuste. Peut-être un effet de style ? Bien qu'il ne voyait pas trop l'intérêt de bâtir volontairement quelque chose qui avait l'air de dater du siècle dernier, à part donner du poids au racontars qui prétendaient que le lieu était hanté… Maintenant qu'il y pensait, c'est vrai que cet espèce de hangar désaffecté ne lui rappelait rien. Il semblait vraiment avoir poussé ici du jour au lendemain. Toute cette histoire devenait de plus en plus étrange.
Mais il avait une mission à accomplir, et après un repérage sommaire, où ils purent conclure que le l'endroit avait l'air tout ce qu'il y a de plus désert, ils mirent rapidement au point leur stratégie. Deux d'entre eux rentreraient à l'intérieur pour inspecter ce qu'il s'y tramait, pendant que les autres allaient monter la garde devant et aux alentours pour intercepter quiconque s'approcherait.
Il s'avança prudemment vers l'entrée, avisant un instant un néon un peu passé qui indiquait « Escape Game ». Hum ? Jamais entendu parler. Ce devait sans doute être un genre de magasin à thème… Restait à savoir ce que ça foutait là. Et comment un lieu de ce type pouvait être accusé de troubler la tranquillité des habitants du quartier. Il avait un mauvais pressentiment. Et comme pour confirmer son intuition, il entendit des bruits provenir de l'autre côté de la porte fermée. Le bâtiment n'était pas aussi vide qu'ils le pensaient tout compte fait.
Il se retourna vers ses hommes pour donner ses directives :
« Bon les gars, il y a du bruit à l'intérieur alors je vais y aller en premier » Puis croisant les yeux de son second « Tu me rejoins dès que je te fais signe.»
Il n'attendit pas de réponse avant de tendre la main vers la porte qu'il entrebâilla précautionneusement dans un grincement sonore, le métal froid lui raidissant la main un instant. C'était pas verrouillé ? Il n'eut cependant pas vraiment le temps de se poser plus de question, se reconcentrant sur son objectif. Il devait localiser la source du bruit. Néanmoins, il devait bien admettre que la chance n'était pas franchement de son côté ce soir puisque la pièce entière était plongée dans la pénombre, à peine éclairée par la lumière de la lune qui filtrait à travers l'embrasure de la porte restée mi-close derrière lui. Il se dirigea donc à tâtons, tendant l'oreille à l'affût du moindre son. Il plissait les yeux, peinant à s'accoutumer à la faible luminosité. Cet endroit avait l'air plutôt exigu, plus que vu depuis l'extérieur en tout cas.
Il se laissait aller à ses réflexions quand un bruit sourd l'interrompit. La porte venait de se refermer impitoyablement derrière lui avec fracas et violence. Un frisson lui parcouru l'échine tandis qu'il se retournait lentement vers la sortie condamnée. Qu'est-ce qui avait pu la repousser aussi fort ? Il n'y avait pourtant pas de vent dehors…
Il se pencha vers la cloison pour s'adresser à son escouade :
« Tout va bien les gars ? Il se passe quelque chose de votre côté ? »
…
Pas de réponse.
Effectivement, il pouvait toujours attendre, puisque ses coéquipiers s'étaient stratégiquement placés hors de portée de sa voix. Et le signal qu'il était censé donner pour qu'on le rejoigne ? C'était sans doute son enfoiré de bras droit qui avait donné l'ordre à ses hommes de s'éloigner, trop content d'avoir une raison pour le laisser risquer sa vie tout seul.
Mais ils restaient de bons flics, et l'un d'entre eux eut tout de même la présence d'esprit de demander :
« Et le Vice-commandant alors ? On ne devait pas le rejoindre ? »
Celui qui était le bras droit dudit Vice-commandant, un petit brun à l'air vaguement ennuyé, pris la parole pour lui répondre :
« Il n'a pas encore envoyé de signal. Vous savez, il doit tellement se soucier de nous qu'il préfère sans doute attendre d'être certain que la situation soit sans danger pour nous appeler. »
De son côté, voyant qu'il n'obtenait aucune réaction de la part de ses camardes, il se décida à essayer d'ouvrir la porte lui-même. Quelle ne fut pas sa surprise quand il se rendit compte qu'elle était maintenant verrouillée. C'était quoi ce bordel ? Perdant son sang-froid un instant, il s'acharna sur la poignée qui refusait tout bonnement de coopérer. Il était bloqué là dedans.
« Merde. »
Heureusement que ses gars étaient restés saufs, ils pourraient alerter le QG et venir le tirer de là. Bon, il devait garder son calme. Il soupira pour se redonner contenance et beugla ses nouveaux ordres à travers le métal épais, espérant être entendu.
Mais bien évidemment, personne ne lui répondit et il commença lentement à perdre espoir. Ce qui devait n'être qu'une patrouille de routine se transformait petit à petit en véritable cauchemar.
« Hey les gars, vous avez pas entendu crier à l'instant ? »
Tous les regards se dirigèrent vers l'entrée du bâtiment un peu plus loin. Le capitaine sourit, voulant certainement rassurer les troupes :
« Vous avez entendu ça ? Il vient de nous dire qu'il gérait parfaitement et qu'on pouvait rentrer profiter de notre soirée. Quel homme bon. Nous n'oublierons pas de festoyer en son honneur, n'est-ce pas messieurs ? »
« Mais vous êtes sûr capitaine ? J'ai cru entendre un cri de détresse... »
« Pas d'inquiétude, je connais cet entêté mieux que n'importe qui, je suis certain qu'il nous en voudrait si on l'attendait. » Puis il fit mine de regarder sa montre « Vous avez vu l'heure qu'il est en plus ? On a officiellement terminé notre service pour aujourd'hui. »
Tous n'avaient pas l'air entièrement convaincus, cependant, l'air rassurant de leur capitaine et l'heure tardive finirent par avoir raison de leur détermination, et ils s'éloignèrent tous un à un, contents de pouvoir rentrer se mettre au chaud. Le dernier d'entre eux se retourna vers le leader et l'interrogea du regard en constatant qu'il ne les avait pas suivis.
« Ne t'en fais pas, je vais juste dire merci au Vice-commandant pour son sacri- » Il toussota, se reprenant : « ...Dé-dévouement. Ne m'attendez pas.»
Et l'officier fila sans demander son reste.
Le doux sourire du capitaine se tordit rapidement en une grimace sadique, tandis qu'il trottinait tranquillement vers la porte derrière laquelle son supérieur était retenu prisonnier. Il s'y adossa, craignant que le malheureux ne puisse pas capter son discours, et sa voix s'éleva dans le silence de cette nuit d'hiver.
« Vous faites preuve d'un héroïsme exemplaire, le Shinsengumi doit être vraiment fier de vous compter dans ses rangs. » Il fit une pause. « Je dirai à Kondo-san que vous vous êtes battu jusqu'au bout, ne vous inquiétez pas, vous mourrez avec honneur.»
La réponse fusa presque immédiatement :
« Sougo, espèce d'enflure ! Viens m'ouvrir tout de suite ou tu le regretteras ! »
Mais Sougo partait déjà, ne prenant pas la peine de l'écouter s'époumoner. Il balança juste un vague signe de la main que son interlocuteur ne pouvait évidemment pas voir, et ricana une dernière fois à son attention « Merci pour tout Hijikata-san ! »
« Oi ! Reviens là espèce de sadique ! »
Hijikata se débattit avec fureur contre cette foutue cloison, mais elle ne céda pas.
Il. Était. Bloqué.
Définitivement. A cause de son connard de partenaire qui n'attendait qu'une occasion de ce genre pour enfin se débarrasser de lui… Bordel. Quand il mourrait, il se démerderait pour aller le hanter. Ou il s'assurerait que l'autre le rejoigne en Enfer pour lui faire payer ça, foi d'Hijikata !
Bon. Il faisait quoi maintenant ? Il avait toujours une enquête à mener ici. Et bien que les mots de ce traître de Sougo n'avaient pas été prononcés sincèrement, le Vice-commandant décida de s'en inspirer. Il devrait crever ici ? Très bien ! Il le ferait en résolvant le mystère qui planait autour de cet endroit et serait un véritable héros. Enfin, il allait essayer en tout cas, parce que l'absence de lumière restait quand même un sacré frein.
Il lista mentalement ses différentes options, lorsqu'il entendit de nouveau ce bruit de sifflement qui avait attiré son attention tout à l'heure. Il plissa les yeux dans la direction d'où il estimait sa provenance, hésitant à s'en rapprocher. Un bruissement de tissus le convainquit cela dit très rapidement de fuir le plus loin possible, il ne tenait en aucune façon à faire la rencontre d'une quelconque entité habitant les lieux ce soir !
C'est donc très héroïquement qu'il plongea sous la table qu'il avait repérée un peu plus tôt. Mouais pour la crédibilité on repasserait… Mais c'était sans compter sur la silhouette à l'origine de ces bruissements, qui se rapprocha implacablement de lui, souhaitant absolument réduire la distance entre eux au maximum. Il se surprit bientôt à sentir des sueurs froides lui couler le long des tempes. Attend, mais il débloquait complètement là ! Tu parles d'un gardien de la paix, il était ridicule. Ce n'était pas du tout comme ça qu'il allait mourir avec fierté pour sa patrie. Autant s'ouvrir le ventre immédiatement, si c'était pour fuir au premier obstacle venu ! Ouais, mais… Et si c'était vraiment un fantôme ? Il prit une grande inspiration pour retrouver son calme. De toute façon l'étrange silhouette savait déjà où il se trouvait, se cacher n'allait pas rester une solution viable bien longtemps.
« Y'a quelqu'un? »
Il ne s'était certainement pas attendu à entendre quelqu'un parler. Enfin, il s'était bien douté que cette silhouette appartenait forcément à une personne, et que si cette personne pouvait siffler, il y avait quand même de fortes chances pour qu'elle soit capable de s'exprimer. Mais persuadé d'être hanté par une entité malveillante, il restait abasourdi de la banalité de sa question. Alors quoi ? Il ne lui demandait pas comment il voulait crever ? Bon, c'était pas une si mauvaise nouvelle. Il n'allait quand même pas se plaindre si son inquiétant ennemi se retrouvait être un simple humain ! Rassuré, il décida de sortir prudemment de son abri, et s'en griller une petite. Il avait besoin de décompresser un peu là. Même pour lui, ça faisait beaucoup d'infos à encaisser. Il dégaina son fidèle briquet (qu'il n'avait même pas pensé à utiliser pour s'éclairer) et coinça une clope entre ses lèvres. Il appuya une fois, deux fois, mais aucune flamme ne daignait sortir de ce foutu machin. Il pesta. Décidément aujourd'hui tout le monde s'était ligué pour le faire chier ! Il actionna encore une fois son briquet, rageur, et miracle : une flamme jaillit. Trop concentré qu'il était, il n'avait cependant pas anticipé que la silhouette de l'inconnu se serait autant rapprochée, il ne s'en rendit compte que lorsque la flammèche récalcitrante s'alluma pile en dessous de la tronche de l'autr-
« KYAAAAA ! »
OH. BON. DIEU. Il venait d'hurler comme une fillette, même son abri de fortune ne le cacherait pas d'une telle indignité…
Dans un réflexe uniquement guidé par la frayeur qu'il venait de vivre, il empoigna le fourreau de son sabre dans le but de l'encastrer dans la tronche -définitivement flippante-de cet inconnu. Sans même prendre le temps s'annoncer. Il n'avait fichtrement pas eu la présence d'esprit nécessaire pour analyser plus en détails la situation. Donc forcément, le fait que ce gars était peut-être le fauteur de troubles qu'ils étaient censés être venus débusquer ne l'effleura pas. Pas plus que le fait de s'en prendre à qui que ce soit de manière aussi gratuite n'était pas un très bon point pour lui, en tant que flic. Mais plus le temps de s'embarrasser avec les politesses et autres protocoles. Quelque chose de bizarre se passait ici, et fantôme ou pas, il allait l'aider à résoudre ce mystère ! Ou au moins, l'aider à passer sa colère, pour qu'il se remette de ses émotions et commence sa putain d'enquête ! Et puis bon, il était un officier exemplaire 99 % du temps, il pouvait bien se permettre un petit écart. On verrait après, les conséquences !
Surprenamment pourtant, son arme n'atteignit jamais sa cible, puisque l'homme en face de lui l'avait arrêté dans son élan. Ce gars l'avait intercepté sans flancher, alors qu'il ne devait certainement pas s'attendre à ce qu'un coup parte. Et qu'il avait peut-être aussi été un peu déstabilisé par son cri un peu plus tôt. Quel genre de surhomme était-ce ?
Si c'était bien le gars qu'il cherchait, le maîtriser allait se révéler plus ardu que prévu. Le policier se remit rapidement de sa stupeur, et raffermit sa prise sur son katana, se préparant déjà à la contre attaque de l'autre.
Mais rien ne vint. Son étrange homologue se contenta de lâcher un profond soupir.
« Oi oi oi ! Qu'est-ce qui se passe ? Ca va pas de hurler comme ça ! Tu m'as réveillé et mon mal de crâne revieeent»
Se disant, il gémit misérablement d'inconfort.
Hijikata n'en revenait pas. Son cerveau mis un temps à intégrer l'information. Il ne pouvait pas y croire. Il ne voulait pas y croire. Mais pourtant, la conclusion qui s'imposa à lui ne pouvait qu'être la bonne.
« Yorozuya ?! »
Il ne l'avait pas reconnu tout de suite, dans la pénombre les traits de son visage restaient difficiles à identifier, et cet abruti avait l'air de porter un déguisement bien loin de sa tenue habituelle, (où est-ce qu'il était allé dégoter cette casquette?!) pourtant le Vice-commandant était formel : devant lui se dressait encore une fois Gintoki fucking Sakata. Entre le stress et sa voix rauque d'après-réveil quand il avait parlé la première fois, il n'avait pas eu l'occasion de faire gaffe. Même quand il l'avait éclairé par accident, il était tellement effrayé qu'il n'avait pas pensé à se concentrer sur son visage. et n'avait donc pas percuté qu'il le connaissait.
Fallait dire aussi, qu'il ne s'était pas attendu à ce que cet enculé de destin s'amuse à le torturer en mettant une fois de plus l'autre permanenté sur sa route. Il évalua d'ailleurs au passage, que les sifflements qu'il avait entendus tout à l'heure devaient certainement être des ronflements. Pendant que lui se démenait pour sortir de ce pétrin, tout ce qui perturbait cet abruti c'était qu'on l'ait réveillé de sa sieste ! Il devait être maudit. Rah, quand il sortirait de là, il jurait de faire payer ce fourbe de Sougo ! A condition qu'il arrive à survivre à cette soirée, mais de ce côté là, rien n'était garanti…
…
« Yorozuya ?! »
Vraiment ? De tous les clampins qu'il avait imaginés pouvoir se retrouver coincés ici avec lui, Mayonnaise-kun était sans doute celui qui remportait la palme du dernier choix. Ils allaient s'entre-tuer avant même d'avoir réussi à s'entendre pour faire un point sur leur situation de merde. Enfin, ce serait pas plus mal que de crever de faim ici de toute façon… Il se décrotta promptement les oreilles et plissa les yeux, tentant sans grand succès de repérer ce qu'il y avait autour d'eux.
Bon très bien. Qu'est-ce qu'ils faisaient maintenant ? C'était le moment où il fallait commencer à paniquer, là, non ?
Mais sa réflexion n'aboutit jamais. Alors qu'il s'apprêtait à répondre à son compagnon d'infortune par une réplique cinglante, il se firent surprendre par un drôle de crachotement.
D'où est-ce que ça venait ? Pris du même élan de panique les deux hommes s'élancèrent à l'unisson en direction de la table pour s'y camoufler. Heureusement, ils étaient seuls et personne ne put relever à quel point ils étaient restés visibles sous leur refuge adoré.
Peu à peu, le brouhaha qui avait empli la pièce prit fin, et une voix trafiquée leur parvint, diffusée par des hauts parleurs dans la salle.
« HAHA ! Vous êtes maintenant mes prisonniers ! Et si nous jouions à une jeu ? »
Hum… Elle sentait le réchauffé cette réplique non ? Les deux captifs répliquèrent de la même voix sans même se concerter :
« On a déjà vu ce filler bouffon ! »
C'est qu'ils reprenaient vite du poil de la bête ces deux-là ! Obnubilés par leur ridicule geôlier, ils avaient déjà complètement oublié où ils se trouvaient… Bon en l'occurrence ils étaient encore recroquevillés à deux sous la même pauvre table qui ne suffisait pas à les cacher réellement (et après ils se permettaient de juger les autres, hein), mais pour l'heure, c'était le cadet de leurs soucis. Toute leur attention était focalisée sur le gus qui parlait à travers la salle. Il avait semble-il été un peu décontenancé par cette réponse, mais il se recomposa rapidement et enchaîna comme si de rien était avec un raclement de gorge :
« H-hum ! Vous êtes dans un escape game conçu par mon génie, et je suis donc votre game master ! Si vous voulez vous échapper, il faudra venir à bout de mes diaboliques épreuves ! Hahahaha »
Il n'en finissait pas de se marrer. Il avait vraiment l'air fier de lui ce con. N'empêche, ils entendaient de nouveau ce terme étrange… Maintenant ils étaient convaincus qu'il s'agissait du nom donné à un quelconque rite de tortures. Si seulement ils s'étaient méfiés de cette expression cheloue qu'ils ne connaissaient pas, ça leur aurait épargné quelques supplices !
Donc récapitulons : il s'était rendu à ce boulot en retard, avec la pire gueule de bois qu'il ait connue. Avait bidouillé deux trois appareils en sifflotant, faisant mine de bosser un moment. Puis une fois son office accompli, son mal de tête était revenu à la charge le faisant s'écrouler, il s'endormit peu après, rattrapé par sa dernière nuit qui n'avait pas du être bien réparatrice.
Par contre, il ne se souvenait pas de cette pièce. La seule issue accessible quand il était arrivé était à l'opposée de la porte qu'avait empruntée Hijikata. Il s'était alors retrouvé dans une salle remplie de divers écrans et tables pleines de boutons. Il n'avait pas vraiment cherché à en comprendre la fonction, se contentant de resserrer les quelques trucs qui dépassaient à l'aide de son tournevis, seul outil qu'il avait jugé utile d'amener. On avait dû le bouger ici pendant qu'il dormait. Ou alors, il était encore bourré de la veille et ne se souvenait plus de ce qu'il avait fait de sa soirée… Possible aussi.
En tout cas, pour finir en beauté, il avait été réveillé par des hurlements en découvrant rapidement qu'il était coincé ici avec le gueulard, gueulard en question qui se trouvait être son Némésis : Hijikata.
Il se massa les paupières, calculant le nombre de mauvaises décisions qui l'avaient amené ici, avant de laisser tomber. La liste était trop longue, et de toute manière, ça ne les avancerait pas. Ils étaient dans la merde quoi.
Comme pour illustrer ses pensées, la lumière s'alluma tout à coup, et l'homme au rire machiavélique s'empressa de les éclairer un peu plus sur leur situation, totalement dans son délire, et manifestement hermétique à l'inintérêt certain de ses « joueurs ». Il avait rallumé les hauts parleurs, répétant leur crépitement désagréable avant de s'exclamer avec enthousiasme :
« Chers aventuriers, votre première épreuve consistera à trouver les reliques à insérer dans ses orifices que vous pouvez voir dans les murs. Il faudra faire correspondre les 150 paires de formes si vous voulez sortir d'ici. Ha ha ha… ! »
Et le silence revint aussi tôt. Oké… Bon ben on allait jouer alors.
Heureusement d'ailleurs pour le game master que les deux malheureux qu'il avait enfermés ici n'avaient pas la moindre idée de ce qu'était le concept d'un escape game, ils auraient sans problème relevé le fait qu'il distribuait un peu trop facilement ses indices. Il leur avait littéralement filé la solution avant même qu'ils ne commencent. Mais bon, personne n'allait chipoter, et c'est ainsi que les deux compères se lancèrent dans leur quête.
Maintenant que tout ce qui avait pu leur faire peur était derrière eux, ils se rendaient compte du ridicule de leur mésaventure. Enfermés comme des bleus, à suivre les directives stupides d'un guignol qui ne savait même par parler dans un micro.
Gintoki se retourna vers son partenaire imposé.
« Alors monsieur le flic ? Qu'est-ce qu'on fait ? »
Peu subtile comme entrée en matière, mais si ça lui permettait de laisser le brun réfléchir à sa place, il n'allait pas s'en priver !
Ledit flic cracha un nuage de fumée, réfléchissant un instant. Ils n'avaient pas tellement le choix, en fait. Il allaient devoir jouer le jeu de ce type s'ils voulaient pouvoir sortir.
« On va devoir coopérer si on veut avoir une chance de sortir de ce merdier... T'as entendu les indications de ce mec ? Il faut qu'on cherche les trous dans les murs. »
Il ne semblait pas beaucoup plus emballé que lui. La soirée promettait d'être longue à souhait… M'enfin, plus vite ils résolvaient ces énigmes à la con, plus vite ils pourraient se tirer de là. Le Yorozuya s'exécuta donc sans rechigner, scrutant sans grande conviction les murs autour d'eux.
Au bout de ce qui s'apparentait à une éternité pour les deux hommes, la situation se débloqua enfin, quand Gintoki, fatigué par ses interminables recherches, s'était adossé contre une armoire pas très solide. Son poids avait suffit à la faire se renverser, révélant le fameux renfoncement qu'ils cherchaient. Restait plus qu'à mettre la main sur ce qu'il allait falloir y glisser.
Ca risquait d'être une véritable partie de plaisir, vu comme ils avaient galéré à trouver un trou. Comment c'était possible d'ailleurs ? Cette petite pièce n'avait que quatre murs, qu'ils avaient analysé de long en large. Peu importait, ils allaient devoir s'en contenter pour le moment. L'important maintenant c'était les formes.
Les deux prisonniers s'échangèrent un simple regard entendu, visiblement sur la même longueur d'ondes sans s'être consultés. Ils allaient bêtement tout défoncer ici. Ca n'était pas très fair-play, mais vu comment ils avaient déniché leur premier indice, ce devait être la meilleure solution. D'un commun accord donc, ils prirent d'assaut les quelques pauvres meubles qui habillaient l'espace. En quelques minutes seulement, le chaos fut total. Ils devaient sans doute être en train de déverser toute leur frustration sur le malheureux mobilier. Mais ça avait payé ! Au milieu des décombres, ressortaient de petites pièces peintes aux formes diverses.
En les regardant de plus près, Gintoki leur trouva un air drôlement familier. Ces grands yeux inexpressifs… Ce bec jaune sur fond blanc… Hum… Il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Bah tant pis, tant que ça leur permettait de passer à la suite, il n'allait pas s'arrêter sur cette impression de déjà-vu.
« Ca fait un sacré paquet tout de même, tu crois qu'on va devoir toutes les tester pour trouver la bonne ? »
C'est qu'en bon fainéant, cette idée l'inspirait assez peu. Il jeta un œil à Hijikata, qui pesait le pour et le contre, dans une grimace d'intense réflexion. Après un instant, celui-ci lui répondit enfin :
« Je crois qu'on n'a pas trop d'alternative malheureusement. »
Profonde déception de la part du permanenté. Pourtant, il commença à rassembler les pièces, la mort dans l'âme, rapidement imité par son partenaire. Et sans plus de cérémonies, ils s'accroupirent près du mur pour les tester. La première s'enfonça sans soucis dans l'interstice.
Quelle chance !
Suivie bientôt par une deuxième, qui ne se fit pas prier.
Quelle aubaine !
Décidément, ils avaient enfin le Karma de leur côté !
Ils enfoncèrent un troisième de ces bibelots, qui ne fit pas mine de résister.
Ca c'était un sacré coup de bol !
Non, sans rire. Ca ne pouvait pas être aussi simple ? Ils ne pouvaient pas être aussi chanceux ou doués ! Dans un élan d'incertitude, Hijikata se pencha plus en détails sur les morceaux de bois. Il les inspecta, puis fixa l'orifice dans le mur… MAIS CE TROU ÉTAIT PLUS GROS QUE LEURS PIÈCES !
Tu m'étonnes que ça rentrait sans problème, le truc n'était même pas à la bonne taille, du coup peu importait la forme, tout passait. Qui était l'abruti qui avait designé ce machin ? Quelle énigme de merde, franchement. Soit leur vilain séquestreur ne s'était pas foulé, et avait espéré qu'ils abandonnent. Soit il était juste con comme une brique. Vraiment, il avait de plus en plus honte de s'être fait avoir par ce grotesque amateur. Franchement, à ce stade, il ne savait plus s'il devait rire ou pleurer. Il n'opta finalement pour aucune des deux options, et se reconcentra sur l'argenté, qui se curait le nez, l'air rêveur, sans faire attention à lui. Heureusement que les épreuves étaient faciles, parce qu'il n'était pas aidé avec l'autre loque.
Il lui envoya un coup de coude bien senti, histoire de le ramener sur Terre.
« Oi mais ça va pas ! Ca fait une minute que tu dis rien, tu peux pas me frapper sans prévenir connard ! »
Au moins, il était de bonne humeur. Gintoki se massa douloureusement sa côte malmenée tandis que son agresseur lui expliquait ce qu'il venait de découvrir.
« C'est cool si on a pas besoin de tirer, mais t'es sûr que c'est aussi simple ? Et puis, y'en a des tonnes, ça va nous prendre des heures, même avec un seul trou. »
Le flic se massa les paupières de frustration. Ce mec commençait vraiment à lui taper sur le système. Quand ils devaient trier il n'était pas content, et maintenant qu'ils n'avaient même plus à s'emmerder avec ça, il trouvait encore des choses à redire ! C'était de l'esprit de contradiction, il voulait juste le faire chier en fait, ce n'était pas possible autrement. Il allait vraiment commettre un meurtre avant la fin de la soirée.
Mais comme par magie, le scénario se réveilla à ce moment là, l'empêchant d'accomplir ses noirs desseins.
« H-ha, ha… » Le pauvre game master ne devait plus savoir où se mettre, même son insupportable rire avait l'air moins assuré. D'un autre côté, pour les avoir enfermés et entraînés dans son délire tout à fait improbable, il méritait bien de ce sentir au moins aussi cons qu'eux !
« Chers aventuriers, vous êtes parvenus trop facilement à résoudre mon énigme, alors je vais devoir augmenter la difficulté ! Puisque vous êtes décidément très efficaces, je vous rajoute mille pièces de plus ! Hahaha ! »
Subséquemment, une trappe s'ouvrit depuis le plafond leur vomissant une multitude de morceaux de bois. Certains parmi eux puaient encore la peinture fraîche… Ce mec était en impro totale ou quoi ?
« Mais du con, t'es au courant que ça va rien changer ? On a plus de pièces, mais j'imagine qu'elles rentreront quand même toutes dans le même trou ? »
Le bourdonnement des hauts parleurs s'interrompit un instant, plongeant la salle dans un silence gêné. Cependant, leur geôlier qui avait une répartie aiguisée (ou un sens du déni étonnamment développé) se reprit, comme à son habitude.
« Eh bien dans ce cas, vous devrez le faire… DANS LE NOIR ! Mouhahaha... »
Bon il avait peut-être une répartie à toute épreuve, mais il était vraiment nul en plan B, parce que ça ne changerait pas grand-chose à leur situation… Les deux joueurs attendirent tout de même la sentence, patiemment… Un peu trop à leur goût. Il faisait quoi là ?
« Euh… Il semblerait que nous ayons un petit problème technique le bouton censé éteindre les lumières ne fonctionne pas. Pourtant j'étais sûr que le technicien était venu s'en occuper aujourd'hui.. »
Il avait oublié de se mute là ? C'était plus du tout RP son bordel ! Hijikata espéraient sincèrement qu'il n'y ait pas d'autre épreuve, parce que si ça devait être le même fiasco, il ne donnait pas cher de sa santé mentale.
« Peut-être que si j'appuie ici... »
Nouveau déferlement de pièces au dessus de leurs têtes. Le brun était à deux doigts d'avoir pitié pour leur ravisseur. Mais Gintoki, dont ce n'était clairement pas le genre, décida plutôt de faire part de son point de vue à leur gardien, avec toute la courtoisie qu'on lui connaissait :
« Oi tocard ! Tu voudrais pas nous ouvrir plutôt ? On a réussi ton énigme j'te ferai dire ! »
L'autre ne l'écoutait pas, essayant désespérément de faire fonctionner sa console. Comme il n'avait toujours pas eu la présence d'esprit de couper son micro, on l'entendait pester, et tester divers combinaisons. Tantôt rien ne se passait, tandis qu'on percevait parfois un mécanisme quelconque se déclencher au loin. Mouais, vraiment pas au point son truc. A croire que le technicien censé s'occuper de tout ça n'était jamais venu. Ou s'il y avait bien eu quelqu'un, ce devait être un parfait incapable. Meh.
Au bout d'un moment tout de même, le game master céda, et se résigna à leur ouvrir. Les deux hommes soufflèrent de soulagement, priant mentalement pour la fin du clavaire. Il atterrirent bientôt dans une pièce, surprenamment vide, simplement décorée, si l'on pouvait dire, d'un table recouverte de plans, de clous et d'outils. Quelle drôle d'ambiance. Plus rien ne les étonnait vraiment, mais au moins pour le coup la solution se devinait de manière plus évidente. Le lien à faire entre le marteau et les clous, plus intuitif que pour la pièce précédente.
Les hauts parleurs s'activèrent, et ils se préparèrent à recevoir leur indice.
« Veuillez m'excuser messieurs, mais je me suis trompé, cette pièce est encore en travaux, ce n'est pas par là que vous devez aller. Je vais vous ouvrir une porte qui vous mènera vers la prochaine énigme. »
Ah ouais donc il abandonnait carrément le personnage maintenant. Mais où est-ce qu'ils étaient tombés sérieusement ? Néanmoins, ils suivirent docilement les indications, et passèrent à la salle suivante, passablement dépités par la situation.
Cette fois ils se retrouvèrent face à un grand écran, devant lequel trônait une sorte de pupitre. Dessus, on apercevait une tablette, pas encore allumée.
Hijikata, en bon enquêteur qu'il était, réfléchissait déjà à ce que pourrait être l'énigme, cherchant une corrélation entre le peu d'éléments à leur disposition. Quant à son camarade, il était évidemment à mille lieues de se soucier de ce qui les attendait, il fixait d'un œil morne l'écran en face d'eux, bâillant à s'en décrocher la mâchoire. Pitié, faites que ça s'arrête bientôt…
Ils n'eurent cette fois pas à attendre longtemps avant que quelque chose ne se passe. L'écran s'alluma prestement, leur permettant enfin de voir qui s'amusait à les torturer depuis des heures.
Le gars avait quand même eu la décence de mettre un masque. Gintoki était d'avis que c'était pour cacher sa honte, mais personne ne lui avait vraiment demandé ce qu'il en pensait. Quoi qu'il en soit, les speakers crachèrent une nouvelle fois les explications tordues de leur malfaiteur.
« Mes chers amis, vous voici devant ma nouvelle épreuve. Sur cet écran vont s'afficher divers problèmes à résoudre, vous pourrez vous servir de la tablette posée devant vous pour indiquer votre réponse. A chaque erreur, le plafond au dessus de vous s'abaissera d'un cran. Vous n'avez donc le droit qu'à trois fautes avant que la porte ne se retrouve bloquée, et à deux de plus, pour que le plafond finisse sa descente… Et ne vous écrase. »
Une vidéo se lança soudain par dessus son image. C'était un peu sombre, mais on pouvait clairement identifier un tube de mayonnaise au premier plan, et au dessus de lui, une grosse presse en métal. Hijikata déglutit. Ce malade n'allait quand même pas leur faire une démonstration sur ce pauvre contenant qui n'avait rien demandé ! Mais évidemment, leur tortionnaire était un véritable sadique, et il laissa s'abattre cruellement son implacable aplatissoir, comprimant le tube dessous. Sous la pression, il jaillit dans une explosion jaune et grasse, avant de disparaître misérablement sous la force de la presse.
L'écran noircit de nouveau, avant de laisser réapparaître le game master, visiblement fier de lui.
« Alors ? Qu'est-ce que vous dites de ça ? Hahahaha ! »
« ESPÈCE DE MONSTRE ! » Le brun fulminait, des larmes de rages ayant même pris place au coin de ses yeux. Il était tout bonnement hors de lui. Comment un homme pouvait-il faire preuve d'autant d'insensibilité ? C'en était trop. Il allait lui faire payer ça. S'essuyant rageusement les yeux, il se tourna vers Gintoki, resté globalement stoïque face à cette barbarie.
« Il faut le faire payer, Yorozuya. On va réussir cette épreuve, sortir d'ici, et venger la mayonnaise de ce meurtrier sanguinaire, tu m'entends !? »
Meurtrier ? A ce point ? Il avait le jugement un peu facile monsieur l'agent. Enfin, au moins il semblait déterminé à les faire sortir d'ici, et le permanenté ne s'en trouvait que plus arrangé. Alors il n'osa pas lui faire remarquer sa réaction un chouïa disproportionnée, et s'approcha lui aussi de la tablette. Même s'il doutait pouvoir lui être d'une quelque aide que ce soit, ça ferait bonne mesure.
La première devinette ne tarda pas à s'afficher. Il s'agissait d'un rébus, qui s'avéra rapidement indéchiffrable. Le dessin qui représentait le début de la phrase était à l'effigie du même canard que tout à l'heure, mais aucun d'eux n'arrivait à se souvenir d'où est-ce qu'ils l'avaient vu. Et la suite n'était même pas identifiable. On reconnaissait vaguement les traits d'une personne, ou d'un animal, mais impossible de tirer quoi que ce soit de cohérent de tout ça. Ils avaient beau se creuser les méninges en fixant cette suite de gribouilles, rien ne venait. Peu importait le sens dans lequel ils retournaient le problème, sans pouvoir discerner avec certitude ce qu'ils étaient censés représenter, c'était peine perdue. Tant pis, il fallait tenter quelque chose. Avec un peu de chance, la prochaine serait plus facile à deviner, et ils pourraient quand même s'en sortir. Le maître du jeu avait bien dit qu'ils avaient droit à plusieurs erreurs, non ?
Hijikata souffla pour se donner du courage, et inscrivit une suite de mots aléatoire sur la tablette.
Un « bip » sonore retentit, et les lumières autour d'eux s'éclairèrent en rouge pendant une longue seconde. Évidemment il avait rentré une mauvaise réponse. Bon, il n'avaient plus le droit qu'à une erreurs s'ils ne voulaient pas rester bloqués ici. Il croisait vraiment les doigts pour que la prochaine soit plus simpl-
« Hé ! Attention ! »
Gintoki l'avait interrompu en gueulant, les yeux rivés sur le plafond. Il n'avait pas prêté attention, encore en pleine méditation intérieure. Mais apparemment le palier et la marge des trois erreurs n'étaient que du vent, car la cloison descendait un peu rapidement sur eux. Trop rapidement. Merde !
Il n'avait même pas eu le temps de réagir, l'homme à tout faire s'était jeté sur lui, les emportant tous les deux vers la porte qui céda sous leur poids. Il avait même perdu son horrible casquette dans la manœuvre, tellement il avait mis de force dans son geste. Ils avaient donc réussi à passer au travers, revenant dans la pièce en travaux de tout à l'heure. Le temps d'un battement de cil, le plafond finit de rejoindre le sol dans un fracas assourdissant, aplatissant l'innocent couvre-chef, et leur condamnant l'accès à la salle. Tout s'était déroulé en une fraction de seconde. Le flic resta bouche-bée. Il aurait pu crever connement ici, écrasé comme un vulgaire insecte, si Gintoki n'avait pas été là pour le sauver… Encore sous le choc, aucun d'eux n'entendit leur séquestreur marmonner pour lui dans son micro toujours allumé :
« Je ne comprends pas, le technicien devait s'occuper de réparer ça aussi... »
« M-merci Yorozuya, tu m'as sauvé la vie. »
Il avait du mal à l'admettre, mais c'était bien le cas. Cependant, l'autre ne réagit pas vraiment comme il s'y serait attendu, et plutôt que de lui dire un truc du genre « à charge de revanche », il fourra son petit doigt dans son oreille, feignant l'indifférence.
« Hein de quoi tu parles ? J'ai pas essayé de te sauver, t'étais juste au milieu du chemin qui menait à la porte, c'est tout . »
Et il détourna la tête.
Ouais décidément, il avait envie de le contredire jusqu'au bout. Il laisserait passer pour cette fois ! Bien content d'avoir échappé à une mort certaine, Hijikata sortit une nouvelle clope -préférait crever autrement !- qu'il entama rapidement pour cacher le début de sourire attendrit qui fleurissait sur ses lèvres. Ils restèrent comme ça un moment, profitant de l'accalmie toute relative provoquée par leur near death experience.
Seulement, ils n'étaient pas encore tirés d'affaire. Ils étaient toujours enfermés, et leur seule issue vers la suite du parcours complètement bloquée. Y en avait un qui allait s'en prendre plein la tronche ! En même temps, ils voulaient bien accepter les épreuves foireuses, et les énigmes tordues, mais fallait pas déconner non plus !
C'est de nouveau l'argenté qui l'interpella :
« Oi, monsieur le game masseur ! »
La réponse fusa, automatiquement :
« Ce n'est pas game masseur, mais game master ! »
Un ange passa. Puis un deuxième. Et une tripotée d'autres trucs. Quand enfin la lumière atteint le dernier étage. Il semblait réfléchir si intensément qu'on voyait presque la fumée sortir de ses naseaux et les engrenages tourner à toute allure dans son crâne. Plusieurs expressions se succédèrent sur son visage, allant de la simple stupéfaction, à l'illumination divine.
Cette façon de parler, cette réplique qu'il venait de lui sortir, et ces étranges canards qu'il avait l'impression de reconnaître...
Il venait de percuter.
« ZURA ?! »
Et une fois de plus, comme un réflexe qu'on ne peut pas réprimer :
« C'est n'est pas Zura, c'est Kats- »
Il venait de se rendre compte de son énorme boulette… En un claquement de doigt les micros se coupèrent, et ils entendirent une porte claquer à l'autre bout du bâtiment. Ils s'élancèrent eux aussi vers leur seule échappatoire, la porte qui les ramèneraient à la première salle. Maintenant que cet abruti de Zura avait battu en retraite, peut-être que l'entrée serait déverrouillée et qu'ils pourraient enfin se barrer de là. En tout cas, ça valait le coup d'essayer. C'est en braillant à l'encontre du terroriste qu'ils se précipitèrent vers la sortie.
« Zura, espèce de traître ! Reviens là ! Je veux ma paye ! »
« Katsura tu es en état d'arrestation pour outrage à agent et tentative d'homicide ! »
Ils déboulèrent comme des furies dans la pièce où toute cette mascarade avait commencé, un peu essoufflés. Là un nouvel écran les attendait, au milieu du foutoir qu'ils avaient mis un peu plus tôt. De loin, le moniteur affichait sobrement « technical issues » sur un fond coloré. Mais c'est en se rapprochant qu'on pouvait remarquer qu'il ne s'agissait que d'un bout de papier gribouillé à la hâte et simplement scotché sur la caméra. Jusqu'au bout cet incapable était resté dans son délire, mais c'était encore une fois exécuté avec le niveau d'un enfant, ou d'un homme mentalement restreint.
Pour autant, quand il s'agissait de prendre la fuite, personne n'égalait ce mécréant. En tout cas, même s'ils n'arriveraient pas à le choper cette fois non plus, le mystère entourant ce lieu était résolu. Ca faisait au moins une bonne nouvelle. Et ils n'étaient pas morts, tout du moins, pas encore. S'ils restaient enfermés ici ils finiraient probablement par mourir de faim ou de soif, ou au moins par s'entre-tuer. Mais pour l'instant, tout allait bien.Puis ils ne comptaient pas coucher ici, maintenant qu'ils étaient revenus là, il fallait qu'ils vérifient si la porte était toujours close. Ils aviseraient ensuite.
Ils s'échangèrent un regard à la fois plein de doutes, et d'une confiance résolue : ils allaient sortir de là. Ils tendirent chacun une main tremblante en direction de la poignée, déglutissant tout de même d'incertitude.
Tout à coup, ils perçurent de l'agitation derrière la cloison. Un coup frein, des pneus qui cirent et un coup de feu retentit.
Ah non. Mais pas loin.
Un bruit de déflagration leur parvint avant que les murs ne se mettent à trembler. Moins d'une seconde plus tard, la porte explosa, les envoyant valser au passage. Bordel, qu'est-ce qu'il venait de se passer ?
« Hijikata-san ? Vous êtes toujours vivant ? »
Sougo ? C'était cet enfoiré de sadique qui venait de parler, il ne rêvait pas ? Hijikata se tira de l'amas de décombres non sans mal, maudissant son second pour avoir manqué de le tuer avec cette foutue porte, après tout ce à quoi il avait survécu. Il s'épousseta, et toussa une inquiétante fumée noire, suivit de près par Gintoki, victime collatérale de cet excès de moyens. Il l'aida à se sortir des restes de la porte, et se retourna vers leur agresseur.
Sougo, parce que c'était évidemment lui, se tenait fièrement sur le toit de leur voiture de fonction son sempiternel bandeau au dessus des yeux, et son arme encore à la main. Son fidèle bazooka, qu'il avait braqué un trop souvent vers lui.
« Ah Danna, vous êtes là aussi ? »
Il fit un vague signe de la main à destination de Gintoki, qui se remettait tant bien que mal du choc de l'explosion. Au moins la porte était ouverte maintenant. Et bientôt, tout cela ne serait plus qu'un mauvais souvenir. Et sa paye aussi, à présent qu'il y pensait. Pff… Tout ça pour ça. Il allait devoir se remettre une grosse cuite pour oublier le désastre de cette soirée. Il leva les yeux vers le petit brun qui les regardait placidement, attendant qu'ils daignent ramper jusqu'à lui.
Il n'eut d'ailleurs pas à patienter longtemps, puisque déjà sur ses jambes, son supérieur se lançait à sa poursuite, hurlant les menaces que lui avaient inspirées cette soirée.
Gintoki leva la tête vers le ciel matinal et un sourire goguenard étira ses lèvres. Il avait hâte d'être invité par Sougo à la soirée d'Halloween du Shinsengumi, ça promettait !
