Chers lecteurs,

Le temps passe et devient plus beau. Aujourd'hui, rien de bien méchant, on est sur du K+ je pense.
Merci à ceux qui laissent un commentaire, à ceux qui suivent cette histoire, à Nictocris pour son avis toujours avisé.

Portez-vous bien, mettez de la crème solaire, à bientôt (promis, chapitre suivant corrigé),

Al


« Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant. » Arthur Rimbaud, Lettre du voyant


Il neigeait depuis trois jours sur Maidstone. La ville moldue était surpeuplée, les gens s'affairaient. À trois jours de Noël, l'ambiance était euphorique.

Neville broyait du noir.

Il était de retour chez sa grand-mère, ayant décroché quelques jours de vacances, et être coincé entre Cupofty et Augusta Londubat commençait à lui porter sur les nerfs.

Que voulez-vous, il avait goûté à la vie d'étudiant…

Heureusement, il allait bientôt avoir une bouffée d'air pur.

Le tintement du carillon quand il poussa la porte du Sunday's Sundae lui arracha un sourire. C'était un son annonciateur d'endroit sûr. Un peu plus grave que celui des jumeaux…

« Bonjour ! Entrez, installez-vous. »

Ce bar avait l'immense avantage de permettre aux consommateurs de s'isoler dans des boxes individuels. Neville l'appréciait pour ça.

Et pour le fait qu'il était moldu.

Toujours diminuer les risques d'être entendu par une oreille à rallonge indiscrète. La méfiance était de mise, le pli était pris.

On n'est jamais trop prudent.

« Qu'est-ce que je vous sers ?

- J'ai une amie qui va arriver d'un instant à l'autre. Vous pourrez repasser ?

- Bien entendu. »

Neville s'assit dans le box le plus éloigné de la porte d'entrée et jeta immédiatement un Assurdiato aux environs.

Si ça peut m'éviter des emmerdes…

Il tira son livre du moment de sa poche et reprit à sa page cornée. Il en était à ''Effets nocifs des corolles lunaires'' quand une main brune passa devant ses yeux :

« Salut Neville !

- Parvati ! »

Il se leva pour la saluer, ce qui provoqua la chute de sa chaise. Elle lui claqua une bise retentissante sur la joue.

« Vas-y, assieds-toi. »

Il l'observa s'installer en remettant sa chaise sur ses pieds. Ils commandèrent chacun un thé – un Darjeeling pour elle, un Ceylan pour lui.

Parvati avait bronzé. Elle étudiait la divination en Inde depuis bientôt six mois et Neville repéra de discrets changements : ses gestes étaient plus mesurés que jamais et ses yeux brillaient d'une lueur inquiétante, comme si les entrelacs du futur n'avaient aucun secret pour elle.

Ta fibre poétique est d'attaque…

Et pourtant… Elle paraissait en savoir plus que les simples mortels. Sans avoir la dégaine de Trelawney, elle partageait cette même aura d'étrange et de mystère.

« Tu vas bien ? Comment ça se passe ? »

Parvati avait toujours été une incorrigible bavarde. Avec Lavande, elles pouvaient tenir des marathons commérages sans respirer. C'était d'ailleurs une des raisons du dédain occasionnel d'Hermione : elles parlaient beaucoup pour ne rien dire, alors qu'Hermione pesait toujours ses propos.

Mais là, elle était plus grave. Peut-être qu'elle a mûri.

Et Neville sentit que le monde ne serait plus jamais pareil si les babillages inoffensifs de Parvati n'avaient plus droit de cité.

« Je me forme à Dehli, sur les conseils de mon père, dans l'école veda fondée par Zarathoustra lui-même. C'est très dépaysant, puisque ça n'a rien à voir avec ce qu'on a vu avec le professeur Trelawney. Ni avec le professeur Firenze, d'ailleurs. Quoique, le jyotish ressemble parfois à l'étude des astres des centaures… »

Neville se souvenait avec suspicion des marcs de café illisibles, du journal des rêves, des boules de cristal éraflées. Il avait toujours eu du mal à comprendre ce qu'on lui demandait : la divination était une matière trop théorique pour lui. Quant aux cours de Firenze, il avait eu une légère tendance à faire des siestes, allongé sur la mousse sous les étoiles. C'était aussi agréable que la forêt interdite, sans le côté dangereux.

« Ça consiste en quoi ?

- Le jyotish ? C'est un mix entre l'astronomie et l'arithmancie, répondit Parvati.

- Ce que tu as appris à Poudlard te sert donc quand même à quelque chose…

- Bien sûr que oui ! Je perfectionne ma formation en pratiques occidentales et je découvre les sciences orientales. En gros, je deviens devineresse dans toutes les cultures ! »

Parvati souriait. Mais ce n'était plus son sourire sincère, éclatant, qu'elle adressait jadis à Seamus pour le chambrer ou à Firenze pour le charmer, mais un sourire plus sombre, comme si ce qu'elle avait pu voir du futur ternissait son humeur toujours joyeuse.

C'était un sourire qui mettait Neville légèrement mal à l'aise.

« Et à part les cours, ça va ?, demanda Neville en portant sa tasse à ses lèvres.

- L'éloignement est difficile, reprit Parvati, plus sérieuse. Je suis contente d'être rentrée pour Noël, ma sœur me manque. Padma est restée en Angleterre pour ses études de médicomagie. Je suis étonnée de le dire, mais heureusement qu'on s'est entraînées à être séparées à Poudlard, parce que là c'est pire. »

Neville savait les jumelles très attachées l'une à l'autre. Pour vivre depuis cinq mois avec les Weasley, il savait à quel point ça pouvait être dur d'être séparé de son jumeau.

« Je peux pas dire, j'ai pas de frère et sœur, donc je ne connais pas ce manque fraternel.

- C'est plus qu'un simple lien fraternel, corrigea Parvati. Bien sûr, Padma me manque, mais j'ai surtout du mal à percevoir sa magie gémellaire avec la distance. Et ça aussi, ça manque. »

Il s'arrêta de boire.

« La magie gémellaire ? C'est quoi ?

- Merlin, Neville, à croire que tu n'as jamais écouté un traître mot de Binns !

- Je t'avoue que Binns était assez soporifique… »

Parvati ricana :

« Pas étonnant que t'aies jamais dépassé le D en histoire de la magie ! »

Neville ne s'offusqua pas : il était vrai qu'il n'avait jamais accroché à cette matière, comme la plupart des étudiants de Poudlard, au grand dam de sa grand-mère qui lui avait toujours répété qu'une bonne connaissance des origines permet d'appréhender correctement le monde.

Si Parvati avait suivi, pas étonnant qu'elle lût l'avenir.

« La magie gémellaire, expliqua-t-elle, est la magie qui lie des jumeaux nés de la même cellule initiale. Les vrais jumeaux, quoi. C'est une des magies les plus anciennes qu'on connaît. »

Neville connaissait assez de vocabulaire pour savoir que le terme gémellaire renvoyait à des gémeaux. Mais il n'avait jamais entendu parler d'une magie liée à leur caractère.

« Je ne comprends pas.

- Le fait d'avoir exactement le même patrimoine génétique sorcier fait qu'on peut partager le même potentiel magique, expliqua Parvati. Autrement dit, des jumeaux augmentent leur potentiel magique en agissant de front ou, quand l'un ne fait rien, l'autre peut lui emprunter son potentiel. »

C'était à la fois flippant et rassurant. Heureusement que Celui-dont-le-putain-de-nom-ne-doit-pas-être-prononcé est fils unique…

« C'est pour ça que les jumeaux finissent souvent dans la même maison à Poudlard ? C'est pas qu'une question de caractère ?

- Tu dois les connaître mieux que moi, mais les Weasley sont très différents. C'est très prestigieux d'avoir des jumeaux dans les familles sorcières. Et très utile.

- Utile ?

- Tu as un déplacement de magie entre personnes, ce qui augmente la puissance de tes sorts. »

C'était fou. Ça expliquait que les jumeaux avaient toujours eu une magie très stable et opérante. Ça expliquait que les jumelles Patil avaient toujours été meilleures en pratique qu'en théorie.

Neville réfléchissait.

« Je ne vois pas trop l'intérêt de doubler ton potentiel. Si t'es mauvais de base avec une baguette, avoir double puissance ne sert à rien. »

Rien ne valait la manipulation de plantes. Pas besoin de baguette.

« Sur ce point là, tu as raison. »

Parvati avala une gorgée de thé.

« Et pourtant tu sais bien que pour aborder des plantes, il te faut un potentiel magique stable. »

Merlin ! Elle lisait dans ses pensées !

« Ne fais pas cette tête, Neville, ricana-t-elle. Tu sais bien que Chourave et Rogue sont de puissants sorciers alors qu'ils utilisent rarement leurs baguettes. Tu as le potentiel d'un Rogue, tu sais ? »

Non, il ne savait pas. Et avoir un point commun avec cette chauve-souris de cachots de merde qui servait de directeur était plutôt déconcertant.

« Bon, heureusement, reprit-il, il n'y a pas trop de jumeaux chez les Mangemorts. Enfin, pas que je sache…

- Malheureusement, on n'est pas à l'abri d'un lien jumelé. »

Neville sut qu'il devait faire une tête étrange puisque Parvati poussa un soupir expressif :

« Les sorciers ont créé un sort pour copier ce lien magique, même si rien ne vaut un lien naturel. La magie jumelée, c'est-à-dire le lien indéfectible entre deux potentiels magiques créé artisanalement, est beaucoup moins stable que la magie gémellaire. »

Neville sentit qu'elle récitait une leçon. Elle avait le ton docte d'Hermione quand elle expliquait que le plafond magique de Poudlard imitait la météo.

« Et ça change vraiment quelque chose, cette magie ?

- Bien sûr que oui ! La magie gémellaire a de fameux exemples, beaucoup plus puissants que ceux de magie jumelée. Même les Moldus en ont entendu parler ! Chaque civilisation a ses propres jumeaux : on a Castor et Pollux en Europe, Romulus et Remus à Rome, les Ashvins en Inde. Et plein d'autres ! »

Ça lui rappelait vaguement des histoires que sa grand-mère avait pu lui raconter quand il était petit.

« Les plus grands furent Freyr et Freyja, Artémis et Apollon. Ils étaient tellement puissants que les Moldus les prirent pour dieux. »

Ça aussi, il le savait. Ça aussi, sa grand-mère le lui avait appris.

« On raconte qu'ils étaient même capables de défier la mort. Et les plus puissants étaient les triplés, comme dans le conte des trois frères. La circulation de magie entre eux était triplée. Et pour le coup, la magie jumelée ne permet pas de créer un lien entre trois personnes. Trop instable. »

Ce fut comme si un rideau couvrant ses yeux se déchirait d'un coup. Comme si ses yeux se dessillaient. Comme si sa mémoire lui revenait d'un coup, mais avec une lecture différente.

Il savait tout ça. Il le savait vraiment. Il connaissait ces histoires, il les connaissait sur le bout des doigts.

Tout ce que sa grand-mère lui avait raconté en histoire du soir, il l'avait retenu avec sa mémoire d'enfant, beaucoup plus profondément que les cours de Binns.

Augusta Londubat avait toujours été prévoyante.

Elle lui avait enseigné sans qu'il le sût tout ce qu'il devait savoir en histoire de la magie.

« Et Tu-sais-qui a connaissance de cette magie ?

- S'il est allé à Poudlard, oui. On peut toujours espérer qu'il n'a pas écouté les cours de Binns… »

Et si Celui-dont-on-n'ose-même-plus-penser-le-nom avait jumelé sa magie avec quelqu'un d'autre ? Ça pourrait expliquer sa surpuissance. À celle de Bellatrix Lestrange ? Ou d'un autre Mangemort ?

Une autre idée l'effleura. C'était peut-être ainsi que la magie d'une meute de loups-garous se transmettait à leur alpha. C'était peut-être pour ça que Luna était toujours recherchée.

« À ton avis, s'il existe un lien entre sorciers loups-garous, c'est un lien naturel ou magique ? »

Parvati plissa les yeux :

« Neville, tu me caches quelque chose. »

Merde. Son intuition était toujours aussi aiguisée. Il ne pipa mot.

« Je pense que c'est un lien naturel, reprit-elle après un silence. Après tout, l'alpha est sous forme lupine quand il mord une nouvelle victime. Ce n'est donc pas la magie qui entre en jeu. »

Ce qui était bien avec Parvati, c'est qu'elle avait toujours répondu à ses questions.

« Qui a été mordu ? »

Mais elle avait toujours été très finaude.

Neville baissa les yeux. Il ne voulait pas lui mentir (de toute façon, elle le saurait). Il ne voulait pas pour autant nuire à Luna. Il savait que Parvati n'appréciait pas trop Luna. Ou plutôt, qu'elle avait toujours eu une méfiance pour cette fille délurée, déconnectée des convenances et du monde réel, et qui n'avait jamais eu l'air de souffrir lors des séances de torture de membres de l'AD par les disciples de Rogue.

Et ça, c'était quelque chose de très dérangeant.

« Laisse-moi deviner…, murmura Parvati. Ou plutôt lire. »

Elle tendit la main et attrapa la tasse de Neville. D'un geste preste, elle retourna la tasse : les feuilles de thé, gorgées d'eau, churent sur la sous-tasse. Parvati se pencha sur les feuilles et les observa attentivement.

« Je croyais que tu pouvais deviner le futur, pas mes pensées, blagua Neville.

- C'est bizarre, répondit Parvati, sans lui tenir rigueur de sa remarque. Il semblerait que… Non, c'est impossible… »

Elle tourna la tasse, les yeux toujours braqués sur les feuilles. Elle était concentrée, un pli soucieux était apparu sur son front.

« Neville, reprit-elle d'une voix sérieuse, il va falloir que tu partes en quête. Tu trouveras les deux bêtes, la morte et la vive. C'est étrange : elles sont dangereuses pour tous, mais pas pour toi. Comme si… »

Ses yeux se voilèrent. Neville n'osait pas répliquer : elle sondait les abîmes du futur, il le sentit. Il avait souvent vu Trelawney tenter de le faire, à force de grimaces et de simagrées. Le voir pour de vrai était différent.

Parvati ne simulait pas.

« Des deux bêtes tu pourras tirer menace et protection. Tu auras besoin de l'aide d'une fille de sang et de feu. »

Elle secoua la tête, comme pour chasser les idées qui y flottaient.

« Neville, c'est très important. »

Elle lui brandit la sous-tasse sous le nez.

« Tu vois, ça ? »

Neville ne vit rien, mais il hocha docilement la tête.

« C'est l'école. Poudlard t'ouvrira ses portes lors de la purification. Les bêtes t'y attendent, mais elles ne te menaceront pas. En revanche, elles pourront blesser la fille de sang et de feu. Voire la tuer. Et tu as besoin d'elle. »

Elle plissa les yeux et retourna à sa contemplation de la sous-tasse.

« Tu dois protéger la fille de sang et de feu. Je ne peux pas t'en dire plus. »

Neville soupira : cet interlude visionnaire lui avait permis de changer de sujet de conversation. Et Parvati paraissait dorénavant trop perturbée pour le rappeler.

« C'est bizarre, j'ai l'impression d'avoir pris du chanvre. Ça me fait sensiblement le même effet. »

Neville lui resservit de l'eau dans sa tasse.

« Tu prends du chanvre ?

- Rarement, répondit-elle avec un sourire, comme si elle avait senti le reproche dans sa voix. Pour développer certaines visions, je suis obligée de prendre des psychotropes.

- C'est dange…

- C'est dangereux pour la santé, je sais, le coupa-t-elle. C'est pourquoi nous en avons une consommation très contrôlée. Je ne crains rien, je t'assure. »

Elle jeta un coup d'œil à la montre à trois cadrans qui ornait son poignet.

« Zut, je dois filer. »

Elle se leva, rassembla ses cheveux et les glissa sous son bonnet bleu lavande.

« Lavande m'attend. Prépare la monnaie, ça fera quatre livres. Je t'aurais bien invité, mais j'ai vu que tu allais insister pour régler, donc autant ne pas perdre de temps avec ça. De toute façon, je n'ai pas d'argent moldu. Tu as toujours été plus prévoyant que moi. »

Elle enroula son écharpe autour de son cou :

« Ça m'a fait plaisir de te voir ! Il faut qu'on se croise de nouveau avant que je retourne en Inde. Tu fais quoi au Nouvel an ?

- Je…

- Parfait, on fait ça ensemble ! »

Elle l'embrassa sur la joue et disparut aussi vite qu'un vif d'or sur un terrain de Quidditch. La serveuse revint avec la note.

« Tout s'est bien passé ? Ça fera quatre livres. »

Neville sourit : Parvati avait bien vu.

Il régla la note et quitta le Sunday's Sundae. L'air vif de l'extérieur le fouetta au visage et lui remit les idées en place.

Il flâna dans les rues moldues, heureux de retrouver un semblant de normalité. L'ambiance était à la détente, la neige tombait à gros flocons, il allait déjeuner chez les Weasley le lendemain, tout était pour le mieux.

Il pensait aux remarques et aux avertissements de Parvati. Il devait retourner à Poudlard, elle le lui avait bien fait comprendre. Mais quand ? Et comment y aller ?

Soudain un éclat lumineux apparut devant lui.

Un patronus. Un ocelot bleuté, au regard étincelant. La voix de Parkinson s'en éleva :

« Viens me voir dès que possible. »

Et merde.

Il se rua dans une ruelle sombre, vérifia qu'elle était déserte et espéra qu'elle aurait levé ses sorts anti-transplanage dans son appartement. Dans un plop sonore, il disparut.

« J'ai failli attendre. »

Comme toujours, l'accueil était glacial. Il ne s'en formalisa pas.

Parkinson était adossée à la console qui supportait un assortiment d'alcools rares dans un coin de son salon. Encore une fois, elle portait un peignoir bleu nuit en soie.

« J'ignorais que tu savais produire un patronus.

- Si tu veux tout savoir, je n'y arrive pas quand il y a un Détraqueur dans le coin, lâcha-t-elle vertement, comme gênée de reconnaître une faiblesse. Et c'est quand même à ces moments-là qu'on en a vraiment besoin. »

Elle frissonna. Neville se fit la remarque qu'elle devait avoir une grande pratique des Détraqueurs.

« Si t'as envie, la prochaine fois, je le ferai pour toi. Mon ours doit être plus efficace contre un Détraqueur que ton petit ocelot. »

Elle le fusilla du regard et reprit :

« Je t'ai demandé de venir ici pour lier un contrat magique. »

Neville retint une grimace.

« Ma parole ne te suffit pas ?

- Elle ne suffit pas aux personnes qui me demandent des comptes, répondit Parkinson d'un ton froid. Malheureusement, la parole d'un Sang-pur perd de sa valeur sur le marché. »

Pour une fois, elle ne l'attaquait pas en disant que sa parole n'avait aucune valeur. Ce qui était, en soi, une nette amélioration. De plus, elle se permettait une critique globale des transactions entre sorciers sans faire de distinction entre leurs deux camps. Ce qui était tout aussi subversif.

« Tu ne penses pas que nous devrions convenir d'un code pour prévenir les usurpations d'identité ?

- L'intérêt d'être dans le camp dominant, répliqua-t-elle, c'est de ne pas avoir à se méfier de tout, tout le temps. C'est une perte de temps et d'énergie dont je me passe bien. »

Elle fit un geste de la baguette et un parchemin vola jusqu'à lui. Neville lui lança un regard interrogateur mais elle s'était déjà rassise, des factures à la main. Il baissa les yeux sur ce qu'elle lui avait passé.

Un contrat sorcier.

Qui stipulait, en termes juridiques précis, les tenants et les aboutissants de sa nouvelle condition.

« Je dois signer quand ? »

Réflexe de non-initié, il le savait. Mais il ne voulait rien signer sans l'avis de sa grand-mère. Elle, elle saurait. Elle le conseillerait.

« Le plus tôt possible. Rentre chez toi, montre-le à ton aïeule (elle avait deviné la cause de son hésitation) et envoie-moi le truc qui vous sert d'elfe de maison avec le document signé. »

Elle le congédiait. Il la salua d'un signe de tête, sans vérifier si elle y répondait, et se glissa dans les flammes.

« Grand-mère, j'ai besoin de toi. Ou plutôt de ton œil avisé. »

Elle lui jeta un regard amusé depuis son fauteuil.

« Que de flatteries en une seule phrase.

- Une seule, mémé.

- Tu ne grilles pas tout ton stock. Sage précaution. »

Il s'approcha d'elle et lui tendit le contrat. Ses yeux pétillèrent et elle se mit à lire le document. Au bout de quelques minutes d'un silence que Neville respecta religieusement, elle revint à lui :

« Et ?

- À ton avis, je signe ? »

Elle ôta ses lunettes. Il savait que c'était pour mieux réfléchir : elle avait ce toc de suçoter sa branche de lunettes pour parvenir à formuler une réponse concise.

« Même si ça me déplaît que tu sois au service d'un Parkinson, reprit-elle en pesant ses mots, je pense que cet arrangement pourrait vous convenir à tous deux. Ce papier te protégerait.

- Il m'expose tout autant.

- Pour l'instant, tu as plus à craindre de nos ennemis que de représailles qui pourraient venir de notre propre camp, répliqua Augusta Londubat d'une voix ferme. Cette fille, l'héritière Parkinson, est mieux placée qu'un Dumbledore ou que Minerva pour te permettre d'avoir les mains libres. »

Neville tourna le dos à sa grand-mère et fixa l'âtre dans laquelle brûlait un feu ronflant. Elle avait raison, il le savait. Mais ça le chiffonnait.

« Mais… Être au service de l'ennemi, c'est pas trahir…

- Tes parents ? »

La voix de sa grand-mère était coupante, froide. Semblable à celle de Parkinson dans ses mauvais jours.

« Tes parents ont perdu leur raison pour que tu puisses vivre, asséna-t-elle. Et signer ce contrat pourrait aller dans ce sens. Tu protégeras tes parents, toi-même, et la vieille femme que je suis. »

Un silence suivit.

Puis :

« Courbe l'échine pour le moment, Neville. C'est comme ça qu'on survit. »