Chers lecteurs,

Un chapitre un peu plus posé aujourd'hui. Rating K+ (eh oui, ça m'arrive).

Peut-être à dans dix jours.

Portez-vous bien, faites du feu dans vos cheminées ramonées, à bientôt,

Al


« Et pour cela préfère l'impair » Verlaine, Art poétique


Neville parcourait le quai 9 ¾ des yeux, cherchant à apercevoir Luna.

« Elle ne viendra pas. »

Il répondit à Ginny sans lui jeter un coup d'œil :

« C'est pas qu'elle nous a pas écrit pendant les vacances qu'elle ne viendra…

- Elle est absente depuis Noël dernier. C'est pas le 1er septembre qu'elle va se pointer. Et tu le sais bien. »

Neville soupira : il savait que Ginny avait raison, mais il ne pouvait s'empêcher d'espérer. Luna lui manquait de plus en plus. Quand il avait vu ses résultats d'ASPIC, quand il avait vu qu'il s'en sortait avec efforts exceptionnels (défense et sortilèges) et optimal en botanique, sa première réaction avait été de râler : il ne pourrait pas retaper à Poudlard. Il ne pouvait pas retourner veiller sur Ginny et Luna. Pas qu'elles eussent besoin d'aide, mais il se sentait mieux quand il les avait en visuel.

Tant que je les vois, il ne peut rien leur arriver.

Et cela faisait donc huit mois qu'il dormait mal, à attendre un signe de Luna.

Il ne lui restait que Ginny. Les autres, ils avaient tous disparu. Luna, Harry, Ron, Hermione, Dean, même Seamus. Seamus était retourné dans son pays dès la fin de l'année scolaire. Les conditions de vie étaient toujours plus viables en Irlande qu'en Grande-Bretagne. Peu de Mangemorts osaient traverser la mer. Et Seamus le savait très bien.

Deux hommes vêtus de noir passèrent à côté d'eux. Ginny frissonna, comme touchée par la magie obscure qu'ils dégageaient.

« Je n'y crois pas. Nommée préfète en chef. Vu le souk qu'on a mis l'année dernière... »

La remarque de Neville fit sourire Ginny, de ce sourire un peu triste qu'elle conservait depuis la disparition de ses amis.

« Que veux-tu, ils n'ont personne d'autre sous la main. Maggie l'aurait bien plus mérité que moi, mais son sang n'est pas assez pur... »

Neville lui fit les gros yeux. Pas de remarques comme ça en public, elle le savait, non ?

« Viens, je t'emmène boire un verre. De toute façon, le Poudlard Express partira en retard, comme d'habitude. »

Dire que c'était déjà une habitude. En une année, en quatre trajets sous le règne de Celui-dont-on-ne-peut-prononcer-le-putain-de-nom-pour-cause-de-putain-de-tabou, les retards étaient devenus une habitude. Vérifier pour une énième fois le rang des passagers, les faire passer dans les wagons sang-pur ou sang-mêlé, repérer les Nés-moldus, tout cela prenait un temps fou.

Heureusement que Luna, Ginny et Neville étaient tous trois Sang-pur. Ils avaient pu rester dans les mêmes compartiments lors des trajets qu'ils avaient faits ensemble l'année précédente.

Neville entraîna Ginny à travers la barrière magique. Revenus dans la gare moldue, ils se dirigèrent vers un Starbucks illuminé.

« À croire que les Moldus ne se rendent compte de rien…

- Tu sais bien qu'ils souffrent eux aussi. »

Depuis un an, de nombreux attentats avaient lieu chez les sorciers. Et encore plus chez les Moldus. La chasse au moldu était devenu un sport olympique chez les partisans du Seigneur des Ténèbres. Chaque jour, des moldus mouraient ou terminaient aux urgences moldues, où personne ne pouvait les soigner. Les sorciers réfugiés dans le monde moldu, si tant est qu'on pût parler de refuge, essayaient de protéger ceux qu'ils connaissaient, tout en restant cachés. Et de les soigner, quand c'était possible.

« Que désirez-vous boire ?

- Deux cafés. »

Ginny avait toujours ce ton froid quand elle était hors de son élément. Neville laissa couler : que pouvait-il dire ?

« J'en ai marre. »

Neville commença à tripoter le sachet de sucre laissé sur la table par les précédents consommateurs.

« J'ai pas envie de retourner à Poudlard sans toi. Et sans Luna…

- T'as lu la rubrique mortuaire de La Gazette ? »

Il savait qu'il était impoli à la couper comme ça. Mais il ne pouvait pas faire autrement. C'était sa nouvelle obsession, depuis sa virée dans la forêt de Lupin.

« Non. Et je n'ai pas envie de la lire avant de partir. » répondit Ginny.

Mais Neville était déjà en train de farfouiller dans son havresac pour saisir un exemplaire chiffonné du journal officiel.

Il l'ouvrit à une page toute lisse où l'encre bavait un peu. Il l'avait longuement relue. Il avait longtemps passé la main sur l'article, comme si cela pouvait effacer ce qui était écrit.

« Je comprends pourquoi tu voulais m'emmener dans le monde moldu. » reprit Ginny en lisant à contrecœur ce que Neville voulait lui montrer.

Un encadré. Un bête encadré, en bas de page, avec une photo même pas animée. Comme si dans la mort, Xenophilius Lovegood ne méritait plus aucun respect.

« C'est pour ça que tu espérais le retour de Luna, c'est ça ?

- Oui. Il a plié et il est mort. Pourquoi garder Luna prisonnière si elle ne sert plus de moyen de pression ? »

Ginny ne répondit pas tout de suite, les yeux suivant les mouvements du serveur qui revenait, portant un plateau chargé. Il posa devant eux leurs tasses et l'addition. Ginny le remercia d'un air pincé. Neville ne réagit même pas.

« Ils ne cherchent plus à faire plier Xenophilius Lovegood, mais elle peut être un otage intéressant. Elle peut faire plier quelqu'un d'autre. »

Ils étaient devenus ils. Il n'y avait pas que le tabou qu'il fallait craindre. Parfois un mot, une expression de trop et on se retrouvait avec une surveillance accrue des sbires de Vous-savez-qui. Ils, tout était dit : même plus un adjectif, même plus un nom de groupe. Surtout pas un qualificatif pour indiquer leur ligne de conduite.

Pour Harry, c'était un peu différent. Ses proches, connus ou non, ne le nommaient plus pour éviter des soupçons inutiles.

« Personne ne sait qu'elle est amie avec lui !

- T'as la mémoire courte, Londubat. Je te rappelle qu'à la petite virée au Département des mystères y avait d'autres invités que notre petite équipe. »

Neville grimaça : Ginny avait raison. Il avait tendance à oublier que leurs dernières années avaient été épluchées dans les moindres détails et qu'ils étaient tous sous surveillance active.

« Tu sais bien que je ne dois ma liberté d'action qu'aux manigances de papa au ministère et de Bill chez les gobelins. Et toi à celles de ta grand-mère. On est grillés, tu le sais. Au moindre faux pas, on tombe. »

S'ils n'étaient pas les amis les plus connus d'Harry Potter, ils étaient quand même dans les fichiers indésirables du Ministère.

« Le train va partir, il faut y aller. »

Neville se leva et suivit Ginny en direction de la barrière magique. Elle avait raison, malheureusement. Ils étaient surveillés. Et quoi de mieux que Poudlard pour surveiller l'unique fille Weasley ?

Et pour le surveiller, lui ?

Que dire de l'unique réponse positive qu'il avait acceptée, pour une offre d'emploi dans une joaillerie gobeline, où il était sous contrôle permanent des gobs, asservis à Vous-savez-vraiment-de-qui-on-parle ?

C'était tellement facile de corrompre les gobelins, quand on y pensait. Leur promettre de leur rendre tous les objets manufacturés par eux et le tour était joué.

Alors que pour décrocher un prêt c'était impossible de les faire craquer.

Ils repassèrent la barrière magique. Le quai était presque désert : les rares parents sorciers abandonnaient leurs enfants rapidement pour éviter les deux Détraqueurs qui se trouvaient au niveau de la locomotive, prêts à bouffer du né-moldu pour leur petit-déjeuner.

Neville était soulagé d'avoir pu leur envoyer les lettres. Aucun d'entre eux ne s'était risqué à pointer le bout de son nez le jour de la rentrée. Les Détraqueurs semblaient désœuvrés.

Enfin un point positif à cette maudite nuit.

« Je t'écris dès que je peux, souffla Ginny, postée sur le marchepied. Pas de bêtise.

- T'inquiète. Te fais pas remarquer.

- T'inquiète. »

Ils s'étreignirent brièvement. La séparation allait être plus dure que prévu.

« Salue Lavande de ma part.

- Pas de problème ! »

La locomotive siffla. Le départ était imminent.

« Gin ? »

Un élève de septième année de Poufsouffle s'approchait d'elle.

« Roger ! J'arrive. »

Elle jeta un dernier regard à Neville : pas de larme, c'était pas le genre. Mais une tristesse que Neville ne connaissait pas perlait dans ses yeux.

« On se voit à Toussaint.

- Compte sur moi ! »

Les portières se refermèrent. Neville resta sur le quai jusqu'à ce que le train disparût dans le lointain. Il devait bien ça à Ginny. Elle retournait seule à Poudlard. Pas d'A.D. Pas de guérilla. Pas d'insolence. Le temps de la rébellion était fini.

Maintenant, il faut plier. Ou faire semblant de plier.

Neville repassa pour une énième fois la barrière magique. Lavande lui avait donné rendez-vous au Chemin de Traverse, il y arriverait plus rapidement en prenant les transports moldus et en passant par le Chaudron Baveur.

Neville fréquentait de plus en plus le monde moldu. Il y trouvait une certaine liberté. Il savait qu'il n'échapperait jamais aux Mangemorts, les assassinats réguliers perpétrés dans l'Angleterre tout entière en étaient bien la preuve. Mais il éprouvait une certaine satisfaction à savoir qu'il forçait ses poursuivants à évoluer dans un monde qu'ils détestaient.

Il prit un bus bondé, en ignorant les regards suspicieux que les usagers lui adressaient. Heureusement qu'il portait des vêtements moldus. S'il faisait suffisamment tache en étant travesti, qu'est-ce que ça aurait pu donner s'il était resté en sorcier ?

Il descendit à l'arrêt voulu.

Le Chaudron Baveur avait toujours l'air aussi dégueulasse. Tom, scotché derrière son comptoir, n'osait plus regarder ses clients dans les yeux. Neville lui adressa un signe de tête qui n'eut pas de retour.

Le bar était plein.

Neville serra les poings au fond de ses poches. Ces connards faisaient comme si de rien n'était, comme s'ils ne craignaient pas de se prendre un maléfice dans la figure à la moindre saute d'humeur des Lestrange. Ils vivaient, dans cette sorte d'insouciance malsaine qui nous fait préférer fermer les yeux plutôt que d'aller se battre.

On continuait à vivre, même sous le règne du plus grand mage noir de tous les temps. Dire qu'il avait pu être craint... En ciblant les attaques contre les moldus et leurs descendants, qu'ils soient sorciers ou non, l'ordre nouveau permettait à beaucoup de vivre comme auparavant. Et de toute façon, les morts n'étaient jamais revendiquées... On savait et on faisait comme si on l'ignorait.

Beaucoup de monde acceptait la soumission demandée par Voldemort.

Les sorciers s'en foutent, de leur liberté.

Augusta Londubat avait bien résumé la situation. « Tant que les gens peuvent s'aveugler, ils le font. C'est trop dur de voir la vérité en face. »

À croire que les sorciers de bien avaient disparu.

Neville tapota de sa baguette les briques qui ouvrirent le passage.

Comme le Chaudron Baveur, le Chemin de Traverse était aussi fréquenté que ce qu'il avait pu être. Peut-être pas la même population...

Neville remonta l'impasse du Clerc et parvint au café À la bonne citrouille.

Une jeune fille blonde attira son regard.

« Salut Lavande. »

La jeune fille se jeta dans ses bras.

« Neville ! »

Il la serra contre lui.

Même s'il n'avait jamais eu l'œil pour ça, Neville remarqua qu'elle avait maigri. Il sentit contre ses mains les côtes de la sorcière. Lavande avait toujours eu des formes qui avaient fait rêver tous les Gryffondor. Elles n'existaient plus.

« Assieds-toi. »

Ils s'assirent tous deux.

« T'as le bonjour de Ginny.

- Tu es allé au départ du Poudlard Express ? »

Neville acquiesça. Ils échangèrent quelques banalités sans importance. Neville nota les cernes violets qui rehaussaient le bleu des yeux de Lavande, ses pommettes saillantes, son menton carré qui pointait. Comme si sa nouvelle maigreur faisait ressortir sa beauté. Elle ressemblait de plus en plus aux porcelaines délicates qu'on trouvait dans le bureau de McGonagall.

« Tu as passé un bon été ?

- Pas vraiment, répondit Lavande en baissant les yeux. J'ai cherché du boulot. »

Elle avait dû rencontrer les mêmes difficultés que lui. Qui aurait voulu embaucher un camarade de promotion des trois sorciers les plus recherchés d'Angleterre ?

« Parvati est partie en Inde début août, je me suis donc retrouvée seule. D'habitude, je passe toujours deux ou trois semaines chez les Patil.

- Et Padma ?

- Padma ? Elle a trouvé une formation à Sainte-Mangouste.

- Et toi ? »

Lavande grignota la peau de ses lèvres et répondit lentement :

« Pas le niveau, tu t'en doutes. Et pas le bon pedigree. Et pas la bonne maison. »

Elle ajouta avec une grimace dégoûtée :

« Et pas le bon ex. »

Ah. C'était pour ça.

Lavande était sortie avec Ron pendant quelques mois. Et cela s'était su.

Neville tendit la main et toucha la paume de Lavande. Avant, c'était à Luna qu'il faisait ça, pour la rappeler dans le monde réel. Puis il l'avait fait régulièrement à Ginny. D'abord, parce que cela lui rappelait, à lui, qu'il n'était pas seul. Et il avait besoin de se sentir accompagné ces derniers temps. Ensuite, il avait découvert que cela touchait énormément les filles. Neville savait qu'il n'était pas beau, mais Ginny lui avait maintes fois répété qu'il avait un certain charme. Les filles qu'il effleurait de la main avaient toujours une légère tendance à rougir et à se décontracter. À penser à autre chose, en fait. Et enfin et surtout, il arrivait à percevoir par le toucher les tremblements infinitésimaux qu'il ne percevait pas à l'œil nu.

Lavande tremblait.

« Tu as trouvé ?

- Oui, répondit-elle en relevant les yeux. Chez le seul employeur à accepter de m'embaucher. Chez les Malefoy. »

Bien entendu. Ainsi, ils pourraient la surveiller de plus près.

« Pour quoi faire ?

- Bonne d'enfant. »

Neville tiqua :

« Ils ont des enfants à garder ? Malefoy serait-il déjà père ?

- Un petit garçon d'environ un an, répondit Lavande en souriant à la pique de son ami. C'est apparemment de la famille de Mrs Malefoy.

- Pourquoi ils ne laissent pas un elfe de maison s'en occuper ?

- C'est un demi-garou, répondit Lavande d'une petite voix. Sa magie peut être différente de celle des autres sorciers. Il faut croire que les Malefoy préfèrent mettre en danger une pute sang-mêlé qui a couché avec l'ennemi qu'un elfe de maison. »

La grimace qui passa furtivement sur le visage de sa camarade indiqua à Neville que les humiliations subies par Lavande à cause de son histoire avec Ron devaient déjà avoir porté leurs fruits.

« Mon inscription à la SALE a enfin servi à quelque chose, gloussa absurdement Neville. Les elfes de maison sont mieux traités que les sorciers. »

Lavande éclata d'un rire sans joie : son visage s'illumina. Elle était vraiment de plus en plus belle. Comme si la tristesse et le malheur étaient bienheureusement venus pour révéler sa vraie beauté sous la couche de superficialité qu'elle avait toujours placardée sur son visage.

« En plus, je suis traitée comme un elfe : j'habite là-bas, dans une chambre sous les combles. Le petit Teddy est dans la chambre d'en face. Il pleure toutes les nuits, j'ai juste à traverser le couloir pour aller le voir. »

Teddy ? Ce nom lui disait quelque chose. Où l'avait-il entendu ?

« Dis-moi, ce gosse, tu sais d'où il vient ?

- Non, pas vraiment, reconnut Lavande. J'en ai parlé à Malefoy, qui a bien voulu cracher quelques infos. Enfin, cracher... Il voulait se plaindre et j'étais là. Ça fait deux mois qu'il est chez eux. Il braille toutes les nuits, Malefoy trouve ça insupportable. »

Deux mois.

La lumière se fit.

« Je sais qui est Teddy ! C'est Ginny qui m'en a parlé !

- Explique-toi. » répliqua Lavande en ôtant sa cuiller de sa tasse de thé.

Le fils de Lupin et Tonks ! Le savait-elle ?

« Les demi-garous, ça court pas les rues ! Je croyais qu'il était mort, murmura Neville.

- Comment tu sais ça ? »

Merde. Neville se mordit la langue : encore une occasion de fermer sa gueule qu'il avait laissée passer. Lavande ne devait pas savoir : elle habitait chez l'ennemi.

Devant le regard interrogateur de Lavande, il préféra jouer franc-jeu.

« Je ne peux rien te dire.

- Tu ne me fais pas confiance ? »

Il savait qu'ils allaient atterrir dans un terrain glissant. Il faisait confiance à Lavande. Une confiance aveugle, forgée dans les épreuves qu'ils avaient traversées ensemble : les Carrow, Ombrage, les cours de potion.

Et il faisait confiance aux Mangemorts pour arracher facilement des informations à ceux qu'ils torturaient.

« Dis-toi que je lis régulièrement la rubrique mortuaire de la Gazette. »

Lavande plissa les yeux, peu convaincue. Mais elle dut faire le même calcul que lui et accepta de changer de sujet de conversation.

Moins elle en saurait, mieux ce serait. Quand la plus grande partie de vos amis est en cavale ou à Azkaban, on ne chipote pas sur les cachotteries de ceux qui restent.

« Je suis payée une misère, mais au moins j'ai du travail. Parvati a dû quitter le pays, Seamus aussi. Toujours pas de nouvelles de Dean. Et…

- Pas besoin de me le rappeler, coupa sèchement Neville.

- Pardon. »

Ainsi, Teddy Lupin s'en était sorti. Il allait falloir poser des questions à Bill Weasley. Pourquoi Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom voulait-il garder en vie les demi-garous ? Qu'avaient les demi-garous qui pouvait intéresser le mage noir ? D'après ce que lui avait dit sa grand-mère, la haine que vouait Bellatrix Lestrange à sa sœur était tenace : si Bellatrix Lestrange n'avait pas tué le fils de Tonks, c'était uniquement parce que son maître le lui avait demandé. Elle aurait sinon pris un malin plaisir à torturer un enfant pour ajouter cet exploit à sa geste héroïque.

Quand il quitta Lavande une demi-heure plus tard, Neville prit la direction de Gringotts. Il avait encore un peu de temps. Il fallait qu'il vît le grand frère de Ginny.

Il l'avait vu de loin une ou deux fois lors de réunions intergobelines où son entreprise de fabrication d'objets magiques avait pu avoir des liens avec la banque. Il ne le connaissait pas plus que ça, mais être le frère de Ginny était déjà un gage de confiance.

Il passa les portiques de sécurité sans broncher : il avait l'habitude. Et comme d'habitude, cela prit plus de temps pour lui que pour autrui. Après tout, il était une connaissance du redouté Harry Potter.

Il arriva dans le grand hall et se dirigea vers le premier comptoir vide qu'il aperçut.

« Bonjour, je désirerais m'entretenir avec William Weasley. »

Le gobelin posté derrière son comptoir lui jeta un regard dédaigneux et siffla :

« C'est à quel sujet ?

- Authentification sorcière d'un objet moldu enchanté. »

C'était la réplique qui fonctionnait quand vous vouliez converser avec un sorcier et non avec un gobelin. Jamais un gob n'aurait touché un objet moldu. Déjà qu'ils rechignaient à toucher des objets sorciers...

« Je vais voir s'il est disponible. »

Le gobelin quitta son comptoir en trottinant. Neville, essayant de paraître serein, repensait à ce que lui avait expliqué sa grand-mère.

« Personne ne veut parler de choses moldues. Le seul à le faire, c'est Arthur Weasley. Si tu as besoin d'aide de la part des Weasley, invoque le moldusme. »

Quand il vit une grande silhouette rousse apparaître, Neville sut que sa grand-mère avait, encore une fois, raison.

« Veuillez me suivre. »

Neville rejoignit Bill Weasley dans un cabinet intimiste.

Mis à part les cheveux roux, il y avait peu de ressemblances entre Ginny, Ron et leur aîné. Son visage avait été massacré par Greyback. Malgré les soins des guérisseurs de Sainte-Mangouste, des cicatrices tiraillaient ses joues. Bill lui adressa un sourire coincé : ses canines pointèrent légèrement, ses narines frémirent, comme s'il le sentait.

« T'as peur ? Tu ne devrais pas. Tu ne crains rien, ici. »

Ainsi, il l'avait bien reniflé. Il avait reniflé sa peur.

Neville résista à la tentation d'essuyer d'un revers de main le dessus de sa lèvre et son front. Il fallait conserver un minimum de dignité. Même avec de grosses gouttes de sueur dégoulinant le long de ses tempes et de ses joues.

« J'ai besoin d'informations sur les demi-garous. »

Autant annoncer cash le but de sa visite. Bill ne tiqua même pas.

« Je ne suis pas le mieux placé pour te répondre, je n'en suis pas un.

- Tu as fréquenté des demi-garous lors de ta rémission à Sainte-Mangouste, répondit hardiment Neville.-

- Ginny va devoir apprendre à fermer sa gueule, grogna Bill. Que t'a-t-elle dit d'autre ?

- Que tu pourrais m'aider si j'en ai besoin. »

Bill ricana, presque malsain :

« Elle prend des engagements que je ne peux pas tenir. Est-ce une manière de faire ? »

La conversation ne prenait pas le tour attendu.

« Viens prendre un apéro chez moi lundi soir. Chaumière aux Coquillages. Si on te pose des questions, tu diras que tu viens pour un diadème gob. »

Bill se leva, signifiant que l'entretien était terminé. Neville l'imita.

Alors qu'il se tenait dans l'encoignure de la porte, Bill se tourna vers lui une dernière fois :

« Ne reviens plus me voir à Gringotts pour une histoire de la sorte. J'ai envie de garder mon boulot. J'ai une famille à nourrir, moi. »

Neville se retrouva seul dans le cabinet. Encore une fois, il avait mis les pieds dans le plat.

Une petite exploration en règle de la bibliothèque d'Augusta Londubat s'imposait.