S'il y avait une chose dont Stiles était certain, c'était que la vie au loft était légère. En tout cas, bien plus que lorsqu'il était chez lui. Le temps où il était seul à passer ses journées à ruminer ou à cacher son mal-être… Ne lui manquait pas. Bien qu'il ne soit pas encore réellement certain de mériter le doux traitement que Derek lui accordait, Stiles prenait tout ce qu'il lui offrait sans hésiter. L'air de rien, il avait envie de s'en sortir, et… C'était agréable. Se rendre compte qu'il comptait était agréable. Savoir qu'on se souciait de lui était agréable.

Sentir le regard de Derek se poser sur lui était agréable.

En ce jour, Stiles essayait encore une fois de s'occuper de ses cours, en se prenant toutefois moins le chou que les jours précédents. Disons qu'il commençait à comprendre que foncer tête baissée et tout faire en même temps ne fonctionnerait pas : il se devait d'y aller doucement, par étapes. Sans penser à rien de néfaste. Sans penser à son père. Sans penser à Scott. Stiles faisait tout pour éviter cela. La lumière au bout du tunnel, il la voyait. Restait cependant à continuer d'avancer dans sa direction.

La voix de Derek le tira de son travail, mais il ne s'en plaignit pas. Secrètement, il adorait l'entendre, et ne ferait rien pour faire taire cet homme qui prononçait si peu de mots. L'alpha faisait cependant des efforts ces derniers temps, histoire de mettre l'hyperactif plus à l'aise. Et ça marchait.

- Comment tu t'en sors ?

La main de Derek se posa avec une délicatesse inouïe sur son épaule. Elle lui paraissait si frêle…

- Ça va, je pense, répondit Stiles, un faible sourire étirant ses lèvres.

Disons qu'il avançait en essayant de ne pas se prendre la tête, mais ça restait difficile. Le nombre de cours qu'il ratait ne cessait de s'allonger et même s'il était censé y retourner… Il avait du mal à trouver un jour où il se sentait capable de sortir du loft. A côté de cela, il ne voulait pas arriver au lycée comme un touriste, sans rien avoir rattrapé. Alors, il faisait de son mieux tout en tentant de rester lucide, de ne pas céder au trouble permanent qui rendait la plupart de ses réflexions floues. Le seul point positif au niveau du lycée dans cette histoire ? Liam. Le louveteau, au courant de tout ce qu'il s'était passé avec Scott, lui manquait. Même si c'était tout récent… Il lui semblait réellement être devenu un ami. Un véritable ami. Liam le lui avait dit, mais Stiles, dans cette fébrilité qui était la sienne, avait encore un peu de mal à l'accepter pleinement tant ces derniers mots avaient été durs, tant il avait été oublié par la meute. Il fallait toutefois avouer qu'il avait vraiment hâte de le revoir, ce petit loup tout doux.

- Et ta jambe ? S'enquit Derek.

Stiles était toujours surpris, lorsque le loup lui posait cette question. Il ne pouvait pas directement sentir sa douleur mais était capable de la deviner à travers son odeur, d'autant plus qu'il s'occupait chaque jour de sa jambe avec un soin tout particulier. Il voyait l'évolution de sa blessure, nettoyée en profondeur par le père de Liam. Derek la surveillait chaque fois qu'il défaisait ses bandes et guettait le moindre signe de nécrose, prêt à rappeler le docteur Dunbar au besoin. Si Stiles ne disait rien à ce sujet, il continuait de trouver ça aussi étonnant qu'adorable. Mignon, dans un sens. Mais ça, il n'irait jamais le lui avouer, ce serait inconvenant et Derek n'apprécierait peut-être pas cette tournure. Après tout, ne faisait-il pas ça que dans le but de lui rendre service et de faire en sorte qu'il guérisse au plus vite ? D'un côté, il y avait des choses, comme celle-ci, que Stiles aimerait verbaliser. De l'autre, il n'avait pas envie de voir les petits soins de Derek à son égard se stopper. Les mois passés à souffrir dans l'indifférence générale avaient été trop durs pour qu'il n'accepte pas cette aide si bienvenue. Alors voilà, il ne pouvait pas que ça s'arrête, pas tout de suite. Avoir quelqu'un qui s'occupait de ça, avoir l'impression de compter… C'était précieux.

- Ça va, répondit-il encore.

Derek fronça légèrement les sourcils, ce que Stiles décrypta comme une marque de scepticisme de sa part. A force, il commençait à comprendre son langage sourcilier. Ce n'était pas qu'il ne le croyait pas, d'autant plus que son cœur n'avait eu à souffert d'aucune irrégularité, simplement… Derek connaissait Stiles et ses réponses vagues faites pour brouiller les pistes.

Pour autant, Stiles ne mentait pas, il évitait juste de s'appesantir sur ce sujet. Il était heureux du fait que Derek s'occupe de ses soins… Il n'avait pas besoin de plus. S'il avait effectivement un peu mal à cet instant, c'était clairement supportable et restait de l'ordre de la gêne, pas plus. Stiles n'allait pas se plaindre pour si peu, d'autant plus qu'il avait connu pire. Ça finirait par passer. Inutile de déranger Derek avec une broutille de ce genre.

- Donc si je te prends le poignet, je ne trouverai aucune douleur, fit Derek sur le ton de la rhétorique.

Stiles retint une grimace : il l'avait piégé. Et le pire, c'est que l'hyperactif acceptait sa défaite. De toute façon, chercher à mentir à un loup-garou comme Derek ou bien à essayer d'attirer son attention sur autre chose était perdu d'avance.

- C'est léger, avoua-t-il d'un air coupable, mais c'est… C'est tout le temps. Ça ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Tout va bien, pas la peine de me la prendre. Ça va.

Il s'était dit qu'il valait mieux insister, connaissant Derek, mais il oubliait à quel point celui-ci pouvait se montrer têtu une fois qu'il avait une idée fermement ancrée en lui. Alors l'alpha le regarda un moment sans que Stiles puisse décrypter son expression d'aucune manière. Mais il finit par s'assoir à ses côtés et se saisit de son poignet. L'hyperactif mentirait s'il disait ne pas avoir vu le geste arriver. Au contraire. Il avait eu le temps de voir sa main s'approcher. Il aurait pu la stopper, mais ne le fit pas.

Peut-être qu'il avait eu envie de ce contact. Se faire soulager de sa douleur, aussi petite soit-elle, était toujours agréable. Mais Stiles… Appréciait son toucher plus que de raison et ne le refusait jamais. Pour autant, ce n'était pas quelque chose qu'il allait quémander. Il avait toujours le besoin de rester discret, de ne pas en demander trop au loup-garou.

Comme à chaque fois que l'alpha prenait sa douleur, Stiles sentit une fatigue certaine l'envahir. Et il fondit devant la plénitude qui le gagna, comme à chaque fois. Evidemment, il sentit qu'il lâchait prise et se mettait à pencher dangereusement. Derek passa un bras autour de ses épaules, le ramena contre lui sans jamais lâcher son poignet avec son autre main. Stiles poussa un petit soupir. S'il trouvait la douleur légère, il fallait avouer qu'il faisait aisément la différence avec son absence, dans ces moments-là. Le jeune homme, à moitié déconnecté de lui-même, laissa malgré lui un léger soupir de bien-être prendre son envol entre ses lèvres alors que ses yeux se fermaient. Sa tête et son corps tout entier se reposaient contre Derek, qui ne cessa sa manipulation lupine que quelques instants plus tard.

- Tant qu'elle sera là, je la prendrai.

Et même s'il n'avait pas besoin de garder le jeune homme contre lui, il ne le lâcha pour autant. Ce n'était pas quelque chose dont Stiles allait se plaindre.

- A cause de toi, je suis fatigué, soupira l'humain.

Il ne râlait faussement même s'il mettait en lumière un fait impossible à ignorer. La prise de douleur lupine était une chose qui rendait le corps lourd, l'esprit lent. Stiles ne pourrait pas se pencher à nouveau sur ses cours avant quelques minutes. Lorsque Derek le mettait dans cet état, l'hyperactif n'avait qu'une envie : rester contre lui, profiter de ces étreintes si précieuses.

- Repose-toi, lui répondit directement Derek.

Pas stupide, le loup-garou savait que l'hyperactif avait tendance à se fatiguer tout seul – la prise de douleur lupine ne faisait qu'augmenter à outrance ce phénomène déjà présent pour lui. Il devait retourner en cours, oui, mais il peinait à retrouver ses marques, à rattraper correctement. Ainsi, il multipliait les efforts… Et ne faisait que se fatiguer davantage.

- Arrête, ou je vais vouloir rester dans cette configuration et je ne pense pas que faire le doudou fasse partie de tes objectifs de vie.

A sa manière, Stiles essayait de se remettre à l'humour… Tout en exprimant une réelle pensée. Être contre Derek, c'était toujours reposant. Son contact apaisait aussi bien son corps que son esprit. Il ne saurait comment expliquer ce phénomène obscur, mais c'était ainsi. S'il le pouvait… Il se serrerait contre lui chaque fois qu'il le voyait. Au final… C'était une chose qui arrivait souvent, mais c'était toujours Derek qui initiait le contact – Stiles n'oserait jamais. Une chance que l'alpha soit du genre tactile, en ce moment…

Si Derek ne répondit rien, ce qu'il fit par la suite fut lourd de sens. Il s'installa un peu mieux sur le canapé, de sorte à ce que Stiles puisse se reposer encore plus confortablement contre lui. Ainsi, il raffermit son étreinte sur l'hyperactif qui poussa un léger soupir d'aise en se pelotonnant contre lui. Oh non, il n'avait réellement plus la tête à se pencher sur les cours.

- Fais attention Der, ou je vais finir par devenir accro à ce côté nounours de toi.

Stiles avait la voix pâteuse, tout son corps lui semblait lourd. Néanmoins, il tentait de faire de l'humour, encore, tout en restant honnête. L'air de rien, il ne voulait pas cacher ça à Derek… Et préférait le prévenir, histoire qu'il ne l'habitue pas trop à ce genre de comportement de sa part – quoiqu'il était peut-être déjà trop tard. La preuve en était qu'il lui avait donné un surnom sans hésiter, ni même s'en rendre réellement compte. Cela avait été un réflexe.

- Ce côté dont tu parles n'existe pas.

Si le ton du loup pouvait paraître ferme et sérieux, Stiles y décela malgré tout une douceur certaine, une caresse à peine voilée. L'hyperactif releva un peu la tête, suffisamment pour pouvoir le regarder et constater à quel point il avait l'air moins fermé qu'auparavant. Détendu fut le mot qui lui vint instantanément à l'esprit. Stiles laissa échapper un très léger rire.

- S'il n'existait pas, je ne crois pas que tu ferais tout ça, plaisanta-t-il… A moitié.

Derek avait beau avoir l'air détendu, il sentait parfaitement la main que l'hyperactif avait posée sur son torse – et il était certain que Stiles n'avait même pas pris conscience de son geste. S'il n'irait pas jusqu'à dire que ça l'émoustillait, il était néanmoins clair pour lui que la chose… Faisait un certain effet à son loup intérieur. En fait, il appréciait cette vision sans réellement savoir pourquoi : Stiles, contre lui, la main sur son torse… Ça lui paraissait normal, naturel. Son regard vert d'eau accrocha les orbes whisky fatiguées et il s'y noya malgré lui. Pouvait-on le blâmer d'apprécier les petites étincelles qui commençaient à y renaître depuis quelques temps ? Pouvait-on lui reprocher de trouver ce regard lumineux et… Beau ? Pouvait-on lui en vouloir de ce besoin qu'il avait de l'étreindre sans arrêt ? Une envie, un besoin… Une bouffée de vie qu'il mourait d'embraser.

De vie seulement ?

- Je prends juste soin de toi, articula-t-il, la voix légèrement rauque.

Un sourire doux. Stiles se rapprocha dangereusement, jusqu'à déposer, comme il le faisait régulièrement ces derniers temps, un léger baiser sur sa joue barbue. Le cœur de Derek manqua un battement malgré lui. Parce que le contact était… Différent de d'habitude. Plus doux, un peu plus long aussi. Les doigts de Derek se crispèrent dans son dos tant la sensation qui déferla en lui fut forte. Des bisous sur la joue, ils s'en faisaient tous deux régulièrement depuis quelques temps et si Derek dérivait parfois quelque peu… C'était plus par instinct qu'autre chose – et Stiles ne semblait jamais s'en plaindre. Au contraire, chaque fois, le loup sentait quelque chose émoustiller ses sens.

- Merci, souffla Stiles contre sa peau.

L'hyperactif se recula très légèrement, un sourire toujours aussi léger – et quelque peu timide, toujours collé au visage. Mais malgré sa petitesse, il semblait l'illuminer de part en part. Nouveau battement manqué. Ce qui suivait, en général, c'était un baiser de la part de Derek, tout aussi innocent sur sa joue à lui. Quelque chose de doux qui parfois dérivait un peu, mais pas suffisamment pour faire déraper les choses. Le loup-garou s'efforça de rester dans ce cadre-là lorsqu'il prit le visage de l'humain en coupe. Ses lèvres rentrèrent doucement en contact avec la peau si douce et si fraîche de son vis-à-vis. Et s'il y eut un temps mort lorsqu'il se recula légèrement, Derek ne le comprit pas. Mais il mira les orbes chocolat de Stiles et y vit tout autant qu'il sentit quelque chose de particulier qui le fit agir par instinct. Il embrassa avec une certaine timidité la commissure de ses lèvres sans savoir qu'il n'aurait peut-être pas dû prendre ce risque… Car Stiles ferma fortement les yeux et son souffle se fit tremblant… Dans l'attente. Il heurta sa peau avec une force incroyable. L'odeur qui émana alors de lui fut sans équivoque, tout autant que le rythme étonnamment rapide que son cœur imposa au sien.

Et Derek dériva malgré lui.