Chers lecteurs,
J'espère que vous allez bien. J'ai eu une grosse grosse panne d'inspiration (je sais où je veux aller, je n'arrivais juste pas à trouver les mots justes) et Nictocris m'a apporté, comme toujours, une aide profitable et bienvenue. Les trois chapitres suivants sont à la correction, on l'encourage bien fort (et on la remercie toujours, soit-dit en passant). J'ai donc fait un excursus dans une autre mini fic, et ma Muse est revenue.
Aujourd'hui, K+. Nous avions laissé Neville effondré : Lavande a raconté comment elle a découvert que Luna avait été transformée en loup-garou par Greyback, qui l'a forcée à tuer son propre père. Bref, que des joyeusetés. Que voulez-vous, j'aime torturer mes personnages.
Portez-vous bien, donnez-moi vos impressions, poursuivez cette histoire avec la même ténacité qu'Harry met dans ses poursuites de vifs d'or, profitez des dernières neiges,
Al
« Je ne vous aime pas, c'est dit, je vous déteste,
Je vous crains comme on craint l'enfer, de peur du feu ;
Comme on craint le typhus, le choléra, la peste,
Je vous hais à la mort, madame. » Alphonse Daudet, à Célimène, Les amoureuses
« Londubat, un contrat pour vous. »
Grimlen lui lança d'un geste brusque une lettre sur son bureau.
« Et vous vous débrouillerez pour satisfaire le commanditaire ! C'est un de nos meilleurs clients ! »
La porte claqua, le calme revint. Une lettre d'Uto. Un lustre à réparer, qui nécessitait le doigté d'un orfèvre gobelin. Pas celui d'un gars maladroit comme lui. Encore une fois, Neville avait l'impression que Grimlen aimait le confronter à des situations inextricables. D'abord avec l'horcruxe de Parkinson, puis ça… Il se souvenait des lustres magiques qui avaient éclairé le bal d'Halloween. De beaux artefacts enchantés qui lâchaient des oiseaux lumineux dans la salle de bal.
Neville se leva, rassembla ses affaires et saisit sa trousse d'apprenti. En trois mois de travail chez Grimlen & Cie, il avait acquis des réflexes de travailleur manuel moldu. Ce qui n'était pas forcément pour lui déplaire. En manipulant, il se vidait la tête. Sans magie, il parvenait à faire ce que les potions de sommeil échouaient à créer : une sensation d'apaisement.
Il quitta son bureau et descendit dans le magasin :
« Par quelle cheminée dois-je passer ?
- Vous ne pouvez pas transplaner, comme tout sorcier ? C'est bien la peine de passer un permis transplanage… »
Neville réprima l'envie de renvoyer le gob dans ses parchemins. On ne transplanait pas directement chez les gens quand on n'y était pas invité. C'était une convenance à respecter.
C'est pas que tu sais pas transplaner, grincheux de mes deux, que tu dois être aussi aimable.
Neville choisit la cheminée la plus proche de la porte d'entrée, jeta une pincée de poudre et articula clairement :
« Renard doré, hall d'entrée. »
Il avança dans les flammes vertes. Ce n'est qu'une fois complètement engagé qu'il se rendit compte qu'il y avait un problème.
« Merde ! »
Il était coincé dans la cheminée, dos à une autre personne. Une personne avec des seins et une odeur qu'il crut reconnaître…
« Mais c'est pas possible d'être aussi empoté ! » grinça une voix étouffée.
Mais c'était une malédiction, cette fille !
« Londubat, tu pouvais pas attendre avant de passer par la cheminée !
- J'ai pris la cheminée…
- Ne te justifie pas, grinça la voix de Parkinson tout près de son oreille.
- Non mais j'aurais dû m'attendre à te retrouver, nota calmement Neville. J'ai l'impression que tu me suis à la trace, ces derniers temps…
- Impression partagée.
- Pour une fois que nous sommes d'accord. »
Il perçut un gloussement dans la poitrine plaquée contre son dos. Il avait réussi à faire glousser Parkinson !
Comme quoi, tout arrive…
Il demanda :
« Bon, et maintenant ? »
Parkinson souffla bruyamment :
« On attend que quelqu'un nous libère. J'aurais bien tenté un sort de déblocage, mais j'ai peur qu'Uto n'apprécie pas qu'on repeigne son hall d'entrée avec de la suie. »
Neville ne pouvait qu'être d'accord. Il allait donner une bonne impression à son client, tiens… Même pas foutu d'arriver proprement par cheminette.
Même s'il se doutait de la réponse, il voulut tenter :
« Et le transplanage ?
- Désartibulement assuré. »
Il sentait dans son dos les mouvements irrépressibles de Parkinson. Elle était agitée, son corps fourmillait.
« On peut pas appeler quelqu'un ?
- Arrête de croire que je m'y connais en blocage de cheminée, Londubat. C'est la première fois que ça m'arrive.
- T'as l'air quand même mieux renseignée que moi. »
Elle ne répondit pas. C'était drôle. Dans le noir, sans la voir, elle paraissait beaucoup plus abordable que sur un quai de gare ou en robe de soirée. Surtout en robe de soirée…
Elle paraissait presque fragile dans cette cheminée.
Presque vulnérable.
Le souffle dans son oreille s'altérait beaucoup trop pour passer inaperçu. Ses battements de cœur se faisaient trop rapides. Quelque chose n'allait pas.
« Parkinson, t'es sûre que ça va ? »
Il la sentit déglutir. Un silence.
« Je n'aime pas être enfermée. »
Neville perçut le léger tremblement de sa voix.
« Moi non plus, mais on n'en a plus pour longtemps, ils vont bien se rendre compte que la cheminée est bloquée…
- Tu ne comprends pas, Londubat. »
Il attendit qu'elle l'éclairât.
« Je n'aime vraiment pas être enfermée. »
Ah.
Après toutes ces années, il découvrait enfin la faiblesse de Parkinson : la claustrophobie.
« Respire…
- C'est ce que je fais déjà, Londubat ! Et… ça ne s'arrange pas ! »
La respiration de Parkinson se hachura. Neville espérait qu'elle n'allait pas lui faire une crise de panique dans son dos.
Il éprouva immédiatement un sentiment de pitié pour elle. Puis une colère sourde lui fouailla les entrailles : de la pitié, pour elle ? La putain de Malefoy et Zabini, qui l'avait martyrisé depuis son plus jeune âge ? Qui s'était moquée de lui ? Qui avait toujours eu le mot pour blesser, en toutes circonstances ? Elle, qui le traitait comme un subalterne ? Comme un Sang-de-bourbe ?
Putain. Il était Gryffondor jusqu'au bout. Il suffisait qu'on se montre faible face à lui pour qu'il devînt un preux chevalier et qu'il eût envie de défendre, coûte que coûte, toute victime.
« Je vais bouger, panique pas. »
Il se tortilla, se contorsionna, plaqua encore plus Parkinson contre le conduit de cheminée, ignora son gémissement furibard étouffé, continua sa lente giration. Ça lui prit bien dix minutes, lui sembla-t-il, alors que l'opération dut durer en tout et pour tout quinze secondes. Il finit par lever les bras et les placer de chaque côté de Parkinson.
« Si tu me prends dans tes bras, je crois que je vais vomir. »
Neville ricana : l'idée que Parkinson fût capable de lui dégobiller dessus lui paraissait tellement incongrue !
« T'inquiète, je ne marche pas sur les mandragores de Zabini. »
Le dos contre la cloison de la cheminée, il lui laissait légèrement plus d'espace qu'auparavant. Ils se firent face. Il distinguait à peine son visage dans la lueur provenant du haut de la cheminée. En revanche, il aperçut l'éclair de soulagement qui traversa les yeux de Parkinson. Elle prit une respiration un peu plus aisée et son souffle se calma.
« Merci. »
Un murmure. Comme si remercier l'ennemi risquait de lui arracher les cordes vocales.
C'était peut-être le cas.
Lui aussi murmura :
« C'est un plaisir.
- N'en fais pas trop, non plus ! »
Encore ce gloussement. Il arrivait à la détendre, à la faire penser à autre chose. Le silence ne devait pas s'installer, ou elle allait recommencer à paniquer. Et s'il y avait bien une chose que Neville n'avait pas envie de vivre, c'était se retrouver coincé avec une sorcière instable dans une cheminée. Il fallait lui occuper l'esprit. Et vite.
« Comment ça se passe, avec Zabini ?
- Merlin, Londubat, tu n'as jamais été doué pour faire la conversation, ne te force pas… »
La pique lui fit mal. Pourtant, il n'y avait pas décelé l'habituelle mesquinerie de Parkinson. Son ton était plus blasé que méchant. Mais il avait passé tant d'heures avec sa grand-mère à essayer d'apprendre les règles de la bienséance en même temps que les pas de valse qu'il ne pouvait s'empêcher de ressentir une atteinte à sa fierté à l'idée que Parkinson l'eût rembarré aussi vertement dans un domaine où il avait l'impression d'avoir progressé.
« Je voulais juste t'aider à penser à autre chose. »
Ça sonnait presque comme un bougonnement.
« Eh ben c'est raté. »
Un temps.
« Mais ce n'est pas de ta faute. »
Ils gardèrent le silence quelques instants. La respiration de Parkinson, toujours rapide, était néanmoins plus régulière.
« Ma robe est foutue. »
Neville ricana de nouveau. Il retrouvait bien là la Parkinson qu'il avait toujours connue.
« Un bon sort de nettoyage…
- Tu n'y connais vraiment rien. »
Parkinson retrouva son assurance sur un sujet qu'elle maîtrisait apparemment si bien.
« Une robe de chez Tissard et Brodette, sur-mesure ! Il faudra que je demande à mes elfes de maison si c'est possible de la rattraper.
- Cupof fait des miracles, il pourra te dépanner si tu veux, tenta Neville.
- Si c'est lui qui s'occupe des robes de ta grand-mère, il est hors de question qu'il touche aux miennes. »
Elle avait refait le coup, encore une fois. Une méchanceté, mais sans cet accent mauvais et malsain qu'elle était capable d'insinuer dans ses remarques habituelles. Comme si les choses avaient changé.
« Attention attention ! La cheminée va être débloquée ! »
La voix d'un elfe de maison précéda d'une seconde la chute brutale de Neville. Une masse lui tomba dans les bras et le fit rouler dans la cendre. Il se retrouva sur le dos, avec Parkinson plaquée sur le torse. Il cligna des yeux, pour les acclimater à la vive lueur du hall d'entrée du Renard doré.
« Que les jeunes maîtres pardonnent aux vieux elfes d'Uto, marmonnait un elfe plus que rabougri, son nez poilu au-dessus des yeux de Neville. Moneypenny espère que les jeunes maîtres n'ont pas été coincés trop longtemps dans la cheminée, ajouta l'elfe en essayant d'aider Parkinson à se relever.
- Ne me touche pas ! »
La voix aigre de Parkinson dénotait particulièrement, après l'avoir entendue de si près. Neville eut une pensée pour sa grand-mère : serait-il possible que Parkinson jouât la même comédie qu'elle ? Se créer un personnage affreux pour le public et rester elle-même pour le privé ? Peut-être qu'elle était adorable avec Malefoy et Zabini, une fois qu'elle avait retiré son masque de mégère sans cœur.
Ou c'est le contraire…
Ginny avait peut-être raison. La vraie Parkinson n'était pas forcément celle de la cheminée. Elle appartenait au camp ennemi, à ceux qui avaient pour but de défaire Harry et d'instaurer un dictateur au pouvoir. Elle pouvait jouer avec lui, comme elle avait toujours joué.
Neville se releva et jeta un œil à Parkinson. En effet, sa robe paraissait foutue. Elle avait le visage couvert de suie et les cheveux de cendres grisâtres encore tièdes. Elle leva le regard vers lui, les yeux plus charbonneux que jamais.
« J'espère que t'as suffisamment d'or de côté, Londubat, je vais te faire payer mon pressing. »
Cette voix criarde, désagréable. Agressive.
« Ça t'apprendra à prendre la cheminée en même temps qu'une dame. »
Elle lui crachait ça au visage, toute haine retrouvée. Neville encaissa. Les jointures de ses doigts lui faisaient mal tant il serrait l'anse de sa mallette.
« Maîtresse, mon maître sera ravi de réparer les dégâts faits à votre toilette…
- Non, Moneypenny, c'est à Londubat de payer, cingla-t-elle. Il a commis une erreur, je dois veiller à ce qu'il ne recommence pas. Il doit apprendre où est sa place. »
Elle s'avança vers lui, encore vaillante sur ses talons hauts.
« Je ne peux pas décemment me changer ici. Quelle misère… »
Elle épousseta d'un geste rapide une épaule et s'approcha dangereusement de lui.
« Tu passeras ce soir, vingt heures, chez moi, je te passerai ce dont tu devras t'occuper.
- Mais…
- Je n'admettrais aucune contestation, Londubat, grinça-t-elle en lui tendant une carte de visite. Et ne me force pas à me répéter. »
Elle tourna les talons et partit d'un pas vif vers la sortie. Neville eut du mal à quitter sa silhouette des yeux : il n'avait rien compris. Ce revirement si rapide, cette brutalité mondaine, après une conversation presque polie dans la cheminée…
« Le jeune maître doit suivre Monneypenny. »
Neville revint à l'elfe qui le tirait dans la grande salle et se prépara à affronter le pire lustre de sa vie. Il empocha la carte de visite et suivit la créature.
En plein jour, la salle paraissait beaucoup moins impressionnante que durant la nuit du 31 octobre. Neville distingua les miroirs du plafond qui agrandissaient l'espace. Dans les fontaines désormais immobiles s'ébattaient des moineaux dorés. Au sol, fait apparemment de glace ou de cristal, les poissons lumineux et les algues luminescentes renvoyaient des lueurs moins éclatantes, mais tout aussi jolies.
C'était vraiment de la belle magie.
Pas sûr que tu sois capable de réparer cette merde.
« Voici le lustre, jeune maître. Dites-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit. »
Neville remercia l'elfe et grimpa sur l'escabeau que surplombait le lustre. Il chercha la faille dans le lustre et farfouilla dans les cristaux suspendus pour trouver ce qui clochait. Au bout de longues heures, il trouva ce qui posait problème et se mit sérieusement au travail.
« Maître, nous allons ouvrir. »
Neville sortit de la transe dans laquelle le travail manuel le plongeait et baissa les yeux. Monneypenny, l'elfe d'Uto, se tenait sous lui.
« Je n'ai pas fini…
- Vous reviendrez demain, en journée. Mon maître vous réglera quand vous lui aurez envoyé la facture par hibou sécurisé. »
Neville descendit de son escabeau et jeta un coup d'œil à sa vieille montre. Il était en effet plus tard que ce qu'il pensait. Il décrispa ses doigts et observa la crasse accumulée sous ses ongles. Il n'avait pas le look requis pour une soirée au Renard Doré, c'était sûr et certain.
Il lui restait deux heures avant de devoir aller chez Parkinson.
« Très bien, Monneypenny. À demain. »
En passant devant les miroirs, il se rendit compte qu'il aurait vraiment fait tache lors de la soirée qui se profilait. Il était couvert de suie et de sueur, ses cheveux lui retombaient sur le front en mèches graisseuses.
J'ai une certaine ressemblance avec Rogue, finalement.
Il rejoignit le hall d'entrée et décida de transplaner directement au Chaudron Baveur. Hors de question de risquer un nouvel accident de cheminée.
« Eh ben dis donc, tu fais peur, dis moi ! »
Neville salua Tom d'un signe de tête et fila dans l'arrière-boutique, face au mur magique. Il traversa la foule massée sur le Chemin de Traverse d'un pas sûr et rejoignit la boutique des jumeaux qui regorgeait de client et débordait de marchandises.
« Neville ! Je vois que tu as touché à de la magie noire pour revenir avec ce teint si resplendissant !, s'exclama Fred.
- C'est parce que je suis couvert de suie que tu me dis ça ?
- Remarque, avec cette dégaine, je te trouve un air de prof de potions qui hante les cachots de Poudlard, ajouta George – se faisant apparemment la même remarque que lui quelques minutes plus tôt, comme quoi, la ressemblance était frappante.
- Que veux-tu, c'est mon modèle… »
Il se glissa dans l'escalier du fond et rejoignit la salle de bains du premier. Il se déshabilla rapidement, ravi de se débarrasser de son tablier d'ouvrier, et se glissa sous la douche. Des ruisselets noircis dégoulinèrent le long de la cabine. Neville se savonna énergiquement : il avait l'impression qu'il se lavait d'autre chose que de la crasse. Comme s'il n'y avait pas que la suie et la saleté amoncelées dans les pores de sa peau qui partaient dans les égouts. Comme si autre chose se jouait.
Il avait dépanné Parkinson. Une Serpentard. Une ennemie presque héréditaire, n'ayons pas peur des mots. Il l'avait aidée à se sentir mieux, il lui avait rendu service. Et elle le traitait comme un elfe de maison ! Il devrait lui faire l'affront de ne pas aller la voir.
Néanmoins, quelque chose le retenait. Un scrupule. Parkinson était une peste, et ce depuis sa plus tendre enfance (si elle avait jamais pu être qualifiée de tendre). Mais une forme de respect s'était construite entre eux. Un respect branlant, certes, mais un prémisse solide tout de même : chez Grimlen, ils étaient tombés d'accord ; elle avait discuté avec lui à King's Cross ; au Renard Doré, ils avaient dansé ensemble. Elle ne pouvait pas le traiter comme un moins que rien après lui avoir montré cette facette d'elle.
Il sortit de la cabine de douche et attrapa une serviette râpée. Il s'enveloppa dedans en laissant ses pensées prendre une décision qu'il ne voulait en aucun cas s'imputer à lui-même. Irait-il chez Parkinson ?
La porte de sa chambre s'ouvrit en grand. Neville glapit de surprise.
« Neville, Fred et moi, on est invités chez Lee, annonça George.
- Il te reste des pâtes dans la marmite, annonça Fred. Et bonne soirée ! »
Les jumeaux disparurent aussi rapidement qu'ils étaient entrés dans sa chambre.
Neville sourit : il était libre de ses mouvements. Personne pour l'interroger sur ce qu'il allait faire de sa soirée. C'était l'occasion.
Il passa des vêtements moldus. La carte de visite indiquait que Parkinson habitait entre Eton et Windsor. Il serait plus rapide en bus moldu qu'à balai, et beaucoup plus discret.
Une fois dans le monde moldu, il respira plus amplement. Ça faisait longtemps qu'il n'était pas allé vagabonder loin du monde sorcier.
Il descendit à Eton College, ignorant les gens qui se pressaient autour de lui. Il traversa la route, parvint à l'adresse indiquée. Parkinson, vivre chez les Moldus… Il aurait tout vu.
Il toqua avec le lourd heurtoir. La porte s'ouvrit sur Parkinson coincée dans une combinaison qui la faisait étrangement ressembler à Mrs Zabini. Ou Mrs Mamao, si ses projets matrimoniaux avaient abouti.
« Tu es en retard. »
Elle s'effaça pour le laisser passer. Neville entra et elle claqua violemment la porte.
« J'ignorais que tu habitais dans le monde moldu…
- Je n'y habite pas, claqua-t-elle sur un ton qui n'admettait pas la conversation. J'y travaille. »
Elle avança dans le hall d'entrée, Neville sur ses talons. Il la suivit jusqu'à un salon froid et impersonnel. S'il n'y avait pas eu un feu ronflant dans la cheminée, il aurait pu croire que la pièce n'était pas habitée et était directement tirée d'une page de magasine moldu.
« Assieds-toi. »
Neville posa ses fesses dans un canapé gris désagréablement raide. Parkinson s'installa face à lui dans un fauteuil Victoria noir. Il essaya de déchiffrer son visage. Elle paraissait à la fois nerveuse et sereine.
« Londubat, j'irai droit au but. »
Elle visait l'efficacité, comme toujours.
« Tu faisais l'objet d'une surveillance étroite depuis la fin de l'année dernière. Ils te soupçonnaient d'avoir participé à la campagne de prévention anti-Sang-de-bourbe. »
Ah. Ils savaient donc pour son excursion avec le Choixpeau.
« Comment tu sais ça ?
- Ça ne te regarde en aucune façon, coupa Parkinson d'un ton glacial. De plus, reprit-elle, tes affinités avec l'Ennemi public n°1 n'étaient pas pour redorer ton image. Tu as eu beau te montrer un vrai incapable pendant toutes tes années à Poudlard, certains ont considéré que tu pouvais être une vraie menace. »
C'est presque vexant.
« Mais tu as montré que, même si tu étais bon occlumens, tu n'avais rien à cacher. Contrairement à ta Blondie de petite amie qui, elle, a reçu une lettre de Weasley, ennemi public n°2 bis. »
Oh merde.
« Le Seigneur des ténèbres ne dispose pas de moyens illimités. La surveillance dont tu faisais l'objet a été levée au profit d'une garde rapprochée de l'employée des Malefoy. »
Ainsi, Ron avait condamné sans le faire exprès son ex-petite-amie à subir de nouveau des intrusions dans ses souvenirs. Sans le savoir, Ron avait, à distance, déplacé le danger sur la tête de Lavande.
Le silence se fit. Neville digérait ces informations. Mais, connaissant Parkinson, si elle lui donnait une info, c'est qu'elle attendait quelque chose en échange. C'était toujours comme ça.
« Qu'est-ce que tu veux ? »
Le regard surpris de Parkinson le brûla.
« Je suis pas con, reprit-il. T'es pas connue pour être altruiste. C'est donnant donnant. Si tu me dis que je suis libre de mes mouvements, c'est pour me demander quelque chose en échange. »
Elle inspira fortement par le nez.
« Je veux que tu ailles chercher pour moi un jangseung familial, qui se trouve sur le continent. Les informations supplémentaires te seront données à Calais, là où tu accosteras.
- Qui te dit que j'accepte ce que tu me proposes ? »
Elle eut un rictus :
« Tu n'es plus surveillé. Tu pourras sortir du territoire anglais. De plus, il me semble que tu as tout intérêt à retourner à l'école pour y apprendre la galanterie française. On y retrouve parfois de grands amis. »
Beauxbâtons. Elle lui conseillait d'aller à Beauxbâtons. Comme si elle savait qu'un demi-géant pouvait y être. Comment pouvait-elle savoir qu'Hagrid avait parlé d'aller se cacher chez Mme Maxime ?
Cette fille paraissait en savoir beaucoup, sur beaucoup de monde. Après tout, elle avait été éduquée comme ça : emmagasiner le plus d'informations sur quelqu'un pour s'en servir après. Le savoir, c'était le pouvoir, Neville le savait.
Pouvait-il lui faire confiance ? Était-ce un piège, pour le coincer ? De ce qu'il pouvait en voir, Parkinson n'appartenait ni au camp de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom ni au camp de l'Ordre du Phénix : elle jouait pour elle. Uniquement pour son intérêt propre.
« Pourquoi n'y vas-tu pas toi même ? »
Elle grimaça :
« Tu n'as pas à le savoir. »
Neville décida de jouer franc-jeu, comme toujours quand il était avec elle :
« Pourquoi moi ? On n'est pas vraiment du même camp.
- Parce que j'en ai assez de jouer avec le feu, dit-elle avec une soudaine lassitude.
- Et jouer avec l'ennemi, c'est pas jouer avec le feu ? »
Parkinson eut un demi-sourire.
« Je n'ai pas confiance en toi, reconnut-elle, mais j'ai confiance dans le fait que tu n'iras jamais dire à mon maître que je tire des ficelles qu'il ignore. »
Elle a pas tort.
Jamais Neville n'irait rapporter à son ennemi ce que faisait Parkinson. Surtout si cette dernière lui permettait de quitter l'Angleterre et d'aller en France quelques jours.
« Ça fait de nous des… alliés ?
- Pourquoi vouloir mettre un mot sur notre relation, Londubat ? Savoir qu'on peut être temporairement du même côté ne te convient pas ? »
Neville plissa les yeux : elle paraissait sincère. Paraissait. Il la connaissait depuis suffisamment d'années pour savoir qu'elle pouvait très bien jouer la comédie.
« J'ai besoin de mettre des mots. Ça engage plus qu'il n'y paraît. »
C'était son grand-oncle Algie qui lui avait appris ça. Quand les gens prononcent solennellement certains mots, ils s'engagent plus. C'était la propriété performative du langage, la même qui permettait de lancer des sorts : la langue changeait la réalité, elle avait une véritable action dans le monde.
Si Parkinson mettait un mot sur leur relation, leur relation existerait pour de vrai.
« Très bien, Londubat. Considère que nous sommes… partenaires. »
