Chers lecteurs,
ça faisait longtemps !
Cette fois, c'est rating M pour Mais-non-mais-c'est-pas-vrai. Vous pouvez arrêter la lecture à tout moment, je mettrai un petit résumé au début du chapitre suivant pour que vous ne ratiez aucune information.
N'oubliez pas que tout commentaire est bon à prendre et motive vos pauvres auteurs.
Portez-vous bien, écoutez Eminem, à bientôt,
Al
PS : réponse à Iri Kobrine : merci pour ton commentaire productif, j'ai corrigé !
« Je marquerai ton cou de mes visqueux suçons,
Pour pas que tu coures vers d'autres vices cochons. » Eddy de Pretto, Quartier des lunes
Le soleil entrait à pleins flots dans sa chambre, des lianes chatoyantes se promenaient de mur en mur, se trémoussant dans l'air saturé de poussière. Neville émergea.
Il devait être dix heures du matin, peut-être encore plus tard. Neville avait roupillé comme un bienheureux. Il tourna la tête et aperçut la cause de son sommeil si réparateur : une crinière rousse s'étalait sur l'oreiller.
« Gin… Réveille-toi. »
Ginny grogna en réponse. Neville ricana : il avait déjà pu s'apercevoir, l'année précédente, lors de ces matins ensuqués dans la Salle sur Demande, que Ginny au réveil était pire que Rogue. Il quitta son édredon, enfila rapidement un pull épais et descendit dans la cuisine.
« Ta nuit fut agréable ? »
Être agressé dès le matin par Fred Weasley ne faisait pas partie des activités favorites de Neville. Loin de là. Heureusement, George coupa court :
« Fais pas l'idiot, Fred. Neville n'est pas Harry. »
Encore une fois, il faut être un autre pour être désiré.
Ils avaient enfilé leurs robes de magasin et paraissaient rigoureusement identiques, si ce n'est le cache-oreille multicolore qui ornait les cheveux de George. Neville avait bien compris que leur magasin fonctionnait pour moitié grâce à leurs produits novateurs et pour le reste à leur charme conjoint.
« Allez, dépêche-toi. On ouvre dans dix minutes. » ajouta George en quittant la cuisine, laissant les deux garçons seuls.
Neville s'assit devant son bol de café, face à Fred qui continuait de ronchonner.
« Je te préviens, si tu la touches alors qu'elle est si fragile…
- C'est qui, elle ?, coupa la voix féroce de Ginny. J'espère que tu ne parles pas de moi dans mon dos. »
Fred se renfrogna sans oser répondre.
« Il reste du café ?, reprit Ginny.
- Sers-toi. »
Un silence ténu s'installa.
« Vous reformez l'AD ? »
La question de Fred les laissa pantois.
« Comment tu sais ?, demanda Ginny.
- On a toujours été des génies pour trouver les bonnes idées. On sait les reconnaître quand on en croise. »
Fred finit en trois lapées goulues son bol et leur lança en se levant :
« On en parle à la pause. »
Neville et Ginny déjeunèrent en silence, écoutant le son de la radio qui passait un air connu des Bizarr' Sisters.
« Dis-m'en plus sur Parkinson. »
La question surprit Neville.
« Pardon ?
- Elle te tourne autour, répondit Ginny. Tu as même dansé avec elle au Renard doré. Y a quelque chose de louche là dessous. »
Neville attrapa du pain et se beurra une nouvelle tartine en essayant de prendre un ton détaché :
« Elle sait que nous allons reformer l'AD. »
Un craquement lui fit lever les yeux. Ginny avait lâché son bol par terre.
« Quoi ? Elle sait qu'on va reformer l'AD ? Mais elle connaît tous les anciens membres ! »
Sa voix partit dans les aigus, ce qui n'était jamais bon signe, Neville le savait.
« Elle va nous vendre, c'est sûr et certain !
- Elle ne nous vendra pas. »
Neville fut étonné de se trouver si calme. Et pourtant, en l'énonçant, il s'était rendu compte qu'il était certain que c'était vrai.
« Tu en es sûr ? Tu prends tes rêves pour la réalité.
- On n'est pas l'Ordre. »
Et il ajouta pour faire bonne mesure :
« On ne vaut pas assez cher sur le marché mangemort. »
Les yeux de Ginny étincelèrent :
« On est tout aussi capables de les faire chier. »
Le silence revint. Il connaissait Ginny. Elle était déjà en train d'échafauder des stratagèmes pour refonder l'Armée de Dumbledore.
« Je pense qu'il va falloir trouver un nouveau leader. Pour remplacer Luna. »
Neville tiqua :
« On n'a pas besoin de la remplacer…
- Tu vois ce que je veux dire, reprit Ginny. Contrairement à l'Ordre du Phénix qui s'est effondré une fois Dumbledore mort, l'Armée de Dumbledore a toujours eu trois leaders. Avant, c'étaient Harry, Ron et Hermione. Puis toi, moi et Luna. Luna n'est pas là.
- Elle reviendra, gronda Neville.
- Libérons le poste par intérim, alors. »
Ginny ne paraissait pas le moins du monde ennuyée par la réaction de Neville. Elle avait une idée en tête et comptait l'appliquer. La détermination des Weasley aurait mérité une carte Chocogrenouille… Et pourtant… Elle proposait de faire comme si Luna avait disparu à tout jamais ! Elle avait perdu la tête : Luna allait revenir, c'était sûr.
Neville remarqua que ses mains tremblaient. La colère qui l'animait était celle des justes.
« Neville, calme-toi. »
La voix douce de Ginny dut heurter quelque chose de sensible en lui, puisqu'il sentit sa colère enfler encore plus.
« Luna…
- Est en cavale, coupa Ginny, imperturbable. Et quand bien même elle reviendrait…
- Quand bien même elle reviendrait, elle ne serait peut-être pas en état de reprendre la tête de l'Armée de Dumbledore. »
La nouvelle voix les coupa dans leur dispute imminente. Ils se tournèrent vers la porte.
« Je dérange ?
- Lavande ! »
Elle se précipita dans les bras de Neville. Il put voir l'air de dégoût qui traversa furtivement le visage de Ginny. Il savait que les deux filles étaient toujours restées en froid depuis que Lavande était sortie avec Ron. Elles étaient polies l'une avec l'autre, c'était tout. Ginny ne lui avait jamais pardonné d'avoir empêché le rapprochement Hermione-Ron. Et Merlin seul savait où en étaient ces deux-là…
« Comment t'es arrivée ici ? »
Neville roula des yeux en direction de Ginny. Elle n'avait pas à se montrer si froide !
« Les jumeaux m'ont fait passer par l'arrière-boutique. » expliqua Lavande dans l'épaule de Neville.
Elle avait amené avec elle une poussette branlante de laquelle parvenaient des gazouillis bambins.
« Tu as amené Teddy ?
- Teddy ? »
Ginny se leva d'un bond et saisit l'enfant dans ses bras, les larmes aux yeux :
« Teddy ! Comme tu as grandi ! »
Son air sérieux avait disparu, remplacé par une joie profonde. La voir avec le filleul d'Harry dans les bras était déconcertant. Comme si elle pouvait assurer le rôle d'Harry.
« Tu ressembles tant à ta mère… Comme tu es beau… » roucoula-t-elle en chatouillant Teddy.
Quelqu'un pourra donc lui parler de ses parents, finalement…
« Tu veux du café ? » proposa Neville à Lavande tandis que Ginny se rasseyait, l'enfant dans les bras.
Lavande, apparemment ravie d'avoir pu désamorcer l'inimitié de Ginny grâce au gosse qu'elle gardait, s'assit face à eux :
« Oui, je veux bien. »
Neville la servit, puis retourna à ses tartines et demanda :
« Que sais-tu sur Luna ?
- Une sombre histoire, répondit Lavande en posant ses mains autour de sa tasse pour les réchauffer. Mon maître s'en est vanté. »
Neville vit Ginny tiquer et combla le blanc :
« Malefoy. Si elle dit son nom, il apparaît. Tabou. » ajouta-t-il pour clarifier encore plus la situation.
Immédiatement, l'air pincé de Ginny disparut, remplacé par une mimique de compassion.
« Désolée… Ça doit pas être facile tous les jours.
- Non, surtout quand j'ai envie de le traiter de tous les noms. »
L'air blasé de Lavande indiquait clairement qu'elle ne pensait pas que sa situation pourrait s'améliorer. Neville tendit le bras et toucha sa main, pour l'assurer de sa présence et la réconforter un tant soit peu. Il vit passer l'ombre d'un reproche dans les yeux de Ginny, mais il ne voulut pas se préoccuper des états d'âme de son amie : les informations concernant Luna et le bien-être de Lavande étaient plus importants.
« Dis-nous tout. »
Lavande pinça des lèvres et lâcha :
« Luna est devenue un loup-garou. »
Le silence qui s'installa ne fut troublé que par les tic-tacs d'horloge. Une sombre colère se mit à irradier dans les entrailles de Neville. Luna, un loup-garou ?
« Qui l'a mordue ? »
Neville était presque étonné de s'entendre parler. Sa voix ne lui avait jamais semblé aussi grave. Ni aussi faible.
« Greyback lui-même, répondit Lavande dans un murmure.
- Je le tuerai. »
Au moment où il prononça ces mots, il sut qu'il avait fait un serment : Greyback mourrait de sa main.
« Avant de l'attaquer, réfléchis-y à deux fois, reprit Lavande. Un loup-garou devient plus fort à chaque fois qu'un nouveau loup rejoint sa meute. Greyback devient un sorcier vraiment puissant. Presque aussi puissant que Vous-savez-qui. »
Neville sentait sa tête lui tourner. Luna, mordue ? Ça expliquait que les Mangemorts fussent à sa recherche ! Selon eux, elle devait rejoindre les rangs de Greyback pour accroître encore, si c'était possible, sa puissance !
« Quand est-ce que c'est arrivé ? » demanda Ginny, la voix tremblante.
Elle avait le nez enfoui dans les cheveux roses de Teddy, comme si respirer son odeur de bébé avait le pouvoir de la maintenir droite.
« Il y a presque un an, chez mon maître. »
Ça rappelait vaguement quelque chose à Neville, comme s'il en avait déjà entendu parler. Il avait une impression de déjà-entendu.
« Les Malefoy tiennent Luna prisonnière ?, demanda Ginny, déjà prête à y aller.
- Tenaient, corrigea Lavande. Elle s'est enfuie. »
Neville ne se sentait pas surpris : mais où avait-il donc entendu cette information ? Il savait, avant que Lavande ne l'eût dit, que Luna avait été prisonnière chez les Malefoy. Qui le lui avait dit ?
« Elle a été mordue à Noël dernier peu après sa capture, et elle s'est enfuie pendant les grandes vacances.
- Comment sais-tu tout ça ? Si ça se trouve, Malefoy t'a menti. Ce serait pas la première fois qu'il se vante d'un truc qu'il n'a pas fait. »
La question de Ginny paraissait légitime. Pourtant, Neville sentit qu'il n'aurait jamais osé la poser. Et que la réponse n'allait pas lui plaire. Le silence l'assourdit encore un peu avant que Lavande reprît d'un ton décidé, presque bravache.
« J'ai osé tenir tête à mon maître une nuit. J'ai refusé de faire quelque chose qu'il me demandait.
- Quoi ? » demanda Ginny, curieuse.
Elle ne pouvait pas se taire ? Neville n'avait pas envie de connaître la réponse. Ni Lavande de la donner, vu son air réticent.
« Tu n'es pas obligée de tout nous dire. » coupa-t-il, pour éviter à Lavande de répondre.
Il se sentait mal : il aurait dû dire à Ginny que Lavande travaillait chez les Malefoy. Qu'elle s'occupait de l'enfant le jour et des hommes la nuit. Qu'elle était une domestique qu'on usait et qu'on abusait.
« On avait dit plus de cachotteries, cracha Ginny. J'ignorais que tu bossais chez les Malefoy et que tu t'occupais de Teddy. Tu nous caches quoi d'autre ? Tu sais où est Harry ? Où sont Ron et Hermione ? À quel point tes infos sont fiables ?
- Il y a des choses que je ne peux pas vous dire, répliqua sèchement Lavande. On me l'a interdit !
- Tu n'as donc aucun courage ? Braver un interdit, c'est pas un truc que t'as appris à Poudlard ? À croire que t'as jamais été une Gryffondor ! »
Ginny était hors d'elle, songea Neville. Il comprenait son irritation : elle avait toujours trouvé Lavande cruche et niaise, quand ce n'était pas juste stupide. Mais elle était loin d'imaginer ce que Lavande endurait.
Le regard de Lavande se durcit instantanément et Neville eut envie de détourner les yeux.
« Au cas où ça ait pu t'échapper, je ne suis plus à Poudlard, vois-tu. Quand un Mangemort te fait comprendre que tu es chanceuse qu'il te viole, lui, et pas un autre, tu fermes ta gueule. Quand il en arrive à te faire te sentir désireuse d'être violée uniquement par lui, parce qu'avec les autres, ça serait pire, tu fermes ta gueule. »
Il sentit Ginny se raidir à côté de lui. Il pouvait deviner qu'elle avait pâli. Elle ne savait pas… Elle ignorait encore tout de la perversité des hommes.
« Quand on te joue comme un vulgaire objet au poker pour une passe, tu fermes ta gueule. Quand on parle de toi comme si tu étais une pute, tu baisses les yeux et tu fermes ta putain de gueule. Parce que c'est ce que tu fais. La pute. Quand c'est Bellatrix Lestrange qui remporte la mise, tu la fermes. Encore. Parce que tu sais que ce sera pire si tu l'ouvres : elle aime trop les cris. Qu'elle te torturera tout son saoul. Elle ne te tuera pas, oh non, tu n'as rien à craindre. Heureusement pour toi, tu ne lui appartiens pas. Mais elle jouera avec toi comme elle a joué avec les parents de Neville. Et quand elle se lassera de ton absence de réaction, elle laissera les miettes de toi à son mari et son beau-frère. »
Les paroles de Lavande se fichaient en flèches acides dans l'esprit de Neville. Il ne pouvait pas quitter Lavande des yeux : elle-même fixait Ginny et lâchait son discours froidement, sans ciller.
« Tu serais étonnée… C'est pas si difficile de tailler une baguette à un type, quand t'es à la fois sous Doloris et Imperium. C'est pas difficile d'être une putain quand il n'y en a que deux qui te passent dessus. C'est pas difficile de donner ton cul la nuit quand la journée on te laisse suffisamment de liberté pour t'occuper du gosse. »
Neville craqua et détourna le regard. Lavande, utiliser ces mots… C'était une chose de les entendre dans la bouche de Malefoy, c'en était une autre de voir Lavande les prononcer.
« Pour ta gouverne, lorsque j'ai refusé de revoir un de mes viols dans leurs souvenirs, il n'ont rien trouvé de mieux que me montrer autre chose : quand ils ont attrapé Luna, sa course dans la forêt. Quand Greyback l'a mordue. Quand la meute l'a violée. Quand elle a reçu l'ordre de tuer et qu'elle ne pouvait plus refuser face à son chef trop puissant et la lune trop présente. Quand ils ont libéré son père à ce moment-là et qu'elle a fait ce qu'on lui avait ordonné. Tu veux que je te décrive par le menu ce qu'il restait de Lovegood après l'attaque de sa propre fille ? »
Neville sentait ses membres trembler. Apprendre tout ça, de la voix comme métallisée de son amie. Il entendit un sanglot étouffé à sa droite : Ginny se retenait de pleurer. Bientôt Teddy se mit à se plaindre lui aussi.
« Je ne sais pas si tu sais, si tu as déjà été dans une pensine, mais il y a tout dans les souvenirs, reprit Lavande de ce ton glacé et distant qu'elle conservait depuis le début de sa diatribe. Les sons, les odeurs… Alors oui, j'obéis, et j'obéirai toujours. »
Neville ravala la bile qui lui montait dans la gorge. Le silence se réinstalla, ponctué par les geignements de Teddy. Lavande tendit le bras par dessus la table et le récupéra. L'enfant se calma aussitôt dans ses bras et se mit à jouer avec une de ses boucles d'oreille, comme s'il ne comprenait rien de ce qui se jouait.
« Pourquoi tu ne pars pas ? » osa enfin demander Ginny, la voix tremblante.
Neville connaissait la réponse avant même que Lavande n'eût répondu.
« Je suis liée par contrat magique. Si je pars, ils me tueront. »
Rappelle-toi. Elle ne veut pas de ta pitié.
« Et si je meurs, personne ne prendra soin du petit, pas vrai, mon amour ?, ajouta-t-elle, en souriant au gosse qui se trémoussait en gloussant dans ses bras.
- Je suis désolée. » lâcha finalement Ginny, morveuse.
Elle se leva et quitta précipitamment la cuisine, sûrement pour aller pleurer tranquillement. C'était d'ailleurs une de ses qualités : elle ne se montrait jamais faible.
Neville se racla la gorge et relança la conversation sur un sujet moins glissant :
« On remonte l'Armée de Dumbledore. T'en es ?
- Avec joie, répondit Lavande, un air féroce peint sur le visage. Mais je ne prends pas mes ordres de Ginny. »
Neville sursauta :
« Tu ne prends tes ordres de personne…
- Arrête, Neville, on sait bien que c'est toi le chef. Ginny nous motive, Luna nous apaise, et toi tu nous guides. Ça a toujours été comme ça. Je vois pas pourquoi ça changerait.
- Quand Harry reviendra…
- C'est pas l'armée d'Harry, l'interrompit Lavande. Il nous a abandonnés. C'est toi qu'on a suivi l'année dernière. C'est toi que je suivrai. »
Moi, et pas un autre ? Pour la première fois de ma vie, on me veut, moi ?
« Mais… je ne vaux pas mieux que vous ! Je ne veux pas être votre chef !
- On ne t'a pas demandé ton avis, dit-elle avec un petit ricanement.
- Je ne peux pas ! »
Elle lui jeta un regard froid :
« C'est trop tard. Tu l'es déjà. Je tiens aussi grâce à l'AD, grâce à toi. C'est toujours intéressant d'avoir un pied chez l'ennemi. Après tout autant joindre l'utile à l'agréable… » ajouta-t-elle avec un demi sourire.
Quoi ?
« Je sais que tu as parlé à Ernie et Hannah. Ils me l'ont dit, ils sont prêts à te suivre. Toi, et pas un autre. Y a plus qu'à faire campagne auprès des autres. »
Neville sentait la panique monter : il ne pouvait pas être le leader de l'Armée de Dumbledore ! L'idée qui lui avait paru lumineuse au Renard doré lui semblait finalement peu reluisante. Il ne se sentait absolument pas capable de se charger d'un mouvement résistant.
C'était réel. Il ne pouvait pas reculer. Il fallait choisir.
Ça lui parut si grand, si insupportable, qu'il lâcha sa dernière salve en la fixant :
« J'ai tué quelqu'un. »
Lavande n'eut aucune réaction, pas même un sursaut. Il ajouta, pour empeser ses mots :
« Un innocent. »
Toujours aucune réaction. Elle devait avoir vu des horreurs bien pires, pour ne pas réagir à cet aveu. Ce regard perpétuellement blessé, sans jugement, empli de compassion, le poussa à confesser pour la seconde fois :
« Justin Finch-Fletchey. »
Il courba la tête et ferma les yeux, pour revoir encore une fois ce qu'il avait fait. Il entendit Lavande se lever et passer derrière lui. Elle posa une main chaude sur son épaule.
« Tu dois le dire à Potterveille. »
La radio des sorciers, la radio pirate. L'outil de communication de Lee Jordan, l'ami des jumeaux.
« Que les autres sachent.
- Qu'ils sachent que je suis un meurtrier ?
- Qu'ils sachent que Justin est mort, corrigea la voix douce de Lavande. Que c'est la guerre, même si on ne la voit pas. Qu'on doit se battre pour protéger ceux qui sont encore vivants. »
Le poids de sa main disparut, son pas s'éloigna. Neville rouvrit les yeux : elle se tenait près du landau et y déposa délicatement Teddy. Elle récupéra quelque chose dans le dos du demi-garou et revint vers Neville :
« Tiens, c'est pour ça que j'étais venue. J'ai reçu ça hier. »
Elle embrassa Neville sur la joue, alors qu'il restait bloqué sur la lettre qu'elle lui avait passée.
Une lettre de Ron.
« Tu peux la garder. Je la connais par cœur. Et elle sera plus en sécurité avec toi que chez moi. »
Il l'ouvrit avidement, sans entendre Lavande quitter la cuisine.
Chère Lavande,
J'espère que cette lettre te trouvera en bonne santé. Je ne peux pas t'en dire tant que ça, par peur que mon courrier tombe entre de mauvaises mains. Je suis loin, dans un autre pays, sur un autre continent, en sécurité. J'ai fui l'Angleterre, mais je reviendrai quand je serai prêt. Je te le promets.
Dis à ma famille que je suis en vie.
Tu me manques,
Ron
Neville, ignorant le pincement de jalousie qui le prit à l'idée que Ron avait préféré écrire à Lavande qu'à lui, soupira, soulagé : Ron était en vie ! Même sans savoir où, le fait de savoir son ami en vie, quelque part, ailleurs, loin de Celui-dont-le-nom-est-à-taire-si-l'on-veut-garder-tous-ses-membres, le réconforta comme une lampée de whisky Pur feu. Ron vivait !
Neville relut la lettre. Et il nota ce qu'il n'avait pas vu à la première lecture.
Dis à ma famille que je suis en vie.
Ron était seul : où étaient Harry et Hermione ?
Màj du 14 mars
Note de l'auteur et de sa béta :
Aujourd'hui nous allons parler de la violence en temps de guerre. Quand on gagne une guerre, on tue les hommes, on viole les femmes, on réduit les enfants en esclavage. Ce sont les armes de guerre habituelles qu'on utilise depuis la nuit des temps. Que les Mangemorts le fassent ne me semble pas être de trop.
Ensuite, propre à Harry Potter. D'abord, nous ne devons pas oublier que les Mangemorts sont affreux, dans le sens vraiment affreux : ils tuent des gens comme ça, pour s'amuser. Ce n'est pas pour rien que l'Ordre du phénix a été créé et qu'on les a envoyés à Azkaban ! Ils sont dangereux, obéissent à un fou, et surtout restent impunis. Leur morale a disparu. Ils peuvent donc faire le pire sans avoir de remords ou de punition sociale. Rowling a pensé aux dictatures du XXe siècle pour créer l'idéologie et le système social des Mangemorts. Qu'ils soient capables des mêmes atrocités une fois au pouvoir semble, finalement, assez humain.
Les Sangs-purs au pouvoir n'ont de respect que pour la pureté du sang, puisqu'elle fonde leur ordre social. Lavande étant une Sang-mêlé, elle est à leurs yeux une moins que rien. Elle ne peut pas se défendre directement puisqu'elle sera tuée dans la minute et elle préfère prendre sur elle. Elle trouve une autre manière de se défendre, de se venger, en donnant des infos à l'Armée de Dumbledore et à Neville.
Enfin, c'est con, mais avec la magie on efface quand même pas mal de blessures. Si Pomfresh est capable de faire repousser les os d'Harry après un match de Quidditch, on peut tous les briser, les réparer, et recommencer le jour d'après.
Bref, tout cela est très joyeux. Je ne pense pas que Nicto et moi-même soyons du genre à nous complaire dans la violence et nous avons conscience que ce n'est pas à faire lire à tout le monde, d'où le classement Mature et les petits avertissement en début de chapitre.
