L'hiver de ta vie est ton second printemps

Emmitouflée dans ses couvertures, la commandante de police dormait encore à poings fermés. C'était enfin le week-end et pour une fois, Candice Renoir n'était pas d'astreinte. Enfin… Certes c'était le week-end, mais ce n'était pas n'importe lequel. C'était surtout le week-end de noël et pour une fois, elle avait réussi à organiser son planning de sorte à pouvoir le passer en famille.

Happée par la lumière qui traversait la pièce, Candice finit par ouvrir doucement les yeux, souhaitant intérieurement éterniser cette matinée au lit. Pourtant, sa journée s'annonçait bien remplie et il était hors de question de traîner sous la couette. Elle ronchonna brièvement et osa aventurer son bras hors de la couverture. Elle s'empara doucement de son téléphone et souffla en constatant qu'elle n'avait toujours aucunes nouvelles de son compagnon. Résignée, elle finit par s'asseoir et fixa le paysage qui prenait vie derrière cette baie vitrée. Envahi par le blanc, son terrain se recouvrait peu à peu d'un épais manteau blanchâtre. Et comme si cela ne suffisait pas, une pluie blanche venait renforcer sa maille. Une pluie blanche, virulente et intriguante… Perplexe, elle enfila son peignoir et s'approcha de la fenêtre scrutant l'horizon avec contemplation. L'étang se distinguait à peine, sa terrasse était désormais impraticable et le vent soufflait dans ses fenêtres. Pourtant, la commandante en était certaine, il ne neigeait pas la veille au soir et la météo n'avait pas annoncé ce tas de flocons en prévision... Surprise, elle haussa les épaules et rejoignit son salon vide de toute présence humaine. Elle récupéra sa tasse fétiche en cuisine, fit chauffer l'eau et pour se réchauffer l'approcha de ses lèvres avant de pousser un cri de stupéfaction.

« FUUUUUUUN ! Oh mais non mais c'est pas possible ! » hurla-t-elle à plein poumons.

Le chien déserta la pièce, laissant sa maîtresse désemparée au beau milieu de son salon. Candice ne tarda pas à être rejointe par la suite de la tribu, alertée par ses cris alarmants.

« Mais qu'est-ce qui se passe ? paniqua sa fille qui courait dans les escaliers. T'as failli réveiller la petite !

- Mais Fun a fait tomber le sapin ! s'agaça-t-elle. Et personne n'a rien entendu !

- Merde…

- Mais pas aujourd'hui bon sang ! J'ai pas que ça à faire. J'ai Jules à récupérer à l'aéroport… j'ai encore toute la maison à préparer… les courses à gérer !

- Calme-toi maman ! Tout va bien se passer… la rassura sa fille en rassemblant des guirlandes qui trainaient.

- Et les jumeaux ils sont où là ?

- Ils doivent dormir… annonça Sacha les cheveux en pétard alors que mère et fille s'agitaient.

- T'as vu dehors ? C'est la tempête là… continua Candice en redressant le sapin.

- Bah oui ! Mais ils l'avaient annoncé hein… Le département est en vigilance rouge depuis hier soir…

- Ah ? s'étonna-t-elle. Bon… Tu peux gérer le sapin s'il te plaît ?

- Mais oui va te préparer !

La sonnerie du téléphone de Candice retentit.

- Oui mon chéri ? Alors c'est bon ? T'es arrivé ? … QUOI ? Mais… Je pensais que la compagnie devait arranger ça… Bah non… Mais sans toi c'est pas pareil. Oui. Évidemment qu'on t'appellera. Ok… Oui… Bisous mon chéri… conclut-elle avec déception.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Emma.

- Jules viendra pas… Il a réussi à faire son escale à Francfort mais vu la tempête ils ont refusé de faire partir son avion… expliqua-t-elle en boudant.

- Merde…

- Tu vois ma chérie, je sens qu'on va passer une belle journée de merde… lança-t-elle avec dépit en s'éclipsant à l'étage.

- T'es content toi… T'as fâché maman… lança-t-elle à son chien qui la fixait l'air penaud avant d'aboyer gentiment. »

Candice s'enferma dans la salle de bain, soudainement prise d'un mal de crâne tenace. Décidément, la journée commençait mal et au plus grand damne de la commandante, il fallait qu'il s'agisse de cette foutue journée du réveillon de noël. Elle ressortit de la pièce une demi-heure plus tard, apprêtée mais toujours l'esprit embué par ses désagréments de début de matinée. Elle descendit les escaliers et entendit sa fille discuter avec sa grand-mère au salon. Intériorisant son inquiétude, Candice espérait secrètement que sa mère soit de bonne humeur pour ne pas ternir davantage l'esprit de cette journée.

« Alors comme ça mon petit-fils ne sera pas là ? lança-t-elle sans scrupule.

- Effectivement maman, Jules ne pourra pas être là…

- Mais peut-être qu'il aurait fallu le faire venir avant ? Quelle idée d'avoir pris un billet le jour de noël ?!

- Mais parce que si tu t'étais renseignée, tu saurais que Jules n'était pas disponible plus tôt. Et tu saurais également que les prix sont exorbitants à cette période de l'année et qu'on a donc fait au mieux… rétorqua-t-elle d'un ton las.

- Oh ça va ! Ne le prends pas comme ça…

- Euh… Sinon les jumeaux ont réussi à remettre le sapin en ordre… intervint Emma pour détendre l'atmosphère.

- Tant mieux… D'ailleurs, vous vous occuperez de rassembler tous les cadeaux pour ce soir… Et pas de gaffe ! Suzanne croit encore au père noël.

- Suzanne ? demanda la septuagénaire.

- La fille d'Antoine maman. Je t'en ai parlé hier.

- Ah peut-être, je m'en souviens plus… rétorqua-t-elle sans entrain. D'ailleurs ça fait deux jours que je suis là et j'ai toujours pas rencontré l'homme de ta vie…

Candice leva les yeux au ciel.

- Et bien tu le verras ce soir !

- Je comprends pas pourquoi vous ne vivez pas ensemble… Ça fait quoi ? Quasi deux ans maintenant ? C'est ça que tu m'as dit non… ?!

- Oui c'est ça… se contenta-t-elle de répondre sans engouement.

- Bah il serait peut-être temps ! lança-t-elle.

- Oh mais toute façon c'est comme s'il habitait déjà un peu ici hein… rajouta Sacha.

- C'est marrant ça… parce que ça me fait penser à quelqu'un qui vit ici aux frais de la princesse alors qu'il a aussi son propre logement depuis quasi un mois… ironisa-t-elle fièrement.

- Nan mais c'est différent ! Là c'était plus pratique pour noël pour Éloise je… puis Emma voulait profiter de sa grand-mère aussi…

- Mais bien sûr…

- Et depuis deux jours, il est où ?

- Chez lui. Avec sa fille…

- Sympathique comme vision du couple ça…

- Bon maman ! Je t'ai déjà expliqué que c'était compliqué. N'en rajoute pas s'il-te-plaît. Et si tu pouvais éviter ce genre de remarques ce soir, ça arrangerait tout le monde…

- Ah voilà que je suis censurée maintenant ! se plaignit-elle en riant jaune. »

Agacée par le comportement de sa mère, Candice réussit à trouver l'excuse des provisions pour s'exfiltrer de son domicile. Elle referma la porte et réajusta son bonnet et son écharpe pour affronter le blizzard qui faisait rage. Elle courut rapidement jusqu'à sa voiture et grimpa dans l'habitacle en soufflant de soulagement. L'épopée s'annonçait mouvementée mais il était hors de question de rester ne serait-ce qu'une seconde de plus dans sa maison. Elle enclencha le moteur, patienta quelques instants que l'intérieur de la voiture ne se réchauffe et osa prendre la route, profitant d'une brève accalmie.

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