Chers lecteurs,

Que dire ce jour ? J'ai de moins en moins d'avance dans mes chapitres (c'est la rentrée et l'absence de Nictocris), mais il fait beau, donc le moral est bon (et après tout, c'est le principal).
Demain la suite à la fic à Nictocris. J'ai hâte. (Oui je fais de la pub. Non je n'ai pas honte. Oui elle m'appâte avec des cookies.)
Rating T pour les sujets abordés.

Portez-vous bien, longue vie à vous, à bientôt,

Al

PS : réponses au commentaire de l'exquise Katymyny : j'ai l'impression que tu apprécies Sir Parkinson, je t'avoue que j'ai des doutes sur mon personnage du coup... les réponses à tes questions au prochain chapitre (et ici aussi, d'ailleurs). vraiment mes plus plates excuses pour tes palpitations cardiaques (ah ah je blague je suis pas désolé du tout). merci pour ton commentaire !

PPS : rien à voir avec la choucroute, mais pour ceux qui connaîtraient Kaamelott (les vrais), savez-vous dans quel épisode Yvain se nomme chevalier au lion ? je cherche je cherche et ne trouve pas. si vous ne savez pas, pas de problème : je me referai l'intégrale (c'est juste que ça prend du temps et que j'aime être efficace)


« Nous sommes tordus de chagrin à l'annonce de la mort de Robert G., tué dans une embuscade à Forcalquier dimanche. Les Allemands m'enlèvent mon meilleur frère d'action, celui dont le coup de pouce pouvait faire dévier les catastrophes, dont la présence ponctuelle avait une portée déterminante sur les défaillances possibles de chacun. Homme sans culture théorique mais grandi dans les difficultés, d'une bonté au beau fixe, son diagnostic était sans défaut. Son comportement était instruit d'audace attisante et de sagesse. Ingénieux, il menait ses avantages jusqu'à leur extrême conséquence. Il portait ses quarante-cinq ans verticalement, tel un arbre de la liberté. Je l'aimais sans effusion, sans pesanteur inutile. Inébranlablement. » Fragment 157 des Feuillets d'Hypnos, R. Char


« Lis ça. »

Neville attrapa la Gazette du jour que Lavande venait de jeter sur sa table de la cuisine.

Il avait à peine dormi deux heures la nuit précédente, Cupof avait soigné du mieux qu'il avait pu sa cheville qui le lançait toujours, Grimlen lui avait ôté dix gallions de sa paie pour une connerie qu'il avait faite. Il avait passé sa journée à attendre des nouvelles de Cormac McLaggen et Michael Corner, planqués au Terrier, où Padma Patil, qui séchait ses cours de guérisseur, tentait de les soigner du mieux possible.

Neville n'avait jamais vu quelqu'un subir le Sectumsempra : il en avait entendu parler, il avait vu Sir Parkinson le lancer à sa propre fille, mais il avait longtemps ignoré les réels effets du maléfice. Cormac avait reçu les premiers soins rapidement, par un sorcier compétent, mais pas Michael, qui avait perdu beaucoup de sang, trop de sang… Neville avait passé la journée à essayer de calculer combien de litres d'hémoglobine Michael avait pu perdre, puis à essayer d'effacer de sa tête les mains pleines de sang de Fred.

Il avait passé une journée tout bonnement affreuse.

Et la une de la Gazette n'annonçait rien de bon.

« Sir Parkinson nommé à la tête du bureau des Aurors. C'est une blague ?

- Pas que je sache, répondit Lavande en s'asseyant en face de lui. Il a brillamment défendu Pré-au-Lard hier lors d'une attaque terroriste, ce n'est qu'une simple récompense pour sa vaillance et son courage. »

Elle avait passé la journée au magasin des jumeaux, à la fois pour échapper aux jérémiades violentes des deux Malefoy et pour être au plus près de ses amis. George lui avait demandé de l'aide : il avait ouvert la boutique alors que Fred était au Terrier. Lavande avait coincé Teddy derrière la caisse et avait prêté main forte à George toute la journée.

Neville était toujours estomaqué :

« Mais… Un lord, travailler ?

- C'est plus une charge honorifique qu'un vrai boulot, répondit Lavande. Et puis ça lui permet d'avoir la jambe en plus du pied dans le bureau des Aurors. De quoi faire se retourner des capes… »

Elle n'avait pas tort. Celui-au-nom-duquel-on-massacrait-des-gens continuait à avancer ses pions avec parcimonie et intelligence.

Neville parcourut l'article de Skeeter qui s'étalait sous la photo soi-disant valorisante de Sir Parkinson. En bref, le nouveau chef des Aurors était mandaté par le Ministère pour apaiser les tensions liées aux actes de vandalisme et de destruction du patrimoine sorcier qui essaimaient l'Angleterre. Sir Parkinson avait affronté quelques opposants avec style et saurait les reconnaître pour mener à bien sa mission d'épuration du système sorcier, pour le bien-être et la sécurité de tous.

« Demain nous aurons la tête de McLaggen dans le journal, reconnut amèrement Neville. C'est le seul qui a montré son visage.

- Il est sorti avec Hermione, non ? Je suis étonnée qu'il ait pas été ostracisé plus tôt. »

Neville ne dit rien. Quand il avait démarché McLaggen, ce dernier travaillait au Magicobus. Pas l'emploi de rêve pour un fils à papa.

« Ils parlent des Loups d'Odin. Ils nous nomment. »

C'était la première fois que leur organisation secrète apparaissait dans un journal lu dans toute l'Angleterre. Belle promotion.

Une fierté inattendue emplit le cœur de Neville. Malheureusement vite douchée par Lavande :

« Lis bien. Regarde ce qu'ils disent. »

Il chercha ce dont elle parlait. Et la vit. La définition de leur groupe.

« Un ramassis de Sangs-de-bourbe et de Sangs-mêlés qui désirent voler leurs prérogatives et leur magie aux Sangs-purs. Ce dont ils n'ont pas été gratifiés par le sang, ils veulent l'obtenir par le vol et l'intimidation. Eh ben, c'est flatteur.

- Ils nous utilisent pour renforcer la campagne anti-né-moldu. Tout ça pour asseoir l'idée que Tu-sais-qui a bien raison de leur faire la guerre, puisqu'ils sont un vrai danger pour la société. »

L'analyse de Lavande se tenait. En faisant passer les Loups d'Odin pour un groupe de dangereux terroristes au sang impur, voleurs de magie, le camp de Celui-qui-n'a-aucune-morale légitimait sa propre action.

La phrase d'introduction « Sont supposés appartenir à l'organisation » précédait une liste de noms à la fin de l'article. On trouvait en premier lieu les noms des trois exilés, et lire les mots Harry Potter, Hermione Granger et Ron Weasley remua quelque chose dans les entrailles de Neville. La chasse reprenait. Ron était d'ailleurs le seul à apparaître dans la colonne Sang-pur. Une petite note explicative soulignait que son affiliation aux Loups d'Odin n'était pas prouvée et que, quand bien même cela s'avérerait, elle était sûrement due à la honteuse manipulation de Granger, abominable voleuse de magie.

Les noms suivants n'étaient pas si inattendus que ça. C'étaient les noms que Zabini avait lancés, sans les Sangs-purs. Les frères Crivey, Dean Thomas, Nés-moldus. Seamus Finnigan, Michael Corner, Marietta Edgecombe, Sangs-mêlés. George allait criser, puisque les noms d'Angelina Johnson et Lee Jordan apparaissaient dans la colonne Sangs-mêlés.

Alicia et Katie, toutes deux Sangs-purs, échappaient à l'hallali.

D'autres noms, inconnus au bataillon, comblaient les deux colonnes. Simon Parker. John Bowl. Susannah Erbenstein. Dave Lefranc. Mickey Rourke. Kate Middle. Dwayne Smithson, et tant d'autres… Sûrement des personnes recherchées par le gouvernement, que le Ministère coinçait là pour être sûr de ne rien laisser passer.

« Tu as vu ? Je n'y suis pas. Et toi non plus. »

En effet, si Neville n'était pas évoqué grâce à la pureté de son sang – ce qui aurait nui à leur idéologie – , on pouvait présumer que Malefoy avait fait jouer ses relations pour que sa bonne ne fût pas affichée.

Neville songea que Luna n'était pas citée, alors qu'il était certain que Sir Parkinson l'avait reconnue. Ils espéraient toujours la récupérer. Greyback devait toujours la pister pour l'intégrer à sa meute.

Leur idéologie était tellement forte qu'ils ne pouvaient pas concevoir, ou laisser imaginer à leurs lecteurs, qu'un Sang-pur pût s'intégrer de son plein gré à cette organisation résistante.

« J'ai vu Luna. »

Lavande s'exclama aussitôt, paniquée :

« Neville, et si mes maîtres regardaient dans ma tête ?

- T'inquiète pas, même Sir Parkinson l'a vue. Ils n'auront pas besoin de creuser dans tes souvenirs. »

Elle se détendit.

« Tu m'as fait peur…

- Deux de ses loups étaient avec elle. »

Lavande eut un sourire que Neville n'aurait su qualifier.

« Elle ne craint donc rien. Cachée dans la Forêt interdite, protégée par les Centaures et sa meute, les Mangemorts n'oseront jamais l'attaquer. En plus, Poudlard est le territoire de Rogue, et on sait pertinemment qu'il déteste que d'autres Mangemorts se mêlent de ses affaires. »

Il se sentit rassuré par les paroles de Lavande.

« C'est vrai. Yaxley n'arrive toujours pas à s'asseoir. »

Lavande ricana à l'évocation de ce qui s'était passé l'année précédente : Rogue avait rembarré Yaxley qui était venu à Poudlard. Neville n'avait jamais su la teneur exacte de leurs conciliabules, mais il avait cru deviner que Yaxley recherchait une poule pour une soirée entre amis. Rogue l'avait vertement renvoyé en arguant qu'on ne toucherait pas à un seul cheveu d'un sorcier sans l'accord du maître. Étant sa propriété, les élèves de Poudlard gardaient une certaine protection, contre toute attente. Seuls Rogue et les Carrow avaient le droit de jouer avec.

Luna était en sécurité tant qu'elle ne quittait pas l'enceinte de l'école.

Lavande alla à l'évier et rinça la théière qu'elle avait récupérée sur la table. Ses gestes étaient sûrs et précis, comme si elle avait toujours vécu ici.

« Fred rentre pour dîner ?, demanda-t-elle en attrapant le livre de recettes qui trônait au dessus du vaisselier.

- Oui… Mais t'inquiète, je suis capable de cuisiner, c'est mon tour !

- Je ne me force pas. Ça me détend. »

Neville se sentit obligé de se lever pour aller l'aider. Ils épluchèrent en silence. Lavande levait régulièrement le regard pour vérifier que Teddy, assis dans son parc dans un coin de la cuisine, était toujours vivant.

Même s'ils ne discutaient pas, leurs pensées suivaient le même chemin, puisque Neville sut immédiatement de qui elle parlait quand elle demanda, quelques minutes après :

« Ils vont s'en remettre ?

- Normalement, oui. »

Il n'ajouta rien. Pas de noms.

Il se surprit à espérer pouvoir un jour tout raconter à Lavande, sans craindre qu'un Mangemort fouillât dans sa tête le soir-même.

« Reste dîner, si tu veux.

- Je ne peux pas. Ils ont besoin de moi. »

Elle posa son économe et jeta une casserole sur le gaz. Elle alluma le feu d'un coup de baguette, y versa de l'huile et mit les oignons à rissoler.

La cheminée crépita et Neville se tourna à temps pour voir Fred en sortir, couvert de cendres.

Le visage fermé. Le regard vide. Les épaules contractées.

« Michael Corner est mort. »

Lavande eut un hoquet et s'effondra contre le mur. Teddy geignit, comprenant que sa baby-sitter n'allait pas. Elle alla vers lui en titubant et le sortit de son parc. Coincé entre ses bras, elle commença à pleurer.

Neville restait immobile. Il n'avait pas compris. Ou pas voulu comprendre… Il demanda :

« Il… il est parti en paix ?

- Il a demandé après toi, répondit Fred d'un ton détaché. Il avait perdu trop de sang. Padma n'a rien pu faire. Il est sorti avec Ginny, t'imagines ? Je vais devoir le lui annoncer. Maman propose qu'on l'enterre en toute discrétion. Elle a peur que les Mangemorts s'incrustent. Qu'on profane sa tombe. Faut prévenir ses parents. Il était content que je sois avec lui, et Padma aussi, enfin… je crois. Elle était de Serdaigle, et de son année… Ils se connaissaient bien. Maman le pleure comme si c'était son fils. Je veux pas y croire. Mais il est mort. Maman le pleure et il est mort. »

Les informations manquaient de cohérence, mais ça n'avait pas d'importance.

Michael était mort. Un de plus.

Neville sentit une partie de lui se détacher, partir, fuir. Un autre était mort. Un autre que lui. Un qui l'avait suivi, lui. Il n'avait pas réussi à le sauver, alors qu'il était responsable.

Non, t'es pas responsable. Il a choisi d'y aller. Il est majeur…

Il était majeur. Il fallait en parler au passé, maintenant. Il a… avait à peine vingt ans. À peine plus âgé que lui. Il avait à peine plus vécu.

Mort. C'était si définitif.

Il y avait cru, pourtant. Il avait cru qu'il allait pouvoir le sauver. Que les Mangemorts n'auraient pas gain de cause, pas cette fois. Ils avaient réussi à fuir, réussi à se mettre en sécurité. Ils avaient réussi à taguer un mur entier, et ça, ça allait être difficile à cacher. Et… et non. Il était mort. Comme Justin. Et Neville n'avait rien pu y faire.

Il se sentait les bras vides, ballants. La dernière fois qu'il avait vu un mort, il le tenait entre ses bras. C'était lui-même qui l'avait tué. Justin Finch-Fletchey s'imposa à lui avec tellement de force qu'il brouilla les traits de Michael.

Neville s'ébroua, essayant de chasser de sa mémoire les visages des deux morts. Il vit Lavande, parcourue de hoquets et de reniflements. Fred, toujours sonné, assis à table, les yeux dans le lointain. Pourtant, Michael et lui ne se connaissaient pas tant que ça. Mais le fait de varier la composition des binômes de tagueurs – une brillante idée de Neville – pour renforcer la cohésion entre les différents membres des Loups avait créé des liens bizarres, trop flous car trop récents, mais suffisamment solides pour qu'ils se sentissent tous touchés à la mort d'un des leurs.

« Je vais prévenir Ginny. »

Sa voix lui parut étrangère. Trop froide. Presque mécanique.

« Qu'elle l'apprenne de ma bouche, et pas de la Gazette de demain. »

Il ne faisait aucun doute que la Gazette saurait. Qu'elle titrerait en gros caractères la victoire du nouveau chef des Aurors. Que ce serait la une du lendemain. Contrairement à Justin dont la mort avait été cachée, cette fois, ils s'en donneraient à cœur joie. Un dangereux terroriste tué.

Un gosse de vingt ans…

Neville désincrusta les ongles qu'il avait plantés dans ses paumes et s'approcha de la cheminée. Il passerait par la Tête du Sanglier et en profiterait pour vérifier qu'Abe n'avait pas été inquiété.

« Je reviens. »

Il passa dans l'entrée, attrapa sa cape et sa carte du Maraudeur et repassa dans la cuisine.

Lavande était dans les bras de Fred, sanglotant avec irrégularité. Teddy, coincé entre eux, chouinait.

Neville avait toujours les yeux secs, et les voir pleurer tous les trois lui donna l'étrange sentiment qu'ils pleuraient pour lui. Neville était inutile : ils pourraient se consoler, sans lui. Il avait autre chose à faire.

Il s'approcha de la cheminée et s'y glissa. Il visa la cheminée des cuisines, peu désireux de mettre Abelforth dans une situation difficile en atterrissant dans sa salle.

Il s'épousseta en jetant un regard autour de lui. Un brouhaha continu passait dans l'interstice entre le sol et la porte menant à la salle. Il entr'ouvrit la porte, jeta un coup d'œil.

La salle était comble. Tous les clients jacassaient, s'exclamaient, et de ce que Neville parvint à intercepter, ça tournait autour d'une fresque peinte sur le mur de Zonko.

« Tu les as vus, hein, tu les as vus ?

- Bien sûr que oui j'les ai vus, j'étais levé avant qu'ils mettent un échafaudage pour les cacher !

- C'est le petit Potter et ses copains. La fille, je sais pas qui c'est. Mais le gars, c'est sûr que c'est un Weasley, y a qu'un Weasley pour être rouquin comme ça !

- Les Loups d'Odin, je crois. On sait pas qui c'est. Personne sait qui c'est.

- Ça a bardé ce matin ! Ça a pété de partout ! Et je te jure y avait des Mangemorts avec Parkinson ! C'était pas des Aurors !

- Potter est un Loup ? Si ça se trouve, c'est lui, Odin…

- Tu crois que c'est des élèves ? Ils ont réussi à sortir ?

- Mais non, pas possible, y avait juste Sir Parkinson !

- Moi j'te dis, j'les ai vus, c'est des gosses ! C'est quoi ces mecs qu'ont peur de gosses ?

- Dédé, il a dit qu'il y avait des Mangemorts !

- Un énorme échafaudage ! C'est une peinture indélébile. Ils ont bien essayé de la recouvrir, mais impossible, elle transparaît ! Du coup ils ont caché ça ! Mais je te jure, c'est un trop beau portrait ! Ils sont super bien faits !

- Dédé, il est bourré dès le matin ! Il raconte n'importe quoi !

- Pourquoi vouloir cacher une super peinture ? Potter doit avoir vingt ans, il fait peur à Thickness, le ministre !

- C'est un mage noir peut-être aussi dangereux que Tu-sais-qui… »

La Tête du Sanglier avait toujours été le repaire des parias. Neville se souvenait de sa première fois. Quand il était venu s'engager dans l'Armée de Dumbledore. Des loups-garous miteux, des demi-trolls, des hommes à l'air douteux, des vampires livides. Et voilà que le bar de Dumbledore devenait la tanière des libres-penseurs et des complotistes.

Neville parvint à capter d'un signe de la main l'attention du propriétaire. Abelforth s'approcha de lui :

« Ça va, petit ?

- Michael est mort. »

Le visage d'Abe se ferma.

« Désolé. Mais c'était couru d'avance : trop risqué, votre truc.

- Ils t'ont pas inculpé ? »

Neville était inquiet. À juste titre : si Abe était impliqué dans les Loups et qu'il devait prendre la fuite, il ne saurait plus par où passer pour rejoindre Poudlard. Le dernier passage vaillant était celui qui reliait la Tête du Sanglier à la Salle sur Demande. Si le bar changeait de propriétaire, il serait difficile de trouver une autre retraite à Pré-au-lard.

De plus, il s'était vraiment attaché au propriétaire de la Tête du Sanglier.

Abelforth partit d'un gros rire :

« Mon nom me protège encore ! Et puis, les Mangemorts ont les mêmes intérêts à m'avoir que toi. Je leur sers de l'hydromel et des informateurs. T'inquiète pas, pour l'instant je ne crains rien. »

Neville relâcha son souffle en sentant la boule de stress qui s'était créée dans sa poitrine s'évaporer.

« Je dois passer à Poudlard.

- Je ne te retiens pas. Fais gaffe tout de même, Rogue est sur les nerfs. »

Une fois dans le conduit qui menait à Poudlard, Neville sentit les souvenirs affluer. Le nombre de fois qu'il avait emprunté ce passage était aussi inimaginable que la longueur de ce trajet. À croire que Poudlard était dans une autre région que Pré-au-lard ! Il aurait tellement voulu remonter cette interminable montée avec Harry, Hermione et Ron, pour mener son dernier combat et vaincre, enfin ! Mais ça n'arriverait jamais, il le savait…

Meublant sa remontée de souvenirs et de rêveries, il arriva enfin devant la porte qui menait à la Salle sur demande. Il vérifia sur la Carte du Maraudeur : elle était déserte.

Il entra.

Revoir les hamacs suspendus aux murs, les fanions des trois maisons de Poudlard impliquées dans l'Armée de Dumbledore accrochés aux fenêtres, les coussins et les tapis colorés posés par terre, la cafetière, le service à thé posé dans un coin, revoir tout cela fit monter à Neville des larmes aux yeux.

Michael ne verrait plus ça.

Ne pas y penser.

Il revêtit sa cape, sortit dans le couloir. Il erra dans les couloirs, retrouvant avec plaisir le dédale de son ancienne école. Il monta les marches en ignorant les portraits qui murmuraient, évitant les rares élèves qui allaient à la bibliothèque ou retournaient dans leur salle commune. Il atteignit enfin la salle commune des Gryffondor.

Il vérifia qu'il n'y avait personne dans les couloirs environnants et ôta sa cape devant le portrait de la Grosse dame.

« Vous n'êtes pas censé ne plus être scolarisé ici, vous ?

- Bien le bonjour, Grosse dame. Pouvez-vous demander à Ginny Weasley de venir, s'il vous plaît ? »

Elle haussa les yeux au ciel et disparut. Un instant après, le portrait s'escamota et Ginny apparut.

« Neville, qu'est-ce que tu fais là ? »

Il lui saisit la main et l'entraîna dans un creux derrière une armure.

Elle paraissait en bien meilleur état que la dernière fois qu'il l'avait vue. Les séances avec Rogue devaient porter leurs fruits. Elle avait l'air fatiguée, mais ses yeux avaient définitivement retrouvé leur couleur originelle.

« Je dois te dire quelque chose. » se lança-t-il.

Elle dut sentir la dureté de sa voix.

« Je t'écoute.

- Depuis presque deux mois, on tague des messages de soutien. »

C'était con, mais il n'y arrivait pas. Il retardait. Il avait peur de sa réaction.

« Neville, les Loups d'Odin, la fresque que Colin a réussi à prendre en photo, c'est toi ?

- Laisse-moi terminer. Hier, à Pré-au-lard, ça a mal tourné. »

Il ne pouvait plus reculer.

Il lâcha.

« Michael Corner est mort. »

Ginny resta bouche ouverte, hébétée. Neville ne savait que faire : elle paraissait sous le choc, assommée.

« Mort ? Mais…

- Il a défendu McLaggen. Ton frère l'a aidé à s'enfuir. »

Pas le nom de Fred. Sur tous les frères Weasley, il serait impossible de mettre la main sur lui en particulier. Quant à McLaggen, il était déjà grillé. Même si Rogue fouillait dans la tête de Ginny, il n'y trouverait rien qu'il ne sût déjà.

Un long silence. Puis Ginny souffla :

« Attends-moi ici. Je reviens. »

Elle retourna devant la Grosse dame.

« Le mot de passe ?

- Persévérance. »

La Grosse dame s'effaça et Neville vérifia le trajet de Ginny sur la Carte du Maraudeur. Elle entra dans son dortoir, y resta un moment puis ressortit. Elle passa le portrait, se dirigea vers Neville et lui prit la main.

« Viens. »

Il la suivit dans les couloirs, sans penser à se mettre sous sa cape. Ils croisèrent des élèves, et des murmures naquirent sur leur passage, sans que Ginny parût s'en soucier.

Ils parvinrent devant la porte des Serdaigle. Le heurtoir en forme d'aigle leur demanda :

« Faut-il s'armer de patience pour tuer le temps ? »

Ginny répliqua sans ciller ni réfléchir :

« Pas le temps de patienter. Le temps tue avant qu'on le tue. »

L'aigle quitta son air tranquille et la porte s'ouvrit seule tandis qu'il commentait :

« Je vous laisse à votre deuil. »

Ginny s'engouffra dans la salle commune des Serdaigle, Neville sur ses talons. Les bavardages, tus un instant, reprirent. Des exclamations diverses fusèrent :

« Ginny ?

- Pourquoi y a une Gryffondor dans la salle commune ?

- C'est pas la capitaine de l'équipe de Gryffondor ?

- C'est qui le gars avec elle ? Son mec ?

- Il est pas de l'école…

- Il était pas là l'année dernière ?

- C'est Londubat, il a tenu tête aux Carrow l'an dernier ! »

Ginny s'avança jusqu'au grand mur du fond et sortit de sa poche une bombe de peinture que Neville connaissait bien. C'était donc ça, qu'elle était allée chercher dans sa chambre. La peinture made by Weasley, l'ancienne version, celle qu'ils utilisaient l'année précédente.

Elle monta sur une chaise pour être à bonne hauteur et tagua sur le mur, la peinture effleurant le cadre d'un tableau : Mort au combat : Serdaigle 1.

Elle se retourna dans le silence subit. Les Serdaigle la regardaient, l'air perdu. Elle se mit à les haranguer et Neville ne put s'empêcher de la trouver sublime.

« Michael Corner est mort cet après-midi. Tué par Vous-savez-qui et ses sbires. »

Le silence était glaçant. Elle les fixa, furibonde, et continua, haussant la voix :

« Dehors, c'est la guerre. C'est pas si loin de nous. L'an prochain, c'est nous qui serons visés. N'oubliez pas ce que vous apprenez. Apprenez à vous battre. Et n'oubliez pas Michael. »

Neville observa l'assemblée de Serdaigle agglutinée autour de la chaire improvisée de Ginny : ils étaient hagards, étonnés, perplexes. Ils savaient. Ils savaient déjà ce qu'elle annonçait. La guerre, les combats, les guérillas… Il leur faudrait prendre parti, ils le savaient. Mais se l'entendre dire en face, sans détour, entendre qu'ils pouvaient être visés, jusque dans leur salle commune, c'était différent.

S'entendre dire qu'ils pouvaient être touchés dans une guerre qu'ils cherchaient à tout prix à éviter, c'était brutal et nécessaire.

« Michael était quelqu'un de bien… »

La voix de Ginny se brisa sur cette phrase. Elle se reprit aussi rapidement qu'elle avait craqué :

« Débrouillez-vous pour que ce putain de chiffre ne monte pas. »

Elle sauta de sa chaise et happa la main de Neville en passant devant lui.

Au moment où ils passaient la porte, le brouhaha reprit. Neville n'osa pas lui demander si elle avait fait le même cirque chez les Poufsouffle à la mort de Justin. Probablement.

À sa manière, Ginny continuait son combat. Sans Luna ni Neville, sans ses frères, sans ses forces. Avec sa conscience faiblarde et ses crises de tétanie, ses soudaines faiblesses et ses révisions pour les ASPIC, Ginny se battait.