Chers lecteurs,
Contrairement aux apparences, je ne vous ai jamais oubliés.
Aujourd'hui, T pour Torture... Faut bien qu'on rigole un peu tout de même.
Dédicace cachée à Katymyny dans ce chapitre.
Portez-vous bien, à bientôt (promis),
Al
PS : Réponses aux commentaires :
Katymyny : bon ben rencontre avec voldy. toujours un plaisir de te lire, ça me booste (avouons-le). j'aime beaucoup écrire sur neville et parkinson, je trouve qu'ils sont vraiment sous exploités dans les fics, du coup y a un vrai challenge pour les faire apprécier, et ça c'est trop bien ! j'aime les challenges. merci pour ta review !
Patfol le S : maintenant !
Nicto : que te dire de plus que tu ne connaisses déjà... merci à toi et à ta tartiflette !
« Nul ne saurait décrire le monstre ; aucun langage ne saurait peindre cette vision de folie, ce chaos de cris inarticulés, cette hideuse contradiction de toutes les lois de la matière et de l'ordre cosmique. »
Appel de Cthulhu, Lovecraft
Et Neville le vit.
Lord Vol…
Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Le bâtard. Le putain de salaud. L'odieux connard.
Neville n'avait jamais ressenti autant de haine et de haine pour quelqu'un.
Homme abject. Les yeux fendus, le nez absent, la peau pâle, mais pâle… Un teint cadavérique. Il semblait à peine vivant. Et pourtant la flamme rouge qui brillait sous le store blafard de ses paupières demi-baissées proclamait qu'il était bien vivant.
Bien vivant.
Provoquant chez Neville des sentiments confus.
Malfaisance. Gêne. Dégoût.
Effroi.
Comment Bellatrix Lestrange pouvait s'approcher de lui avec tant de dévotion ? Lui caresser la main avec vénération ? Adoration ?
Comment quiconque pouvait aimer cet homme ? Approcher cet homme ?
Mais était-ce encore un homme ?
Le doute était permis.
Ne le regarde pas.
Le volume des conversations avait baissé d'un coup quand le mage noir était entré dans la grande salle de bal des Parkinson. Alors que tous s'essayaient auparavant à une ivresse désinhibée, l'arrivée de leur maître les avait poussés au contrôle. Dolohov avait reposé sa bouteille de vodka Tymyny, Crabbe et Goyle s'étaient rapprochés de Malefoy comme pour le protéger – ou montrer sa puissance sociale – et Greyback avait arrêté ses provocations agressives envers les autres Mangemorts.
Même le loup-garou filait droit.
La bête sauvage et indomptée qu'était Greyback se la fermait…
C'était ça. Une impression de globalité, d'écrasante présence, partout, comme s'il avait des yeux partout, des oreilles partout. Comme s'il était espion lui-même de ses propres disciples.
Le Seigneur des Ténèbres inhibera ceux qui pourraient être tentés de se faire la baguette sur toi.
Encore une fois, Parkinson avait vu juste. La présence de Celui-dont-on-doit-taire-le-nom bloquait tout le monde. Et Neville, dans son coin, versant des coupes de champagne Vif-argent, ne pouvait quitter des yeux l'étrange trio qui occupait le mur du fond, posé sur une estrade austère.
L'homme chauve, aussi immobile qu'une statue, dans un fauteuil moelleux, comme extérieur à son propre corps, comme si son âme avait quitté son enveloppe – et selon Hermione c'était bien le cas, son âme en sept morceaux éparpillée en Angleterre – et le laissait comme une coquille vide, comme ces idoles antiques en cuivre creuses à l'intérieur, effrayantes, glacées. Adorées.
Et la femme à ses pieds, dévote, si semblable au cadavre qu'il avait vu presque un an auparavant, mais cette fois pleine de vie malsaine, si semblable à ces photos qu'il avait découpées dans la Gazette lorsque les évasions d'Azkaban avaient eu lieu.
Et ce serpent.
Neville les observait de loin, incapable, comme tous dans la salle, de les ignorer. La femme était accroupie aux pieds de son maître, caressant avec vénération sa main d'un geste frénétique. L'immense serpent du maître des Mangemorts enroulé à ses pieds, comme reconnaissant sa deuxième maîtresse. Le trio, homme, femme, serpent, aurait pu passer pour une parodie des premiers mythes moldus, mais Neville n'était pas dupe : l'étrange fascination que tous ressentaient à leur égard était due à la terreur pure créée par le mal inné de l'homme, le charme ravageur de cette folle de Bellatrix et l'onctuosité rugueuse de l'immense bête couchée à leurs pieds.
Pas étonnant que Celui-qui-parlait-aux-serpents eût ouvert la Chambre des Secrets.
« Maître, un verre de whisky ? Vous savez qu'Arceus se fournit chez les meilleurs distillateurs du royaume. Celui-ci vient de Borteg, je crois… »
La voix sirupeuse de Bellatrix hérissa Neville. Même à distance, elle perçait les conversations et agressait tout tympan. Elle montait, descendait, sifflait, avait des intonations brusques désagréables, freinait à des endroits inattendus. Si la folie ne s'était pas visible sur son visage émacié et ses yeux fous, on l'aurait entendue dès qu'elle avait ouvert la bouche.
« Avec plaisir, Bellatrix… »
Mais sa voix ne valait en aucun cas la voix de son maître.
Une voix froide, désincarnée. Comme si les cordes vocales qui produisaient ces mots n'avaient pas le droit d'exister. Une voix, Neville en était persuadé, de Détraqueur.
Une voix de mort.
Une voix qui n'aurait pas dû exister.
Quand il parlait, tous écoutaient. Tous debout, apparemment dans leurs conversations, flirtant, commérant, blaguant, tous baissaient le son, tendaient l'oreille et recevaient toute parole de leur maître avec le même respect qu'ils auraient pu éprouver pour un dieu.
Neville frissonna : l'emprise consentie que Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom avait sur ses disciples était telle qu'il ressentit fugacement l'envie de se joindre à eux. Il comprit soudain pourquoi ç'avait été si dur pour les gens de la génération de ses parents de ne pas rejoindre le mage noir. Laid et vieilli, il était fascinant.
Beau et jeune, il avait dû être irrésistible.
Bellatrix fit un signe et un verre apparut sur l'accoudoir sur lequel elle reposait. Arceus s'approcha du trio.
Bellatrix se pencha sur l'épaule de son maître :
« Votre serpent désirerait-il un en-cas, Maître ?
- Je ne sais pas si Arceus a prévu de quoi nourrir Nagini, siffla l'homme à tête de serpent. La viande fraîche est plutôt rare lors des soirées où l'on m'invite… »
Sir Arceus Parkinson, en un instant, fut près d'eux, serviable, affable. Froid. Comme s'il résistait à l'influence irrépressible de son maître.
« Seigneur, vous auriez tort de me croire ignorant des besoins de votre ami, bougonna-t-il dans le silence créé par ce reproche à peine déguisé. J'ai prévu de quoi plaire à votre familier.
- Arceus, tu me réjouis le cœur ! »
Le contraste entre la voix rocailleuse et basse de Sir Parkinson et les modulations sifflantes de son maître était brutal. Imaginer le Lord noir réjoui dérangeait autant Neville que l'insinuation de Sir Parkinson : qu'avait-il prévu ?
« C'est Londubat que tu as prévu de donner au familier du Maître ? C'est sûr qu'il y a de quoi manger, sur lui… »
La plaisanterie de Bellatrix – et Neville fut certain que c'était une plaisanterie, même si elle avait été dite sur le ton le plus sérieux qu'il eût jamais entendu chez cette folle – tira quelques rires hésitants à l'assemblée qui suivait l'échange avec un intérêt croissant.
Neville n'osait plus respirer, sentant les regards converger vers lui.
Bien entendu, cette salope de Lestrange l'avait remarqué dès qu'elle était entrée dans la salle.
Un gros rire froid éclata :
« Londubat appartient à ma fille ! Ce serait dommage de casser son premier jouet ! »
La remarque de Sir Parkinson, contre toute attente, apaisa Neville. Il sentit les regards s'éloigner de lui – il supposa qu'ils se reportèrent sur Parkinson.
Parkinson le lui avait dit.
Personne ne te touchera tant que tu m'appartiendras.
« Londubat… C'est pas un nom que je m'attendais à entendre chez toi, Arceus. Surtout quand on connaît son ascendance.
- Maître – et Neville ne put s'empêcher d'admirer le ton aimable et assuré de Parkinson – je n'aurais jamais introduit auprès de vous un trouble-fête. Londubat est mon homme de main et j'ai tout contrôle sur sa magie. »
Ça, c'est faux.
Parkinson n'avait jamais demandé le contrôle sur sa magie et Neville ne le lui avait jamais accordé. Il avait toujours été laissé libre de faire ce qu'il voulait, sa baguette n'avait jamais été soumise à la volonté de sa suzeraine.
Et elle réussissait à mentir avec tant d'aplomb…
S'il n'avait pas su la vérité, Neville s'y serait laissé prendre. Et pourtant, Merlin savait s'il connaissait Parkinson et ses manipulations !
« Tu me dis, Pansy, que ce gamin, cet incapable, ce fils d'Aurors est à tes ordres ? »
Celui-dont-le-putain-de-nom-était-à-taire mordait à l'hameçon ?
« Oui, Maître, s'inclina Parkinson. Et donc aux vôtres. »
Un silence.
Et un sifflement incongru, comme celui que produisait la théière fendue des jumeaux Weasley quand l'eau bouillait, fendit l'air. Neville mit un instant à comprendre que le Lord riait. Bellatrix se joignit à lui, et peu à peu tous se mirent à rire aux éclats.
L'hilarité générale permit tout de même à Celui-qui-ne-doit-pas-être-nommé de formuler les raisons de son amusement :
« Et dire que ses parents se sont opposés à moi jusqu'à en perdre la raison ! Leur fils me sert ! Leur propre fils me sert ! »
Connard.
À ce moment, la peur avait disparu chez Neville. Il n'était plus que haine et mépris. Et il comprit qu'il pourrait lutter contre le mage noir. Il finirait ce qu'avaient commencé ses parents.
Quand le maître des Mangemorts se fut calmé, il apostropha Neville, et tous se turent :
« Approche. »
Poussé par une volonté qui le dépassait, Neville fit quelques pas vers le fauteuil monumental dans lequel Celui-dont-le-nom-est-tabou trônait comme un roi désabusé. Était-ce Parkinson qui lui avait lancé un Imperium en douce ? Ou l'injonction était-elle tellement forte dans la voix du Lord que Neville lui avait obéi sans rechigner ?
Dans la salle, il n'entendit que ses pas. Ses pas qui le menaient, contre son gré, au plus près de son ennemi.
« Alors, voilà donc l'héritier Londubat… »
Neville ne releva pas la tête et balbutia :
« Oui, Monsieur. »
Le monsieur lui avait arraché la gorge. Comme quand, écolier, il s'adressait à Rogue.
Rogue, quelle blague… Il aurait tellement préféré être face à Rogue.
« Mes amis m'appellent Maître. »
La voix de Celui-qui-n'avait-pas-d'amis s'insinua dans le cou de Neville comme un serpent malsain s'infiltrerait dans le dos de sa proie pour mieux l'étouffer.
« Oui, Maître. »
Le maître lui déchira la conscience.
Le silence lui parut soudain brutal. Tous les écoutaient, respectueux, craintifs, admiratifs. Extatiques.
« Enfin tu t'es rappelé à quoi ton sang t'appelait, susurra la voix. Comme je m'en réjouis… Il est toujours difficile de faire une croix sur ceux du même sang. N'est-ce pas ? »
Neville déglutit.
« Oui, Maître. »
Il gardait les yeux baissés. La voix enfla :
« Il me semblait toutefois que tu avais été associé à un désagrément par le passé…
- Oui, Maître, souffla Bellatrix, il était au Département des Mystères… Il nous a volé la prophétie.
- Ne me parle pas du Ministère ! » claqua-t-il.
Colère et mépris. Tellement présents que Neville fut certain que Bellatrix s'était recroquevillée sur elle-même. La voix avait grossi d'un coup, sans sommation, comme un barrage qui craque. Une voix puissante, qui demandait à être obéie dans l'instant.
Neville courba encore plus l'échine. Pliant sous cette voix.
Quand vous êtes face au danger, vous ne réfléchissez plus. Ça n'a rien à voir avec ce que vous avez appris.
C'était une des premières leçons d'Harry lors de cette fameuse contre-offensive dans la Salle sur Demande en cinquième année. Et Neville comprit enfin ce à quoi son ami avait fait allusion.
Ça n'avait rien à voir avec le Département des Mystères, quand il avait rencontré des Mangemorts pour la première fois. Rien à voir avec l'étage – 13 du Ministère, quand il avait rencontré les hommes qui l'avaient poussé à tuer un ami.
À aucun moment il n'avait perdu ses moyens dans ces deux situations. Il n'avait jamais eu le contrôle, certes, mais il avait conservé toute sa lucidité.
Mais là… Là, c'était différent.
Rencontrer les disciples était difficile. Affronter leur maître semblait impossible.
Il était tétanisé. Pétrifié. Espérant être plus proche du cadavre que de l'être humain. Comme s'il avait plongé son regard dans le regard d'un basilic. Faire le mort. Toujours. Ne pas attirer l'attention sur soi.
Rogue, Sir Parkinson, Bellatrix, ce n'était rien.
Rien face à lui.
« Seigneur… »
L'obséquiosité de Sir Parkinson teintait ses paroles d'un rouge sanguin déplaisant. Neville courba encore plus la tête. Il entendit les pas à sa droite de l'aristocrate se rapprocher.
« Seigneur, reprit-il – et sa voix était tout près, vraiment tout près – , ma fille lui a parlé de vos projets grandioses. Même un Gryffondor ne peut résister à l'appel de la raison et à la séduction d'une argumentation véritable. Londubat s'est rallié de son plein gré à nos vœux et, pour racheter sa conduite, il a offert sa baguette à ma fille pour preuve de son changement de camp. »
Neville ne savait pas si c'était ce qu'avait promis Parkinson à son père ou si le Sang-pur, craignant pour son grade et sa réception, inventait sur le tas un raisonnement pour convaincre son maître de la sincérité de leur homme de main, mais l'argumentaire parut porter ses fruits, puisqu'une légère détente perça l'air.
« Arceus, tu as toujours su trouver les mots pour calmer les esprits. »
Ainsi, Sir Parkinson avait sauvé sa maison.
Ainsi, Arceus réussissait à apaiser leur maître.
« Néanmoins, si l'allégeance de ta fille à mon égard est au point de convaincre un des mes opposants de se rallier à nous, c'est qu'elle veut travailler au développement de notre projet plus que ce à quoi je m'attendais. Je me sens obligé envers elle et j'aimerais l'encourager dans cette voie. »
Neville, toujours courbé, les yeux fixés au sol, ne put qu'imaginer le sursaut de Parkinson.
Enfin, quel sursaut ? Elle se maîtrisait suffisamment pour ne jamais réagir face à son maître.
« Pour la remercier de sa fidélité et de son zèle, je me sens magnanime : qu'elle reçoive donc ma marque comme signe de ma gratitude. »
La Marque ? Parkinson, marquée ? Sa chieuse de Parkinson, son alliée bizarre, inattendue et pourtant si indispensable ? Marquée ?
D'après ce que Lavande lui avait raconté, et elle le tenait de Malefoy, qui l'avait reçue trois mois auparavant, recevoir la Marque des Ténèbres était réservé aux plus fidèles partisans d'Il-savait-qui. Rien que le fait de recevoir la marque était une preuve de dévouement, au vu de la souffrance que ça engendrait.
Le martyre. Apparemment pire qu'un Doloris.
Parce que tout est souffrance, en ce bas monde.
Puis on était prêt à être convoqué à toute heure du jour ou de la nuit, à n'importe quel endroit, pour n'importe quelle mission. Dévoué corps et âme.
Sans aucune liberté.
« Pansy… »
La voix sibilante, tirant sur la sifflante, étirant le y jusqu'à l'extinction…
Neville n'osait pas se mettre en retrait. Et pourtant il n'était pas sûr d'être prêt à assister au marquage de Parkinson.
« Pansy, susurra Celui-qui-marquait-ses-disciples, c'est ton laquais lui-même qui va donner son sang pour ta Marque. »
Hein ?
La Marque était un putain de tatouage de sang !
Lavande ne lui avait jamais parlé de transfert de sang ! Neville sentit un début de panique faire battre son cœur plus vite.
Sa grand-mère l'avait mis en garde : les tatouages de sang, hérités d'antiques pratiques sang-pur, étaient interdits depuis la mort de Merlin. On ne liait plus les êtres entre eux par du sang. Trop dangereux. Qui sait comment les sangs pouvaient réagir, les corps répondre à l'afflux d'un sang étranger. Prendre le sang d'un être vivant pour marquer la peau d'un humain était interdit dans toutes les communautés sorcières et fermement condamné.
Neville comprit alors comment les Aurors avaient pu coincer les Mangemorts sans preuve, après la première guerre, celle durant laquelle ses parents s'étaient battus jusqu'à en perdre la raison.
Si un homme avait la Marque, il était coupable d'au moins une chose : avoir fait un tatouage de sang.
Porter la Marque vous désignait coupable.
« Chère Pansy, tu te doutes bien que tu es une des rares à recevoir du sang pur pour ta marque. C'est pour vous remercier, ton père et toi, de votre fidélité et votre hospitalité. »
Neville sentit l'ombre de Parkinson se poster à ses côtés. L'air ne tremblait pas autour d'elle.
« Maître, je ne suis pas digne de l'honneur que vous me faites. »
Sa voix ne tremblait pas.
« Si vous m'offrez maintenant cette marque insigne, je ne pourrai prétendre à plus par la suite. Recevoir maintenant votre considération et votre confiance me semble une trop belle récompense pour ce que j'ai à vous offrir. »
Elle tentait d'obtenir une récompense moindre – moins agressive qu'un putain de marquage de peau. Neville ne la comprenait que trop bien.
Ce qui n'était pas l'avis du fou qui leur faisait face.
« Pansy Pansy Pansy… »
Et Neville détesta ça. Comme s'il salissait le prénom de Parkinson par ce ton badin.
« Un cadeau est un cadeau ! Considère ça comme une avance sur tes prochains salaires. »
C'est une blague ?
« Je suis certain que nous trouverons de quoi te récompenser pour tes prochains services. »
Neville sentit dans la voix de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom une dureté inattendue. Il mettait en garde Parkinson : qu'elle osât contester une de ses décisions le mettrait en rogne.
« Si vous en décidez ainsi… »
Et Neville sut qu'elle abdiquait.
« Le rituel peut commencer. Bella, je te laisse faire.
- Accio couteau ! » lança Bellatrix.
Neville sentit la main de Parkinson se poser sur son bras. Il se tourna vers elle et releva la tête.
Il avait gardé la tête trop longtemps courbée. Des étoiles dansèrent devant ses yeux un court instant, des points blancs et lumineux passagers.
Dans cette voie lactée éphémère, les yeux de Parkinson lui apparurent comme deux grands trous noirs qui avalaient tout.
Ses yeux le fixaient, froids. Vides.
Elle prit le couteau que lui tendait Bellatrix, postée à côté d'elle. Neville voyait la Mangemort dans son champ visuel. Venimeuse comme elle savait l'être. Prête à voir le sang couler. Avide.
Il n'eut pas le temps d'éprouver d'appréhension.
Parkinson fut rapide. Comme si elle voulait couper court, abréger tout ça. Ne pas faire durer le rituel malsain dans lequel devaient se complaire les Mangemorts, au vu de l'air gourmand peint sur le visage de Bellatrix.
Parkinson lui entailla le poignet d'un geste sûr sans le quitter des yeux puis saisit fortement sa main.
Au moment où un sang sombre et abondant commença à couler de la blessure, alors que Neville n'avait même pas encore senti la douleur, Bellatrix leva sa baguette.
« Pansy Parkinson, désires-tu être au service du Seigneur des Ténèbres ?
- Mon allégeance lui est déjà acquise. » répondit Parkinson sans ciller, fixant toujours Neville.
Mensonge. Elle n'avait d'allégeance que pour elle-même.
Un serpent argenté sortit de la baguette et rampa vers le bras de Neville pour se joindre à la coulée de sang qui s'étirait sur son bras. Le sang de Neville glissa le long de son poignet, le long de leurs mains réunies, le long de leurs doigts crispés, et remonta s'incruster dans l'avant-bras de Parkinson.
La douleur fouetta alors Neville si fort qu'il faillit rater la deuxième phrase prononcée par Bellatrix. Seule la poigne de Parkinson le retint debout.
« Pansy Parkinson, désires-tu que ta lignée soit au service du Seigneur des Ténèbres ?
- L'allégeance de ceux à venir de mon sang lui est déjà acquise. »
Mensonge. Elle avait tué son premier héritier. Elle paraissait pourtant tellement sûre d'elle…
Un deuxième serpent et une deuxième coulée de sang rampèrent du poignet de Neville à celui de Parkinson sans qu'elle bronchât.
Neville retint un gémissement. Il souffrait, mais il savait que bientôt, ce serait au tour de Parkinson. Et ce serait bien pire pour elle. Un mouvement de sourcil de Parkinson le réduisit au silence.
« Pansy Parkinson, annonça pour la dernière fois Bellatrix – et Neville entendit l'exaltation qui l'étreignait à l'idée de donner un nouvel esclave à son maître – , désires-tu que ta magie soit au service du Seigneur des Ténèbres ? »
Il le sentit. Le très léger tremblement dans sa main. Il espéra qu'il avait été le seul à l'avoir remarqué.
Si Parkinson soumettait sa magie au maître de Bellatrix, elle ne pourrait jamais lever la baguette contre lui. Comme Neville était censé l'avoir fait avec elle.
En soumettant la magie de Parkinson, Celui-qui-faisait-des-putain-de-tatouages-de-sang pensait soumettre celle de Neville. Un sort deux résultats.
Il ne leur faisait pas confiance. À aucun des deux.
Parkinson mit fin au silence une fraction de seconde avant qu'il pût paraître suspect :
« L'allégeance de ma magie lui est déjà acquise. »
Une dernière coulée d'argent-rubis s'incrusta sous l'épiderme de Parkinson qui lui lâcha la main. Une esquisse de tatouage était apparue sur son avant-bras.
« Par cette Marque nous t'adoptons au rang des Élus. Par cette Marque nous t'accueillons parmi les nôtres. »
Le ton théâtral de Bellatrix écœura Neville. Il risqua un coup d'œil vers elle : l'extase peinte sur son visage jurait avec l'insanité à laquelle il avait assisté.
Parkinson lui jeta un regard… Un regard perdu.
Juste avant de s'effondrer. De se tordre par terre. De hurler comme un animal à l'agonie. D'être saisie de spasmes et de contorsions tellement violentes que son crâne heurta régulièrement le marbre du sol en de longs coups sourds.
Les cris des voisins de cellule de Neville à l'étage – 13 du Ministère. Ses propres braillements.
Les hurlements des loups de Luna.
Les vagissements de Justin Finch-Fletchey une seconde avant son assassinat.
Tout ça.
Par une seule personne.
Parkinson.
La Marque des Ténèbres apparaissait de plus en plus distinctement sur sa peau diaphane.
Comme on se désintéressait de lui et que lui-même voulait se désintéresser du reste, Neville prit sa baguette et s'appliqua en frissonnant le Vulnera Sanentur. Les premiers huit qu'il fit au-dessus de sa blessure au poignet furent hésitants. Comme la douleur refluait, il put affermir sa prise et ses gestes se firent plus précis.
La blessure n'étant pas due à un sortilège, elle se referma en quelques instants et ne subsista bientôt qu'une fine ligne rose de nouvelle peau à l'endroit où Parkinson l'avait entaillé.
Comme la douleur refluait, il pouvait entendre encore mieux la douleur de Parkinson. Elle haletait toujours mais ne criait plus.
C'était presque pire.
Ça ne durerait pas. Le temps pour un sang étranger de s'intégrer à un corps.
Il le savait. Ça démotiverait trop ceux qui désiraient avoir la Marque si c'était douloureux trop longtemps.
Spectaculaire pour marquer les esprits mais trop bref pour être insupportable.
Neville comprenait mieux comment la Marque pouvait appeler les Mangemorts auprès de leur maître ou rappeler leur maître auprès d'eux : le sang appelle le sang ; la douleur appelle la douleur.
La mort appelle la mort.
Parkinson finit par se relever, frissonnante. Son front couvert de sueur, ses pupilles encore dilatées. Des larmes coulant sur ses joues.
« Va te rincer, ordonna Celui-dont-on-tait-le-nom comme s'il était réellement intéressé par son bien-être.
- Je vous remercie pour le présent que vous avez daigné m'offrir, Maître. »
La voix éraillée.
Elle fit un pas chancelant. Elle releva le regard vers Neville.
Il comprit au moment où elle claqua autoritairement des doigts en sa direction. Elle l'appelait comme un elfe.
Elle montrait à tous – à Celui-à-qui-tous-voulaient-plaire – qu'il était entièrement à son service. Dévoué. Servile.
Il se précipita vers elle et la soutint en passant son bras sous son aisselle. Il croisa le regard de Zabini.
Un regard furieux, dur, jaloux, avec une pointe d'autre chose.
De l'inquiétude.
Ils traversèrent la salle de bal sous les applaudissements des autres Mangemorts.
