Chers lecteurs,
En ce début de long ouikende, je vous laisse avec la suite. Apparition d'un personnage qui va donner de sa personne. Rating T, mes mignons.
Je n'irai pas à la quête aux reviews (c'est rébarbatif de demander toujours des petits mots et encore plus de se l'entendre demander), mais je me permets tout de même de faire une remarque. Pour certains lecteurs, le résumé compte peu : ils vont lire les commentaires des lecteurs pour voir si ça peut les intéresser (moi-même je sais) avant même d'ouvrir la fic. Si ce que vous lisez vous plaît et que vous avez envie de le faire découvrir à d'autres gens (et de remercier l'auteur ou de lui faire part de vos impressions par la même occasion), laisser un commentaire pour donner à d'autres l'envie de lire peut être un bon moyen de faire une BA (et ce sur toutes les fics que vous lisez, pas uniquement sur les miennes).
Bref, sur ce, portez-vous bien, profitez de votre long ouikende pour lancer la saison officielle des tartiflettes (officieusement, il n'y a pas de saison pour les patates et le fromage, mais bon), à bientôt,
Al
PS : prétérition : figure de style qui consiste à dire qu'on ne va pas dire ce qu'on est en train de dire. Voir supra.
« Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre ! »
Baudelaire, "les Bijoux", Les fleurs du mal
Neville travaillait depuis huit heures du matin. Au bout de trois jours chez les gobelins, il avait déjà compris qu'ils le submergeraient de boulot jusqu'à ce qu'il en crevât. Seul le droit du travail sorcier le protégeait un peu et limitait le nombres d'heures qu'il pouvait faire par jour, mais c'était dérisoire. Ça faisait maintenant un mois qu'il était enfermé dans ce bureau sept heures par jour, six jours par semaine, coincé derrière un bureau branlant dans les pieds duquel il se cognait constamment les jambes et où il recevait des sorciers exigeants qui avaient besoin d'une expertise rapide de leurs bijoux.
Autrement dit, un emploi de merde payé une misère.
« Et tu devrais t'en réjouir, lui avait dit sa grand-mère. C'était pas gagné de te trouver un boulot. »
La porte du bureau s'ouvrit avec un bruit feutré et Neville entendit le pas incisif d'une sorcière frapper le marbre de l'entrée.
« Tiens tiens, qui voilà... »
Neville aurait reconnu la voix entre mille.
Il se leva pour accueillir galamment sa nouvelle cliente et se força à plaquer un sourire affable sur ses lèvres.
« Bonjour Mademoiselle. Puis-je vous aider ?
- Tu es toujours aussi mauvais pour jouer la comédie, à ce que je vois. »
Elle le toisa de haut en bas d'un regard dédaigneux et consentit à s'asseoir sur le fauteuil rembourré qui faisait face au bureau de Neville.
« Et toujours aussi mal attifé. »
C'était mal parti.
Parkinson était superbe : sa robe noire était rehaussée d'une veste gris anthracite brodée d'argent ; ses ongles rouges, refermés comme des serres sur ses genoux, étaient parfaitement manucurés. Neville aperçut ses chaussures haute couture noires et pointues. Rien dans son apparence ne dépassait. Un maquillage raffiné et une simple chaîne en argent autour de son cou complétaient sa tenue. Même ses cheveux enserrés dans un chignon alambiqué étaient dominés. Une image de contrôle et d'aisance.
La dictature lui allait bien.
Le côté rassurant, c'était la pointe de mépris habituelle de son regard qui transperçait Neville. Il y a des choses qui ne changent pas.
« Que me vaut ce plaisir ? » grinça Neville.
Il avait toujours été nul en ironie. C'était le domaine de Ron.
« Je vois que tu as appris ta leçon de commerce. Le client est roi. En l'occurrence, reine, jappa Parkinson. J'ai besoin d'une estimation de bijoux de famille.
- Les tiens ? »
Le sourire poli de Parkinson était démenti par son regard froid.
Elle joue beaucoup mieux le jeu que moi.
« Tu t'oublies, Londubat, claqua-t-elle. Je ne te paye pas pour poser des questions. »
Neville grimaça : elle lui rappelait en une réplique qu'ils n'étaient plus à l'école. On jouait dans la cour des grands dorénavant, elle dans la classe dominante, lui dans l'ouvrière.
« Pourriez-vous me montrer les différentes pièces, s'il vous plaît ? » demanda Neville en jetant un sortilège d'attraction pour attirer un plateau couvert de velours pour les bijoux de sa cliente.
Parkinson sortit de son sac trois bagues et une parure. Elle commença à donner des ordres d'une voix autoritaire.
« J'ai besoin de savoir s'ils sont de facture gobeline, leur date précise, s'ils ont été portés par des Sangs-mêlés, s'ils sont imprégnés de magie impure et quel est leur degré de protection familiale.
- C'est pour quel usage ? »
La voix de Neville avait presque retrouvé sa tessiture normale : il fut fier de lui.
Parkinson leva les yeux au ciel.
« Le bal des Sangs-purs, quelle question. »
Neville avait reçu, lui aussi, l'invitation au bal d'Halloween des Sang-purs. La tradition exigeait que tous les Sangs-purs fussent invités, sans exception. La réception se tenait dans la salle de bal du plus vieil hôtel sorcier, le Renard Doré, en plein centre d'Oxford. Si, à l'origine, c'était la fête annuelle des sorciers, c'était dorénavant, pour les jeunes filles, un terrain de chasse formidable pour trouver un mari convenable.
Neville savait qu'il ne pouvait pas décliner l'invitation : il fallait se comporter comme un bon Sang-pur bien mignon et bien soumis. Il y avait plus qu'à espérer que les sœurs Patil et Ernie pointeraient le bout de leur nez : les Patil étant en Inde et Ernie en Europe centrale, il était fort probable qu'ils fussent excusés.
Sinon, il serait coincé entre des Mangemorts en puissance et des harpies en devenir.
« Très bien. Ce sera prêt à temps. »
Parkinson lui jeta un regard aigu. Ses lèvres se pincèrent, comme si elle voulait ajouter quelque chose.
Alors qu'il s'apprêtait à prendre les bijoux, le regard de Parkinson se durcit. Elle se pencha sur la table et murmura, menaçante :
« T'as intérêt à ce que tout concorde, tu m'as bien comprise ? Je n'aimerais pas être à ta place si je m'aperçois que la propreté de ces bijoux est entachée. »
Elle recula, le regard dédaigneux, recomposa son masque de fille bien éduquée et ajouta d'une voix méprisante :
« Propre et net, j'espère que c'est clair. »
Elle referma d'un geste sec son sac, se leva, ajusta sa robe.
Son allure était de nouveau si maîtrisée que Neville pensa un court instant avoir imaginé son accès de violence contenue.
Il referma la boîte et lui tendit la main pour la saluer.
« Compris, Mademoiselle. Au revoir.
- Je préfère ça. »
Elle ignora sa main tendue et lui tourna le dos.
Neville suivit du regard la silhouette de Parkinson qui passait la porte.
À qui voulait-elle faire bonne impression ?
Y a-t-il vraiment besoin de poser la question ?
Il commença à lancer les sortilèges voulus sur les bijoux. Les bagues ne présentèrent aucune difformité magique, ce ne fut pas le cas du collier.
Il s'échina pendant trois heures à essayer de prouver la pureté des bijoux.
« Londubat, vous pouvez prendre votre pause. »
Grimlen, son chef gobelin, lui balança ça comme si perdre une heure à déjeuner était bien une perte de temps et de gain pour l'établissement.
Neville lâcha sa lunette grossissante avec soulagement. Il ne sentait plus sa nuque et des étoiles dansaient devant ses yeux. Un regard rapide à sa montre : il était en retard.
Il fila sur le Chemin de Traverse et remonta les allées pour arriver, essoufflé, à La bonne citrouille.
Lavande était déjà là, le nez dans un bouquin, un œil fixé sur un landau.
« Tu es en retard, lâcha-t-elle.
- Désolé. Je t'expliquerai. »
Il l'embrassa sur la joue et s'installa en face d'elle. Il commanda un plat du jour et sourit en voyant Teddy endormi. Ses cheveux étaient bleus et ses oreilles avaient des formes différentes.
« Alors ? Des nouvelles concernant Teddy ?, demanda Lavande en coinçant un marque-page dans son livre.
- Je suis allé voir Bill Weasley hier, soi-disant pour une histoire de sceaux ensorcelés. Un mec beaucoup plus sympa chez lui qu'à son boulot.
- Ah bon ? Je croyais que tous les frères de Ginny étaient cool. Elle en parle toujours avec énormément d'admiration.
- Quand je suis allé le voir à la banque, il a été hyper sec, avoua Neville. Il m'a dit hier qu'il voulait éviter au maximum les soupçons. Les gobs n'étant jamais très aimables, il faut jouer le jeu. Mais chez lui, il était beaucoup plus sympa. On a bien discuté. Il m'a expliqué un peu comment ça se passait pour les demi-garous.
- Dis-m'en plus.
- Les demi-garous sont des créatures magiques non-régies par le droit magique. Ils ne sont pas recensés comme étant des hybrides. Donc légalement, ils n'existent pas. »
Lavande tiqua :
« Il y a quand même bien des cercles de demi-garous, il doit bien y avoir un recensement qui les concerne…
- Eh bien figure-toi que pas du tout ! C'est bien un des problèmes d'identité qu'ils n'arrivent pas à gérer : ils veulent une reconnaissance sociale. Enfin, pour certains. Pour d'autres, notamment ceux sous les ordres de Tu-sais-qui, ça peut être utile d'être caché.
- Être un demi-garou a des avantages ?
- Pas mal. »
Neville attaqua son steak. Depuis sa discussion avec Bill, il considérait la viande rouge comme beaucoup plus que de la simple viande rouge.
Pour certains, c'était une ressource nécessaire à leur survie. Ils étaient prêts à tuer pour en avoir. Et on ne pouvait pas leur en vouloir. Peut-on en vouloir à des gens de respirer ?
« Les demi-garous développent des capacités lupines, reprit-il, comme l'odorat, l'instinct de chasseur, l'instinct clanique. Avoir un demi-garou dans ton camp te permet d'avoir un allié indéfectible. En plus, leur magie pourrait s'exprimer différemment : elle aurait des répercussions différentes les nuits de pleine lune. Les Langues-de-plomb travaillent justement à ces différences magiques. Ils manquent de cobayes, mais ça avance doucement. Tu-sais-qui les pousse à chercher dans ce sens là. »
Lavande pencha la tête, concentrée.
« Tu es en train de me dire que les demi-garous ont des avantages de la condition lupine sans en avoir les inconvénients ?
- Exactement. Et il est encore trop tôt pour savoir précisément de quels avantages on parle, mais la recherche avance. Les demi-garous sont des sorciers puissants, ou en tout cas agissant dans un registre magique différent, donc plus difficile à cerner et à contrer.
- C'est pour ça que les Malefoy auraient recueilli Teddy ? Et merde ! »
Lavande frissonna violemment. Elle jeta son livre dans son sac et ajouta précipitamment :
« Désolée... »
Un crac sonore. Malefoy fils apparut à côté d'eux.
« Alors, on parle de moi ?
- Pas du tout, Monsieur. Je n'ai mentionné que votre nom, Monsieur. »
Neville se crispa : forcer son amie à s'adresser à Malefoy comme s'il lui était supérieur, c'était insupportable.
Malefoy n'arrivait pas à la cheville de Lavande.
« Et qui vois-je ? Londubat en personne. » ajouta Malefoy, goguenard.
Il s'assit élégamment sur une chaise et ôta de son pantalon une poussière invisible.
« Il va falloir que je surveille tes fréquentations, Brown. La racaille pourrait te nuire. »
Neville inspira le plus discrètement possible : il devait se calmer. Péter la sale gueule de fouine de Malefoy dans un lieu public pouvait être assez mal perçu. Et s'il voulait conserver son travail, il fallait la jouer fine.
« Dis-moi, on a bien fait de poser un tabou sur mon nom il y a trois jours. Apparemment, tu baves beaucoup dans mon dos. » continuait Malefoy sans paraître avoir remarqué l'irritation de Neville.
Malefoy se pavanait. Et en se pavanant, il apportait à Neville les réponses aux questions qu'il se posait.
« Magie rétrospective des elfes et autorisation du Ministère. Rien de bien compliqué pour des gens comme nous. » ajouta Malefoy en jetant enfin un regard à Neville.
Évidemment. Quand un maître sorcier appelle son elfe, celui-ci l'entend, où qu'il soit. En magie rétrospective, dès que Lavande prononçait le nom « Malefoy », un Malefoy rappliquait.
Pourquoi ne pas continuer à faire parler Malefoy... Il pourrait peut-être lâcher une info intéressante.
« Ça doit être dur pour toi de faire le larbin dans ta propre famille, Malefoy, tenta Neville.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? »
La voix se fêla légèrement. Neville n'était pas sûr de l'avoir perçu. Mais il connaissait Malefoy depuis si longtemps... Depuis son plus jeune âge. Depuis les goûters sangs-purs, où il était le souffre-douleur attitré des autres enfants.
Il décida de pousser le bouchon, ignorant la grimace de Lavande en face de lui :
« Rappliquer comme un elfe de maison quand Lavande dit ton nom. Je vois mal ton père se taper le sale boulot de surveiller la baby-sitter. »
Malefoy reprit contenance et ricana d'un air convenu :
« Ne t'inquiète pas pour mon père. Il la tient au doigt et à l'œil, si je puis dire. »
Neville plissa des yeux : qu'insinuait Malefoy ?
Il se rendit compte que Lavande s'était crispée, elle était encore plus pâle que d'habitude. Elle regardait droit devant elle comme si rien autour d'elle n'existait.
Malfoy vit le regard de Neville vers Lavande.
« Il faut donc ajouter naïf et innocent à la liste de tes tares. Tu croyais vraiment qu'on allait payer une bonne d'enfant uniquement pour surveiller un bâtard quand un elfe suffirait ? Elle est multitâche, tu sais. Tu ne devines pas ? Avec sa réputation, c'est assez évident, pourtant… »
Neville commençait à voir où Malefoy voulait en venir. Ce dernier ne se taisait pas.
« T'en as jamais profité ? Je croyais que tout Gryffondor lui était passé dessus…
- Ta gueule, Malefoy, grinça Neville.
- Donc apparemment, tu n'as pas pu goûter à ses... disons, charmes. T'as eu tort de te priver, tu sais. C'est un délice, de la débauche à l'état pur. »
S'il souriait, son regard était glacial. Il prenait un malin plaisir à les mettre mal à l'aise l'un avec l'autre.
Neville sentait son monde vaciller : Lavande, celle qu'il connaissait depuis tant d'années, sa douce et jolie Lavande, celle qui lui avait donné son premier baiser l'année précédente, l'unique amie qui lui restait à Londres, Lavande et Malefoy…
« Brown, il semblerait que ton rendez-vous galant soit gâché, continua Malefoy en posant une main possessive sur le genou de Lavande. Maintenant que ton ami sait tout, il aura peut-être du mal à faire comme si de rien n'était. Je parie qu'il nous imagine en train de te baiser à tour de rôle. »
Neville n'avait jamais entendu Malefoy être aussi vulgaire. Mais les mots ne créaient rien dans sa tête : il ne voyait que le regard fixe de Lavande, ses joues pâles, ses cheveux décoiffés.
Malefoy se leva et réarrangea sa tenue.
« Décidément, Londubat, tu n'auras que des miettes. Brown, dans une demi-heure au Chaudron. Ne sois pas en retard, il y a des limites à ton impertinence. »
Malefoy quitta la place, apparemment très heureux d'avoir lancé ce sujet sur le tapis.
Neville observait Lavande, en face. Elle touillait rageusement sa tasse, les sourcils froncés.
Un temps passa dans un silence pesant.
« Pourquoi…
- Tais-toi, Neville. Je ne veux pas qu'on en parle. »
Ils retombèrent dans le silence. Neville tendit le bras et lui toucha la main. Lavande retira sa main à peine ses doigts eurent-ils frôlé ceux de Neville.
Il avait beau ne pas être un expert en psychologie féminine, il savait qu'elle était blessée. Il se sentit obligé de reprendre :
« Lavande, je suis désolé. »
Lavande hocha la tête. Des larmes étaient coincées sous ses paupières, comme si elles refusaient de dévaler les joues de la jeune sorcière.
« J'ai le pouvoir. »
Neville ne comprit pas, mais il ne posa aucune question.
« Il te l'a dit. Je suis bonne au lit. Au moins un domaine où je m'en sors, ricana-t-elle. Ils me veulent. Ils m'auront. Mais ils paieront le prix fort. »
Neville ne savait pas quoi dire. Il savait qu'elle ne voulait voir dans ses yeux ni dégoût ni pitié.
Le temps qu'ils prirent pour avaler leur dessert, l'appétit coupé, ils le passèrent en silence. Lavande se remit à parler quand le serveur posa devant elle une tasse de thé fumante.
« Ils ont fouillé ma tête. Ils ont vu tous mes secrets. Ils voulaient savoir si j'étais fiable, s'ils pouvaient me faire confiance. Ils ont tout vu. »
Ses larmes se mirent à dévaler sur ses joues. Elle n'en était que plus belle. Neville comprit pourquoi Malefoy voulait lui faire du mal : anéantie de tristesse, Lavande était sublime.
« Ils s'appuient sur ce qu'ils ont vu pour m'humilier. Ils ont vu mes plus grandes hontes. Ils ont vu ce qui me plaît, ce qui me fait craquer, ce dont j'ai peur... »
Neville ne sut pas quoi dire.
« Lavande, je… Il est quatorze heures, je vais devoir y aller. »
Il se leva et la prit dans ses bras, sans tenir compte du mouvement de recul instinctif qu'elle avait eu. Il lui chuchota à l'oreille :
« Ça ne change rien. Tu restes la même. »
Elle se détendit imperceptiblement.
« Ils ne m'auront pas. Ils pensent me posséder, mais ils ne me toucheront jamais. »
Neville n'insista pas. Il songeait encore à cette conversation quand il retourna aux bijoux de Parkinson.
Il termina sa journée sur les rotules : il n'avait qu'une seule envie, rentrer chez lui.
Il habitait en colocation avec les jumeaux Weasley, au-dessus de leur magasin de farces et attrapes. Il avait appris qu'Harry avait financé le lancement de Weasley, Farces pour sorciers facétieux. Les jumeaux lui faisaient donc payer un loyer misérable, puisqu'il fallait s'entraider entre anciens membres de l'A.D.
La boutique des jumeaux était encore ouverte, les clients encore là. Neville entra par la grand-porte.
« Salut Neville, l'accueillit George.
- Salut. Je monte, je suis crevé. »
Il adressa un signe de tête à Fred, passa par la porte de l'arrière-boutique et monta quatre à quatre les escaliers.
Une fois sa porte claquée, il respira. Une branche lui frôla la tête pour lui souhaiter la bienvenue. Sa chambre se transformait en serre. Neville posa son sac et se mit à chérir ses plantes, les arroser, leur parler, caresser leurs feuilles. Ce rituel l'apaisa peu à peu. Il repensa à Lavande et à ce qu'il avait appris, à Parkinson et sa menace, comme si elle acceptait une faiblesse qu'il ne fallait absolument pas mettre à jour. À Malefoy et sa luxure malsaine et nuisible. Aux gobelins avec lesquels il travaillait et qu'il ne pouvait pas supporter. À Teddy Lupin, qu'il ne connaissait pas mais dont il se sentait quand même responsable, comme s'il s'auto-désignait comme parrain du gamin.
Les mains dans la terre, à soulever des racines, Neville trouva le calme. Il faillit rater la présence de Gnaa, sa chouette.
« Alors Gnaa, du courrier ? »
Il lui offrit un lambeau de chair crue et détacha le message de sa patte.
Une lettre de Ginny.
Des nouvelles de Poudlard.
Les mots lui sautèrent aux yeux.
Crockdur et son fils Romain ne sont pas revenus. Le ministère n'a jamais aimé les gros chiens. Nul ne sait où ils sont. J'ai ma petite idée : souviens-toi de la conversation que nous avions eue avec Crock l'année dernière.
Ginny codait ses lettres : pas folle, la guêpe. Crockdur renvoyait sans hésitation à Hagrid. Pour le fils Romain, Neville fit appel à ses quelques notions de latin qu'il possédait : « fils » en latin se disait filius.
Ainsi, Hagrid et Flitwick n'étaient plus à Poudlard : la politique anti-hybride du gouvernement avait enfin touché l'école de magie. Hagrid leur en avait en effet parlé l'année précédente : il réfléchissait à aller se planquer en France, à Beauxbâtons. Peut-être avait-il emmené Flitwick dans ses bagages.
Neville ne s'inquiéta pas outre mesure pour ses deux anciens professeurs : après tout, ils étaient capables de s'en sortir. Et s'ils avaient été attrapés par les Rafleurs, ça se serait su.
Ginny avait l'air d'aller bien. Ou en tout cas, pas trop mal. Elle travaillait énormément en métamorphose, sa matière préférée. Heureusement que Luna n'était plus à Poudlard, songea Neville ; elle n'aurait pas pu prendre Soins aux créatures magiques pour ses ASPIC, puisque les cours étaient annulés à cause de l'absence de professeur. Les sortilèges étaient assurés par Marcus Flint, inexplicablement rapatrié à Poudlard pour enseigner.
Personne à part Celui-dont-on-voudrait-péter-la-gueule n'aurait pu nommer Flint professeur. Il était mauvais, et pas que scolairement.
Au moins, comme il est incapable de lancer un sortilège correct, il ne fera pas de blessé grave.
Neville relut la lettre deux fois, pour être sûr de conserver en mémoire le plus longtemps possible les mots de son amie, puis :
« Incendio. »
Le parchemin s'embrasa, Gnaa cligna des yeux pour ne pas être éblouie.
Les mots de Ginny resteraient les siens propres.
Neville avait pris cette habitude très tôt. Ne pas laisser de trace. Aucune. Ces chiens de Mangemorts étaient de vrais pisteurs. Autant ne pas leur lancer d'os. Il raconterait aux jumeaux ce que lui avait rapporté Ginny.
Comme Gnaa était revenue, il écrivit une note rapide à sa grand-mère pour lui poser des questions à propos des bijoux de Parkinson : pourquoi cette face de bouledogue voulait-elle avoir des bijoux sangs-purs ? Était-il possible de falsifier des bijoux ? Neville travaillait sur les bijoux gobelins et connaissait les principales maisons de fabrication de bijoux. Leurs œuvres étaient normalement impossibles à contrefaire. Pourquoi cette hantise ?
Gnaa dormait dans sa cage. Neville versa de l'eau dans sa gamelle et quelques graines de courge en guise de friandise. Elle partirait dès qu'elle serait réveillée.
L'heure avait tourné. Neville descendit les escaliers et gagna la cuisine. Fred y était déjà.
« Alors, cette journée ?
- Pire que tout, répondit Neville en se servant un verre d'eau. J'ai repéré deux broches plaquées or, on devrait pouvoir les faire disparaître.
- À combien ?
- Pas de facture gobeline, donc à trois cents. Mais faudra payer Grimlen.
- Ton patron ?
- Mon sous-patron.
- Ça devrait pouvoir se faire. On a reçu une cargaison d'oréichalque, il pourrait être intéressé. »
Neville hocha la tête. Il avait rechigné une semaine avant d'entrer dans le commerce illicite que menaient les deux Weasley. Le Ministère avait renforcé les contrôles douaniers. Les substances rares dont les jumeaux avaient besoin pour fabriquer leurs produits étaient dorénavant introuvables. Enfin, introuvables pour qui ne voulait pas passer par des chemins détournés. Les jumeaux n'avaient pas ce scrupule.
« L'oréichalque va se vendre à prix d'or. Les mines du Maroc ont été fermées, on l'a fait venir du Sénégal. Et on attend toujours notre poudre d'obscurité instantanée du Pérou. Si tu entends parler d'une livraison, fais-nous signe. Je pense que notre fournisseur nous a doublés. »
Voilà le deal : Neville laissait traîner ses oreilles chez les gobelins, Fred et George lui fournissaient des plantes rares.
« Et pour ma serre ?
- Je pense que ça va être faisable. Je t'avoue que les tarentules qui me chatouillent quand je prends ma douche ont été un argument parfaitement recevable. »
Enfin une bonne nouvelle.
Depuis trois semaines, Neville voulait installer une serre sous les combles. Ses colocataires étaient réticents, mais comme les plantes de Neville squattaient dorénavant la salle de bain, il devenait urgent de trouver un endroit adéquat pour les recevoir.
Neville s'assit et saisit l'exemplaire de la Gazette qui était sur la table.
« C'est celle d'aujourd'hui ?
- Ouais, c'est papa qui nous l'a apportée. »
Neville se mit à la lire attentivement. Personne de connu à la rubrique mortuaire. On n'annonçait même plus les morts chez les Moldus. Quant aux évasions d'Azkaban, l'autre rubrique que Neville avait toujours lue avec attention, cela faisait belle lurette qu'elle n'apparaissait plus : on n'indiquait plus les noms des personnes mises en prison, ni ceux des personnes qui sortaient de prison.
C'était en bas d'une page, dans un coin, dans une police si petite qu'il aurait pu ne jamais y prêter attention. Un entrefilet minime. Deux lignes.
« Dans la forêt de Sherwood aurait été aperçue une femme aux cheveux blonds. Démence assurée. Dangerosité absolue. Si vous l'apercevez, prévenez le Ministère et conservez la plus grande prudence. »
Luna était en vie.
