Eh bonjour! Voilà le retour des grandes aventures d'Albert Pichon ! Enfin... Tout est relatif...
Merci à Dreamingindividual, Cat-a-combes et Midia-du-scorpio pour leurs reviews!
Bonne lecture!
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Albert Pichon ouvrit sa boutique aux clients avec cinq petites minutes de retard ce matin-là, rien de bien grave en soit, la plupart n'apparaissait pas avant sept heure trente ou huit heure. Sauf un, un habitué qui lui jeta un regard glacial pour avoir osé le faire attendre. Il ne lui adressa d'ailleurs pas un mot durant son passage pour lui faire comprendre son mécontentement. Le boulanger prit donc sur lui et lui offrit en cadeau de la maison deux croissants en plus du pain que l'autre était venu acheter. Il mettait vraiment toutes les chances de son côté pour se mettre son compatriote dans la poche il fallait. Ce Camus avait beau avoir un sale caractère, au moins il lui faisait tourner la boutique. Il commençait à avoir son petit succès dans la ville, mais un peu plus de clientèle ne lui ferait pas de mal.
Le reste de la matinée se déroula sans trop d'encombres, une ribambelle d'acheteurs était passée dans son établissement et il avait même pu discuter avec un meunier des environs pour qu'il puisse potentiellement l'approvisionner en farine plutôt que de la faire venir de loin. Bref, il commençait à être bien installé ici.
Quelques temps avant midi, le boulanger pût entendre une nouvelle fois la clochette de la porte de son échoppe tinter, lui apportant un nouveau client à servir. Sortant de l'arrière boutique, il eût le loisir de rencontrer un nouvel individu qu'il n'avait jamais vu avant. Avec des cheveux bleus en pétard et une barbichette qui, si Albert pouvait se permettre de le penser, ne lui allait pas particulièrement bien, l'inconnu avait surtout une expression peu commode au visage. Il avait un petit air d'énergumène comme pour son duo d'habitués franco-grec mais en pire… Sûrement à cause de la barbichette mal taillée ! Et monsieur Pichon ne se permettrait pas de juger quelqu'un simplement à son apparence ! Cet homme était certainement d'une grande sympathie comme le reste des habitants du village !
« -Vous avez de quoi grailler dans ce boui-boui ? »
Sympathique mais un peu bourru, voilà tout ! Il ne pouvait pas être bien dangereux… Si ? Ne démordant pas de son sourire vendeur, Albert Pichon désigna à son client tout la sélection de beaux sandwichs qui s'offrait à lui.
« -J'ai bien quelque chose qui pourrait vous plaire ! Des jambons-beurre, thon-crudités et tomates-mozzarella ! »
Quel dommage qu'il lui manque ses fameux rosette-cornichons, mais cette charcuterie avait simplement été introuvable ici. Il faudrait d'ailleurs qu'il se trouve un fournisseur plus local, il n'en pouvait plus de faire trente kilomètres jusqu'à la ville la plus proche pour se ravitailler dans des éléments aussi simples. Dans cette bourgade, il avait l'impression d'être le seul à employer des ingrédients non-locaux.
« -Vous avez rien de mieux pour nourrir un homme ?
-Ah mais mon bon monsieur, sachez que mes sandwichs sont faits avec le meilleur pain de la région et ont été calculés pour vous apportez tous les nutriments dont vous avez besoin. Croyez-moi à Paris on s'arrachait mes sandwichs !
-C'est des arguments bons pour Camus ça, déclara moqueusement le nouveau client. »
L'énergumène était-il un ami de son compatriote ? Parce que si c'était pour lui envoyer une clientèle pareille, il demanderait à l'autre français de ne pas lui faire de publicité.
L'autre homme se décida finalement sur le goût du sandwich qu'il préférait. Mais au lieu de faire part au vendeur de son choix, il saisit simplement le casse-croûte de son choix par-dessus le présentoir. Le boulanger resta bouche-bée devant un tel comportement, en quarante ans de carrière c'était la première fois qu'on lui faisait un coup pareil, et pourtant il en avait vu des vertes et des pas mûres. Et pendant le lapse de temps qu'il resta sans rien dire, le malotru se permit de mordre à pleine dents dans son jambon-beurre.
« -Non mais oh ! S'offusqua Albert. Il faut payer pour consommer !
-Pas mauvais ce machin, commenta finalement l'individu, je reviendrai… »
Mais c'est qu'il commençait à partir en plus ! Pour qui il se prenait à agir comme ça ? Monsieur Pichon jaillit de derrière son comptoir et se plaça entre la sortie et celui qui devait encore payer. Il mis ensuite les mains sur ses hanches et prit un air sévère comme s'il allait gronder un ado qui venait de faire une bêtise.
« -Ça vous fera trois euros vingt, annonça-t-il, implacable. »
L'autre s'esclaffa, se moquant clairement de lui, il poussa ensuite le vendeur avec une facilité déconcertante. Ce pauvre Albert avait quand même plusieurs années de rugby derrière lui et avait gardé une certaine force et voilà qu'il se retrouvait dégager comme s'il n'était qu'une brindille. Le client lui lança une dernière phrase pleine de mystère avant de quitter les lieux, sans payer évidemment.
« -Vous ne savez vraiment pas dans quoi vous vous êtes embarqué en venant vous installer ici mon pauvre vieux. »
Le boulanger le regarda partir sans un mot de plus avant de retourner à son pain, penaud. Il voulait bien croire ce que venait de lui dire l'autre drôle d'oiseau. Cela faisait trois hommes aux styles aléatoires et aux manières étranges qui se présentaient dans sa boutique. Il y avait aussi le fait que les habitants du village étaient anormalement suspicieux envers lui et qu'un aura de mystère planait sur les environs…
Albert jeta un œil à ses pains aux graines qui avaient fini de lever et les enfourna dans son four à bois pour qu'il puisse cuire.
Peut-être bien que le charmant petit village de Rodorio, calme car coupé du monde, était en fait le quartier général d'un gang qui s'y était installé justement pour ces raisons. Cela expliquerait pourquoi Camus avait été aussi hautain avec lui au début et pourquoi son dernier client s'était permis de partir sans payer. Ils devaient tous faire partie d'une organisation de malfaiteurs qui blanchissait son argent et se cachait dans cet endroit.
Albert venait-il de s'associer à un groupe illégal sans le vouloir ? Fournissait-il des barrons de la drogue en pain ? Allait-il être tué et ses organes seraient-ils vendus sur le marché noir s'il faisait un pas de travers ?
Pris dans ses élucubrations inquiètes, le boulanger faillit ne pas entendre la clochette de la porte d'entrée. À son grand soulagement, il ne trouva pas l'énergumène revenu l'éliminer pour lui avoir mal parlé. Au contraire, il trouva un gamin rouquin qui souriait de toutes ses dents et jetait des coups d'œil intéressés à ses pâtisseries. Il n'avait étrangement pas encore vu beaucoup d'enfants dans sa boutique.
« -Qu'est-ce que je peux pour toi petit ?
-Masque de mort m'a dit que vous aviez de quoi manger ici. »
Le boulanger avait bien compris ce qu'il venait d'entendre là ? ''Masque de mort'' ? Il pensait pourtant avoir bien amélioré son grec ces derniers jours mais ces mots n'avaient rien à faire dans cette phrase.
« -Masque de mort, répéta-t-il dans l'espoir que le plus jeune corrige ce qu'il avait dû mal comprendre.
-Oui Masque de mort, confirma cependant l'enfant, grand avec des cheveux bleus, vous avez dû le voir plus tôt. »
Avec un pseudonyme pareil c'était sûr, ce type faisait partie d'un gang… Est-ce que ça voulait dire que le gamin aussi ? Avec ses étranges gommettes qu'il avait à la place des sourcils, lui aussi était en passe d'adopter l'étrange style de ces malfrats.
Pris de pitié pour cet enfant si jeune qui se trouvait déjà lié à une organisation criminelle, Albert saisit un pain suisse de son étalage et l'emballa soigneusement dans une poche en papier qu'il tendit à l'enfant.
« -Tiens petit, c'est un cadeau de la maison.
-Merci ! S'exclama l'enfant rayonnant. »
Il repartit aussi vite qu'il était venu, laissant tout le loisir à monsieur Pichon de se ronger les sangs sur la situation dans laquelle il venait de se mettre. Il ne remarqua même pas la tartelette aux fraises et l'éclair au chocolat qui s'étaient mystérieusement volatilisés en même temps que son client.
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Merci d'avoir pris le temps de lire! La suite un jour ou l'autre, même si le suspens doit vous tuer j'imagine...
