Chers lecteurs,
Nouvelle fic ! Je me trouve présentement avec Nictocris, la seule, l'unique, qui a accepté d'être encore une fois ma bêta pour cette histoire. Donc publication de ce nouveau début ensemble.
Le rythme de publication sera, je pense, moins régulier que pour Le testament de Voldemort, la fic me demandant plus de travail. Elle est plus complexe à mettre en place.
Rating : en théorie c'est du T (pour Trash), bien que certains chapitres soient M (pour Malade mental). Je vous repréciserai au début de chaque chapitre si les petits enfants peuvent le lire ou s'il vaut mieux les renvoyer à Petit-ours brun et ses copains. On commence par du M pour se mettre dans l'ambiance.
Portez-vous bien, sautez dans les feuilles mortes, à bientôt,
Al
PS : je laisse donc la parole à Nictocris :
Bonjour bonjour,
C'est Cris. Nicto Cris.
Si vous cherchez une histoire d'amour, vous n'êtes pas au bon endroit. Si vous cherchez un rating M pour le lemon, vous n'êtes pas au bon endroit. Si vous voulez de l'amour, de la bienveillance, de la joie et de la tendresse, vous n'êtes pas au bon endroit. Mais si vous cherchez de l'action, des dilemmes moraux, des apparences trompeuses, du sang du sang du sang, bonne lecture.
Et surtout prenez garde dans les commentaires : la vie de tous les personnages de cette fic ne tient qu'à une review.
xoxo
Nictocris
« Laisse les morts ensevelir les morts. » Luc 9, 60
Le chemin devenait de plus en plus inégal. Neville grommela lorsqu'il se tordit encore la cheville. Il ralentit le pas. La nuit était noire d'encre, rien n'éclairait son chemin et il ne pouvait pas utiliser de magie. Ça devait bien faire une heure qu'il marchait et malgré le désagrément des transports moldus qu'il avait dû prendre auparavant, il commençait à se sentir énervé en plus de se sentir perdu. Tout ça pour échapper à des Mangemorts en quête de sauvagerie gratuite.
Franchement, il en avait sa claque des manigances de McGonagall. Personne n'était foutu de faire parler Choixpeau à part elle ! Le vieux couvre-chef était aussi obtus qu'une chatte persane ménopausée et seules la persévérance et les promesses futiles de la directrice des Gryffondor pouvaient en venir à bout. Et dire qu'il fallait l'apporter à cet imbécile de Lupin...
Neville n'avait jamais apprécié Lupin. Ou plutôt, il avait arrêté de l'apprécier le jour où l'ex-professeur de défenses contre les forces du mal l'avait humilié devant toute la classe. Lui, et sa grand-mère.
On ne touchait pas à Augusta Londubat. Il se souvenait encore du cours avec Lupin sur les épouvantards. Montrer à tous que sa plus grande peur était son professeur de potions, passe encore. Mais déguiser ce bâtard de Rogue avec les vêtements de sa grand-mère, c'était insupportable. Les autres avaient ri. Neville s'était tu.
Il avait toujours été prêt à avaler des couleuvres, tant qu'elles ne concernaient que lui. Quand on touchait à ses parents, à sa grand-mère, quand on touchait à ses amis, à ceux qu'il aimait, il ne le supportait pas. Le temps avait passé, Lupin était devenu un allié, mais il n'oubliait pas l'humiliation pour autant.
Et maintenant, il se trouvait embarqué dans une galère qui ne le concernait pas, tout ça pour faire plaisir à sa directrice de maison qui lui avait fait les yeux doux. « Londubat, vous êtes un des rares en qui j'ai encore confiance. Vous savez que je ne peux pas quitter Poudlard, ni aucun autre professeur. Faites ça pour moi. Je vous en prie. »
Vieille sorcière rigide.
« Si nous n'arrivons pas à prévenir les Nés-moldus à temps, ils mourront tous. Ou subiront le baiser du Détraqueur. Londubat, vous êtes notre seul espoir. »
Comme si c'était impossible de trouver un autre larbin. Un elfe de maison aurait fort bien convenu. Mais non, c'était retombé sur lui. C'était à lui de porter une besace aussi miteuse que son contenu. À lui de se coltiner le transport du Choixpeau, du plus horripilant objet magique au monde. C'était vrai que les elfes auraient pu vendre la mèche, vu que le vrai maître de Poudlard était Rogue. Et Lupin ne pouvait pas entrer à Poudlard pour récupérer le Choixpeau : les sorts anti-intrusion avaient été renforcés en début d'année. Seuls les invités de ce connard de Rogue pouvaient venir sans crainte dans l'école de magie. Autrement dit, seuls les connards de vendus marqués au bras pouvaient venir ripailler sans problème dans les cachots. Et oui, ça faisait beaucoup de connards.
Quelques temps auparavant, Neville aurait pu être content. Content que McGonagall reconnût ses qualités de Gryffondor. Content d'être juste remarqué. Ne plus être dans l'ombre projetée par Hermione et son cerveau, Ron et son humour, Harry et son putain de destin.
Neville adorait ses amis, ne vous y trompez pas. Mais il ne leur avait toujours pas pardonné d'être partis sans le prévenir depuis bientôt un an. Il avait ri jaune à la rentrée quand il ne les avait pas vus dans la tour Gryffondor avec les autres septième année. Il ne restait plus que Seamus et lui dans le dortoir des garçons. Dean l'avait prévenu : bien qu'il fût Sang-mêlé, il ne pouvait pas le prouver et ne voulait pas tenter sa chance cette année-là. Lorsqu'il n'avait pas vu ses amis dans le train, il en avait d'abord conclu qu'il les avait ratés. Mais non, Harry, Ron et Hermione n'étaient pas revenus.
Ce qui en soi était peut-être une bonne chose. Ron n'aurait jamais supporté de voir ses amis se faire « abîmer » par les Carrow. Hermione n'aurait jamais tenu un cours avec la mère Carrow comme experte sur les Moldus. Quant à Harry... Il n'aurait rien eu à supporter, puisqu'il aurait été tué dès son arrivée.
Il avait bien interrogé Ginny mais elle n'en savait pas plus que lui : Ron et Hermione étaient partis avec Harry après le mariage de Bill, c'était tout. La radio Potterveillle avait confirmé ce dont il se doutait : les trois larrons étaient en fuite. Puis Ron était revenu. Et, vers Noël, les rumeurs les plus folles avaient couru sur la disparition du Survivant. On racontait, dans les milieux où l'on sait, qu'Harry était mort. D'aucuns disaient que le Seigneur des Ténèbres avait retrouvé Harry Potter à Godric's Hollow et qu'il l'avait tué. Le fait que le corps d'Harry ne fut jamais exposé à la face du monde sorcier poussait Neville à penser qu'il n'était pas mort, qu'il était toujours en fuite.
Bon, d'accord, c'est plus facile de penser ça. Et si Harry est mort, qui vaincra Voldemort ?
Depuis Noël, rien n'avait changé. Et pourtant tout avait changé.
Luna n'était pas revenue. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles ? Le Chicaneur avait changé de ligne éditoriale : pas besoin d'être un devin pour comprendre que les bonnes personnes avaient fait pression avec le bon moyen sur Xenophilius Lovegood. Désormais, on traquait les membres de l'Ordre du Phénix même chez les fous.
Ginny qui rongeait son frein et qui rêvait d'évasion était revenue. Comme il avait été prouvé que Ronald Weasley n'accompagnait pas Harry Potter, les Weasley, pour continuer à limiter les soupçons, avaient décidé de faire rentrer leur fille à Poudlard. Et aussi parce que Poudlard était, contre toute attente, le dernier endroit sûr d'Angleterre. Tant que la machine tournait, Voldemort ne s'en préoccupait pas, laissant la baraque aux mains de Rogue et des Carrow, et les élèves de Poudlard étaient tenus à l'écart des horreurs qui se perpétraient à l'extérieur. Tant que la machine tournait, ils restaient vivants. Et en un seul morceau.
Neville arriva dans une sorte de clairière. L'ombre d'une cabane se dessinait dans le fond. La forêt autour de lui bruissait, entre roucoulements de hiboux et frissonnements d'arbres. Son seul indice était l'odeur un peu humide d'un plan d'eau. S'il se souvenait bien des instructions, il devait contourner la clairière pour éviter la mare au centre et passer derrière la cabane. Il se concentra pour ne pas marcher sur une souche ou un caillou malvenu. Derrière la cabane devaient se trouver des campanules blanches qui le conduiraient, normalement, au chemin forestier qui contourne la maison de Lupin.
Évidemment soit la nuit était trop noire, soit il n'y avait pas de campanules. Il allait devoir y aller à tâtons. Neville grimaça : il aurait tellement aimé ne pas être dépositaire de cette mission ! Pas qu'il rechignât au devoir, mais travailler avec Lupin et ce maudit Choixpeau ! Traverser l'Angleterre en une nuit, alors que son lit l'attendait à Poudlard !
À une époque, McGonagall aurait pu s'appuyer sur Ginny, la drôle et puissante Ginny, la loyale et passionnée Weasley. Elle était majeure elle aussi, après tout, en plus elle ne sortait pas d'épreuves d'ASPIC comme lui, elle aurait pu être plus en forme. Mais depuis quelques temps, Ginny était tombée dans une sorte de neurasthénie bizarroïde : elle ne voulait plus se battre contre les Carrow. Neville avait tout essayé : rien n'y faisait. Depuis que Ron avait de nouveau disparu, elle dépérissait.
Il sourit amèrement : c'était forcément à ce moment-là qu'il était devenu l'unique élève de confiance de McGonagall. Si Ginny avait toujours été d'attaque, c'est à elle qu'on aurait refilé le Choixpeau. Il restait toujours le deuxième choix.
Le chemin forestier longea un talus rempli de ronces qui frissonnèrent lorsqu'il approcha. C'était son dernier indice, la dernière instruction : après les ronces, il fallait escalader le talus et suivre le chemin de l'autre côté. Encore quelques mètres, et il passerait la frontière magique que Lupin et Tonks avaient créée pour protéger leur foyer.
Si Poudlard restait le coin le plus protégé d'Angleterre pour les Sang-pur et, possiblement, les Sang-mêlé, il ne l'était pas pour les Nés-moldus. Et c'était à ça que servait Neville. Être un hibou voyageur pour envoyer un courrier à tous les sorciers nés-moldus que le Choixpeau lui désignerait pour les prévenir : « Vous êtes des sorciers, mais cachez-vous ! » Et cela avec l'aide de ce satané Lupin. McGo n'aurait pas pu lui désigner un partenaire qui l'aurait plus enchanté.
Paraît que ce dégénéré a eu un fils.
Neville frissonna malgré lui : avoir un enfant quand on est loup-garou était tacitement interdit. Les demi-garous étaient des créatures difficiles à appréhender, n'entrant dans aucune catégorie sorcière. Procréer, quand certains de vos congénères préfèrent s'exiler hors de toute société humaine, est contre-nature.
Mais bon. Lupin n'en était pas à sa première violation de la loi. Qui vole un botruc vole un dragon. Il avait commencé à défier les lois à Poudlard, il était logique qu'il continuât.
Neville pressa le pas. Décidément, les nuits sans lune lui donnaient des frissons. Une nuit rêvée pour cette tarée de Lestrange. Elle se partageait le sale boulot avec Greyback : à lui les pleines lunes, à elle les nuits noires.
Résultat, depuis plus d'un an, plus personne n'était à l'abri.
Évidemment, Neville n'avait gardé aucun souvenir de la nuit durant laquelle Bellatrix Lestrange tortura ses parents, il était trop jeune. Mais sa grand-mère lui avait toujours dit que ça s'était passé durant une nuit sans lune. Ses parents avaient été torturés dans l'obscurité. Sans même un astre auquel se raccrocher. Pas étonnant que sa mère ait toujours préféré les papiers de bonbon qui brillent aux emballages ternes. Au moins, ils avaient un éclat.
Neville s'ébroua. Virer ces pensées, tout de suite. Il ne devait pas penser à eux, aux Mangemorts qui lui avaient pris ses parents. Mais penser aux vivants qui comptaient, sans le savoir, sur lui et sa capacité à s'accommoder avec un loup-garou abâtardi.
Le sentier qu'il suivait prit un virage. La maison de Tonks et Lupin était normalement juste derrière. Tout concordait avec les directives de McGonagall. Baguette levée malgré l'instruction « pas de magie », réflexe d'A. D., il passa le lacet.
Et il la vit.
La marque des Ténèbres.
Au-dessus du toit. Comme celle qui avait surmonté Poudlard l'année précédente. Une sorte de visage noir, flottant en l'air, déformé.
Neville se planqua derrière un arbre. Et guetta.
Du bruit ? Des éclats de voix, peut-être. À moins que ce ne soient les craquements de la maison. Rien. Rien, vraiment ? Pas de lumière. Les Mangemorts étaient-ils partis ?
Il décida d'attendre un peu plus. Toujours rien. Ni bruit ni son ni éclat. Comme si le paysage était subitement devenu une carte postale moldue, comme celles que pouvait lui envoyer Hermione pendant les vacances.
Rien.
Il aurait aimé être Hermione, garder la tête froide, ou Ron, imaginer une stratégie payante pour entrer. Ou même Harry, et avoir ce courage chevillé au corps. Et pas cette peur viscérale, cette terreur qui le prenait aux tripes, qui lui coupait le souffle, qui lui retournait l'estomac.
Toujours rien. Comme si cette maudite forêt avait décidé de ne faire aucun bruit pour le laisser flipper encore plus.
Neville jeta un coup d'œil à la montre de son père que sa grand-mère lui avait offerte à sa majorité. Encore dix minutes, et il irait voir.
Il attendit. Rien ne se passa.
Il attendit dix minutes de plus que ce qu'il s'était fixé.
Rien ne se passa. Le danger devait être passé.
Peut-être qu'on avait besoin d'aide, à l'intérieur. Peut-être qu'il y avait des survivants.
Peut-être. Mais non. S'il y a la Marque, c'est qu'il n'y a plus personne à sauver.
Encore cinq minutes. Cinq minutes, et après c'est tout.
Il traversa le jardin, passa le portillon branlant et poussa la porte de la maison. Toutes les protections magiques avaient sauté.
Et s'obligea à ne pas fermer les yeux.
Lupin était là. Dans l'entrée. Mort. Les yeux grand ouverts. Allongé par terre, le visage levé vers la fenêtre, comme s'il avait voulu voir, au dernier moment, la lune qui lui avant tant pourri la vie. Mais pas de lune, ce soir. Pas même une putain d'étoile.
Neville enjamba le corps. Ne rien ressentir. Tout claquemurer dans un coin de sa tête. Ne rien laisser passer. Il y avait plus urgent.
Son regard glissa sur le mur, sur lequel étaient lithographiées de grandes égratignures. Greyback était donc venu ce soir, lui aussi.
Neville passa dans la cuisine, sa baguette toujours serrée dans son poing. Rien, si ce n'est de la vaisselle explosée par terre. Des tessons partout. Des bris qui crissèrent sous ses pas tremblants.
Il tremblait. Il tremblait comme un niffleur nouveau-né.
Il se ressaisit.
La femme de Lupin s'en était-elle sortie ?
Il repassa dans l'entrée, ouvrit la porte du salon. Et se figea.
Quelqu'un avait tué son plus vieux cauchemar ? Quelqu'un lui avait volé sa vengeance ? Bellatrix Lestrange était morte ?
« Lumos. »
La figure éclairée le rassura et le terrifia à la fois. Ce n'était pas Bellatrix, mais une femme qui lui ressemblait énormément. Une belle femme, aux paupières lourdes elles aussi, bien que ses yeux fussent écarquillés dans la mort. Le corps était suspendu dans les airs, les bras écartés, comme crucifié. Si le visage était intact pour qu'il restât reconnaissable, le reste était laminé, déchiqueté. Les traits crispés et les rides figées indiquaient que Greyback avait dû bien s'amuser avec sa victime avant de la tuer. Des estafilades traversaient ses bras et sa poitrine dénudée. Des marques de crocs. Des traces de sang à peine sec.
Neville savait que les gens torturés par Greyback avaient du mal à s'en remettre. Il suffisait de voir le visage de Bill Weasley pour comprendre que ce salaud ne plaisantait pas.
Mais il n'avait jamais vu autant de cruauté.
Et le couteau planté exactement au bon endroit dans la jugulaire de la femme était clairement une signature Lestrange.
Neville sortit à reculons du salon. Il fallait voir l'étage. Et il n'avait aucune envie de monter. Mais il le fallait. Si quelqu'un s'en était sorti...
Personne ne s'en sort, face à Lestrange et Greyback réunis.
Il monta. Les marches grincèrent sous ses pas.
Il fallait qu'il sût.
La porte de ce qu'il supposait être une chambre était entrebâillée.
Il poussa la porte, sans réussir à l'ouvrir totalement.
Quelque chose par terre la coinçait.
Tonks.
Il la connaissait peu. Il savait juste qu'ils étaient alliés. Ils s'étaient battus ensemble au Département des mystères à la fin de sa cinquième année, ils s'étaient battus ensemble à Poudlard à la fin de sa sixième année.
Ils n'auraient plus l'occasion de se battre ensemble.
Elle était allongée sur le sol, face contre terre, le bras tendu vers un berceau éventré. Comme fauchée en pleine reptation. Neville n'osa pas la tourner sur le dos pour vérifier ses pupilles. Il savait qu'il y verrait la même frayeur que sur le visage de la femme du salon.
Les traces sombres qui entouraient le corps laissaient penser que Greyback avait léché à coups de langue avides le sang de Tonks incrusté dans le plancher.
Le berceau était vide : si Lupin et Tonks avaient bien eu un fils, il n'était sûrement plus de ce monde. Greyback n'avait dû en faire qu'une bouchée.
Neville repoussa la porte et descendit le plus vite possible.
Partir. Partir tout de suite.
Il ne pouvait pas prévenir le Ministère : tous étaient vendus. Il ne pouvait pas prévenir McGonagall : la mission qu'elle lui avait confiée n'était pas remplie.
Trois corps face à une centaine de Nés-moldus. Son choix se fit malgré lui.
Il fut empli d'un sentiment de solitude intense. Mis à part McGonagall, il ne pouvait prévenir personne.
Il n'était pas censé être là. Il était censé être à Poudlard, au lit. Il ne pouvait pas se griller. Il ne pouvait pas lancer d'appel à l'aide.
Il était témoin. Juste un témoin invisible. Rien d'autre.
Il ressortit. Les bruits de la forêt comblèrent le silence qui grésillait dans ses oreilles.
Il remonta le sentier et rejoignit l'orée de la clairière en courant. Là, appuyé à un arbre, il vomit. Il hoqueta, pris de sanglots secs et de violents haut-le-cœur. Il se sentait sale, sali, souillé. Comme si, en se taisant, en étant témoin condamné au silence, il participait au crime.
Encore une perversité à mettre sur le compte de Lestrange.
Encore un poids supplémentaire avec lequel il faudrait vivre. Et s'endormir.
Il transplana, dans le dernier endroit où il se savait accueilli sans restriction aucune.
Une baguette pointée sur son cou l'accueillit.
« Si vous êtes bien Neville, dites-moi quel est le cadeau de Noël qu'il a reçu pour ses sept ans ? »
Neville soupira :
« Grand-mère, arrête de me vouvoyer : c'est moi. J'ai reçu mon premier Rappeltout. »
La baguette s'abaissa. Neville s'approcha d'elle. Elle le fusilla du regard :
« Tu es peut-être Neville, mais rien ne prouve que je sois celle que je prétends être. Vérifie ! »
Neville soupira :
« Grand-mère, quelle est la couleur de tes bas du dimanche ?
- Ce n'est pas la bonne question. »
Les mâchoires de Neville se contractèrent. Ce n'était vraiment pas le moment.
Mais le regard glacial de sa grand-mère le convainquit de demander :
« Qui t'a appris que papa et maman étaient fous ?
- Minerva, le lendemain. » répondit sa grand-mère d'un ton égal, comme si cela ne la touchait pas, comme si cela ne concernait ni son fils ni sa bru.
Augusta Londubat avait une classe sang-pure que son petit-fils lui avait toujours enviée. Lui, l'éternel maladroit, avait pour aïeule cette vieille dame racée qu'il adorait, toujours affûtée et classieuse, en n'importe quelle situation. Comme si Neville n'était pas son petit-fils.
« N'es-tu pas censé être à Poudlard ?
- Lupin est mort. Et sa femme aussi. »
Augusta ne laissa rien paraître. Elle entraîna son petit-fils dans le salon et claqua des doigts. Cupofty, leur elfe de maison, apparut.
« Un thé bien fort pour le jeune maître, s'il te plaît. »
L'elfe s'inclina et disparut en cuisine.
« Raconte-moi. »
Neville laissa le flot de mots et d'émotions qu'il avait contenu jusque là prendre possession de lui. Il ne remarqua même pas le thé apparaître devant eux. Il ne remarqua pas les tremblements d'Augusta, ni ceux qui le prenaient, lui. À la fin de son récit, en voyant les yeux humides de sa grand-mère, il se rendit compte qu'il n'avait pas versé une seule larme. L'horreur pure qu'il avait vue l'empêchait de pleurer.
« La femme que tu as vue, expliqua Augusta en se tamponnant les yeux avec un mouchoir damassé, ce devait être Andromeda Tonks, née Black. La sœur de Narcissa Malefoy et Bellatrix Lestrange. Elle a été radiée de l'arbre généalogique des Black quand elle a épousé un Né-moldu.
- Elle était le portrait craché de Lestrange.
- Elle était préfète quand Frank était à Poudlard. »
Neville but une gorgée de thé. Encore une fois trop infusé, mais cette fois il n'allait pas s'en plaindre. Il sentait l'amertume dans sa bouche : une preuve de plus qu'il était vivant.
« Quelle est la mission que t'a confiée Minerva ? »
Neville grimaça : il avait failli oublier qu'il était là pour une raison bien précise. Sa grand-mère était comme son Rappeltout. Cette pensée le fit sourire.
« Activer le Choixpeau. Lui demander le nom des élèves nés-moldus. Les prévenir de ne pas venir à Poudlard.
- Bien, cela ne doit pas être trop difficile. »
Neville s'offusqua :
« Grand-mère, Lupin et Tonks...
- Laissons les morts s'occuper des morts. On a autre chose à faire. »
La détermination de sa grand-mère ralluma celle de Neville. Elle jeta un sortilège d'Attraction : deux plumes et des parchemins volèrent jusqu'à eux.
« Je ne sais pas comment l'activer. »
Augusta leva les yeux au ciel :
« Pose-le sur ta tête ! »
Neville se coiffa.
En refaisant ce geste qu'il avait fait sept ans auparavant, lors de sa première arrivée à Poudlard, il sentit un étrange sentiment indéfinissable l'envahir. Rien ne serait plus jamais pareil.
Il avait vu des morts. Il était en guerre. Il allait sauver des vies. Ou du moins essayer.
