Derek descendit voir comment allait Stiles. Peter, qui sortait de la cuisine, secoua la tête. Son neveu fronça les sourcils et se dirigea vers le canapé. L'hyperactif n'avait toujours pas bougé. Immobile et pâle comme jamais, sa tête brune reposait sur un oreiller confortable que l'oncle psychopathe de Derek était allé chercher à l'étage. Par contre, c'était Derek qui avait étendu un plaid léger sur le jeune homme, après lui avoir retiré ses chaussures. Fallait quand même pas salir le canapé qu'il avait acheté récemment.

Derek se mordit légèrement la lèvre inférieure. Qu'était-il arrivé à Stiles pour qu'il en vienne à prendre des antidépresseurs ? Autant pour la codéine, il comprenait deux côtes cassées et une jambe entaillée profondément, cela ne pouvait pas être sans douleur. Mais pour le reste… Derek se souvenait bien de la mort de Donovan, bien après l'épisode du Nogitsune, mais Stiles ne se souvenait pas de ce qu'il avait fait sous son emprise.

- À moins qu'il ait menti, souffla Derek en comprenant soudainement.

Mais il y avait autre chose, il en était certain. Une chose était sûre, Stiles était un bon comédien, pour réussir à cacher son jeu durant tout ce temps. Or, à force, il s'usait et sa comédie commençait à montrer quelques failles. Son accident n'avait pas aidé. Cela n'aidait pas Derek à savoir depuis quand ça durait. Assurément, il interrogerait Stiles. Pas forcément à son réveil, mais dans les jours qui suivraient. Et cette odeur… Quelque chose n'allait vraiment pas avec lui. Une chose était sûre, il ne l'avait pas sentie lorsqu'il était à l'hôpital. C'était donc plus ou moins récent. Qu'était-ce, dans ce cas ? L'alpha put s'assoir au bord du canapé, Stiles ne prenant pas beaucoup de place. Maintenant qu'il le regardait un peu mieux, il voyait ses joues un peu creuses, les poches sous ses yeux et la pâleur de sa peau constellée de grains de beauté. En fait, il suffisait d'ouvrir les yeux, de faire un peu attention. De faire attention à Stiles, l'humain dans l'ombre des loups.

En fait, c'était ça, le problème.

Tout le monde était habitué à la présence de Stiles, le joyeux, l'hyperactif, l'enquêteur. Au lieu d'alerter, son comportement de plus en plus calme l'avait fait oublier. Les yeux bleu-vert de Derek scrutaient le jeune endormi, comme s'il allait se réveiller d'un instant à l'autre.

S'il savait à quel point il avait raison…

Le rythme cardiaque de Stiles s'emballa soudainement. Presque aussitôt, son visage de crispa en une grimace de douleur. Un gémissement tout d'abord léger s'échappa d'entre ses lèvres fines. Derek fronça les sourcils et se prépara à prendre le poignet du jeune homme pour le soulager, lorsque celui-ci ouvrit les yeux d'un seul coup. Les orbes noisette douloureuses rencontrèrent celles, turquoise clair et inquiètes, de l'alpha.

- Non, souffla Stiles.

Cette réaction eut un air de déjà vu aux yeux de Derek. Si bien qu'il fit exactement comme la fois précédente et prit la douleur de l'adolescent contre son gré. Ses traits se tendirent d'un seul coup et un geignement rauque franchit la barrière de ses lèvres. La douleur était insoutenable, comment Stiles pouvait-il supporter ça ? Derek manqua à plusieurs reprises de lâcher le poignet de l'adolescent, dont le visage ne se décrispa pas pour autant. Prendre sa douleur prenait plus de temps que prévu et fatigua bien vite l'alpha.

- Tu veux que je prenne le relais ?

Derek tourna la tête vers Peter, qui venait de sortir de la cuisine, un air s'apparentant à de l'inquiétude collé au visage. Incapable de prononcer le moindre mot pour l'instant, l'alpha secoua la tête et continua de prendre la douleur de Stiles, dont les yeux s'étaient fermés, la manipulation de Derek l'épuisant inexorablement. Sa propre fatigue prenait le dessus. Des jours qu'il dormait peu, trop peu. Si l'on ajoutait à cela la douleur de sa jambe qui le tiraillait sans cesse, cela faisait beaucoup pour un seul adolescent, un peu amaigri par ailleurs.

Les veines de Derek reprirent une teinte normale après plus de deux minutes. Son visage se décrispa et il respira à grande goulée d'air, comme s'il avait retenu sa respiration jusqu'à présent. En réalité, il s'était beaucoup contenu pour ne pas gémir de douleur, tant celle-ci l'avait frappé par sa force. Il reposa son regard sur Stiles, dont les traits s'étaient finalement détendus. Derek constata avec stupeur que l'hyperactif s'était de nouveau endormi. Perplexe, il continua de le regarder avec confusion, sans pour autant enlever sa main qui avait dérivé sur celle de Stiles. Quelques secondes plus tard, il releva la tête vers Peter qui s'était approché de quelques pas. Même si son oncle ne l'avouerait sans doute jamais, il avait réellement l'air de commencer à être préoccupé par l'état de Stiles. Disons que le plus vieux des deux Hale n'en revenait toujours pas d'avoir vu son neveu souffrir autant en prenant la douleur d'un autre. C'était quelque chose d'inédit. Aussi, il avait toujours un peu apprécié l'hyperactif alors le voir dans cet état et surtout, le remarquer, ça lui faisait quelque chose.

- Je pense qu'on va le garder ici cette nuit, dit Derek d'une voix blanche. Il est épuisé, je me vois mal le réveiller pour le faire rentrer chez lui.

C'était une semi-vérité que Peter avait bien sentie, aux battements du cœur de son neveu. Lui aussi sentait cette odeur anormale et avait compris que quelque chose clochait.

- Va falloir que tu préviennes son père, lui dit doucement Peter, pour ne pas réveiller Stiles qui semblait dormir à nouveau profondément.

Son visage se tendit à nouveau un peu, sans pour autant qu'il se réveille une nouvelle fois. Derek hocha la tête et lâcha finalement la main de Stiles, sans remarquer qu'il la tenait jusqu'à lors. Il sortit son téléphone de sa poche et rédigea un court message à l'attention du shérif de Beacon Hills. Il lui écrivit que son fils resterait chez lui pour la nuit, expliquant que la meute avait faisait une soirée film et que Stiles s'était déjà endormi. Pourquoi lui mentir ? Derek se souvenait parfaitement de la réaction qu'avait eu Noah Stilinski à l'hôpital en voyant Stiles dans ce lit blanc. L'hyperactif n'avait pas besoin qu'on lui fasse des reproches, surtout que les mots de son père avaient été durs, très durs. Derek avait beau être quelqu'un de plutôt bourru, jamais il n'avait parlé à Stiles de la sorte. La réponse du shérif ne se fit pas attendre il n'y avait aucun problème.

Peter s'approcha encore et enjoignit Derek à venir manger avec lui. L'alpha sembla hésiter mais le plus vieux des deux Hale balaya ses futures excuses d'un revers de la main, lui disant que Stiles n'allait pas s'envoler, surtout dans son état. Le plus jeune accepta à contrecœur et suivit son oncle dans la cuisine.

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La nuit fut longue, très longue pour Stiles, qui s'était réveillé aux alentours de deux heures du matin et qui n'avait pu fermer l'œil depuis. Néanmoins, il était épuisé. La sensation désagréablement lourde d'être dans le coltard l'avait toutefois empêcher d'ouvrir les yeux et de remarquer que ce sur quoi il était n'était pas aussi confortable que son lit. La douleur n'aidait pas. Certes, elle avait semblé avoir disparu durant quelques heures, avant de vite revenir à la charge, un peu moins forte toutefois.

Trop fatigué, Stiles n'avait pas cherché à ouvrir les yeux, encore moins à se lever pour aller s'occuper. Son corps le lui interdisait, ayant besoin de repos. Tout ce qu'il s'autorisait à faire, c'était bouger un peu de temps en temps sa tête, ses bras et sa jambe valide. Impossible de faire se mouvoir l'autre sous peine de ressentir une douleur insoutenable. Stiles se rassurait en se disant que ça irait mieux dans quelques jours. Lorsque le soleil commencerait à poindre, l'hyperactif s'occuperait de ses bandages, en espérant ne pas faire d'erreur d'asepsie. Toujours allongé et à moitié somnolent, il se força à penser à son traitement, se rappelant la méthode et l'ordre des choses. Disposer le matériel à portée, se désinfecter les mains, retirer ses bandages, se désinfecter encore une fois les mains, nettoyer la grande plaie, nouveau nettoyage manuel, appliquer les différentes crèmes, faire les injections nécessaires à côté de la blessure, bander la jambe avec du matériel neuf. Cependant, fatigué comme il était, Stiles se perdit plusieurs fois dans l'ordre et n'arriva parfois pas à aller jusqu'au bout. Alors, il se fustigeait et pensait à son père, à la manière dont il réagirait s'il apprenait que son empoté de fils faisait une erreur dans son traitement. Ne fais pas d'erreur, Stiles, ou c'est lui qui en paiera le prix. Par ta faute.

Ce petit épisode dura jusqu'au petit matin.

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Derek n'avait pas très bien dormi. Il s'était couché préoccupé et s'était réveillé préoccupé. Avoir un adolescent blessé et dépressif dans son salon le perturbait un tantinet. La veille, il avait longuement hésité avant de finalement céder à l'appel du sommeil mais aussi et surtout poussé par Peter, qui n'en pouvait plus de voir son neveu tourner dans tous les sens et s'épuiser alors qu'il avait déjà du sommeil en retard.

L'alpha s'étira longuement tel un félin, avant d'enfiler un pantalon de jogging et se descendre les escaliers à pas de loup, sans mauvais jeu de mot. Le salon baignait déjà dans la douce lumière de la matinée, sans agresser par son intensité. Même si ce n'était pas forcément très esthétique ni très efficace, Derek avait fait installer des rideaux gris foncé récemment, pour ne pas être agressé visuellement en se levant. L'alpha repéra tout de suite le corps fin de Stiles, toujours allongé sur le canapé. Ses yeux étaient fermés, mais le noiraud savait, aux battements de son cœur qui s'étaient accélérés en entendant les pas de Derek, que l'adolescent était réveillé, mais pas entièrement. Il somnolait tout juste à moitié. Ce qui perturba Derek, ce n'était pas ce constat, mais plutôt le visage de l'hyperactif. Pâle comme la mort avec des cernes encore plus marqués que la veille, il faisait peur. Sa peau luisait légèrement à cause d'une petite couche de sueur. Avait-il trop froid, trop chaud ? Derek se rapprocha et décida de le réveiller. Bien sûr, il n'oubliait pas ce qu'il s'était passé la veille son réveil aussi soudain que bref. Stiles était épuisé mais Derek avait besoin de savoir ce qui lui arrivait. Tout alpha qu'il était, il ne pouvait empêcher l'ignorance de lui serrer le ventre. Derek s'accroupit à côté du canapé et appela Stiles. Doucement en premier lieu, plus fermement au bout d'un moment. Il vit les sourcils du jeune homme se froncer et ses paupières s'ouvrir, ses yeux papillonner. Son regard perdu se posa aussitôt sur l'alpha, puis se balada dans la pièce, semblant comprendre quelque chose. Sa bouche s'ouvrit dans un « o » parfait et la peur et la gêne s'inscrivirent dans son odeur. Dans un mouvement un peu trop rapide, Stiles voulut se redresser et sa jambe valide cogna dans l'autre, blessée, le faisant tout de suite grimacer et ne put retenir une plainte douloureuse. Son visage était si crispé que Derek comprit que la douleur était extrêmement puissante.

- Doucement, Stiles, lui intima-t-il en le regardant intensément.

- Non, pardon, je… Je me suis endormi chez toi, j'aurais pas dû, je… Désolé…

Stiles semblait s'affoler au fur et à mesure que le temps passait. Derek posa une main sur son épaule, le faisant sursauter.

- Calme-toi, tout va bien, lui assura-t-il d'une voix très calme.

- Non, rien ne va… Articula avec peine l'adolescent d'une voix enrouée.

En lui, les interrogations fusaient, mais sa priorité était de rassurer l'hyperactif, qui semblait souffrir le martyr. Un gémissement difficile à entendre de par l'émotion et la douleur qu'il contenait passa la barrière des lèvres de l'hyperactif. Il ne put rester redressé bien longtemps et le haut de son corps retomba sur le canapé. Son visage, complètement tordu par la souffrance commença à sérieusement inquiéter Derek alors qu'il voyait bien que le plus jeune faisait tous les efforts du monde pour se taire. Il voulut tout de suite prendre son poignet pour le soulager mais Stiles gigotait pour lui échapper et s'en aller, bougeait dans tous les sens, sans pour autant mouvoir sa jambe blessée. Elle restait immobile, un peu trop au goût de Derek, qui ne savait pas quoi faire. Depuis la semaine précédente, sa blessure à cet endroit-là de son corps aurait dû commencer à guérir, or il semblait que c'était tout l'inverse. Le fait que Stiles ne l'utilisait jamais était un indice de ce fait. Il ne la bougeait plus.

Il fut bien difficile pour Derek de l'intimer à se calmer et d'attraper son poignet, si bien que Peter, alerté par le boucan, était descendu de sa chambre pour venir lui prêter main-forte. Il se mit à essayer de le maintenir et son étonnante force insoupçonnée lui donna du fil à retordre.

- Lâchez-moi ! Cria Stiles.

Son souffle se coupa un instant et un hurlement de douleur à peine humain sortit de sa gorge, glaçant le sang des deux loups. Toutefois, il fallait que chacun garde la tête froide. Au même moment, les deux Hale remarquèrent les larmes coulant sur ses joues pâles. Peter contracta ses muscles pour essayer de mieux maintenir Stiles allongé, alors même qu'il semblait redoubler d'ardeur pour se relever.

- Appelle le druide, intima Peter, légèrement impatient. Vite !

Derek regarda un instant son oncle, hésitant sur ce qu'il devait faire. Le regard s'illuminant du bleu de l'oméga lui fit comprendre qu'il devait se dépêcher, alors c'est ce qu'il fit.

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- Tout va bien, Stiles, laisse-le faire.

La voix de Derek était si douce qu'elle surprit Peter, à l'autre bout de la pièce. Stiles hocha faiblement la tête. Le jeune homme à moitié conscient dans les bras de Derek regardait à peine Deaton s'approcher du bas de son corps.

- C'est à la jambe gauche que tu as mal, Stiles, c'est ça ? Demanda le vétérinaire.

Nouveau hochement de tête faible. L'hyperactif n'avait plus d'énergie. Ce matin, il avait cédé à la douleur, hurlé si longtemps qu'il en avait mal à la gorge et débattu au point de s'épuiser. Il avait son dos contre le torse de Derek, qui le maintenait assis sur le canapé, les bras entourant son ventre. Les jambes de Stiles étaient légèrement surélevées sur une chaise. Derek soupira légèrement en fronçant les sourcils. Quelle galère pour l'installer dans cette position ! Stiles avait hurlé à la mort, le fait qu'on ait touché à sa jambe pour le déplacer avait été bien difficile à supporter pour lui, comme pour les personnes présentes, qui n'avaient plus d'oreilles. Chaque contact ou frottement lui faisait un mal de chien. Malheureusement, la douleur ne diminuait pas avec l'épuisement.

- Est-ce que tu penses pouvoir retirer ton pantalon, Stiles ? Pour que je puisse examiner ta jambe, précisa Deaton.

Stiles secoua fébrilement la tête de droite à gauche. Il aurait beaucoup trop mal et n'arriverait pas à le supporter. Se faire surélever les jambes, dont la blessée, avait déjà été un épisode très éprouvant pour lui, qui ne pouvait même plus se dire qu'il pouvait la bouger. Elle était là, inutile, un poids mort.

Comme lui.

L'injection que lui avait faite Deaton dès son arrivée devait faire son effet, puisqu'il était tellement shooté qu'il se rendait à peine compte de la position dans laquelle il se trouvait. Il sentait le souffle rassurant de Derek près de son oreille, les battements de son cœur, beaucoup plus calme que le sien. Ses bras entouraient son ventre pour le maintenir contre lui, contre ce corps chaud et musclé. L'esprit de Stiles divaguant, il imaginait Derek comme une forteresse : impénétrable et porteuse de sécurité. S'il n'y avait pas eu la douleur, il aurait pu dire qu'il s'y sentait bien. Disons qu'actuellement, cette position et cette proximité aidaient à le calmer, inconsciemment.

Derek ne desserra pas son étreinte sur le jeune homme. Il fallait quelqu'un pour le tenir fermement, au cas-où il viendrait à se débattre à nouveau. Il sentait aussi que l'adolescent était à deux doigts de s'effondrer depuis un bon moment. Il ne fallait pas qu'il bouge tant que le vétérinaire ne l'aurait pas examiné un minimum.

Deaton releva les yeux vers Derek et Peter.

- Il va falloir couper.

Après s'être renseigné pour savoir où était située la blessure de Stiles était situé, Deaton indiqua à Peter de couper le pantalon du côté intérieur, la plaie se trouvant côté extérieur gauche. Le tissu fut bien vite lacéré, avec une étonnante douceur. Peter savait que, pour garder un tant soit peu d'ouïe, la délicatesse devait être privilégiée. Il devait y avoir le moins de pression, le moins de frottement possible, ou bien Stiles s'agiterait à nouveau.

L'énorme bandage, qui commençait à la cheville et s'arrêtait bien au-dessus du genou gauche de Stiles, fut mis à découvert. L'adolescent, qui peinait à garder les yeux ouverts, sentit à peine la fraîcheur qui étreignit sa jambe mise à nu. Sa chaussure et sa chaussette furent également retirées, c'était plus pratique. Deaton haussa un sourcil étonné.

- Le bandage est très propre. Il est changé régulièrement ?

- Tous les jours, articula difficilement Stiles.

- Qui te le fait ? Demanda-t-il.

Parfois, il était bon de s'informer de ce genre de détails qui pouvaient s'avérer fort utiles.

- Moi, répondit faiblement l'adolescent.

- Pourquoi ce n'est pas une infirmière, qui te le fait ?

- Trop cher…

Et c'était vrai. Stiles avait dû prendre la responsabilité de son propre traitement car faire appel à une infirmière serait revenu trop cher. Déjà que son père n'avait pas encore fini de régler la facture de l'hôpital et qu'il allait mettre du temps, l'hyperactif avait jugé bon de s'en passer. Le pire était qu'il s'y prenait véritablement bien, Mélissa McCall l'ayant bien briefé à l'avance sur chaque étape de son traitement.

- Très bien, fit Deaton après avoir difficilement avalé sa salive, très surpris par l'aveu de l'adolescent. Je vais retirer tes bandages, d'accord ? Il faut que je regarde ta blessure.

Stiles ne prit même pas la tête de parler ou de hocher la tête. De toute manière, le choix ne lui appartenait pas et il se sentait trop faible pour tenter quoi que ce soit. La douleur l'aveuglait presque. Pourtant, il peinait à garder les yeux ouverts. Cependant, lorsque Deaton commença à s'attaquer aux bandelettes, l'adolescent le sentit tout de suite et sa respiration se fit plus rapide. Ses yeux se fermèrent fortement et il gémit. Il sentait chacun des frottements et sa chair trop sensible le lui faisait payer. Derek caressa doucement son ventre.

- Ça va aller, Stiles, lui souffla-t-il à l'oreille.

Le susnommé aurait voulu lui dire que non, ça n'allait pas. Cependant, la douleur l'empêchait de se concentrer et même de réfléchir à ce qu'il aurait pu dire. Il voulait bouger, que l'on arrête de toucher à sa jambe, cela ne lui faisait que plus mal encore. Derek avait dû le sentir ou le deviner puisque son autre main prit celle de Stiles. Ses veines s'assombrirent jusqu'à devenir complètement noires. L'effet fut immédiat son visage se crispa d'un seul coup et il grogna, comme pour se retenir de geindre.

Deaton, comprenant que ce geste ne servait pas uniquement à soulager Stiles mais également à lui faire gagner du temps pour son examen, accéléra un peu le rythme. Peu à peu, la peau de Stiles apparut, sa plaie aussi.

Peter fut le premier à remarquer l'horreur. Ses yeux s'écarquillèrent et il s'en fallut de peu pour qu'un hoquet de surprise ne passe la barrière de ses lèvres. Deaton eut très vite le même genre de réaction, en moins démonstratif. Disons que son émotion se lisait surtout dans son regard, désormais principalement peuplé par l'inquiétude. Derek, trop concentré sur sa manipulation, avait fermé les yeux, prenant garde à ne pas lâcher le poignet de Stiles, qui était au bord de l'inconscience. Son front et ses tempes luisant de sueur témoignaient de son épuisement physique et mental.

- Alors ? Grogna Derek, attendant le verdict et ayant clairement senti un changement dans les rythmes cardiaques de son oncle et du vétérinaire.

- Je comprends mieux d'où venait cette odeur, souffla simplement le plus vieux des Hale.

Deaton regarda attentivement l'énorme plaie zébrant le côté extérieur de la jambe de Stiles et poussa un profond soupir. À ce stade-là, le doute n'était plus permis.

- Bon sang, Deaton, dites-nous ce qu'il a, s'impatienta Derek, dont la respiration commençait à se faire irrégulière.

- Pour le coup, je crois que j'ai deviné, lâcha Peter en se détournant, ne pouvant supporter cette vision plus longtemps.

Dieu sait à quel point elle lui donnait envie de vomir.

La plaie était noire et la peau autour de la blessure prenait différentes teintes de violet et de bordeaux. De l'ouverture sortait une odeur répugnante, que Derek finit par sentir au bout d'un moment, mélangée à l'odeur du sang séché. Il n'ouvrit toutefois pas les yeux, s'obligeant à rester concentré pour continuer de prendre la douleur de Stiles. Il fallait absolument qu'il reste immobile. Derek devait tenir encore un peu. Sa main commença à trembler alors même que supporter la souffrance de l'adolescent dans ses bras devenait vraiment difficile. C'était encore pire que la veille. Et pourtant, il devait tenir pour Stiles, qui souffrait le martyr depuis trop longtemps déjà.

- Son accident de voiture, il date de quand ? Demanda Deaton, les sourcils froncés.

- Un peu plus d'une semaine, articula Derek en tentant de ne pas s'éparpiller, toujours les yeux fermés.

Derek sentit un peu moins de douleur venir en lui, comme si elle était aspirée autre part. Il ouvrit les yeux et aperçut Peter, assis à côté de lui, l'autre poignet de l'adolescent entre ses mains. Ses veines noircies à lui aussi ne laissèrent pas de place au doute. Son oncle l'aidait. D'un regard, il comprit et le remercia. D'un autre regard, le plus vieux des Hale lui transmit sa compréhension. À ce moment-là, Derek tourna la tête et vit avec horreur l'état de la jambe de Stiles. Sa respiration se coupa un instant, tant la vision qu'il avait sous ses yeux était terriblement monstrueuse. Instinctivement, il resserra son étreinte sur l'adolescent qui avait fini par se laisser aller à l'inconscience, la tête en arrière, sur l'épaule de Derek. Deux loups qui lui prenaient sa douleur, ça l'avait réellement épuisé.

- Qu'est-ce qu'il se passe… ? Souffla-t-il, sincèrement retourné.

L'air sombre de Deaton ne le rassura pas le moins du monde :

- Sa plaie est nécrosée. Complètement nécrosée.