Chers lecteurs,
Nous ne résistons pas, Nictocris et moi, à vous livrer aujourd'hui (tard), la suite de la Divine tragédie. Elle a corrigé le chapitre suivant, il ne devrait pas tarder.
Ce soir, petit rating K (voire K-) : petit interlude au bal des sorciers.
Portez-vous bien, gelez bien, à bientôt,
Al & Nicto (incroyable)
PS : Réponses aux commentaires, as always :
Kcaraetmoi : toujours un plaisir de voir que ça te plaît. pour le style... sache que nicto et moi passons parfois trois heures sur une conjonction de coordination. ça me fait d'autant plus plaisir comme remarque ! merci pour ta review !
Patfol le S : et celui là presque en avance.
« Un vertige, puis le silence. » Kyo, une Dernière danse
Neville s'observa dans le miroir et revit son jugement. Dans cet accoutrement, il n'était pas mal barré, comme il le pensait : il était minable. Non seulement sa robe suivait la mode de l'année précédente, mais comme il avait encore grandi, ses chevilles dépassaient de l'étoffe. Ses chaussures passaient, pas trop râpées, mais sa cape était si élimée qu'on voyait le bout de ficelle qui bordait l'ourlet. Et dire que Grimlen refusait de le payer avec deux jours d'avance ! Il ne pouvait même pas s'acheter de quoi s'habiller proprement.
Il imaginait déjà les remarques acerbes de Parkinson. Parce qu'elle serait là, à n'en pas douter. Les soirées au Renard Doré étaient prisées par tous les Sangs-purs que l'Angleterre comptait sur ses terres. Les plus riches paradaient, les moins fortunés se faisaient petits dans les nombreux angles de la salle de réception du Renard, et les gars comme lui, venus sans cavalière et sans héritage, se devaient d'avoir l'air bien soumis comme il faut et respecter les invités plus titrés qu'eux. Et Merlin savait que Parkinson était titrée !
« Le jeune maître a besoin d'aide ? »
La voix aigrelette de Cupofty le tira de ses réflexions. Avait-il besoin d'aide pour passer pour un péquenot et un lâche ?
« Non, Cupof, tu peux te retirer.
- Le jeune maître est très beau comme ça, ajouta le vieil elfe avant de disparaître dans le couloir.
- Ta servitude t'aveugle. » ronchonna Neville, toujours sceptique quand à sa tenue.
Il tourna sur lui-même, guettant d'autres imperfections dans le tissu.
« Garde la tête haute, surtout. »
Neville leva les yeux et croisa ceux de sa grand-mère dans le miroir. Elle était glissée dans le chambranle de la porte, presque menue dans sa robe rouge ardent.
« Y a pas moyen d'être tranquille dans cette maison ?, grinça Neville. Tu es très belle dans cette robe. » ajouta-t-il pour faire bonne mesure.
Sa grand-mère avait renoncé à son chapeau surmonté d'un vautour empaillé. En revanche, elle tenait bien à la main son sac à main de couleur criarde, qui jurait avec sa robe. Mais Neville s'abstint de faire un commentaire, de peur de blesser sa grand-mère.
« Et toi tu es affreux. »
Eh bien, elle, elle ne prenait pas cette peine.
« Quitte à te faire remarquer et à provoquer tous les Sangs-purs que nous allons voir ce soir, tu n'as qu'à mettre les frusques moldues que tu adores tant. À défaut d'être à la mode, tu auras du style. »
L'idée n'était pas mauvaise. Il commença à déboutonner sa robe :
« Grand-mère, tu peux te retourner, s'il te plaît ?
- Tu es ridicule, grogna sa vieille dame préférée. Je t'ai déjà vu tout nu.
- J'ai plus trois ans, mémé. »
Il reçut en ricanant le coussin que sa grand-mère fit valser jusqu'à lui.
« Je t'attends dans le salon pour transplaner. »
Neville soupira : depuis qu'il avait vu Ginny, ça allait mieux. Depuis qu'il avait pu raconter ce qu'il avait vécu, il respirait mieux, il arrivait à gonfler ses poumons sans ressentir la gêne qu'il ressentait habituellement quand il le faisait. Il fit passer le vêtement au-dessus de sa tête et enfila un pantalon noir et une chemise rose. Il farfouilla dans un tiroir à la recherche d'une ceinture et n'en trouva pas : comme il ne se sentait pas assez en confiance pour métamorphoser une corde en ceinture respectable, il se rabattit sur des bretelles sobres. Il enfila une veste récupérée dans une friperie moldue qui lui élargissait les épaules : il en aurait besoin pour affronter ses anciens congénères.
L'image dans le miroir le convainquit beaucoup plus. Sa grand-mère avait raison, comme d'habitude.
Il rangea sa baguette dans sa poche et descendit les escaliers.
« Allez, dépêchons. »
Neville lâcha un maigre sourire à sa grand-mère : elle ne voulait plus transplaner depuis un bon bout de temps, et depuis qu'il avait son permis, bien qu'il ne fût jamais sûr de ne pas les désartibuler, il se forçait à transplaner régulièrement pour ne pas perdre le pli et dépanner sa grand-mère.
Il lui saisit le bras et l'observa se redresser, prendre un air pincé et relever la tête, altière. Elle était toujours plus froide en société que ce qu'elle était réellement.
Neville aurait tellement aimé hériter ça d'elle.
Ils atterrirent dans le hall d'accueil du Renard Doré.
« Bienvenue ! Veuillez présenter vos preuves de sang, s'il vous plaît. »
Neville tendit sa montre au majordome qui venait de les accueillir. Un dédain furtif apparut sur les traits de l'homme : eh non, les Londubat n'avaient pas d'armoiries ! Le majordome marmonna un sort en pointant sa baguette sur la montre. Une lumière chancelante éclaira brièvement la montre et un chiffre fumeux apparut au-dessus de la montre. Un reniflement approbateur permit à Neville de passer.
« Nous n'avons pas toute la soirée, râla sa grand-mère en tendant une broche dorée au majordome pour qu'il procède à l'authentification. Je détesterai être mise en retard pour une broutille. »
Le majordome procéda à la même manœuvre et parut satisfait du résultat. Il ouvrit la porte et annonça, grandiloquent :
« Mrs Augusta Darkson, épouse Londubat, Sang-pur depuis sept générations. Mr Neville Londubat, Sang-pur depuis six générations. »
Neville ne tiqua pas : deux ou trois Nés-moldus se baladaient du côté de sa mère. Ils entrèrent dans la salle de réception du Renard Doré.
Lorsque Neville pénétra dans la salle de bal, il tangua légèrement : elle lui donnait le vertige. Tout était inconstant, changeant, presque comme une illusion. Par un subtil mélange de miroirs et de magie, la salle paraissait s'étendre à l'infini. Des arbustes et des fontaines de cristal déambulaient parmi les invités, proposant ainsi des fruits frais et des boissons élégantes. La lumière mouvante était produite par des milliers de petits oiseaux lumineux comme des flammes qui volaient inlassablement entre des branches de bois doré flottant sur la salle. Le plus déstabilisant était le sol qui semblait de glace à travers lequel on voyait de grosses carpes phosphorescentes courir entre les nénuphars.
Augusta enfonça fermement ses ongles dans le bras de son petit fils pour lui rappeler de se tenir en public. Neville se reprit et guida sa grand-mère d'un pas plus assuré jusqu'aux tables rondes le long de la piste de danse où des rombières de tous âges qui tripatouillaient leurs thés en marmottant des potins sur les futurs mariages sang-pur.
Neville savait que sa grand-mère détestait les vieilles rombières. Il savait qu'il y aurait Janet Goyle, Persephone Malefoy, Elizabeth Greengrass, et toutes ces marieuses à la petite semaine qui décidaient, pour un coup d'œil mal placé ou un coffre mieux rempli, des unions sorcières. Et si Augusta Londubat voulait garder une oreille dans ces histoires, elle devait se prêter au jeu.
Sa grand-mère trébucha au moment où elle arrivait à la table.
« Quel empoté ! Et dire que c'est mon unique descendant, et qu'il donnera le nom de feu mon mari à sa progéniture ! »
La voix aiguë qu'elle affectionnait en bonne société passa au-dessus de la tête de Neville. Il n'eut aucun mal à rougir et à avoir l'air confus, comme s'il avait réellement fait trébucher son ancêtre.
« Apparemment, sa maladresse ne l'a pas empêché de dégotter quelques ASPIC, nota une vieille.
- Pour se trouver femme, c'est plus handicapant, ricana une autre.
- Surtout quand on sait qu'il ne peut prétendre qu'à la fille Lovegood et qu'elle a disparu dans la nature.
- Et qu'elle n'a jamais été un parti respectable. Elle vit dans un taudis ! Enfin, vivait…
- Et sa mère qui est morte en faisant des expérimentations stupides ! »
Les médisances n'avaient même pas attendu le départ de Neville pour renaître sur toutes les lèvres. Il s'éloigna à grands pas.
Luna…
Une voix résonna dans l'immense pièce.
« Miss Pansy Parkinson, Sang-pur depuis onze générations. »
Neville se tourna vers l'entrée.
S'il avait toujours trouvé que Parkinson s'habillait avec un goût certain (il pouvait lui reconnaître ça), elle s'était cette fois surpassée. Sa robe bleu nuit laissait voir ses jambes démesurément longues et ses chaussures dorées sur le devant, mais se terminait sur une courte traîne qui accompagnait sa démarche aguicheuse. Le corsage, très près du corps, montait jusqu'à son cou, qu'il entourait d'une large bande de tissu et d'une très fine chaîne dorée. Il devinait qu'elle avait tout misé sur un dos en dentelle mais il fut surpris quand il découvrit son dos parfaitement nu dans lequel pendait une chaîne qui s'arrêtait juste au creux des reins. C'était le seul bijou qu'il ne reconnaissait pas de l'authentification qu'il avait faite. Il eut une pensée furtive pour le collier massif au coffre gobelin qui aurait gâché la légèreté de la tenue. Ainsi, les bijoux qu'il avait étudiés avaient permis de prouver la pureté du sang de Parkinson. Si sa lignée remontait presque jusqu'aux Fondateurs.
La voix continuait :
« Mr Drago Malefoy, Sang-pur depuis huit générations. »
Neville reconnut la tête blonde et l'air hautain de l'ancien Serpentard.
« Mr Gregory Goyle, Sang-pur depuis sept générations. Mr Vincent Crabbe, Sang-pur depuis quatorze générations. »
Crabbe avait la plus vieille ascendance. Ou la plus longue consanguinité.
Ça peut expliquer que ce soit le plus débile.
Les quatre nouveaux venus s'avancèrent dans la pièce comme s'ils étaient les rois du monde. Et ils l'étaient, sans aucun doute. Parkinson rayonnait, Malefoy étincelait, Goyle impressionnait et Crabbe était presque beau.
Neville guetta une tête connue dans l'assistance. Trop de monde. Il n'arrivait pas à reconnaître qui que ce soit. Il errait dans la salle, perdu, faisant fi des murmures qui s'intensifiaient sur son passage. Il trébucha sur quelque chose. Il aperçut un éclair roux disparaître entre les jambes des invités. Neville se demanda s'il venait d'apercevoir pour la première fois le propriétaire des lieux : Uto. Tout ce qu'il savait de lui se résumait à des rumeurs parfois contradictoires. Uto pouvait être un renard légendaire qui prenait forme humaine, ou peut-être le dernier sorcier d'une lignée maudite. Parfois, il était une femme renarde condamnée à errer sur Terre, voire un roi moldu qui possédait un pouvoir divin. D'autres fois, il était un Sang-pur japonais qui réglait ses comptes au katana et à la baguette.
La seule chose que Neville pouvait affirmer, c'est que, de mémoire sorcière, il recevait depuis toujours le bal d'Halloween dans son hôtel et que si c'était lui qui avait créé cette salle, il était puissant et insaisissable. Quant à savoir s'il fallait le compter parmi les bons ou les méchants, il ne se hasarderait pas à choisir.
D'ailleurs, qui sont les bons et les méchants ?
« Mrs Jodaya Kota, épouse Zabini, Sang-pur depuis huit générations. Mr Jason Mamao, Sang-pur depuis sept générations. Mr Blaise Zabini, Sang-pur depuis quatre générations. »
Neville ne lisait pas le bottin-malin mais il savait que l'entrée du couple Kota-Mamao allait alimenter les articles et les commérages pendant plusieurs années. La mère de Zabini portait un vêtement que Neville avait aperçu dans des vitrines moldues : une combinaison noire avec un décolleté tombant jusqu'à son estomac qui reflétait les lumières mouvantes de la salle de bal. Son compagnon, un Haïtien massif, était vêtu d'un simple pagne richement brodé qui mettait en valeur la couleur de sa peau et sa musculature bien dessinée. Son torse et ses bras étaient, quant à eux, uniquement ornés de bijoux aux reflets cuivrés.
Même s'il était lui aussi vêtu à la mode moldue, en smoking blanc, Zabini semblait sage en comparaison du couple. Il se dirigea d'un pas vif vers ses comparses. Neville l'observa rouler une pelle monumentale à Parkinson. Ça ressemblait plus à un avertissement pour tous les mâles en manque d'amour de la salle qu'à une véritable preuve d'affection.
Les invités continuaient d'arriver au compte-goutte, avec chaque fois énumération de leur rang.
« Miss Hannah Abott, Sang-pur depuis dix générations. Mr Ernie McMillan, Sang-pur depuis cinq générations. »
Neville poussa un soupir de soulagement instantané. Enfin des têtes appréciées ! Il les rejoignit.
Le visage d'Ernie s'illumina en voyant Neville et Hannah lui adressa son plus charmant sourire.
« Alors, comme ça, tu as réussi à te libérer ?
- Oui, fort heureusement. Et Hannah a accepté de m'accompagner. »
Neville acquiesça : il avait compris le sous-entendu. En s'affichant comme cavalière d'Ernie, Hannah annonçait qu'elle n'était plus sur le marché des filles à marier. Elle aurait donc la paix pendant le bal.
« J'espère que tu me laisseras l'inviter pour une ou deux danses.
- Avec grand plaisir. »
Neville échangea un clin d'œil avec Hannah. La jeune femme portait une robe beaucoup plus sage que celle de Parkinson, mais tout aussi jolie. De larges fleurs s'épanouissaient sur la jupe et le bustier ressemblait à deux énormes pétales d'amarante.
« Susan ne sait pas si elle viendra. Elle est toujours sans nouvelle de Justin, ça l'inquiète. »
Neville essaya de garder un air impassible. En une phrase, en un prénom, Hannah, inconsciemment, lui avait rappelé sa culpabilité.
« Justin a disparu ? » tenta-t-il.
Au moins, ta voix n'a pas tremblé…
« On n'a pas de nouvelle depuis au moins un mois, commença Ernie. On…
- Pas ici. » coupa froidement Hannah.
Ils devaient partager la même paranoïa que lui, songea Neville.
« Et ton boulot te plaît ? » lança Hannah.
Elle devait essayer de changer de sujet de conversation, songea Neville. Elle était décidément aussi vive que dans ses souvenirs.
« Joaillier chez les gobs ? Sans plus. Et vous, vous faites quoi ?
- Je suis en apprentissage à la Gazette, avoua Hannah, rougissante. Je sais que ce n'est pas la meilleure source d'informations, mais c'est ce qui me permettra d'avoir les meilleures références pour être journaliste.
- Ne te justifie pas, la coupa Ernie. Il faut bien vivre. Et puis tout ce que dit la Gazette n'est pas faux. »
Et ça leur faisait une tête connue chez l'ennemi, songea Neville. Mais ça, il ne dit pas. On prenait rapidement l'habitude de se taire. Encore plus dans un repaire de Sangs-purs pour la plupart ex-Serpentard.
Il observait Hannah du coin de l'œil : il l'avait toujours trouvée extrêmement jolie, et la voir au bras d'Ernie relançait une vieille jalousie. Dans un monde parfait, sans Celui-dont-ne-pouvait-même-pas-penser-le-nom, il serait allé voir Hannah, lui aurait fait une déclaration romantique sur le lac de Poudlard et l'aurait épousée, tout ça en réussissant à être professeur de botanique dans son école préférée. Mais la réalité était bien plus prosaïque : Hannah venait accompagnée pour éviter les mains baladeuses des célibataires et s'inquiétait pour son ami Justin, dont l'assassin se trouvait face à elle.
Pas la situation idéale pour draguer…
« Vous trouvez pas que ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus ? On se refait une petite bouffe un de ces jours ? »
La proposition d'Ernie arracha un demi sourire à Neville. Il avait parfaitement compris son besoin d'isolement pour discuter tranquillement.
« Je suis partant, répondit-il. Ça me fera du bien de voir d'autres personnes que des gobelins ou ma grand-mère. »
Hannah ajouta :
« On en profitera pour parler d'investissement de gallions. Je réfléchis à un placement. »
Neville comprit immédiatement le sous-entendu. Reformer l'A.D. Reformer son mouvement souterrain – car c'était bien devenu leur mouvement, à Luna, Ginny et lui, l'année précédente, ce n'était plus le mouvement d'Harry – et reprendre le combat, hors école. Faire honneur à cette formation : ce qu'ils avaient appris durant ces cours de défense devait servir à l'extérieur.
« Faudrait voir si d'autres amis sont intéressés par cet investissement, répondit Ernie. On doit pas être les seuls à vouloir bouger les choses.
- Investir dans quoi ? Ça pourrait m'intéresser. »
Encore cette voix… À croire qu'elle s'incrustait partout.
« Je ne suis pas convaincu que ça branche les sorcières dans ton genre, répliqua Ernie, acerbe.
- N'essaie même pas de savoir de quel genre je suis, riposta Parkinson, et laisse-moi seule juge de mes centres d'intérêt. »
Ernie grimaça, apparemment vexé d'avoir été mouché aussi vite. Neville rit sous cape : elle était aussi rêche avec Ernie qu'avec lui.
« Si vous en parlez ouvertement au Renard Doré, c'est que vous supputez que d'autres sorciers pourraient être intéressés. Je m'intéresse donc. »
Neville détailla malgré lui Parkinson : son regard étincelait, ses narines palpitaient. De colère ? D'irritation ? Les mettait-elle en garde ?
Qu'avait-elle entendu ?
« Où sont tes cavaliers ? Ils ont trouvé plus convenable que toi pour danser ? »
La question de Neville était destinée à changer de sujet de conversation. Cela eut l'effet escompté.
Si l'on considère que Parkinson est capable de tomber dans le panneau…
« Ils ont surtout trouvé le club des cigarillos. » répondit Parkinson en reniflant de dédain.
Uto proposait, lors de ses bals, une sélection de cigares magiques de qualité supérieure. Il était de notoriété acquise que fumer un cigare était le chic absolu. Tous les partages de biens, les jeux de pouvoir et les faveurs des femmes se décidaient dans le fumoir. Il n'était guère étonnant que Malefoy et ses comparses fussent en train de s'acquérir un nom.
Neville décida de tenter la chance :
« Les monstres… Abandonner une aussi jolie sorcière au rôle de tapisserie ? Ils devraient avoir honte…
- C'est bien pour ça que tu devrais m'inviter, Londubat. »
Oups. Coincé.
Hannah étouffa un hoquet de surprise. Selon les convenances sang-pur, Neville était contraint d'accepter : on ne se refusait pas à une dame.
« Avec grand plaisir, mademoiselle. » répondit Neville en singeant une révérence.
Il lui saisit la main et l'entraîna sur la piste pour un rock qui promettait d'être rude.
Contre toute attente, Parkinson était bonne cavalière. Elle se laissait guider sans problème : Neville tenta bien deux trois passes pour la déstabiliser, mais elle ne parut pas s'en formaliser. Neville se débrouillait plutôt bien : Lavande et Parvati l'avaient suffisamment torturé en salle commune pour qu'il maîtrisât la plupart des passes courantes. Danser avec Parkinson, c'était une autre affaire : elle n'avait pas cette complaisance dont avaient pu faire preuve ses deux amies, mais elle se pliait sans rechigner aux erreurs de Neville.
La musique changea pour une valse, et Parkinson se rapprocha instinctivement de Neville, au point de poser presque sa tête sur son épaule.
« On n'est pas obligés de danser ça, murmura Neville dans l'oreille de sa cavalière.
- Ça te perturbe d'avoir une jolie fille dans tes bras, Londubat ?, roucoula Parkinson. Je pensais que nous en avions fini avec ce genre de situations. »
Pour une fois, aucune réplique ne parvint à Neville des tréfonds de son cerveau : Parkinson était sublime, c'était impossible de trouver une insulte bien sentie ou une remarque malfaisante. Il repensa à Parkinson étalée sur lui dans son bureau à la joaillerie.
En effet, ils en avaient fini avec ces enfantillages.
« Pourquoi voulais-tu danser avec moi ? Tu ne serais pas venue me voir sans une idée derrière la tête.
- Enfin, tu utilises tes neurones, Londubat. Fais attention à pas faire une crise de catatonie, t'es tellement pas habitué. Parler de ton armée de losers en pleine assemblée sang-pur attachée au Seigneur des Ténèbres, c'est pas le truc le plus intelligent que t'aies fait… »
Parkinson en avait donc bien entendu plus que ce qui était prévu.
« Bon, ok, j'ai compris, ronchonna Neville. Mais ça me dit pas pourquoi tu danses avec moi.
- Je veux montrer à Blaise ce qu'il rate. »
Parkinson s'était encore plus rapprochée de lui. Il pouvait sentir contre lui le tissu vaporeux qui enveloppait la sorcière.
Ce n'était pas de l'érotisme, convint un coin obscur de son cerveau. C'était autre chose, quelque chose d'indéfinissable. Quelque chose de dangereux, de sensuel, de venimeux, de mystérieux, d'inquiétant. Quelque chose qu'il avait déjà vu à Poudlard, lorsque Parkinson et son équipe de pétasses poursuivaient les membres de l'Armée de Dumbledore. Toujours coincée entre pouvoir, manipulation, fausse innocence et honnêteté ponctuelle.
Bref. C'était Parkinson.
« Quel est le problème avec Zabini ? »
C'était absurde d'essayer de faire la conversation à Parkinson, mais ça le mettait encore plus mal à l'aise de se taire avec la jeune fille aussi proche de lui. Il fallait combler.
« Il ne se déclare pas. En dansant avec toi, je lui rappelle que je suis toujours sur le marché, qu'il n'y a rien d'officiel entre nous et qu'il a intérêt à réagir rapidement s'il me veut comme épouse avant qu'un autre célibataire plus titré fasse sa demande à mon père. »
Le raisonnement de Parkinson se tenait, comme d'habitude. Elle avait un esprit de stratège extrêmement aiguisé.
« Et je sais que tu ne te feras pas d'idée matrimoniale si je t'invite à danser. Tu es, somme toute, le cavalier parfait pour rendre un homme jaloux.
- Tu m'utilises, n'est-ce pas ? »
Parkinson leva la tête et planta son regard sombre dans celui de Neville :
« Tu payes ta dette. Ça rattrape le jour du quai. »
Elle était venue discuter avec lui. Elle avait prouvé qu'il était fréquentable. Elle avait éloigné les regards réprobateurs des autres. En quelque sorte, elle l'avait protégé de l'opprobre populaire.
En quelque sorte, il la protégeait d'autres prédateurs du Renard Doré.
« En gros, si je t'accorde toutes mes danses jusqu'à ce que Zabini sorte du fumoir, ça t'arrange ?
- Tu comprends finalement plus vite que ce que je croyais. Tu en viendrais presque à m'épater. »
Elle reposa sa tête contre son épaule, dans un geste qui aurait pu paraître amoureux à toute personne ne les connaissant pas. Neville la serra plus contre lui. Il sentit au frissonnement qui parcourut sa cavalière qu'elle aurait voulu reculer et s'échapper. Mais, en agissant ainsi, elle aurait grillé sa couverture.
Elle était tout aussi coincée que lui. Cette prise de conscience le poussa à reconsidérer le rapport de force dans lequel il était engagé, malgré lui, avec elle.
« Qu'as-tu entendu de notre conversation ? » demanda-t-il.
Parkinson souffla d'exaspération contre lui. Elle avait dû sentir, comme lui, qu'ils étaient, bizarrement, égaux.
« Tu n'es pas capable de danser en silence ?
- Pas avec toi, désolé. Il faut bien que je me change les idées. »
Elle eut un bref ricanement, presque un jappement.
« Tu n'as pas à t'inquiéter pour l'instant, Londubat. Les informations te concernant ne coûtent pas encore assez cher pour que j'éprouve le besoin de vous vendre, toi et ta petite bande. Je garde ça en réserve. »
Tant qu'il restait un Gryffondor parmi d'autres, Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom n'en avait rien à foutre de lui. C'était presque insultant quand il pensait à tous les efforts demandés pour coincer Luna.
« En revanche, continua Parkinson, si tu as quelque chose concernant Weasley ou Granger, ou même Potter, je suis preneuse. C'est le genre d'infos qui peut t'acheter quatre titres de sang-pur en un claquement de doigts. »
Neville réprima une insulte. Ça ne servait à rien de créer un esclandre.
« C'est drôle, analysa Parkinson, plus je te vois, plus je trouve que tu te maîtrises de mieux en mieux. À croire que tu deviens un être civilisé, et que tu n'éprouves plus le besoin de te jeter tête baissée dans les insultes vaines et les bravades bravaches.
- Ce doit être ton influence. » répliqua Neville, lui arrachant de nouveau un aboiement en guise de rire.
Il n'empêche, elle avait raison. Il montait beaucoup moins rapidement sur ses grands hippogriffes, il gardait son calme beaucoup plus souvent. Des situations qui lui auraient arraché, l'année précédente, de hauts cris, ne récoltaient de lui qu'une tête baissée et des bougonnements assourdis.
À force de baisser la tête et de se méfier de tout, il avait restreint son caractère sanguin.
« C'est pas une devise Serpentard, ça ? Mieux vaut être un lâche vivant qu'un brave mort ? »
Parkinson ricana brièvement.
« Tu as bien raison, Londubat. À croire que tu vaux tes six titres… »
Neville détestait quand elle avait raison. Pourtant, qu'elle reconnût cette qualité lui apportait l'étrange sensation d'être sur la bonne voie, et bizarrement, ça le réconfortait.
Son regard fut attiré par une silhouette familière sur le bord de la piste.
« Zabini est revenu, à ce que je vois.
- Terminons la danse, ça lui fera les pieds. »
Cette fois, ce fut à Neville de lâcher un rire bref.
« Si tu me proposes de faire chier Zabini, qui suis-je pour te le refuser ? »
