Toi qui lis ce message, n'hésite pas à laisser un court commentaire, juste pour me dire que tu aies passé par ici.

(Le bug sur les stats dure depuis des semaines et c'est assez frustrant. J'ai l'impression que personne ne me lit )


Drago avait réussi sa mission. Luna avait donc fixé une date de rendez-vous. Maintenant, debout au milieu de son appartement, elle réfléchissait. Elle voulait quelque chose de très différent de leur dernière cérémonie. Une coupure symbolique.

Elle se saisit d'une paire de ciseaux et se mit à feuilleter les publications moldues qu'elle avait entassées sur sa table.

Magazines de mode débordant de vêtements et d'accessoires, reportages du bout du monde, actualités locales diverses, revues d'art allant de la sculpture au jeu vidéo, articles politiques plus ou moins partisans, compilations de recettes alléchantes, interviews de stars qui lui étaient inconnues, mensuels de vulgarisation scientifique aussi ésotériques pour elle que la magie aux yeux des moldus, tout y passait.

Dès qu'une image, un mot, une phrase lui plaisait ou l'inspirait, elle la découpait et la collait dans un carnet.

Quand elle eut parcouru l'ensemble de sa pile, elle prit un peu de temps pour parcourir les pages qu'elle avait rempli et examina ce qu'elle avait patiemment collecté.

Et peu à peu, un scénario se dessina dans son esprit.

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La veille de la séance avec Luna, une inscription était apparue dans le journal de Drago. Elle était aussi claire qu'énigmatique.

« Pour le rendez-vous de demain, viens à jeun. »

Une récompense qui commençait par une privation ? « Je devrais peut-être avoir une petite discussion avec Luna sur le sens des mots. » se dit Drago, amusé.

En attendant, il but un dernier verre avant ses retrouvailles avec Luna, un large sourire aux lèvres.

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Avant de voir quoi que ce soit, c'est la chaleur qui sauta au visage de Drago.

En ouvrant la porte du sanctuaire de Luna, il sentit chaque parcelle de son corps nu gémir sous l'assaut soudain d'un vent brûlant. Ses yeux plissés, larmoyants, peinaient à distinguer quoi que ce soit dans cette fournaise, l'air semblant vibrer d'une vie propre.

Il entendit le son mat de la porte se refermant derrière lui. Il jeta un regard en arrière et, la porte soudain totalement indiscernable, ne vit qu'un horizon d'or en fusion et d'azur éblouissant.

Il fit alors quelque pas, marchant sur un sol de sable, crissant et chaud sous ses pieds dépourvus de la moindre protection. Il sentit sa peau s'assécher et une odeur de roussi s'échapper de ses poils.

D'habitude, l'absence de vêtements lors de ses rencontres avec Luna le gênait pour des questions de pudeur. Aujourd'hui, ils lui manquaiant pour des raisons de confort et de sécurité. Il se sentait physiquement vulnérable. Exposé à un immense soleil magique et à sa morsure intense. Les rayons de l'astre de feu saturaient le ciel et transperçaient sa peau sans répit.

La salle semblait immense, sans mur apparent. Une étendue sans fin de sable sous une nappe infinie de lumière vive. Pas de meuble, pas de bâtiment, pas d'autre être vivant.

Nulle trace de Luna.

Drago était seul, dans un désert vide.

Face à cet abandon, une sourde colère enfla en lui, aussi brûlante que l'air qui l'entourait.

Ne sachant que faire d'autre, il se mit en marche, sans avoir pourtant la sensation d'avancer. La monotonie du paysage déboussolait son sens de l'orientation.

En temps normal, il aurait sans doute été impressionné par le sortilège de Distorsion à l'œuvre dans cette salle. Mais en temps normal, il ne l'aurait pas arpenté en étant assoiffé et affamé.

Rapidement, il perdit aussi la notion du temps. Alors, pour se raccrocher à quelque chose, il se mit à compter ses pas.

Un, deux, trois, quatre...

À force d'inhaler l'air asséché, la gorge de Drago devenait aussi crissante que le sable sous ses pieds. Sa colère partait en lambeaux, se délitant bribe par bribe à chaque empreinte qu'il laissait au sol jusqu'à ce qu'il n'en reste rien.

Cent-vingt-deux, cent-vingt-trois…

Sa sueur s'évaporait de son front avant même d'y former une goutte. Il sentait l'eau de son corps s'échapper par son crâne pour rejoindre l'atmosphère et s'y dissoudre instantanément.

Cent-quatre-vingt-huit, cent-quatre-vingt-neuf, cent-quatre-vingt-dix…

S'il s'arrêtait là, mourrait-il sans laisser de traces, son corps devenant poussière avant même de toucher le sol, perdu au milieu cette illusion qui n'appartenait qu'à lui ?

Quatre-cent-cinquante, quatre-cent-cinquante-et-un, quatre-cent-cinquante-deux…

Drago releva la tête en cligna des yeux. Il avait crû apercevoir… quelque chose. Il se concentra sur la zone qui avait attiré son regard, cherchant à retrouver ce qui lui était brièvement apparu.

Soudain, transperçant le voile vacillant de l'horizon, Drago crut voir danser la silhouette d'un bâtiment.

Il se remit en marche, chaque pas diminuant la quantité de salive dans sa bouche sans pour autant le rapprocher de son but. Et pourtant, après une infinité de pas dont il perdit le compte, Drago parvint à distinguer ce vers quoi il s'approchait.

Quelques colonnades incomplètes, le reste d'un toit écroulé, des voiles en lambeau et une ancienne fontaine brisée, le tout d'un blanc immaculé.

Un temple dans le temple.

Le temps d'arriver au cœur des ruines, ses lèvres s'étaient rétractées jusqu'à se fendre. Quand sa langue, privée de salive, les caressait dans une vaine tentative de protection, elle en revenait avec un goût de rouille. Le vent asséchant qui soufflait face à lui recouvrait ses yeux de sable. Quand il clignait des yeux, les grains crissaient sous ses paupières. Il en sentait les frottements, en entendait les sifflements.

Un piédestal se tenait debout au centre des vestiges. Un simple pylône sabré en diagonale sur lequel reposait deux larges plaques de pierre.

Il se traîna plus qu'il ne marcha jusqu'à elles. Une phrase s'étirait sur chacune, gravée en lettres massives et solennelles. Un message proclamant « Toi qui entre ici dans le besoin, implore et prie. Elle t'écoute et t'entends. »

La fatigue avait depuis longtemps chassé la colère qui l'avait étreint lors de ses premiers pas. Pourtant, lire ces quelques mots en raviva les braises qui couvaient encore, provoquant une nouvelle flambée.

– Luna ! hurla-t-il aussi fort qu'il le pouvait. Luna ! Ramène-toi !

Ses cris s'envolèrent sans trouver d'écho. Rien ne bougea, personne ne lui répondit, tandis que sa voix se mourait au fond de sa gorge et que les craquelures de sa bouche s'élargissait en crevasses profondes.

Il appela à nouveau, encore et encore, jusqu'à ce que la chaleur le prive de sa voix, ne lui laissant qu'un fin filet à peine audible.

– Luna, dit-il encore une fois, découragé, ses paroles aussi craquelées que ses lèvres.

Il s'agrippa aux tablettes de pierre et appuya sa tête contre elles, épuisé. Même la roche lui refusait le soulagement d'un court contact rafraîchissant. Elle semblait, comme le reste, être proche de son point de fusion.

Drago soupira et son souffle lui revint en pleine face, brûlant comme l'haleine d'un dragon en furie.

Son corps fondant comme la cire d'une bougie allumée, il se laissa glisser à genoux, les bras ballants et mous pendant à ses côtés. Les yeux légèrement relevés, fixant l'horizon dansant des dunes d'or, il se mit à murmurer.

– J'ai soif. J'ai soif et je ferais n'importe quoi pour avoir à boire. Si tu m'entends, je t'en supplie, viens-moi en aide.

Au début, rien ne se produisit. En tout cas, ce fut ce que Drago pensait, rien ne venant modifier son champ de vision. Jusqu'à ce qu'il se rende compte que l'air était plus doux. Plus tiède. Moins agressif. Presque… hydratant.

Tout en continuant sa litanie, il sentit ses cordes vocales retrouver un semblant de puissance et de plasticité. À la limite de son champ de vision, il crut apercevoir une ombre, promesse de fraîcheur et de protection.

– Je t'attends, Luna. Je t'attends et je suis obéissant. Je t'attends et je suis à tes pieds. Je t'attends et toi seule pourras me relever.

Sa voix devint moins râpeuse, moins écorchée. Dans un dernier sursaut d'énergie, il hurla :

– Luna, je t'en supplie ! J'ai besoin d'eau !

Sa voix se brisa. Une dernière phrase éraillée s'échappa de ses lèvres parcheminées.

– J'ai besoin… de toi...

Un vent frais se leva, ravivant l'espoir en train de mourir dans le torse du sorcier. Un souffle porteur de promesse qui faisait danser les longues chutes de tissu déchirées

Drago tourna la tête en tout sens, à la recherche de Luna.

Et soudain, elle fut là. Une apparition salvatrice.

Elle semblait voler, ses pieds nus effleurant à peine le sol, son corps cachant le soleil mordant, ses cheveux détachés formant un halo de lumière autour de son visage, sa robe, d'un blanc pur, flottant en vague légère autour d'elle.

Magnifique.

– Je vais te donner de l'eau.

Elle tira lentement de sa manche sa baguette et se mit à faire des circonvolutions dans l'air. Drago ne détachait pas ses yeux du bout de bois, fasciné, assoiffé.

Un filet d'eau jaillit de la baguette et se mit à couler au sol, immédiatement absorbé par le sable. Drago glapit et se précipita à quatre pattes vers la source que Luna fit tarir dès qu'il s'approcha.

– Tut tut tut, Drago. Non. Pas comme ça. Ce don vient de moi. L'accepteras-tu comme telle ?

Elle éleva sa baguette en l'air et pencha la tête en arrière. L'eau se remit à couler, directement dans sa bouche qui devint un bassin.

Hypnotisé, Drago regarda le ruisselet s'échapper en ruban de la pointe de la baguette, scintiller dans le soleil et se perdre à l'intérieur de Luna.

Luna ferma ses lèvres, scellant de sa chair le besoin pressant, ardent de Drago. Elle se pencha au-dessus de sa tête, sa bouche ostensiblement au-dessus de la sienne.

À ses pieds, Drago trembla. Du désir de cette eau, si proche mais pourtant inaccessible. De crainte face à ce que Luna attendait de lui.

C'était étrange. Dégoûtant. Nécessaire.

Il entrouvrit les lèvres, hésitant. Les yeux de Luna pétillèrent, lui indiquant qu'il était sur la bonne voie.

Il ouvrit plus largement les lèvres. Luna écarta légèrement les siennes.

Et l'eau ruissela, tombant d'une bouche à une autre.

Un don de la vie à la vie.

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Il était assoiffé.

Elle lui offrait de l'eau.

Et il lui en était infiniment reconnaissant.

Il aurait pu en pleurer. Mais aucune larme ne se forma aux coins de ses yeux. Au lieu de ça, sa cornée se recouvrit d'un voile de sel qui l'irritait un peu plus à chaque battement de paupières. Il ferma les yeux.

Et soudain, le feu qui lui brûlait les entrailles et lui déchirait la gorge fut éteint. Chaque gorgée du précieux liquide calmait un peu plus ses tourments intérieurs, jusqu'à atteindre un état de calme parfait et total.

D'extase.

Drago resta agenouillé aux pieds de Luna, la tête renversée, figé dans cette position qui, quelques instants plus tôt, était une posture d'humilité et de supplication et qui était maintenant juste le signe de son abandon total à l'apaisement qui le submergeait.

Avec une joie indicible, il sentit l'eau prendre possession dans son corps, irriguant lentement chaque parcelle de son être dans un long frisson de plaisir.

Il rouvrit les yeux. Luna était toujours debout devant lui, éblouissante dans ses draperies légères, un sourire réconfortant sur le visage.

Drago ne parvenait pas à détacher son regard d'elle.