Durant les jours qui ont suivi mon retour en France, j'accompagnais Ruby à son travail. Un petit café très cosy à moins de vingt minutes de chez moi. En été, je pouvais passer de longues heures en terrasse, mais au vu de la saison, je prenais place au fond de cet établissement près d'un petit radiateur isolé. Je n'avais pas envie de me retrouver seule chez moi. Je n'en avais plus l'habitude.
Et le personnel était si accueillant ici, que cela me rassuré d'être auprès de gens, de me sentir entouré, sans être embêté. J'avais mon amie à mes côtés, c'était l'essentiel.
Je venais tanto avec un livre pour bouquiner, tanto avec mon ordinateur portable pour travailler le mémoire que je devais rendre à la fin de ce stage. Malgré mon retour en France, il ne fallait pas que je perde de vue les objectifs que je m'étais fixé en commençant ce master. Je prenais comme à mon habitude un chocolat chaud à la cannelle. Mes mains serraient cette tasse bouillante, essayant d'emprisonner un maximum la chaleur, je soufflais sur la fumée qui s'en dégageait, tout en scrutant les personnes présentes.
Je remarquais au fil des jours les habitués, et je me demandais que se passait-il dans leurs vies. Pourquoi venaient-ils régulièrement ici ? N'avaient-ils pas de job, ou de famille ?
Et quand mon amie avait une pause, elle venait s'asseoir à mes côtés. Nous avions de la chance, car son patron était un homme bienveillant. Il ne faisait jamais aucune remarque sur ma présence. Je remarquai que les gens aimaient beaucoup Ruby.
«Alors ma poule, que fais-tu aujourd'hui ? Pas de livre.» Me demandait-elle.
«Non je réfléchissais. Perdu dans mes pensées.»
«Tu devrais aller voir ta maman et ton frère. Si tu as peur de ne pas être à l'aise en parlant de ce que tu ressens actuellement, tu n'as qu'à lui mentir. Lui dire que tu as du revenir pour des papiers, ou que ton stage ne te convenait pas tout simplement. Je ne sais pas, mais vas-y comme si tu étais revenu de stage à la date prévue. »
«Tu as raison. Je dois probablement, trop me torturer l'esprit avec tout cela. Je pense que j'irai cet après-midi.»
«Voilà une sage décision. Et promis, ce soir, je t'invite au restaurant alors pour fêter ça.»
«Ah oui carrément. Je devrais faire ça plus souvent.» Bien sûr, cela était ironique. Mais j'appréciais réellement les encouragements que pouvait me donner Ruby. Je n'avais pas imaginé il y a encore quelques jours ou quelques semaines que c'était elle qui me soutiendrait le plus. Et pourtant, j'aurais dû m'en douter.
Après un petit repas pris sur le pouce, et après avoir remercié encore mon amie. Je me dirigeais vers le métro. J'avais pris le temps durant le trajet, d'envoyer un message à ma mère pour l'aviser de ma venue.
Je sais, ça ne ressemble pas à une jolie surprise. Mais je vous assure, elle n'aime pas ça.
Moins de quarante minutes plus tard, me voilà à la porte en train de sonner. Comme prévu, ma mère et mon frère me sautèrent au cou. On s'installa dans le salon, autour d'un thé à la menthe, petite tradition familiale. J'avais aussi vu venir les questions qu'ils allaient me poser, toutes aussi angoissantes pour moi les unes que les autres. Je mis en application les conseils de Ruby.
«Je suis rentrée un peu plus tôt, parce qu'on avait plus besoin de moi là-bas en ce moment. Et ça me permet, comme ça, de bien me plonger dans mon mémoire, qui sera à rendre bientôt.»
Je restais quelques heures auprès de ma famille, ma mère me donnait des nouvelles de mes grands-parents maternels, ainsi que de nos petits cousins. Je vous en avais parlé un peu plus haut, des jumeaux de 4ans. Une petite fille qui s'appelle Amarisse et un petit garçon Bilal. Ils étaient si mignons, je n'avais qu'une hâte c'était de les revoir. Je ne parle plus d'eux actuellement comme ça, car ils ont grandi et sont devenus des petits monstres, que j'aime toujours plus que tout, mais des petits diables quand même.
Mon frère lui me donna des nouvelles du peu de famille que nous avions côté paternel. C'est-à-dire, une tante éloignée Cela ne faisait que peu de personnes, j'en conviens. Mais rien ne sert de s'encombrer de personnes qui ne nous aiment pas.
Je pris le temps de leur montrer quelques photos que j'avais pu prendre avec mon téléphone, et j'étais autant qu'eux ravie de les voir.
A ce moment-là je me demandais comment ma mère me verrait, si je lui racontais la vérité ?
Vous vous dites sûrement que j'en fais trop, ou que je ne m'inquiète peut-être pour rien. Mais je suis quelqu'un de très angoissé, vous l'aurez compris. Puis ce n'est pas le seul défaut proéminant malheureusement que j'ai. Je suis beaucoup trop laxiste avec les autres, et je ne sais pas dire non. En revanche, je suis très dur avec moi, et mes objectifs sont toujours difficiles. Je ne me fais pas de cadeau. C'est toujours d'actualité… On me le reproche souvent.
Voyez-vous dans ma famille, les femmes ont toujours été fortes, elles se sont toujours battues pour ce qu'elles voulaient et ont su se relever, la tête haute à chaque chute. Je ne veux pas les décevoir.
Je repartais quelque temps plus tard, sereine, et je promis à mon frère de venir le chercher le week-end d'après pour qu'on se fasse un après-midi entre frère et sœur.
Souvent ce genre de journée se résumé à aller au cinéma, ou dans une arcade de jeu, pas loin du domicile familial. C'était peut-être tout bête, mais autant lui que moi, apprécions ce genre de journée. Nous partagions la passion des fast-foods, des jeux vidéo et du sport.
C'est très plaisant d'avoir des passions communes avec ses frères et sœurs. Cela a toujours été quelque chose de relaxant pour moi, à n'importe quelle étape de ma vie.
D'ailleurs Ruby, avait souvent participé avec nous à ce genre de samedi. Nous nous entendions tous les trois à merveille.
Le soir même, comme promis, Ruby m'emmena au restaurant. Nous avions aussi nos petites habitudes, alors nous nous retrouvions dans notre italien préféré. J'avais dans l'idée de lui parler de son copain. Cela faisait presque une semaine qu'elle dormait chez moi, pas que cela me gêne, au contraire. Mais comment voyait-elle l'avenir avec Emeric, son petit copain ?
Et puis j'étais curieuse qu'elle me parle un peu plus d'eux, d'elle. De ce qu'elle envisageait les prochains mois.
«Alors dis-moi comment ça s'est passé ton après-midi en famille ? Mieux que tu ne le pensais, je vois juste ?»
«Oui comme toujours. J'étais contente de les voir. Et je t'avoue que je me sens mieux. Bon passons, et toi ?»
«Oh, pas grand-chose. Les habitués de l'aprem, donc tranquille.»
«Et avec Emeric ?»
«J'évite de répondre à ses messages. Je me pose beaucoup de questions en ce moment sur ce que nous vivons.»
J'avais pu rencontrer quelques fois cet Emeric. Ils s'étaient connus dans un centre de vacances en août et étaient ensemble depuis. Il voyageait beaucoup pour son travail, vu qu'il était animateur pour des clubs de vacances en France et en Espagne. Ruby avait décidé de le laisser vivre chez elle, car il ne savait pas où loger après ce fameux voyage. Il avait donc élu domicile dans son appartement.
Cela faisait environ 6 mois qu'ils étaient ensemble, et Ruby pensait déjà où elle pourrait l'envoyer pour retrouver sa tranquillité d'autrefois.
«Tu l'aime ?»
«Oh, s'il te plait ! Tu me connais mieux que ça. Je ne dirais pas que je suis amoureuse, je suis attachée à lui, voilà tout. Mais il faut que cela s'arrête. Il envahit mon appartement avec ses affaires, ses amis et tout ce qui lui fait plaisir, sans me demander la permission. Puis quand il reste sur Paris il ne travaille pas donc le voir assis dans le canapé toute la journée m'exaspère comme tu n'as pas idée…»
«Depuis août, il est reparti ?»
«Une seule fois pendant deux semaines. En décembre, il faut absolument que cela change. Je ne peux pas vivre dans 30m² avec lui.»
«Ma proposition reste toujours valable. SI tu veux qu'on se trouve un logement toutes les deux, ça ne me dérange absolument pas, au contraire.» Lui avais-je demandé à de nombreuses reprises.
«Et bien disons qu'une fois Emeric dehors j'aviserai. Mais je t'avoue que je me vois mal le laisser à la rue malgré tout. Il n'a jamais été méchant non plus envers moi.»
«Et bien laisse lui ton appartement et trouvons quelque chose. »
«J'ai l'impression que tu en as vraiment envie.»
Elle avait sûrement raison. Peut-être que j'en avais plus envie que je ne le faisais croire. Mais avoir mon amie près de moi ne pouvait que me rendre plus heureuse.
Je sortais ma valise d'arguments pour lui expliquer que ça ne pouvait être que bénéfique autant pour l'une que pour l'autre. Cela reviendrait moins cher pour nous deux. Elle garderait sa liberté, sachant que je ne suis pas souvent là, car moi aussi je voyage beaucoup.
Vous vous demandez ce que j'ai mangé ? Je sais que je passe du coq à l'âne. Mais le repas est essentiel pour moi. Qui oserait me contredire ?
Et bien pour Ruby, c'était pizza quatre fromages et pour moi, pizza saumon. Après cela, une petite fondue chocolat avec tous les fruits de saison.
Nous retournions chez moi, passant la fin de soirée devant une comédie française. Je n'étais pas particulièrement concentré sur ce film que j'avais dû voir une vingtaine de fois, mais que je commençais à connaître par cœur.
J'avais surtout la tête plongée dans mon téléphone, car je tenais deux conversations en même temps. La première avec mon frère, Neal, qui me rappelait d'aller rendre visite aux grands-parents, car je leur manquais. Puis il me racontait ses derniers records à la console, je compris qu'il s'était beaucoup entraîné en mon absence. Puis j'échangeais aussi avec une amie de mon université qui était actuellement en stage dans le sud de la France. Qui en avait profité pour retourner près de ses proches durant cette période de ce stage.
J'attendais leur réponse tout en retournant et trifouillant mon téléphone. Je me fis la remarque que mon téléphone devait être sale, entre la poussière et la terre qu'il y avait au Brésil. L'aéroport, l'avion, mes mains sales, …
Je me levais pour aller chercher une lingette et un désinfectant spécifique pour les écrans avant de revenir m'asseoir près de mon amie, qui était passionnée par le film.
Je retirais ma coque et plusieurs petits papiers en tombèrent. Je pris le temps de nettoyer mon écran et mon téléphone, avant de récupérer une autre coque que j'avais dans un tiroir pour changer un peu. J'aimais bien avant prendre le temps de personnaliser mes coques de téléphone, temps que j'utilise maintenant à autre chose.
Je mis les petits papiers de côté et me replongeai dans le film qui touchait bientôt à sa fin.
«J'aime toujours autant ce film» Me dit-elle, tout en se levant. Puis elle reprit «Qu'est-ce que tu faisais toi ?»
«Du nettoyage de téléphone, rien de bien extraordinaire.»
«Si tu as fait des photos, il faudra que tu prennes le temps de les transférer sur ton ordinateur …»
«… Avant que tu les supprimes par erreur, c'est ça que tu veux dire ?»
Elle explosa de rire, et par conséquent moi aussi. Qu'est-ce que cela pouvait être libérateur de rire, de ne penser qu'à ce moment, d'avoir le ventre qui se tord et de ressentir la douleur arrivée. Mourir de rire, ça doit être incroyable. Je pense que c'est la mort que je veux, si toutefois elle existe.
Elle partit se coucher dans la chambre, moi je préférais rester encore un peu dans le salon. J'avais besoin d'être un peu seule et mon amie le comprenait. J'avais toujours eu le besoin de me retrouver seule pour penser et réfléchir. Mais il m'a toujours était difficile, et encore actuellement de faire la part des choses et de ne pas sombrer dans mes pensées durant des heures.
Je m'installai par terre, et ouvris la fenêtre pour sentir le vent sur mon visage. J'essayais de visualiser mon mémoire, pour savoir où j'en étais dans mon travail. Avais-je assez de contenu pour le terminer ou devrais-je retourner sur le terrain. Je me décidai à écrire un nouveau mail à mon professeur référent, espérant une réponse qui m'aiderai dans ce choix. Je savais pertinemment que je n'aurais pas la réponse ce soir mais cela me faisait du bien de lui demander son avis. Je ne voulais pas que le choix vienne de moi.
De là ou j'étais assise, je pouvais voir trôner sur la table basse, les petits papiers tombés de mon téléphone. Il y avait une photo polaroid de Ruby, mon frère et moi. Un petit mot de ma grand-mère, car j'adorai son écriture, et un morceau de papier plié en deux qui ne me disait rien du tout. Je le dépliai pour voir ce qui était noté dessus, une dizaine de chiffres était notée dessus. A l'heure actuelle, je ne m'en souviens plus, mais il commençait part «213-529-…» et juste en dessous une lettre, un R.
D'où venait-il ? Qu'est-ce que c'était ? Heureusement, je n'ai pas pour habitude de jeter les choses. Si il était là, il y avait bien une raison. Et cela m'amusait de comprendre son importance.
Mais à la vue de l'heure, il me semblait plus judicieux de remettre ça, a demain. Car il était temps d'aller se coucher avant de commencer une nouvelle journée.
Dès mon réveil, je me précipitais dans la salle de bain, pour prendre une douche qui je l'espérais, me réveillerait. C'est ce que je faisais en règle générale après les nuits ou je n'avais que très peu dormi. D'autres personnes comme Ruby se jetait sur la machine à café.
Je la retrouvais ensuite dans le salon, comme à son habitude, les cheveux décoiffés, la tête dans le cirage, avec une tête bougonne. J'aimais bien le matin l'observer, cela ressemblait à un reportage animalier, qui parlerait d'un animal méconnu dans son environnement naturel. Ruby essayant d'ouvrir les deux yeux pour faire couler le café dans la bonne tasse. Cela était un spectacle amusant chaque matin depuis mon retour. Tout en grommelant contre la machine qui n'était pas assez rapide à son goût.
Nous étions dimanche, notre jour préféré. Car mon amie était enfin en week-end.
Une fois la tasse en main, elle vint s'installer dans le canapé à mes côtés.
«…Jour» Dit-elle, comprenant enfin que j'étais là aussi.
«Tu as bien dormi ?»
«Oui. Toi ?»
«Ça va. Que faisons-nous aujourd'hui ?»
Elle me regarda d'un air d'incompréhension. Je compris que ce n'était pas le bon moment pour poser cette question. Il fallait que je m'arme de patience pour lui proposer une fois ma Ruby bien réveillée.
Elle alluma la télé, et mit un reportage historique qui abordait l'histoire de Junker Ju 87. Vous vous demandez sûrement ce que c'est ?
Et bien je vais vous faire un résumé, car j'ai dû écouter ce reportage jusqu'au bout, laissant ainsi le temps à Ruby de se réveiller.
Et bien le Junker Ju 87 est un type de bombardier allemand, appelé aussi Stuka et qui entra en service en 1937.
Dès le début de la seconde guerre mondiale, le Junker Ju 87 était devenu une des armes les plus redoutables de l'arsenal nazi. Les avions de Junkers participèrent en masse au premier bombardement orchestré par Hitler.
Durant les neufs premiers mois de la guerre, leur bruit si caractéristique terrorisait les populations civiles et paralysait aussi les armées d'Europe de l'ouest. Ce bruit était dû, aux «trompette de Jericho», soit des sirènes mécaniques fixé sur les trains d'atterrissage, produisant ainsi un son strident, une conséquence du vent pendant le piqué.
Après ce reportage où j'en sortis pleine de connaissances sur les avions de guerre, je reposai à mon amie la question. Mais elle n'avait toujours aucune idée de ce qu'elle voulait faire pour son week-end.
Puis elle fut elle aussi attirée par mes petits papiers posés sur la table et prit la photo de nous trois.
«Tu l'as encore ? J'adore cette photo.»
«Moi aussi, c'est pour ça qu'elle est toujours avec moi. Dans la coque de mon téléphone.»
«Tu avais quoi d'autre dedans ? Quand je fais le tri dans la pochette de mon téléphone, je suis toujours surprise de retrouver de l'argent. Que je dois oublier de retirer entre deux soirées.» Dit-elle en rigolant.
«Un petit mot de ma grand-mère. Et une suite de chiffres. »
«Un numéro de téléphone ?»
«Je ne sais pas. Ce n'est pas mon écriture et hier ça ne me disait rien.»
Elle prit ce fameux morceau de papier et me regarda surprise. Puis tout accompagné de son regard inquisiteur, il me dit «Alors c'est qu'on m'aurait menti !»
«Je ne comprends pas. De quoi tu parles ?»
«Qui est cette fameuse personne, Monsieur R ou Madame R ?»
Ruby avait toujours su pour mon homosexualité, probablement avant moi. Je n'étais pas quelqu'un de perspicace en ce qui concerne l'amour, je ne voyais que rarement l'amour quand il se présentait devant moi.
«Comment ça ? Je ne comprends pas.»
«Oui, comme d'habitude ! C'est un numéro de téléphone idiote !»
«Oh merde, sérieux ? Qui commence par 213 ?»
«Tu le fais exprès ou quoi ? C'est toi la voyageuse ici. Heureusement qu'il y a les séries pour m'éduquer à ce sujet. C'est un numéro de téléphone américain ma belle !»
«Regina !»
«Regina ? Tu as des choses à me raconter toi. Et bien dimanche pipelette ! J'ai choisi mon activité du dimanche.»
«C'est une magnifique femme que j'ai rencontrée dans l'avion. Mais ça ne doit pas être elle qui m'a laissé ce numéro.»
«Et pourquoi pas ? Si c'est elle, je l'adore déjà ! Te glisser un numéro dans la coque d'un téléphone. Si ingénieux.»
«Mais on ne se connaît pas. Je ne sais rien d'elle. Je… Je ne suis pas convaincu.»
«Mais tu n'es pas possible toi ! Peut-être que le numéro est là pour ça ! Pour échanger et se connaître. Appel la.»
«Mais tu es folle ! Jamais !»
Elle prit le numéro et partie en courant dans la salle de bain, suivi de moi qui n'avait qu'une envie, l'étrangler.
«RUBY ! Ouvre cette porte.»
«Si tu ne le fais pas. Je m'en occupe.»
«T'es pas sérieuse ! Ouvre la porte, avant que je t'égorge comme un cochon !»
«Mais tu ouvres quand, tes yeux toi ! Tu peux l'appeler non ? Juste pour lui demander des nouvelles, savoir si elle est bien rentrée ! A quoi elle ressemble ? C'est quoi son nom ? Tu ne le trouves pas étrange son prénom ?»
«Je ne le jugerais pas. Mais non je ne connais pas son nom. C'est une inconnue dans un avion. Et cela s'arrête là.»
«Seulement si tu le décides visiblement…» Puis elle ouvrit la porte avant de me regarder de bas en haut et de reprendre « A quoi elle ressemble ?»
«Je dirais 1m65, cheveux noirs, aussi douce que dangereuse, elle vient de Porto Rico, un petit accent divin, quand elle parle français.»
«Et tu es déjà in love ma chérie. Tes yeux bavent juste en la décrivant. Alors tu vas me faire le plaisir de lui écrire au moins un message.»
Elle me poussa dans le salon et s'installa à côté de moi. Mais pas trop près, comme si elle voulait me laisser de l'air, de l'espace pour sans doute réfléchir à ce que je pourrais bien écrire à Eulalia. Je composai le numéro et écrivit un premier brouillon, puis un deuxième, puis je ne sais combien d'autres, avant de me fixer sur un message simple.
« Bonjour,
Je ne sais si c'est ce que vous attendiez de moi. Mais je me permets de vous envoyer un message, espérant vous trouver en bonne santé.
Alors comme cela, vous êtes femme à donner votre numéro à une inconnue ? J'en apprends beaucoup sur vous, que de par cette action.
J'espérais vous revoir à la sortie de l'avion pour vous remercier. Malheureusement, cela ne se fera pas. »
Puis sans demander l'avis déjà bien trop imposant de mon amie, j'appuyai sur la touche 'envoyer'.
Je ne me voyais pas passer l'après-midi à attendre une réponse, cela m'angoisserait de trop.
«Rub', et si on allait se balader un peu. On pourra discuter en chemin, mais j'ai besoin de prendre l'air.»
Elle partit s'habiller et revenu prête à affronter ce froid en ma compagnie.
Nous sommes restés environ une ou deux heures à marcher dans les rues de Paris, ne suivant aucun chemin en particulier, trainant simplement dans les rues et tournant qu'en cela nous plaisait.
Elle décida de s'arrêter à un petit café, pour y prendre une boisson chaude.
Une fois bien installée sur les canapés et ayant reçu nos boissons, elle relança la conversation.
«Alors, elle a répondu ?»
«Je n'ose pas regarder mon téléphone, je t'avoue.»
«D'accord, alors attends encore un peu. Et en attendant, parle-moi d'elle.»
«Mais tu me demandes de t'en parler comme s'il y avait eu quelque chose, comme s'il y avait du contenu dans ma vie. Et ce n'est pas le cas. J'étais triste et nous avons parlé quelques heures.»
«Je sais. Mais tu me connais, je veux tout savoir, même ce qui ne s'est pas encore passé. On pourrait peut-être la trouver sur les réseaux sociaux, je sais que tu n'as pas son nom. Mais avec un prénom comme le sien, il ne doit pas y avoir autant de gens qui s'appellent comme ça, si ?»
«Tu ne t'arrêtes jamais ?»
«Jamais tu le sais. Alors je t'écoute.»
«Je me suis senti à l'aise avec elle. Son regard sur moi était bienveillant et c'était si plaisant. J'ai pris conscience de ça une fois qu'elle n'était plus sous mes yeux. Elle était vraiment magnifique, et très intrigante. Mais est-ce que c'est ma tristesse, qui me faisait apprécier chaque geste de gentillesse ?»
«Ou peut-être pas. Peut-être qu'elle t'avait cerné et qu'elle n'avait qu'une envie, te consoler.»
«Je n'en sais rien.»
«Laisse-moi au moins regarder ton téléphone. Je ne te dirais rien, mais je veux voir s'il y a une réponse !»
Vous l'aurez compris, il n'y avait pas plus impatiente que mon amie. Après une petite bataille, elle prit mon téléphone. Je sais que je devais être patiente, surtout avec le décalage horaire. Mais ayant Ruby à mes côtés, cela devenait compliqué.
Et à mon grand regret il n'eut aucun message, tout comme les jours qui suivirent.
Les jours passèrent et j'étais déterminée à rendre un rapport en bonne et due forme. Mon professeur m'avait répondu et n'avait mis aucune obligation sur le fait que je devais repartir au Brésil. Mais a une condition. Si je souhaitais rester, un devoir me serait ajouté. Car il ne serait pas juste pour les autres, que j'ai deux mois de vacances supplémentaires.
J'avais donc fait le choix de ne pas retourner là-bas, mais d'augmenter le temps que je donnais aux associations de mon quartier.
Quelques semaines passèrent avant que Ruby prenne la décision de rompre avec son copain, elle avait prévu de lui laisser son appartement encore quelques semaines, le temps pour lui de faire ses valises et de trouver où dormir. Elle avait décidé de passer quelques nuits chez elle durant les semaines qui passèrent, lui permettant d'avoir une conversation sérieuse avec la personne qui deviendrait son ex, et aussi l'aider à faire quelques cartons.
Ça me permettait de passer quelques soirées seule, essayant de me détendre tout en écoutant de la musique.
Vous vous demandez ce que je faisais moi, de mes journées ?
Oh et bien, je me lever souvent en milieu de matinée. Car je m'endormais tard, ayant toujours été plus productive la nuit, et pour je ne sais quelle raison d'ailleurs.
Le matin était réservé à mes séances de sport ou de méditation, cela dépendait des jours et de mon humeur. Je passais souvent ensuite dans le café de Ruby pour emporter quelque chose à manger. Avant de me diriger vers l'association dans laquelle je passais tous mes après-midis en ce moment. Elle avait pour but de faciliter l'intégration des réfugiés venant du Moyen-Orient. Nous aidions sur les prises en charges sociales, les demandes d'emploi, l'apprentissage de la langue, …
J'apprenais, grâce au temps passé là-bas, quelques mots d'arabe. Et je trouvais cette langue et cette culture incroyables.
Il m'arrivait aussi de participer de temps à temps à des maraudes. Ce sont des tournées en camion dans les rues de Paris, avec comme objectif d'aller à la rencontre des personnes sans-abris. Pour leur apporter de la nourriture, et des vêtements chauds. Il y avait souvent un médecin avec nous, qui pouvait prodiguer des soins de base en cas de besoin.
Et une fois chez moi, je passais pas mal de temps avec mon amie, qui ne vivait pas très bien cette rupture. Ruby en avait connu des hommes et elle n'avait jamais été du genre à se rendre malade lors de la séparation. Mais cela était la première fois qu'elle vivait avec un de ses copains.
Elle s'en voulait beaucoup de finir dans cet état à cause d'un amour qu'elle savait, dans le fond, n'était pas voué à durer.
Plus le temps passer, plus je n'avais qu'une hâte, c'était de reprendre le chemin de mon école dans le but de finir cette année scolaire. A la fin du mois de mars, je devais rendre mon rapport de stage, qui devait suivre avec un oral. Ainsi donc il me resterait environ trois mois de cours, parsemés sans doute d'examens.
Cela suivrait par les vacances scolaires. Chose que j'attendais chaque année avec impatience, car c'était pour moi le seul moment où je pouvais décompresser ou je ne me mettais pas la pression. Ruby trouvait sa triste, de me voir attendre patiemment les vacances pour être heureuse. Comme si je vivais une vie par substitution sans chercher à être heureuse 10 mois par an.
Mais je devais prendre en compte que ce serait mes dernières vacances scolaires. Si tout allait bien, je serais diplômée courant du mois de juillet.
