Bonjour à tous. Voici le chapitre de cette semaine :) Merci à tous les lecteurs et commentateurs et bonne lecture
Chapitre 26 : La grande arrivée de Ron
Hermione descendit les escaliers d'un pas plus lourd qu'elle ne les avait montés ce matin-là. Elle voyait toute l'ironie de la chose. La plupart des gens se seraient rendus dans la chambre de Snape le pas lourd, en trainant les pieds, et seraient partis en hâte et le cœur léger.
Arrivée en bas, elle entendit la peinture de madame Black renifler exagérément, puis murmurer avec dédain.
- Misérable Sang-de-Bourbe. Il est temps de reconnaître ton statut de servante.
Vieille folle, pensa-t-elle. Elle roula des yeux et fit sa meilleure révérence.
- Oui, m'dame.
Elle avait remarqué que ménager la peinture coupait net ses élans de cris indignés. Et ça l'amusait aussi de constater que la peinture était incapable de repérer qu'elle se moquait d'elle.
Sa mise en scène lui valut un autre reniflement dédaigneux, mais aucun cri. Hermione le compta comme une victoire et poursuivit sa route. Elle entendit des rires venir de la bibliothèque. Elle se souvint vaguement que Tonks avait appelé pour le courrier, un peu plus tôt, mais elle était tellement prise par l'histoire de Snape, qu'elle l'avait occulté.
Elle hésita à passer la tête pour voir si elle avait reçu quelque chose, mais elle savait que la pièce deviendrait silencieuse à son apparition. Ce n'était pas que tout le monde lui en voulait encore. C'était juste Harry. Et le fait que personne ne savait comment la ré-aborder normalement. C'était autant de sa faute que celle des autres. Elle n'avait fait aucun effort pour se réintégrer à l'atmosphère sociale du ballet des visiteurs de Grimmaurd.
Au début, c'était juste qu'elle était concentrée sur l'état inconscient de Snape. Mais maintenant qu'il était réveillé et qu'elle avait plus de temps pour elle, elle trouvait difficile de réengager la conversation avec tout le monde.
Non, ça ne vaut pas l'effort, décida-t-elle.
Soudain, elle se demanda si c'était ce que Snape ressentait d'habitude. Elle était certaine qu'il s'était parfois senti isolé. La plupart des gens ne l'aimaient pas – même si ça semblait plus être un choix de sa part qu'une situation totalement subie.
Enfin, se corrigea-t-elle, ce n'est pas vraiment un choix, puisque ça lui permet de cacher une grande partie de ses activités d'espion. Et quand il essaie de s'ouvrir aux autres, il doit lutter contre sa réputation.
Elle secoua la tête devant cette injustice, puis se dirigea vers les cuisines.
Brolly et Pella, les deux elfes qui s'occupaient de la cuisine, s'approchèrent dès qu'elle entra. Comme elle le faisait après chacun des repas de Snape, Hermione baissa le plateau pour qu'ils puissent regarder les plats – ce qui avait été mangé et ce qui restait.
Pella claqua la langue et ses oreilles se penchèrent en avant – ce qu'Hermione avait identifié comme étant une marque de satisfaction.
- J'avais dit à Hermy que le maître préférerait son porridge avec des bananes plutôt qu'avec de la canelle.
Hermione rit.
- Pella, tu es une elfe de cuisine sans égale. Je n'aurais jamais dû douter de toi. Il a mangé son bol entier, ce qui est une grande amélioration, par rapport à la cannelle. Je pense que nous pourrions peut-être lui proposer une coupe de fruits frais coupés en morceaux demain. Vous avez quelque chose de pas trop acide ?
Ses deux oreilles se dressèrent puis se rabaissèrent promptement.
- Pella va trouver les fruits parfaits pour le maître des potions.
Challenge accepté, pensa Hermione en dissimulant son sourire.
Snape aurait les plus frais et les meilleurs fruits de toute la Grande-Bretagne, le lendemain matin.
Satisfaits de voir que Snape mangeait leurs plats, Brolly et Pella retournèrent préparer les déjeuner et le diner, laissant Hermione se débrouiller avec les plats sales de Snape. Ils ne lui laissaient faire ça que pour remplir son rôle d'Hermy. Hermione avait découvert qu'être Hermy avait à la fois des avantages et des inconvénients. Les avantages étaient qu'elle pouvait faire des choses pour elle-même et pour Snape sans scandaliser les elfes. L'inconvénient était d'être appelée Hermy par tous les elfes, une habitude qu'ils avaient prise de Rink. Fort heureusement pour elle, ils ne le faisaient que quand elle « travaillait ». Elle ne voulait vraiment pas entendre les moqueries sans fin de Ron – ou pire, des jumeaux – s'ils entendaient son surnom d'elfe de maison. Elle n'y survivrait pas.
Elle était plutôt contente de faire la vaisselle cela dit. Elle trouvait qu'un peu de travail manuel avait des avantages, face à la magie. Cela maintenait ses mains occupées et son esprit était libre de divaguer sur n'importe quel sujet qui la préoccupait. De l'eau chaude et de la mousse – la zénitude de la vaisselle.
Elle alla à l'évier, y déposa la vaisselle de Snape et quelques ustensiles qui restaient du petit déjeuner. Brolly la regarda, cligna des yeux plusieurs fois, mais il ne dit rien et retourna à ses propres tâches.
Les mains plongées dans l'eau et les bulles, elle rejoua la conversation qu'elle avait eue avec Snape dans sa tête. Il y avait beaucoup à penser à propos de tout ce qu'il lui avait dit. Son récit était à la fois horrible et fascinant. Certaines parties étaient même inspirantes. Elle se demanda une nouvelle fois quelle personne – ou peut-être quel événement – avait pu briser le cercle vicieux de son usage de la magie noire.
Elle se souvenait de trois moments où elle l'avait vu perdre le contrôle qu'il avait habituellement sur lui-même et céder à la colère. La nuit dans la Cabane Hurlante, avec Sirius, puis un peu plus tard dans l'infirmerie. Ce matin-là où elle l'avait croisé très tôt, dans le couloir de Poudlard qui menait à la bibliothèque. Et la nuit, dans la cuisine, quand elle avait parlé pour la première fois à Snape de ses soupçons à propos d'Harry.
A chaque fois, il était entré dans une colère effrayante. Mais désormais, Hermione avait un contexte pour mettre cette colère en perspective et la comprendre un peu mieux.
Harry était en train d'emprunter cette route.
Elle n'avait pas de preuve tangible, mais elle savait au plus profond d'elle-même qu'Harry jouait avec la magie noire et ça l'attristait profondément. Elle n'avait aucun doute qu'Harry le faisait en pensant que c'était la seule voie pour battre Voldemort. Et avec la prophétie qu'il leur avait récitée, elle savait qu'Harry ferait tout ce qui était en son pouvoir pour réaliser son destin.
A cet instant, elle eut une bouffée de haine envers Dumbledore.
Habituellement, elle était suffisamment pragmatique pour comprendre les choix du directeur – sur le plan intellectuel, si ce n'était sur le plan émotionnel. Elle ne pourrait cependant pas lui pardonner facilement ce qu'il faisait subir à leur ami. Snape était un adulte et il avait fait ses propres choix, mais Harry n'avait pas vraiment eu de choix.
Oh, Harry.
Le plus triste était que malgré toute la haine et la méfiance qu'il éprouvait envers Snape, il était en train de marcher dans ses pas. Il faisait les mêmes erreurs et tombait dans les mêmes pièges. Harry lui avait révélé, une fois, que le Choixpeau avait hésité à le mettre à Serpentard. Avec tout ce qu'elle savait désormais, elle se demandait si ce n'aurait pas été un meilleur choix pour lui. Il aurait pu respecter et avoir confiance en Snape. Et Snape l'aurait guidé pour éviter les ennuis – ou au moins, il lui aurait enseigné comment tirer des leçons de ses erreurs.
Tout aurait été différent, si Harry avait pu avoir confiance en Snape, au lieu de douter de lui et de faire de lui un antagoniste à chaque tournant. La pierre philosophale, l'ouverture de la chambre des secrets, les cours d'occlumencie arrêtés, le désastreux épisode du Ministère durant lequel Sirius avait trouvé la mort… tant de choses auraient pu se passer autrement.
Quel gâchis.
Mais ce qui était fait était fait. Elle et Ron, avec un petit coup de pouce de Snape, allaient aider Harry. Même s'il n'avait pas particulièrement envie d'être sauvé.
Ce qui, bien sûr, la conduisait à un tout autre problème. Ron et Snape. Ron ne haissait pas Snape aussi ouvertement qu'Harry, mais il ne l'aimait certainement pas. Une aversion construite sur six années d'études n'allait pas disparaître en un coup de baguette magique. Elle n'avait aucune idée de la façon de s'y prendre pour que ça marche. Peut-être devait-elle demander à son professeur ce qu'il en pensait. Une tactique frontale à la Gryffondor ne fonctionnerait pas. Elle avait peut-être besoin d'une approche plus Serpentard.
Penser à Ron lui rappela l'autre commentaire de Snape à propos de lui.
Cela avait tellement de sens que Ron soit capable d'aider Harry à sortir de son cycle de colère. Avec un pincement de culpabilité, elle réalisa que si elle n'avait pas choisi de s'occuper de Snape, elle aurait pu aussi être ce genre de personne pour Harry. Elle l'avait été, à une époque, comme elle pouvait maintenant s'en apercevoir : elle l'avait arrêté avec ses interventions précédentes, accompagnée de Ron. C'était elle, avec son doigt sur sa poitrine, qui l'avait sorti de sa diatribe colérique.
La culpabilité revint en force : une partie d'Harry ne lui faisait plus confiance. Il ne la laisserait plus devenir ce genre de personne pour lui. Tout ça à cause du professeur Snape.
Elle replongea ses mains profondément dans l'eau chaude et s'attaqua à une autre assiette.
Le professeur Vector découvrit Hermione dans la cuisine, en train de laver le plateau de Snape pendant que deux elfes de maison couraient partout pour préparer d'autres plats. Elle s'assit à la grande table de la cuisine : une tasse de son thé favori et un petit plateau de biscuits au chocolat furent rapidement déposés devant elle, sans que les elfes ne perdent leur rythme dans leurs autres préparations.
- Les elfes de maison ont l'air de bien accepter votre présence à leurs côtés, énonça-t-elle à Hermione, après avoir mordu dans l'un des biscuits.
Comme Hermione n'avait pas réellement envie d'expliquer sa relation avec les elfes, elle haussa les épaules.
- Nous sommes parvenus à un accord, dit-elle.
Puis elle leva les yeux et adressa aux elfes un sourire piteux.
- J'ai quand même des regards désapprobateurs, cependant, si j'essaie d'aider trop.
Comme pour lui donne raison, un elfe la regarda avec les yeux plissés, avant d'éloigner le plateau qui était sur la table. Plutôt que de se battre contre des moulins, Hermione secoua la tête et accepta cette défaite avec grâce. Elle s'installa à table et se retrouva bientôt avec une tasse de thé et un nouveau plateau de biscuits encore plus large que le précédent.
- Vous m'avez l'air peinée. Vos devoirs envers Snape se déroulent mal ? demanda Vector.
Hermione remarqua immédiatement que la question avait été posée gentiment, sans l'habituelle dérision de ceux qui parlaient habituellement de Snape. Hermione hésita, avant de répondre.
- Puis-je vous poser une question ? Une question personnelle, je veux dire.
Vector l'observa par-dessus le bord de sa tasse un moment, avant de répondre à son tour.
- Vous pouvez. Je ne vous promets pas de répondre, cependant.
Hermione hocha la tête, satisfaite.
- Aimez-vous le professeur Snape ?
Alors que Vector semblait surprise, elle ajouta rapidement.
- Oh ! Je ne voulais pas dire aimer comme ça… Mais vous pouvez l'aimer comme ça. Il n'y a rien de mal à ça. Le professeur Snape est… il est…
Vector ne parvint pas à garder un air impassible et laissa échapper un éclat de rire.
- Arrêtez. S'il vous plait, arrêtez, pria-t-elle les mains jointes.
Hermione rougit furieusement et ferma la bouche, avant de cacher son visage dans ses mains.
- Je me suis mal exprimée, ce n'est pas ce que j'essayais de dire.
- C'est évident, gloussa Vector. Avant de vous répondre, répondez à ma question : pourquoi voulez-vous savoir une telle chose ?
Hermione releva la tête avec réticence.
- Le professeur Snape a accepté d'être mon mentor. Je suppose qu'on peut appeler ça des leçons de pensée critique.
- C'est un but admirable et quelque chose que les gens ne font pas autant qu'ils le devraient.
- Le professeur Snape serait d'accord avec vous, approuva Hermione avec un petit sourire. Il m'a aussi dit qu'on ne pouvait pas avoir une pensée réellement critique sans avoir toutes les informations. Et il a donc été assez gentil pour répondre à quelques questions.
- Ah. Je crois que je commence à comprendre le problème. Avec ces réponses sont venues plus de questions. Vous commencez à forger vos propres opinions à propos de choses dont vous n'aviez jamais douté jusqu'à…
Vector suspendit la fin de sa phrase et laissa Hermione compléter.
- Jusqu'au professeur Snape.
Vector laissa échapper un grognement sans sens, qu'Hermione prit comme un signe pour continuer.
- Le professeur Snape est…, dit-elle en rougissant. Je suis sûre que vous avez déjà entendu les élèves de Poudlard parler dans les couloirs.
- La réputation du professeur Snape est bien connue, dit Vector en hochant la tête. On ne peut pas dire qu'il soit un homme gentil ou simple à aborder.
- Exactement, confirma Hermione, soulagée que Vector comprenne ce qu'elle essayait de dire. On dirait qu'il est comme ça avec tout le monde, même avec les gens ici. Ceux de l'Ordre. Mais je l'ai aussi vu être cordial. Presque gentil. Certaines personnes semblent avoir droit à… comment dire…
- Un meilleur traitement ? compléta Vector pour l'aider.
Hermione hocha de la tête. Vector eut un nouveau rire bref.
- Pour répondre à votre première question, malgré son impertinence, oui j'apprécie Severus Snape. Et pour boucher le trou que vous avez-vous-même creusé : non, je ne l'aime pas de cette manière. Malgré les malheureux essais de rapprochements orchestrés par le directeur.
Hermione sentit son rougissement revenir en force à la chaleur de sa nuque.
- Je ne voulais pas dire…
- Je sais. Le professeur Snape, comme vous le savez certainement, ne supporte pas bien la compagnie des imbéciles. Mais j'ai travaillé avec lui sur de nombreux projets au fil des années. Durant ces périodes, je trouvais souvent qu'il était un collègue plein d'esprit, acerbe, exigent et dur. Je ne peux cependant pas dire que nous sommes amis. En vérité, je ne sais pas si le professeur Snape a des amis. Ça fait longtemps que je me pose la question. Mais connaître son appartenance à l'Ordre du Phoenix a répondu à de nombreuses questions que je me suis posées au fil des ans.
Elle eut un sourire.
- Permettez-moi de vous rassurer et peut-être même de vous donner un petit conseil. Severus Snape n'a de patience qu'envers très peu de personnes en ce monde. Qu'il vous ait estimé digne de son temps signifie beaucoup. Soyez fière de cet accomplissement, car très peu avant vous ont obtenu sa considération. Voilà pour le côté rassurant. Maintenant, voici mon conseil…
Elle s'interrompit un instant, pour avoir plus d'impact.
- Laissez-le vous enseigner. Malgré tout son mordant, vous ne trouverez pas un meilleur professeur sur ce point. Mais souvenez-vous : Snape reste Snape. N'attendez pas qu'il devienne votre ami. Vous ne réussirez qu'à vous faire des nœuds à l'estomac.
Vector reposa sa tasse de porcelaine avec un cliquetis catégorique.
- Maintenant, j'en viens à la raison pour laquelle je vous cherchais. Nous avons parlé de mes équations, la nuit dernière. Etes-vous toujours intéressée pour regarder la matrice d'un peu plus près ? J'ai réussi à m'installer un espace de travail.
Hermione décida qu'il valait mieux se changer les idées, au lieu de tourner en rond sur les sujets de Ron, Harry et Snape. Elle répondit qu'elle était toujours très intéressée.
- Et êtes-vous disponible maintenant ?
- Bien sûr, professeur.
- Bien. Prenez quelques biscuits et allons-y. J'ai pris possession d'une chambre vide au deuxième étage.
Quelques minutes plus tard, Hermione entrait dans l'espace de travail le plus étrange qu'elle ait jamais vu. Il ne restait pas un seul meuble dans ce qui était auparavant une chambre. Les murs étaient couverts de tableaux noirs et une petite pile de craies cassées se trouvait au milieu de la pièce vide.
Vector la vit observer la pièce.
- Je travaille mieux quand il n'y a pas de fatras, expliqua-t-elle. Mais sentez-vous libre d'invoquer une chaise.
Puis, avec un mouvement compliqué de sa baguette, Vector recréa la matrice multicolore qu'Hermione avait précédemment vue, quand elle l'avait présentée à l'Ordre. Toute son attention était fixée sur les lignes colorées qui tournaient lentement.
- C'est magnifique.
- N'est-ce pas ? approuva Vector. Je sais que nous ne sommes pas à Poudlard, mais pourquoi ne pas en profiter pour faire d'abord une petite séance de révision ? Cela vous aidera pour les équations les plus complexes.
D'un nouveau mouvement de baguette, elle fit apparaître un petit tableau noir dans les airs.
- Voici la table numérologique de trois. Trois et ses multiples jouent un rôle extrêmement important dans les équations.
- On a parlé du trois pendant la deuxième année. Mais avec tant de personnes impliquées, sept n'aurait-il pas été un chiffre avec un plus grand pouvoir ?
- Habituellement, appuya fortement Vector. Cependant, un bon arithmancien – et tout bon chercheur, en fait – doit toujours garder l'esprit ouvert à ce que lui disent les équations. Et ne pas juste chercher les résultats qu'ils s'attendent à trouver. C'est pour ça que trop d'aritmanciens se trompent. Ils viennent avec des chiffres préconçus et ils forcent les équations à respecter ce résultat attendu. Mais alors ce résultat n'est jamais aussi précis qu'il pourrait l'être.
Vector pointa plusieurs de ses autres tableaux.
- Ici, ici et en particulier ici. Dites-moi ce que vous voyez.
Hermione étudia les équations. Elles étaient plus élaborées que tout ce qu'ils avaient pu étudier en classe jusqu'ici, mais alors qu'elle les observait, elle finit par repérer quelques bases sous-jacentes. Hermione vérifia la charte numérologique sur le petit tableau noir et commença à repérer le motif des trois dont avait parlé Vector.
- Harry, Ron et moi, dit-elle. Trois fois défié, comme dans la prophétie. Le professeur Dumbledore et le Seigneur des Ténèbres, dit-elle en utilisant la dénomination habituellement utilisée par Snape et en pointant une autre équation, et… le professeur Snape ? termina-t-elle avec surprise.
- Le professeur Snape agit comme un signe égal, dans la plupart de mes équations. Il est le point d'équilibre entre les deux côtés.
Sa curiosité eut le dessus.
- Qu'est-ce que cette ligne représente ?
- La grise ? Pendant longtemps, j'ai pensé qu'elle représentait simplement l'espion de l'Ordre. Mais j'ai été plutôt surprise de voir à quel point la matrice restait stable, quand je lui ai donné un nom.
Hermione ne commenta pas. Elle savait que dans les équations, quand un nom ne changeait pas dramatiquement les résultats, cela signifiait habituellement que le travail ou la fonction de la personne était une partie aussi intégrante de lui-même que son nom. Elle eut un élan de sympathie pour le professeur Snape à l'idée que sa vie d'espion était devenue une partie si importante de lui-même qu'elle était désormais presque inséparable de son identité.
Vector utilisa sa baguette comme un pointeur.
- Ici, c'est la ligne qui désigne l'Ordre du Phoenix. Ici, Vous-savez-qui. Et ici, ses Mangemorts.
Hermione suivit les lignes du regard, jusqu'à leur point de rencontre.
- Et ça, c'est la confrontation finale.
- Je l'appelle la Bataille Finale, précisa Vector avec une grimace. C'est un nom idiot, puisque la bataille entre les forces du bien et ceux qui cherchent à les détruire ne s'arrête jamais à une seule bataille. Mais je ne pouvais pas continuer à appeler ce point « le point où toutes les lignes convergent et où il se passera beaucoup de choses ».
Elle eut un rire un peu moqueur envers elle-même, en voyant l'air surpris d'Hermione.
- Oui, j'ai l'air de prendre ça à la légère, mais si vous passez autant de temps que moi à fixer les équations et que vous commencez à dessiner à quel point leur potentiel destructeur est élevé… alors oui, la Bataille Finale est plus facile à dire et elle donne une impression de bataille héroïque des anciens temps, plutôt qu'une impression de fin du monde magique, ce que mes équations indiquent comme possible.
- Oh, répondit Hermione.
Vector pointa de nouveau sa matrice.
- Vous pourriez trouver ces lignes intéressantes. Elles dessinent des individus qui, je crois, auront une grande influence sur l'issue de cette bataille. J'ai représenté monsieur Potter et monsieur Weasley, ainsi que vous-même, à la fois séparément et en tant que groupe, car nous avons remarqué au fil des ans que vous résolviez mieux les problèmes en équipe.
Hermione reporta son attention sur la ligne élaborée et quelque peu serpentine qui représentait Snape, qui se faufilait à travers la matrice, puis elle remarqua sa propre ligne qui se connectait avec elle.
- Vous avez dit que c'est moi, ici ? demanda-t-elle en pointant la ligne.
- Oui.
- Je croise le professeur Snape, prononça-t-elle.
Elle n'était pas certaine de pourquoi elle était surprise, mais elle l'était.
Vector eut un nouveau rire.
- Vous m'avez dit vous-même que le professeur Snape avait accepté d'être votre mentor. Ajoutez à cela vos interactions forcées pour prendre soin de lui jusqu'à ce qu'il soit rétabli… c'est parfaitement logique que les lignes montrent un croisement.
- Je suppose, admit-elle avec un peu d'inconfort.
Elle avait l'impression d'avoir été espionnée.
Hermione étudia un peu plus les lignes, repérant les endroits où elles se croisaient, et elle prit quelques notes mentales des questions qu'elle voulait poser au professeur Vector. Elle compara à nouveau les lignes et les équations : elle pouvait comprendre comment et pourquoi Vector avait dessiné sa matrice de cette façon, mais il y avait des principes mathématiques d'un ordre supérieur à ce qu'elle avait appris jusque-là. Elle reviendrait à ces points un peu plus tard.
Elle repéra une autre ligne intéressante et commença à la suivre. Elle semblait les suivre, elle et Snape, à travers la matrice. Elle avança la main et toucha la ligne du doigt. Soudain, toute la matrice se mit à bouger et se réassembler.
Elle observa la ligne pour tenter de comprendre où était le point de changement. Soudain, elle eut l'impression qu'un seau d'eau glacée lui coulait le long de la colonne vertébrale. Elle venait de le voir. Alors que sa ligne poursuivait sa route après ce que Vector appelait la Bataille Finale, celle de Snape avait disparu.
- Que s'est-il passé ? demanda-t-elle, d'une voix perçante.
Vector leva les yeux et vérifia où elle avait apporté une modification sur l'une des équations de base. Il ne lui fallut que quelques secondes pour voir le changement que fixait Hermione.
- Par les boules de Merlin, jura-t-elle. Cela faisait un moment que ce n'était plus arrivé.
Elle retourna à son tableau noir, effaça le changement qu'elle venait d'apporter à son équation avec un poing et la ligne de Snape refit son apparition.
Le cœur d'Hermione battait la chamade. Qu'une vie puisse être si facilement éradiquée…
- Vous avez tué le professeur Snape.
- Pas définitivement. J'ai modifié ma lecture d'une probabilité et apparemment, elle conduit à ce qu'il ne survive pas, mais ce n'est pas gravé dans la roche. Ce n'est pas la seule issue possible et je ne contrôle en aucun cas les évènements. Je trouve seulement les scénarios les plus probables, pour qu'on puisse choisir le meilleur chemin, celui qui résultera dans le moins de morts possible.
- Si ce ne sont que des probabilités, comment pouvez-vous prendre en compte les mouvements aléatoires de…
Hermione fut interrompue par l'apparition soudaine de Brolly.
L'elfe fit une petite révérence pour le professeur Vector, puis tourna son attention vers Hermione.
- Pella dit que Miss doit venir dans les cuisines. Le repas du Maître des Potions a besoin d'attention.
Hermione regarda sa montre et nota l'heure tardive. Elle n'avait pas réalisé que le temps était passé si vite.
- Merci Brolly, je descends dans la cuisine.
Quand l'elfe de maison eut disparu, Hermione adressa un sourire triste à Vector.
- Désolée professeur, mais le devoir m'appelle. Est-ce que je pourrai revenir ? demanda-t-elle en montrant la matrice mouvante d'un grand mouvement de main. C'est vraiment fascinant et j'ai quelques questions sur la manière dont vous avez dessiné ça.
Vector lui fit un large sourire.
- Si ça vous intéresse, vous êtes plus que la bienvenue. Il n'y a pas grand monde qui aime vraiment l'Arithmancie.
Hermione partit et lança un « Merci, professeur » par-dessus son épaule, avant de refermer la porte.
Assembler le repas prit à Hermione un peu plus de temps que prévu. Pella avait préparé à Snape une soupe d'orge aux champignons et Hermione avait peur que les épices soient un peu trop pour lui. Mais après avoir goûté, et reçu quelques sourires suffisants de la part de Pella, Hermione avait fini par admettre que la soupe était bonne.
Hermione trouvait que la société sorcière était cruellement ignorante à propos des elfes de maison. Ils avaient l'air timides, réservés et serviles, mais Hermione était certaine que peu de sorciers avaient essayé de contredire un elfe chef cuisiner dans sa propre cuisine.
Elle plaça le plateau sur une hanche et monta les marches. En s'approchant, elle fut surprise de voir sa porte entrouverte. Elle se souvenait parfaitement l'avoir fermée. Sachant que Snape n'aurait pas pu l'ouvrir tout seul, elle se demanda qui lui rendait visite. Elle s'approcha et sursauta quand le rire de Vector résonna. Puis elle fut choquée d'entendre celui de Snape, riche et grave, un instant après.
Incapable de se maîtriser, elle s'approcha un peu plus de l'ouverture de la porte, pour pouvoir écouter leur conversation, soudain inquiète que Vector ne révèle qu'elle posait des questions sur lui, un peu plus tôt.
Elle entendit Snape reprendre la parole.
- Alors l'elfe vous a juste amenés ici ?
- Oui ! Tu aurais dû voir la tête d'Albus, répondit Vector avec un nouveau rire. Il était en train d'expliquer à ce pauvre petit gars qu'il n'irait nulle part et l'instant d'après, on était tous les deux dans l'entrée. Je ne pense pas l'avoir déjà vu aussi surpris avant de toute ma vie. Et ajoute à ça l'arrivée tonitruante d'Alvarez… Ce n'était vraiment pas un bon jour pour le directeur.
- Etant donné que c'était ma vie en jeu, je n'arrive pas à me sentir désolé pour lui.
Les mots étaient secs, mais même depuis le couloir, Hermione reconnaissait le ton amusé de Snape. Il prenait plaisir à cette conversation avec Vector. A cette réalisation, elle sentit un pincement bizarre quelque part dans sa poitrine.
- Hé bien, je peux dire que je suis plutôt contente que ça ait fonctionné, puisque tu respires encore. J'aurai eu un énorme travail de reprise à faire, sinon, tu sais.
- Et nous ne voudrions pas cela.
- Crois-moi, nous n'aurions pas aimé. Ce qui m'amère à la raison pour laquelle je suis venue. Puisque tu n'as pas pu assister à la présentation que j'ai fait pour l'Ordre, j'aimerais venir un peu plus tard et te montrer ce que j'ai fait. Je pense que tu peux m'aider à affiner mes équations, en particulier celles qui concernent Tu sais qui et les Mangemorts.
- Je crois que mon planning est libre ce soir.
- Oh, et j'aimerais inviter Miss Granger.
- Pour quelle raison ?
- Elle m'a mentionné que tu agissais comme son mentor, pour lui apprendre la pensée critique.
- En effet.
- Si nous survivons à tout cela, je songe à lui proposer un apprentissage.
Hermione fut tellement surprise, qu'elle faillit manquer la suite du discours.
- Elle a une tête bien faite pour l'Arithmancie. La plupart des Nés de Moldus s'en sortent bien, parce qu'ils viennent d'un parcours plus orienté sur les sciences et les mathématiques que les sorciers de pure souche. Elle est première de sa promotion depuis le premier jour où elle est entrée dans ma classe.
- Qu'en pensez-vous, miss Granger ? Aimeriez-vous un apprentissage en Arithmancie ?
Hermione se figea et lutta contre son besoin de fuir. Pas qu'elle ait eu un endroit où se cacher : Snape savait qu'elle était là. Elle rassembla son courage, redressa le menton et entra dans la chambre.
Snape était appuyé sur un coude, dans son lit, un sourcil haussé. Vector, assise sur la chaise à côté, avait une expression stupéfaite.
- Je venais juste apporter votre repas, monsieur, dit-elle en espérant qu'une bonne défense pourrait la sauver.
- Deux choses. De une, si vous prévoyez de roder derrières des portes…
- Je ne rodais pas.
- Si vous rodez derrière des portes, éviter d'emporter une soupe qu'un nez un peu fin pourrait sentir. De deux, ne vous placez jamais à un endroit où votre ombre passe l'embrasure de la porte. Cela dit, vous avez parlé de mon repas ?
En colère, elle resta silencieuse, car elle ne pouvait pas le contredire : il l'avait attrapée en train d'écouter aux portes. Elle glissa le plateau sur ses genoux. Etrangement, elle avait l'impression qu'il n'était pas en colère contre elle, mais plutôt satisfait de lui-même. Elle supposait que le directeur des Serpentards était habitué aux étudiants qui essayaient de collecter des informations un peu sensibles…
Vector avait désormais l'air définitivement amusée
- Je vais y aller. Miss Granger, réfléchissez à mon offre. Je pense que vous avez le potentiel de devenir une très bonne arithmancienne. Snape, je passerai ce soir et nous pourrons regarder la matrice.
Elle leur fit un signe de tête à chacun et sortit.
- Avez-vous prévu de rester debout ou allez-vous vous asseoir ?
Il essaie juste de m'énerver, se répéta-t-elle intérieurement, en prenant la chaise.
Snape prit une cuillère de soupe avec précaution et en testa le goût quelques instants, avant d'acquiescer et de reprendre une cuillère.
- J'ai réfléchi à la manière dont nous pourrions enrôler monsieur Weasley.
- Moi aussi, dit-elle, surprise que leurs pensées aient pris le même chemin.
- Alors nous devrions comparer nos conclusions.
Hermione repéra Ron dans le jardin. Il enchaînait des courbes serrées sur son balai. Ses mouvements tordus et acrobatiques lui retournaient l'estomac. Ne voulant pas briser sa concentration et prendre le risque qu'il ne tombe, elle attendit patiemment qu'il la repère.
Un immense sourire au milieu de ses tâches de rousseurs, Ron la vit et fonça, jusqu'à flotter tranquillement devant elle, ses orteils effleurant à peine le sol.
- Hermione ! Tu as vu mon dernier mouvement ? Une tuerie ! Il n'y a aucune chance pour que Serpentard parvienne à passer ma défense cette année.
Elle le récompensa d'un sourire. Elle n'était peut-être pas aussi enthousiaste que lui à propos de voler ou du Quidditch, mais son excitation était contagieuse et elle se sentait heureuse pour lui.
- Bien joué, Ron.
- Tu as besoin de quelque chose ?
- En fait, oui, je voudrais te demander une faveur. Est-ce qu'Harry est avec Dumbledore ?
Ron grimaça.
- Oui. C'est un de leurs face-à-face super secrets, même si j'ai du mal à comprendre ce qui peut être si secret dans le fait que Dumbledore parle à Harry de Tu-sais-qui.
Hermione connaissait Ron depuis longtemps. Il essayait de le cacher, mais il était blessé d'être exclu des leçons spéciales d'Harry. Et ça avait peu d'importance que Ron, qui connaissait l'ampleur de la prophétie qui liait Harry et Voldemort, sache pour quelle raison il recevait une attention spéciale. Car les émotions étaient rarement logiques.
Elle savait que Ron considérait Harry comme son meilleur ami, mais cela ne l'empêchait pas de se sentir un peu oublié, parfois, dans l'ombre d'Harry Potter.
- Alors, cette faveur ?
- Le professeur Snape est toujours coincé au lit et il s'ennuie, commeça-t-elle, avant d'être immédiatement interrompue par un Ron aux yeux écarquillés et à l'air horrifié.
- Ho non. Non. Non. Non. Non. Je ne vais pas veiller sur la grande chauve-souris.
- Ronald Weasley, je ne te demande pas de surveiller le professeur Snape. Je ne te demande même pas de lui parler. Je te demande de faire une partie d'échecs avec lui. J'ai regardé assez de tes matchs dans la tour Gryffondor pour savoir que tu peux enchaîner les parties et te contenter de quelques monosyllabes à destination de tes adversaires. Je t'ai aussi entendu assez souvent te plaindre de n'avoir personne à la hauteur pour jouer avec toi. Je pense qu'on peut quand même se mettre d'accord sur la bonne probabilité que le professeur Snape te propose une partie intéressante.
- Est-ce que tu sais s'il joue ? Je ne l'ai jamais vu jouer à Poudlard.
- Oui, il joue, claqua-t-elle exaspérée.
Elle n'élabora pas sa réponse, cependant. Elle n'allait pas avouer à Ron que l'idée d'une partie d'échecs venait de Snape ou qu'elle s'était rendue dans sa chambre quelques mois plus tôt et qu'elle avait aperçu une partie en cours sur une table.
- Alors, est-ce que tu peux m'aider ? S'il te plaît ?
Avec un air complètement abattu, Ron grogna sa réponse avec un manque d'enthousiasme flagrant.
- Très bien. Mais tu m'en dois une, Hermione.
- Merci, Ron, répondit-elle avec un sourire éclatant. Ça en vaudra la peine. Je te le promets.
Notes originales de l'auteur : J'ai brisé une règle de l'écriture. J'ai fait en sorte que le tueur sorte un pistolet sans préparer d'abord les lecteurs au fait qu'il y avait un pistolet dans le tiroir du bureau. Enfin, il ne s'agit pas vraiment d'un pistolet ici, mais d'un plateau d'échecs que j'aurais dû présenter il y a loooogtemps, dans le chapitre où Rink emmène Hermione installer les draps dans la chambre de Snape. Je suis mauvaise, j'ai honte. Tête basse.
Je vous ai laissé la note de l'auteur original (ça m'arrivera parfois quand il y en a), mais même si je ne me souvenais pas d'une description de jeu d'échecs, je n'ai pas trouvé ça choquant à la lecture. Je me suis juste dit qu'il y avait tellement de choses dans l'appartement de Snape que c'était tout à fait plausible d'y trouver un jeu d'échecs
Belle semaine à tous et à dimanche prochain :)
Lena.
