Voici le grand retour des aventures d'Albert Pichon ! Merci à ShainaCobra et à un guest pour leurs reviews, ça fait toujours plaisir!

Bonne lecture!


Albert avait eu du mal à se lever ce matin-là, un peu par manque de sommeil mais surtout par démotivation. Quelle idée il avait eu de venir s'installer ici ? Il s'était cru prêt pour l'aventure de sa vie à l'étranger pour se changer de ses Yvelines d'origine, mais au final son cher sept-huit lui manquait terriblement. Entre le gang local, les paiements aléatoires et le manque de contact avec le reste du monde, les problèmes de la grande couronne ne lui semblaient plus si terribles. Le boulanger n'aurait pas dû partir aussi loin sur un coup de tête ! Il aurait au moins dû viser sur une ville assez grosse pour qu'on puisse la voir sur la carte ou quelque chose du style, pas le village le plus isolé de Grèce. Ses espoirs de fin de carrière et retraite au soleil disparaissaient lentement à l'horizon. Et puis même s'il voulait rentrer en France, comment monsieur Pichon pourrait bien payer son billet d'avion ? Avec les monnaies douteuses et les pierres brillantes avec lesquelles on lui avait acheté son pain ? Avec un butin pareil, il finirait au commissariat pour se faire questionner.

Le boulanger était finalement descendu dans son commerce afin de se lancer dans sa journée de travail, sa nuit blanche l'ayant mis en retard sur son programme quotidien. La plupart de ses produits furent prêts aux alentours de sept heures, mais certaines choses cuisaient encore au four. Albert n'était de tout façon pas bien tatillon sur ses horaires ce matin-là, l'envie d'ouvrir la boutique l'avait bien quitté.
A sept heure trois, quelqu'un se permit de frapper contre la vitre de sa boutique. Monsieur Pichon soupira avec tout le désespoir du monde. Quel hurluberlu commençait à faire du raffut simplement parce qu'il avait quelques minutes de retard ? Un regard à travers la porte et l'origine du bruit se présenta sous la forme de Camus et Milo devant la vitrine. Il leur adressa un signe de la main avec un sourire forcé. Il les aimait bien pourtant, mais ils faisaient quand même partie du gang local et ils manifestaient leur mécontentement comme des parisien agacés. Le vendeur alla tout de même leur ouvrir et les laissa entrer.

« -Monsieur Pichon, le salua le grec, on commençait à s'inquiéter pour vous, vous êtes si matinal normalement.

-Une simple panne de réveil, répondit-il aussi cordialement qu'il le pouvait. Mais vous savez, vous n'avez pas à vous en faire pour moi, je ne risque pas grand-chose ici. »

A part peut-être de se mettre à dos ces types louches en faisant trop cuire leur pain…

« -Oh il faut faire attention vous savez, même si le village est bien protégé vous n'êtes pas à l'abri de croiser quelqu'un avec de mauvaises intentions dans le coin. Il y a beaucoup de types poussés par des envies de domination du monde ces derniers temps, pas qu'on les laissera réussir évidemment. »

La phrase se voulait rassurante mais n'eut que pour effet d'inquiéter le pauvre boulanger. Il y avait des guerres de territoires ici ? Et qui en plus touchaient dans une portée mondiale ?

« -Mais dans quoi tu t'es fourré Albert, marmonna-t-il en se frappant le front avec la main. Et vous me dites que vous protégez le village ? Vous êtes quoi exactement, la police locale ? »

Le comportement de ces échevelés n'était en aucun cas celui de policiers, même en civil. Leur gang s'était peut-être simplement attaché au village au point de le placer sous leur protection ? Dans ce cas monsieur Pichon n'était pas forcément en autant de danger qu'il le pensait, tant qu'il continuait à les fournir en pain. Dans quel scénario de série B était-il tombé ?
Milo l'observa un instant, un peu désabusé, comme s'il ne s'était pas attendu à cette réponse. Même Camus leva un sourcil interrogateur pour accompagner sa réaction.

« -Personne ne vous a mis au courant pour le Sanctuaire ? »

Quel sanctuaire ? Déjà un sanctuaire animalier ou un sanctuaire religieux ? Parce qu'Albert avait une sainte horreur de tout ce qui était oiseau depuis qu'une mouette avait un jour trouvé son chemin jusque dans sa boutique et dérober ses produits. Il n'était pas non plus au fait de tout ce qui était piété et croyance, mais ça serait toujours mieux qu'un refuge de volatiles ! Enfin la question qui se posait plutôt était donc de savoir si les hommes devant lui étaient des gardes-forestiers, des moines ou bel et bien des bandits

« -Personne ne m'a parlé d'un quelconque sanctuaire, confirma le boulanger. Mais si cela peut m'apporter la moindre explication sur les bizarreries de ce village, je veux bien l'entendre ! »

Un sourire moqueur apparut sur le visage du français, cela ne dura qu'une demi-seconde mais Albert eut le temps de remarquer que Camus se moquait de lui.

« -Mon pauvre vieux, ça ne va pas être facile à entendre, annonça le grec avec une pointe de pitié en lui tapotant l'épaule.

-Nous ne sommes cependant pas venu pour combler vos lacunes, nous sommes attendus…

-Expliquez-moi les choses et vous repartez avec vos achats de ce matin gratuitement, coupa net monsieur Pichon. »

Il pouvait bien faire une croix sur les trois euros que lui auraient rapportés les habituelles viennoiseries et baguette en échange d'information capitales.

« -Dans ce cas nous allons vous prendre un pain de campagne, un pain au seigle, une baguette, deux croissants, deux pains au chocolat, un paquette de chouquettes oh… Cette tarte aux fraises là. »

Il avait pris un malin plaisir à voir le visage d'Albert se décomposer au fur et à mesure de sa commande. Aucune hésitation pour abuser du geste commerçant, aucun remort non plus.

« -Les baguettes sont en train de finir de cuire à l'arrière, je vais vous en chercher une tout de suite, grinça monsieur Pichon.

-Et ajouter-nous une boite de macarons ! »

Le boulanger manqua de s'étrangler en entendant la dernière remarque. Camus venait de gagner une augmentation des prix de cinquante pourcents pour tous ses prochains achats jusqu'à la fin de sa vie ! Il comptait faire quoi avec tout ça ? Un gouter ?
Tout en continuant de pester, il sortit les baguettes du four en faisant attention à ne pas se bruler, en récupéra une et retourna vers l'avant de sa boutique où il eut le temps d'apercevoir Milo éloignant son visage suspicieusement vite de celui du français. Albert n'était cependant pas né de la dernière pluie.

« -Eh bah alors les jeunes, on se bécote ? Taquina-t-il en posant le pain sur le comptoir et en allant rassembler le reste de la commande. »

A sa plus grande satisfaction, l'autre français resta un instant interdit d'avoir été pris sur le vif.

« -Roh vous inquiétez pas, j'ai été jeune aussi. Quand je devais avoir quinze-seize ans je fréquentais la fille de ma patronne, on se tenait la main cachés derrière des sacs de farine. Je suis pas votre père, je vais pas vous interdire de vous embrasser dans ma boutique.

-Si ça pouvait rester entre nous, marmonna Milo, les autres ne sont pas vraiment au courant…»

Ils étaient bien moins impressionnants ces deux-là, à réagir comme des gamins pris en faute pour un simple bisous. Albert récupéra les viennoiseries qui lui manquaient.

« -Il n'y a pas de secret professionnel chez les boulangers mais j'ai mieux à faire que d'aller raconter vos amourettes à tout le quartier. Après si la réaction de vos… ''collègues ?'' vous inquiète, je pense que ça devrait bien se passer pour vous. Je suis sûr d'avoir déjà vu d'avoir vu votre autre ami avec le longs cheveux bleus, Saga je crois, en compagnie d'un grand blond hier soir. »

Du moins il lui avait bien semblé l'avoir vu de loin alors qu'il sortait faire une balade nocturne pour se rafraîchir les idées. Sur les coups de deux heures du matin, quelqu'un ressemblant fortement à ce Saga avait été sur le chemin de sa sortie, caché à l'abri des regards par un mur à moitié démoli et en compagnie d'un blond à l'air pas commodes, les deux lui avaient semblés bien proches. Monsieur Pichon avait changé son itinéraire pour ne pas les déranger et n'avait surement pas été remarqué par eux.

« - A quoi il ressemblait ce blond ? Interrogea Milo avec un intérêt nouveau.

-Je sais pas vraiment, je ne l'ai pas bien vu avec le manque de lumière, donc à part vous dire qu'il avait des cheveux courts et qu'il avait les épaules assez carrées. »

Cette description suffit apparemment aux deux autres hommes qui échangèrent un regard ahuri. Monsieur Pichon tendit alors le sac remplit par la lourde commande de ses clients à Camus.

« -Saga fréquente un juge en cachette, dit le grec comme si c'était inconcevable. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

-Je ne m'attendais certainement pas à ça, approuva son ami. »

Pris dans leurs réflexions et leur étonnement, Milo et Camus quittèrent la boutique sans demander leur reste ni même saluer le boulanger. Ce n'est qu'une fois l'étonnement passé et que les deux autres étaient loin qu'Albert se rendit compte qu'on ne lui avait donné aucune réponse.

« -Foutu sanctuaire ! »


Un véritablement développement de l'intrigue amoureuse dans ce chapitre, vraiment je me suis surpassée, Marivaux serait jaloux. Plus sérieusement j'espère que ça vous a plu, merci de prendre le temps de continuer à lire ces bêtises !