Chers lecteurs,

Un loooong chapitre aujourd'hui. Rated T je pense.
Et Deadpool est stylé.

Portez-vous bien, allez siffler sur la colline, à bientôt,

Al

PS : réponses aux commentaires des anonymes pas si anonymes que ça :

Katymyny : j'ai beaucoup aimé ton clin d'œil ! voici la nouvelle garniture tomate-mozza de cette ficzza, j'espère qu'elle te plaira !

Nicto : merci pour la relecture, les allusions et ton taboulé.


« Règle numéro 1 : quand le flic rapplique, faites comme la truite, prenez la fuite. » Deadpool contre le Punisher


Neville expira doucement. La buée qui s'échappait de ses lèvres colorait l'air d'une teinte gris bleuté devant lui. Il sentait à côté de lui la chaleur de Susan. Les nuits d'avril étaient encore fraîches, et il avait conscience que la relative accalmie qui les protégeait ne serait bientôt plus de mise.

« La voie est libre. »

Ils s'extirpèrent du recoin où ils étaient cachés pour avancer dans la rue principale du Chemin de Traverse. Un beffroi au loin sonna trois heures. Ils étaient à cette heure inconnue des noctambules, quand ceux qui se couchent tard ont rejoint leurs pénates et ceux qui se lèvent tôt n'ont pas encore quitté leur lit. Encore un peu de tranquillité.

Peu de temps, il fallait agir vite.

« Ygg ! Dépêche ! »

Des faux noms, toujours. Au cas où. Neville avait recyclé le pseudonyme qu'il avait utilisé pour Potterveille. Ils étaient masqués, aussi. Des masques de loup qui leur couvraient le visage. Protection dérisoire de leur identité. Neville aimait bien le rappel, aussi. Les Mangemorts étaient masqués. Ils n'étaient jamais visage découvert quand ils agissaient.

Eux non plus. Masque noir contre loup blanc. Lutter à armes égales.

Il suivit Susan et ils s'arrêtèrent devant la vitrine d'Ollivander.

C'était pas la première fois qu'il taguait avec Susan. Ils fonctionnaient bien, ensemble. Comme un ballet bien rôdé : Neville sortit le pochoir de son sac et Susan ses bombes de peinture.

Ça n'aurait pas dû être Susan. Elle avait déjà fait son boulot la nuit précédente, elle tenait difficilement debout. Fatigue. Neville le savait. Mais il n'avait pas eu d'autre solution. Ernie s'était cassé la cheville le jour-même, et c'était la dernière nuit.

Sans un mot, ils firent ce pour quoi ils n'étaient pas dans leurs lits. Neville agrandit le pochoir d'un coup de baguette et le plaqua contre le mur par un sortilège de glu temporaire. Susan recula de trois pas et projeta la peinture sur le mur. Neville surveillait les environs. En quelques minutes, le tag était fait en Permanente 72 heures. Neville détacha le pochoir et ils reculèrent tous deux d'un pas pour admirer leur œuvre.

L'apostrophe s'étalait sur trois lignes.

Disparu depuis longtemps.

Que font les Aurors ?

Ils sont à la botte de Voldemort.

Puis venait leur signature. Juste les initiales. LO. Les Loups d'Odin. Ils avaient tellement frappé pendant le mois de mars qu'ils n'éprouvaient plus le besoin d'énoncer leur nom en entier pour être reconnus.

« Au suivant ! »

Le transplanage sur le Chemin de Traverse était impossible, ils le savaient depuis le début et composaient avec. Passer par le Chaudron Baveur, c'était devoir s'assurer de la loyauté de Tom, et Neville n'avait pas vraiment envie de discuter avec le barman. Taguer sur le Chemin de Traverse, c'était prendre beaucoup plus de risques qu'ailleurs. Quand ils en avaient discuté entre les membres des Loups, ils s'étaient partagé les horaires et les lieux pour taguer.

Neville s'était débrouillé pour rafler le plus possible de créneaux sur le Chemin. Il ne voulait pas faire prendre de risques supplémentaires aux autres.

Ils avancèrent, remontèrent vers Gringotts. Hors de question de taguer la banque : malgré les conseils de Bill Weasley, ils n'en savaient pas assez sur le système de protection des gobs pour prendre le risque d'y laisser un message.

Ils s'arrêtèrent devant la boutique de Florian Fortarôme. Disparu à peu près en même temps qu'Ollivander. Le même slogan serait parfait.

« Qui va là ? »

Neville se jeta contre Susan, la plaqua dans une encoignure de porte et les recouvrit de la cape d'invisibilité avant qu'elle eût eu le temps de réagir.

Ils restèrent plaqués l'un contre l'autre, la buée de leurs expirations se mélangeant. Des pas. Un temps.

« Laisse tomber, Robert. Ça doit être un chat, ou un rat. »

Les pas s'éloignèrent, une porte grinça sur ses gonds.

Neville tendit l'oreille. Le silence n'était troublé que par la respiration heurtée de Susan dans son oreille.

Au bout de dix minutes, il ôta la cape.

« On devrait rentrer, chuchota Susan. C'est trop dangereux.

- Pas question. Tu sais bien qu'on peut pas. »

C'était Fred qui avait reçu le courrier du Ministère, cinq jours plus tôt. Tous les commerces du Chemin de Traverse avaient été mis au courant : bientôt un couvre-feu serait mis en place sur le lieu sorcier le plus fréquenté d'Angleterre. Preuve que leurs escapades nocturnes avaient eu un impact suffisant pour qu'ils fussent considérés comme menace à éliminer.

Neville avait décidé qu'ils devaient taguer le plus possible dans les jours qui leur restaient.

Bientôt ils ne pourraient plus taguer comme ils le voulaient. Bientôt il faudrait trouver d'autres moyens d'action. Mais pour l'instant, ils le pouvaient encore.

Ils se remirent devant la devanture du glacier. En deux gestes précis, Neville plaqua le pochoir contre le mur, Susan tagua. Et ils repartirent, furtifs.

« Prochaine étape : la devanture de Grimlen. »

Il entendit le rire discret de Susan. Elle savait qu'il détestait son job.

Trois cents mètres plus loin, ils étaient arrivés. Neville fouilla dans son sac :

« On fait lequel ?

- Hurlez avec les loups. »

Il acquiesça. Ça lui ferait plaisir de voir ça en allant bosser, le lendemain.

« Couleur ?, demanda Susan, accroupie.

- Rouge sang. Gaffe à tes mains. »

La semaine précédente, Neville s'était tagué les mains en bleu pervenche. Il avait dû raconter avoir manipulé des essences de violette pour expliquer pourquoi les traces ne partaient pas. Deux jours plus tard, la peinture avait disparu, mais ils étaient tous sur le qui-vive dorénavant. Pas question de se faire attraper pour une connerie de ce genre.

« On est dans les temps ? »

Neville dégoupilla sa montre :

« Faut se presser. »

Ils recommencèrent la même manœuvre. Cette fois encore, le slogan s'étalait sur trois lignes :

Ils cherchent à nous faire taire.

Faites du bruit avec nous.

Hurlez avec les Loups.

Le sigle LO suivait.

Ils ne taguaient plus pour l'Armée de Dumbledore. Neville avait trop peur des retombées, pour lui ou pour les autres. Il avait prévenu ceux dont le nom avait été évoqué dans le fumoir du Renard doré pour qu'ils fissent plus attention. Ils étaient sur liste noire, ils le savaient. Pour couper les ponts, ils taguaient dorénavant principalement pour les Loups d'Odin. Un peu pour les Banshee en Irlande.

Shacklebolt leur avait interdit de taguer pour l'Ordre. Trop dangereux.

Ils finirent rapidement.

« On a encore le temps pour un dernier ? »

Ainsi fut fait. Ils taguèrent le mur d'en face. Message beaucoup plus court : Les Loups sont avec vous.

Ils vérifièrent que personne ne les avait vus.

« On devrait taguer la boutique des jumeaux, pour ne pas éveiller de soupçon. »

Bien entendu, Susan avait raison.

« George va nous tuer. » gloussa Neville.

Ils prirent le chemin le plus court qu'ils trouvèrent pour rentrer au magasin de Farces pour sorciers facétieux, se glissant sous la cape quand le besoin s'en faisait sentir.

Parvenus devant la boutique, Susan proposa :

« Soyez malins, suivez Odin ?

- Non. Message de soutien. »

Il choisit le pochoir qui proclamait : Tous avec lui, tous avec Harry !

Une fois le message peint sur le rideau de la boutique, ils se postèrent devant le vide entre deux devantures et attendirent. La porte de service de Farces pour sorciers facétieux apparut.

Neville et Susan entrèrent se mettre au chaud. Neville ôta sa cape et son masque et les accrocha au porte-manteau. Susan souleva son masque et s'exclama :

« J'aurais jamais pu finir à Gryffondor ! Quand le mec, là, est sorti, j'ai cru que j'allais m'évanouir de peur !

- T'inquiète, Neville t'aurait protégée de tous les dangers. »

Neville haussa les épaules à cette remarque. Fred, adossé au chambranle de la porte qui menait à la cuisine, riait sous cape.

« Vous avez fait vite, remarqua-t-il. Un chocolat, ça vous tente ? »

La proposition s'adressait à Susan. Elle accepta avec un plaisir évident et ils s'assirent tous trois à table. Fred leur servit une tasse.

« C'est dommage, j'ai pas pu vous poser la question con, regretta-t-il en s'asseyant avec eux. J'aimais bien le bon temps où fallait trouver des questions-réponses débiles pour savoir qui était en face de soi. Avec le Fidelitas, on sait immédiatement qui se pointe. Ça perd de son charme. »

Avec la recrudescence d'attaques des Mangemorts, nombreux étaient ceux à avoir mis leur maison sous protection anti-transplanage, quand ce n'était pas sous Fidelitas. Fred était Gardien du secret : le magasin était accessible à tous, mais les appartements du dessus, la cave et l'arrière-boutique n'étaient plus ouverts aux personnes qui n'étaient pas incluses dans le Fidelitas. La porte de service, qui ne servait auparavant que pour le livreur, était dorénavant réservée à ceux qui étaient dans le Secret.

« C'est vrai que Tante Muriel comme réponse à la question 'Quel est ton fantasme inavouable ?' ne manquait pas de charme, répondit Susan en sirotant son chocolat.

- Tu ne l'as jamais vue, tu ne sais pas à quel point elle fait rêver ! Et puis c'est George qui a décidé pour moi !

- Dois-je en conclure que c'est toi qui as choisi Cornelius Fudge comme fantasme inavouable de George ? » demanda Neville.

Les jumeaux avaient décidé de se poser la même question pour être sûrs de leurs identités respectives, bien que Neville doutât que quiconque fût capable de faire croire être l'un des jumeaux, même sous Polynectar.

« Non, ça c'est Lee. Moi, j'ai choisi Gilderoy Lockhart. Lee ne me le pardonne toujours pas. »

Susan s'étouffa dans son chocolat alors que Neville éclatait de rire.

« J'ignorais que vous aviez choisi vos réponses comme ça ! »

Ils continuèrent à bavarder pendant quelques temps, puis Susan prit congé. Une fois seuls, Fred demanda :

« Tu dors ici, cette nuit ? »

Neville opina. Les insomnies et les cauchemars de Parkinson commençaient enfin à reculer. Neville ne se sentait plus coupable de la laisser seule la nuit, sûr et certain qu'elle lui enverrait un patronus énervé pour le convoquer si le besoin s'en faisait sentir. Il avait pu participer aux activités nocturnes des Loups et, sans vouloir s'arroger toute la motivation, ils avaient plus tagué en deux semaines qu'en trois mois.

Neville le sentait : comme lors de sa dernière année à Poudlard, il gonflait le moral des troupes. Il se sentait à la fois exalté et plombé par cette responsabilité.

« Comment se porte ton sisymbre ? »

Neville gloussa : Fred s'enquérait de la santé de ses plantes comme de celle d'un ami très proche.

« Il pousse bien. J'ai mis du Poussevert comme engrais et un tue-pucerons efficace. Tu devrais avoir de quoi faire dans une semaine. »

Les jumeaux voulaient se lancer dans la production de Polynectar et le sisymbre était un des premiers ingrédients dont ils avaient besoin. Ils auraient pu en commander à la Grande Serre, mais vu la quantité déraisonnable qu'ils désiraient, ils savaient qu'ils allaient attirer l'attention.

Demander à Neville d'en faire pousser était beaucoup plus simple. Quitte à dire adieu à la soupente du fond du grenier. C'était un sacrifice que les jumeaux étaient prêts à faire.

« Vous avez trouvé un potionniste pour vous aider ?

- Hannah est partante. Elle est contente de se remettre à faire des potions. Depuis qu'elle travaille à la Gazette, elle manque d'occupation pratique. »

Ça lui ressemblait bien, tiens. Hannah avait toujours été brillante en potions.

La porte s'ouvrit et laissa le passage à Katie et Angelina.

« Salut les mecs ! »

Neville sourit à Katie. Il l'aimait bien. Elle était loyale jusqu'au bout des ongles. Neville ne connaissait pas toute l'histoire, mais elle avait passé un long moment à Sainte-Mangouste lors de sa septième année, et depuis son retour, elle vouait une fidélité sans faille à Harry.

« Votre campagne d'affichage s'est bien passée ?

- Rien à signaler, répondit Katie. Il y a juste eu un poivrot à Brighton, qui a voulu mettre Angelina dans son lit, mais on a attendu un peu et il est parti cuver ailleurs. On a pu taguer sans problème. »

Neville se réjouit. Brighton était une ville aisée, moins peuplée que Londres, mais moins politisée. Son quartier magique mêlait Moldus et sorciers. Les messages des Loups d'Odin avaient beaucoup plus de chances d'être lus et compris qu'à Londres.

Et puis, il n'était pas encore prévu de mettre Brighton sous couvre-feu.

« C'était notre dernière nuit pour Londres, annonça Neville. Je ne veux pas qu'on prenne plus de risques pour le Chemin de Traverse. D'autres endroits sorciers pourraient être aussi mis sous couvre-feu, comme Pré-au-lard, sans qu'on le sache. C'est plus sûr d'arrêter là. »

Fred tiqua :

« Plus sûr ? Je pense qu'on devrait justement leur montrer qu'on n'a pas peur. C'est pas un couvre-feu qui nous empêchera de taguer.

- Si tu veux faire tes tags à l'étage – 13 du Ministère, libre à toi, coupa Neville, glacial. Pour ma part, il est hors de question qu'on prenne des risques inutiles. On a autre chose à faire. »

Il avait jeté un froid, il le savait. Mais, parfois, Fred ne se rendait pas compte du danger. Parfois, quelle blague… Fred ne se rendait jamais compte du danger. Les jumeaux avaient toujours testé sur eux leurs propres produits, quitte à en être malade. Ils avaient toujours défié la loi, les règlements et les ordres, flirté avec l'illicite. C'était une habitude dure à perdre.

À leur degré, ce n'était plus du courage. C'était de l'inconscience.

« Salut ! »

L'arrivée de George permit à tous de se reprendre. Il venait du sous-sol : une toile d'araignée s'était prise dans ses cheveux.

« Le dernier client est parti ?

- Ouais. Il voulait de la racine de mandragore broyée, y en avait plus, il repassera la semaine prochaine. »

George s'assit à côté d'Angelina. Leur marché noir nocturne créait de belles rentrées d'argent, non déclarées, bien entendu. Neville ne s'y intéressait pas plus que ça. Il savait que, dans les clients réguliers des Weasley, se trouvaient sûrement des personnages du genre de Sir Arceus Parkinson ou Lucius Malefoy.

Si les jumeaux étaient prêts à faire une croix sur leur morale pour faire du chiffre, ce n'était pas son cas.

Autant continuer à ignorer au maximum leurs malversations.

« On a encore qui dehors ?

- Michael Corner et Cormac McLaggen à Pré-au-Lard, répondit Neville en jetant un œil à leur petite liste. Seamus et Anthony Goldstein à Galway. Susan est rentrée chez elle. Alicia a choppé la crève, Ernie est toujours immobilisé, ils sont tous deux au lit.

- Pas dans le même, j'espère… »

Neville ignora la remarque de Fred. Ils attendaient encore, même s'ils travaillaient le lendemain. Dix minutes plus tard, ils reçurent un patronus de Seamus : lui et Anthony étaient bien rentrés.

« Bon, nous, on va se coucher et tenter de grappiller quelques heures de sommeil, annonça George en se levant. Angie bosse demain. Venez nous chercher s'il y a du nouveau. »

Angelina et lui quittèrent la cuisine, suivis de près par Katie, invitée à squatter le canapé du salon. Fred et Neville restèrent l'un en face de l'autre, silencieux.

« Désolé pour tout à l'heure, avoua Fred au bout de quelques minutes. J'ai tendance à oublier que nous sommes en guerre et que nous risquons plus qu'une simple retenue. »

Neville sourit :

« Pendant longtemps, j'ai plus craint les retenues que Tu-sais-qui.

- Tu rigoles ?

- Il était abstrait, tu vois ? Alors que les retenues… Avec Rogue, j'en ai fait tellement. Il me terrifiait. »

Fred eut un gloussement :

« Si tu savais… Moi c'est McGo qui m'en collait le plus.

- Elle vous adorait, pourtant…

- Ouais. Mais c'est une amie de maman, et elle lui avait promis de faire de nous autre chose que des petits chenapans, d'après ses propres mots.

- Eh ben c'est réussi… »

Ils ricanèrent de concert. Neville jeta un coup d'œil à sa montre :

« C'est pas un peu tard ? »

Fred sourcilla :

« Il est quelle heure ?

- Cinq heures du mat'. Ils sont partis y a presque trois heures. Ils auraient dû finir. McLaggen tague rapidement, d'habitude. »

Pour Neville, la décision était déjà prise.

« On y va. »

Fred prit le temps de la réflexion puis se leva à la suite de Neville.

« Va prévenir George et les filles, dit Neville en attrapant sa cape d'invisibilité. Si on rentre pas…

- Si on rentre pas, pas la peine d'inclure mon frère là-dedans. »

C'était la première fois que Neville entendait Fred faire preuve de bon sens. Il acquiesça.

« Baguette au poing. »

Ils jetèrent une pincée de poudre de cheminette dans l'âtre :

« Tête du Sanglier. »

Neville espéra qu'Abelforth n'avait pas bloqué la cheminée. Il n'avait vraiment pas envie de se retrouver coincé dans le conduit avec Fred.

Fort heureusement, ils arrivèrent à bon port. Et Abelforth était déjà réveillé, posté derrière son bar monumental.

« Neville, Fred, qu'est-ce que vous foutez là ?

- Pas le temps de t'expliquer, Abe. Garde la porte ouverte. »

Neville tendit la cape d'invisibilité à Fred :

« Tiens. T'as plus à perdre que moi si on te reconnaît. »

Il savait que Fred allait refuser de prendre moins de risques que lui, donc il sortit la remarque ultime, celle qui pousserait toujours Fred à agir incognito :

« On pourrait te prendre pour George. »

Il revêtit son masque de loup et se jeta dans les ruelles obscures, à peine éclairées par quelques lampadaires épars. Il entendit les pas de Fred s'éloigner dans la direction opposée.

Pré-au-Lard avait, depuis peu, une allure de village fantôme. Le nouveau règlement de Poudlard interdisait les sorties : les élèves n'avaient plus la possibilité d'aller se promener le samedi. Les récents actes de vandalisme que le village avait subis – des tags enjoignant à rejoindre l'A.D. – avaient poussé Rogue à proscrire les échappées. Le tourisme avait lui aussi baissé, et il était dorénavant rare de voir salle comble aux Trois Balais. La nuit, le patelin désolé invitait encore plus à fuir.

Neville avançait d'un pas vif, guettant le moindre mouvement, le moindre bruit, le moindre souffle. Il n'entendait que ses pas sur le pavé, des claquements qui lui paraissaient à la fois trop solitaires et trop bruyants. Personne dans les ruelles. Bientôt, le jour se lèverait, Neville devrait aller bosser, Fred retournerait ouvrir sa boutique pour ne pas éveiller de soupçons, Abelforth ouvrirait son pub pour les travailleurs matinaux. Le temps pressait, et toujours rien !

Il passa devant Zonko, à la vitrine presque vide, et aperçut enfin ce qu'il cherchait.

Un graff immense, qui couvrait la façade d'un immeuble de trois étages.

Ses trois amis, peints en couleurs éclatantes. Harry, le regard fier, sa cicatrice d'un rouge criard, baguette brandie devant lui. Hermione, ses cheveux plus ébouriffés que jamais, l'air sérieux, la main posée sur un livre. Ron, farouche, posté derrière eux, bras croisés, comme un inébranlable gardien.

Et le tout proclamait : Ils sont avec nous. Soyez avec eux.

Et au pied de la fresque, McLaggen qui ajoutait les dernières taches de rousseur de Ron par petits coups de baguette.

« Cormac ! »

L'heure était trop grave pour les surnoms. Si c'était pour attendre que McLaggen se souvînt de son pseudonyme…

L'ancien gardien des Gryffondor se tourna vers lui et lui lança un grand sourire :

« T'as vu ? J'ai réussi à rendre les yeux d'Hermione ! »

Neville jura : McLaggen avait ôté son masque de loup. Il était à découvert.

« Il faut y aller ! Où est Michael ? »

McLaggen haussa les épaules, inconscient du danger d'être ainsi exposé. Il n'avait encore jamais vu la guerre, songea Neville. Il ne s'était jamais battu. Il n'avait pas vaincu ou perdu, encore.

« Il fait le guet. Tu l'as pas vu ? »

Il paraissait tellement serein, sûr de lui. Tellement à côté de la plaque. Heureux d'avoir fini cette fresque magnifique, cet hommage multicolore aux trois héros exilés.

C'est à ce moment là que tout dérapa.

« Sectumsempra! »

Un éclair rouge jaillit près de McLaggen, qui ne dut qu'à ses réflexes de plonger au sol.

Neville aurait reconnu cette voix entre mille. Un seul homme était capable de lancer ce maléfice avec autant d'enthousiasme.

Il était en pleine rue, cible facile. Il sentit un mouvement derrière lui. Sans réfléchir, il se jeta à terre, roula sur lui pour éviter un éclair violet, se releva, tituba, se précipita sur McLaggen. Effondré par terre. Pissant le sang.

Touché par le maléfice d'Entaille.

Un sifflement… Neville se baissa juste à temps : l'éclair rouge fracassa le mur au dessus de sa tête.

« Putain ! Protego ! »

La puissance du bouclier fit trembler le sol. Les gravats dégringolèrent le long du rempart magique et évitèrent les deux sorciers. Neville, à l'abri, leva les yeux et essaya d'analyser la situation.

Le Mangemort corpulent avançait sournoisement vers eux. Sir Arceus Parkinson. Il n'avait même pas pris la peine de se masquer. Deux autres Mangemorts, masqués, eux, l'encadraient, qui se mirent à attaquer régulièrement le bouclier qui couvrait Neville et McLaggen.

« Attrapez-les, faites sauter leurs masques !, aboya Sir Parkinson. Nous devons savoir qui ils sont ! »

Neville passa son bras sous l'aisselle de McLaggen et le releva. Un gémissement lui parvint ; il craignit que McLaggen s'évanouît. Les débris volaient, heurtaient les murs dans un vacarme assourdissant.

« Attention ! »

Il se tourna vers la voix de Michael Corner juste à temps pour voir l'éclat de la baguette d'un quatrième Mangemort. Il s'affaissa de nouveau à terre, écroulé sur le blessé qu'il était censé soutenir.

« Stupéfix ! Reducto ! Vas-y ! Impervius ! Expelliarmus ! Cours ! Reducto ! Stupéfix ! »

Michael lançait des sorts, malheureusement peu puissants et parfois inutiles, mais qui avaient le mérite de créer une diversion suffisante pour que Neville se relevât et prît la fuite dans une ruelle adjacente. Titubant sous le poids de McLaggen, il avança, ignorant les fenêtres qui s'entr'ouvraient sur son passage pour laisser place aux regards terrés des habitants.

« Allez, allez, fais un effort, marche ! »

L'autre ne réagit pas. Neville lui jeta un coup d'œil. Évanoui.

« Merde de merde ! »

Il entendait derrière lui les éclats d'une bagarre qui dégénérait. Michael face à quatre Mangemorts.

Il n'avait aucune chance.

Neville sentit en lui un instinct puissant, un instinct qui le poussait à faire demi-tour et à aller affronter ses ennemis. Il hésita : poser McLaggen contre un mur, retourner sur ses pas, y aller…

Mais non.

McLaggen perdait trop de sang. Y aller, y retourner, c'était se jeter dans la gueule du loup, offrir trois victimes à Celui-qui-aimait-prendre-des-vies au lieu d'un seul martyr.

Il avança, soutenant du mieux qu'il pût McLaggen. En entendant siffler au-dessus de sa tête, il vira à gauche, se planqua dans un recoin de porte, fit volte-face et jeta un puissant sort de stupéfixion au Mangemort qui les suivait. Le Mangemort évita le sort en se jetant derrière une poubelle.

Ayant gagné deux précieuses secondes, Neville se remit en route.

Les murs des immeubles et des maisons bloquaient les sons. Il n'entendait plus ce qui se passait devant Zonko. Sa gorge le brûlait, ses poumons lui déchiraient la poitrine. Il jeta un charme de Blocpassage derrière lui, espérant gagner quelques instants.

Une lueur parcourut le ciel et alla frapper la vitre d'une fenêtre entrouverte : le soleil se levait. C'était l'aube.

Incroyable comme elle paraissait saugrenue…

Neville aperçut enfin l'enseigne de la Tête du Sanglier. Il parcourut les derniers mètres comme poussé par une force surhumaine.

Il vit Abelforth dans l'encadrement de la porte.

Un trait violet passa par dessus son épaule et alla se perdre derrière lui. Le bruit mat d'un corps s'écroulant à terre lui indiqua que le Mangemort qui les suivait n'était plus dans la course.

« Dépêchez-vous ! »

Neville atteignit la porte, Abe la claqua violemment.

« Donne-le-moi. »

Neville tendit le corps inerte de McLaggen à Abelforth qui commença à sillonner les plaies d'un huit parfaitement maîtrisé en marmottant : « Vulnera sanentur… Vulnera sanentur… »

Neville s'essuya le front de sa manche. Et s'aperçut d'une chose :

« Où est Fred ?

- Pas encore rentré. »

Neville alla jusqu'au bar, attrapa un pichet d'eau et le but en trois goulées. Du liquide s'écoula sur son menton et se glissa dans son col, le faisant frissonner.

« J'y retourne. Fais passer McLaggen par la cheminée. »

Il n'attendit pas la réponse d'Abelforth et rouvrit la porte.

Dans la rue déserte, tout paraissait trop calme. Le corps du Mangemort assommé – ou tué ? – par Abelforth bloquait le passage, deux portes plus loin.

J'espère qu'il est mort, que je n'aie pas à le tuer…

Il savait que, pour protéger Abelforth, il lui faudrait se débarrasser du seul témoin qui les avait vus se planquer à la Tête du Sanglier. Hors de question qu'un témoin de cet acabit se balade dans la nature. Et il ne maîtrisait pas assez le sortilège d'Amnésie pour le lancer.

Il le stupéfixa de nouveau et s'approcha de lui.

Les bras en croix. Neville se baissa, toucha sa poitrine.

Pas de respiration.

Pas de témoin.

Abe avait fait du bon travail.

Sans plus attendre ni se poser la question de la moralité de cet acte, il repartit au pas de course en direction de Zonko. Plus il s'approchait, plus il entendait le fracas des sorts qui ricochaient sur les murs.

Quand il parvint à l'angle de la rue, il aperçut Michael, par terre, harcelé par un Mangemort, mais protégé encore par des sorts qui semblaient surgir d'un coin désert.

Fred.

Il était sous la cape et protégeait Michael. Neville sentit le courage lui remonter les bretelles ou les manches, il ne savait plus, et l'espoir venir fouetter ses veines. Fred était là. Trois contre trois. Ils étaient à égalité.

Ils avaient une chance de s'en sortir.

Sir Parkinson cherchait à trouver l'origine du défenseur de Michael. Il tâtonnait, évitait les sorts qui volaient vers lui, mais s'avançait inlassablement vers le recoin où se trouvait Fred. Un deuxième Mangemort harcelait sans cesse Michael.

Le dernier Mangemort, à terre, se tenait le ventre, pris de convulsions.

C'était au tour de Neville de créer une diversion.

« Bomba maxima ! »

Le mur derrière Michael explosa. Des briques volèrent en tous sens, assommant le Mangemort déjà blessé. Neville tendit sa baguette vers les gravats :

« Wingardium leviosa ! »

Les débris s'envolèrent et ensevelirent l'homme qui attaquait Michael. Sir Parkinson se protégea les yeux d'un bras et se replia derrière une porte cochère.

Plus qu'un Mangemort. Le pire.

Si Neville se fiait au point d'origine des sortilèges, Fred devait être plus près de Michael que lui. Il fallait éloigner le dernier adversaire vaillant, pour leur permettre à tous deux de prendre la fuite.

Il se précipita dans la rue, hurla, sans vraiment y réfléchir :

« Parkinson ! Bâtard ! Viens te battre ! »

Le lord se tourna vers lui. Neville hoqueta : il n'avait jamais vu autant de haine sur un visage humain. Pris d'une peur panique, il prit la fuite.

Il entendit Sir Parkinson se lancer à sa suite.

Il fallait l'éloigner. Le plus possible. Permettre à Fred de fuir. Permettre à Michael de fuir. Une vie pour deux. C'était juste.

Neville courut, zigzaguant pour éviter les sortilèges qui frappaient à intervalles réguliers l'endroit où s'étaient posés ses pas. Sa vitesse, à moins que ce ne fût l'imprécision de son poursuivant, lui permit de prendre une avance qu'on aurait pu qualifier de confortable dans d'autres circonstances. Il enjamba une enseigne de magasin qui s'était décrochée sous l'impact d'un sortilège.

Sans voir le trou qu'elle cachait.

Il s'effondra, sentit une violente douleur éclater dans sa cheville. Sa baguette lui échappa des mains et alla rouler quelques mètres plus loin.

« Alors, morveux, t'as cru t'échapper ? »

La voix de Sir Parkinson, bien qu'essoufflée, avait les mêmes intonations moqueuses que sa fille. Neville dégagea son pied, essayant d'ignorer sa souffrance, et se mit à ramper en direction de sa baguette.

Mais il savait que c'était trop tard.

L'autre avait l'avantage.

« Petrificus totalus ! »

Le sort l'engourdit rapidement. Il essaya de bloquer ses pensées, un minimum. Gagner du temps… Espérer un miracle…

« Tu sais, ça fait bien longtemps que je n'ai pas lancé un sort aussi inoffensif, roucoulait Sir Parkinson dans son dos. Ça fait remonter des souvenirs. J'ai l'impression d'être de retour à Poudlard. »

Neville continuait de se tortiller, pour se libérer du sort de pétrification. Il savait que c'était vain. Il le savait. Mais il ne pouvait se résoudre à abandonner. Ils étaient si proches… Ils avaient été si proche… si proches de tous s'en sortir.

« J'ai hâte de voir qui se cache derrière ce masque, continuait l'autre. J'espère vraiment que c'est de la chair fraîche. Vous, les jeunes sorciers, vous mettez tellement de temps à mourir. Vous croyez que votre misérable vie a de la valeur et vous vous y accrochez coûte que coûte ! Un vrai régal. »

Cette voix, de plus en plus proche, de plus en plus près… Neville hoqueta, sentant sa panique revenir en force. Le courage, quelle blague…

Un hurlement fendit l'air.

Neville sentit soudain un grand poids s'enlever de ses épaules.

Il avait reconnu le bruit. Il savait à qui appartenait ce cri animal.

« Qu'est-ce que… »

Une galopade. Des bruits de crocs, de mâchoires claquant, de pattes fendant l'air. Des aboiements, des jappements, des cris de douleur, humains cette fois.

« Saleté !, jura Parkinson. Sectum

- Stupéfix ! »

Un bruit sourd. Deux pieds nus, crottés, apparurent dans le champ visuel de Neville.

« Il me semblait bien avoir senti ton odeur.

- Luna, libère-moi. »

Il entendit un petit rire et :

« Finite incantatem. »

Il se releva, respirant à grands traits. Un loup immense surveillait la masse de Sir Parkinson, évanoui, étendu dans la rue.

Et Luna le fixait de ses yeux trop bleus. Il s'approcha d'elle et la serra dans ses bras, ignorant son grognement de protestation. Il avait eu trop peur. Il inspira son odeur de forêt et de terre mouillée, sentant ses entrailles se décontracter doucement.

Elle le repoussa doucement et lui sourit :

« Crocs t'a senti depuis la Forêt interdite. Il a le meilleur odorat d'Angleterre, tu sais, dit-elle, fièrement.

- Luna, la coupa-t-il, tu dois y aller. Ils vont revenir à plusieurs, et tu n'as pas de quoi te défendre.

- Freyr Gris a bien fait son boulot, ne t'inquiète pas. »

Elle lui tendit sa baguette.

« Vas-y. Et tâche de rentrer en un seul morceau. »

Regardant Luna s'accrocher à la fourrure de Freyr Gris, Neville se fit la réflexion qu'elle ne l'avait pas nommé. Elle avait conservé son anonymat.

Mais elle, en revanche, s'était grillée. Elle leur avait rappelé qu'elle était vivante. Qu'ils ne l'avaient toujours pas retrouvée. Qu'elle leur échappait toujours.

Ils repartiraient à sa recherche.

Elle les narguerait, toujours.

« Tu dois quitter la…

- Va. On se débrouille. »

Neville l'observa monter sur le dos de Freyr Gris. Assise sur sa fourrure comme une reine, elle lui fit penser à ces déesses guerrières qui peuplent les contes que lui avait transmis sa grand-mère.

« Merci. »

Elle lui adressa un sourire étincelant.

« Joli masque. »

Il osa répondre :

« C'est pour toi que je l'ai choisi. »

Il lui tourna le dos et se dépêcha de regagner une ruelle plus calme, en boitillant. Il rasa les murs, ôta son masque de loup une fois certain que personne ne le verrait.

Il parvint, un quart d'heure plus tard, devant la Cabane hurlante et réunit ses dernières forces pour transplaner dans l'unique endroit où il se sentait suffisamment en sécurité pour ne pas craindre de se désartibuler. Il espéra de tout son cœur que sa grand-mère fût réveillée et que Cupof eût mis de l'eau à bouillir.

Pour le reste, il verrait plus tard. Là, pour l'instant, il avait survécu.