Chers lecteurs,
Non. Vous ne rêvez pas. Al, votre humble serviteur toujours à la bourre, poste en avance. Incroyable.
Bon aujourd'hui M. Pas vraiment du gore (sinon j'aurais mis G) mais du pas joyeux, quoi. Vous l'aurez deviné, si vous avez envie d'arrêter la lecture à un moment, je vous mettrai un résumé au début du chapitre précédent (dans trois mois).
Sinon un grand merci à l'inégalable Nictocris, qui trime sur mes lubies depuis deux ans maintenant (comme le temps passe vite !)
Portez-vous bien, à bientôt,
Al
PS : le moment Katymyny : je trouve ça super drôle de se dire qu'on ne se rencontrera sûrement jamais mais qu'on a des conversations vachement constructives et intimes depuis deux ou trois fics. en effet tatou de sang = complication pour pansynounette. surtout qu'elle réserve autre chose à notre neville national dans ce chapitre (j't'en dis pas plus). j'aime vraiment trop écrire leurs interactions. nicto y va de son commentaire pinçant à chaque fois. elle te salue de même, t'envoie des bises hydroalcoolisées et se joint à moi pour te souhaiter une agréable lecture. merci pour ta review !
« Venez comme vous êtes ! » Devise de MacDonalds
« Je crois que Zabini l'a mal pris que tu sortes avec moi.
- Dans tes rêves, Londubat. »
Neville eut un demi-sourire. Il passa le gant de toilette humide qu'il tenait à la main sur le front de Parkinson. Elle le chassa d'un geste agacé.
« Arrête. Je ne suis pas en sucre. »
Il lui donna le gant. Elle s'essuya le visage.
« Dans ce cas, pourquoi avait-il l'air jaloux quand on est partis ? »
Parkinson se pencha vers le miroir qui surmontait le lavabo de la salle de bain du deuxième étage et rajusta son maquillage discret. Neville avait appliqué un baume antiseptique sur sa Marque toute fraîche. Un Tergeo avait nettoyé les traces de sang coincées dans la trame du tissu de sa manche. Elle se refaisait une beauté, ignorant superbement son acolyte qui enroulait un bandage autour de son bras.
Comme si ce qu'ils venaient de vivre n'avait pas eu lieu.
« Blaise est jaloux que j'aie été marquée avant lui, c'est tout. Il m'a toujours narguée en me disant qu'il obtiendrait cet honneur avant moi : notre maître n'a pas l'habitude de marquer les femmes. »
C'était vrai qu'à part les deux sœurs Black, aucune autre femme n'appartenait au cercle proche du Seigneur des Ténèbres – et maintenant Parkinson.
« Arrête de bouger. »
Parkinson relâcha son bras et l'observa faire tenir le bandage d'un sort de Glu temporaire. Elle frissonna.
« Ça fait encore mal ? Désolé, j'aurais dû être plus doux.
- C'est pas toi, répondit-elle. J'aurais dû me douter que recevoir la Marque n'est pas anodin. »
Elle vérifia sa tenue d'un œil circonspect.
Et sans transition aucune, elle livra à Neville un aperçu de son enfance.
« La Marque de mon père avait presque disparu quand j'étais petite. Je m'en souviens… Il montrait ses bras nus sans craindre d'être ostracisé lors des réunions mondaines. »
Plus le temps passait, plus la Marque s'effaçait ? Quand leur maître était disparu, les Mangemorts avaient retrouvé leur autonomie ? Comme si le temps réparait les erreurs que les Mangemorts avaient pu commettre… Comme si le temps rachetait les fautes.
Faux. Le temps ne rachetait pas les fautes. Le temps ne rachetait pas la raison. Ses parents étaient toujours fous près de vingt ans après.
« Mais la peau est toujours restée marquée par une sorte d'ombre. » ajouta Parkinson, comme si elle ponctuait ses réflexions.
Neville ne dit rien et rangea le baume et les bandages propres dans l'armoire à médecine, feignant de ne pas l'écouter.
« Je suppose que les tatouages de sang laissent des traces indélébiles. Rien n'effacera ce que nous avons fait ce soir. » termina amèrement Parkinson.
Liés à jamais, marquée pour toujours. Même si lui ne conservait pas trace, encore une fois, de ce qu'il avait fait, Parkinson aurait un témoin gravé dans la peau de ce qu'ils étaient prêts à risquer pour rester vivants.
« Tu ne devrais pas parler ainsi.
- Qu'est-ce que je risque ? Il m'a tout pris. Il ne peut plus rien contre moi. »
Neville prit un instant à analyser ce qu'il avait entendu. De la colère. Une sourde colère froide, de celles qu'il rencontrait rarement, plus habitué aux colères explosives.
De la colère et de la résignation.
Il se tourna vers elle et la prit gentiment par les épaules :
« Ne dis pas ça…
- Il a soumis ma magie ! Il a soumis ma baguette et ma magie à sa volonté ! »
Elle avait les larmes aux yeux mais une colère sourde pulsait dans ses yeux. Comme si elle n'avait plus rien à perdre.
« Il peut toujours te tuer.
- Je suis fille à marier, Londubat. Il ne peut pas se débarrasser de moi. J'ai un premier héritier à fournir. »
Sa voix était dure et elle parlait de ses futurs enfants avec le ton qu'elle emploierait pour parler affaires.
Mais c'était bien ce qu'elle faisait. Des affaires. Elle avait déjà réfléchi, mesuré, calculé ce qu'elle pouvait dire ou non. La seule chose qu'elle pouvait vendre encore, c'était sa capacité supposée à donner un premier enfant à un Sang-pur.
Si on apprenait qu'elle avait avorté, sa vie ne vaudrait plus rien.
Neville comprenait mieux pourquoi elle lui avait demandé, à lui, et pas à ses copains, de venir ce soir-là, ce soir où elle avait tué le premier héritier de Zabini. Il avait cru qu'elle ne voulait pas risquer sa réputation ni contrarier ses projets maritaux. Mais c'était plus important encore.
Elle n'avait pas voulu risquer sa vie.
Elle était foutrement dans la merde.
« J'ignorais que ta seule garantie…
- Était ma virginité ?, le coupa-t-elle. Bienvenue dans le monde réel. »
Il ne put s'en empêcher : il la prit dans ses bras et la serra contre lui. Fort, aussi fort qu'il le pouvait. Comme avec Ginny quand il l'avait consolée de la mort de Michael. Comme avec Hermione quand il l'avait revue à Beauxbâtons. Comme avec Luna, cette fois-là, à Pré-au-Lard, quand il avait cru y passer.
« Tu m'étouffes, grogna Parkinson, hérissée, dans son épaule.
- Rien à foutre. »
Elle resta crispée puis finit par lui tapoter maladroitement le dos.
« T'as vraiment pas l'habitude des câlins, c'est ça ? » blagua Neville.
Un an auparavant, c'était lui qui rougissait quand il s'approchait trop près d'une fille. Les choses avaient changé… La guerre l'avait changé.
Elle ricana :
« Blaise me fournit la dose de câlins dont j'ai besoin, merci.
- Je te parle d'un vrai câlin de réconfort, pas de préliminaires.
- Je t'emmerde. »
Cette fois, ce fut à Neville de ricaner. Il la relâcha :
« Prête à y retourner ? »
Elle eut un sourire qui aurait pu paraître amusé. Elle jeta un dernier regard dans le miroir et répondit :
« Presque. »
Elle sortit son khôl et en appliqua une couche généreuse sur ses paupières. Comme le reste de son maquillage était sobre, ses yeux étaient vraiment mis en valeur et attiraient le regard vers eux. On avait l'impression qu'elle n'avait jamais pleuré. Elle avait les yeux brillants. Des yeux clairs-obscurs.
« Londubat, tu baves. »
Elle se redressa et endossa d'une inspiration son rôle de maîtresse de maison. Son visage se fit impénétrable et Neville l'observa remonter son masque mondain comme une façade neuve en une fraction de seconde. C'était fascinant, de voir ça. Lui-même en était incapable. Elle possédait une maîtrise d'elle insoupçonnée. Chaque tressaillement de sourcils, chaque mimique était calculée au millimètre près.
Une machine à briller en bonne société.
Elle ouvrit la porte d'un geste vif et entreprit de rejoindre à grands pas l'escalier qui menait au rez-de-chaussée. Neville carra les épaules et lui emboîta le pas.
À mesure qu'ils approchaient de la salle de bal, les conversations se faisaient plus distinctes. Une certaine allégresse dansait dans l'air, comme si le fait de voir une nouvelle recrue parmi les élus avait le pouvoir de relancer les conversations.
« Dorénavant, tu restes dans mon ombre quoi qu'il arrive. »
Neville tiqua : les choses avaient changé. En la marquant en tant que Mangemort, Celui-qui-n'est-qu'ombre avait donné à Parkinson une légitimité qu'elle recherchait dans la primogéniture. Sans le savoir, il lui avait donné un statut social plus important.
« D'accord. »
Dès qu'ils ouvrirent la porte, les voix les agressèrent :
« Pansy ! Bravo, ma fille !
- Beau marquage, on en voit rarement des comme ça…
- Drago a craqué beaucoup plus tôt, il a crié comme une fillette avant même que le rituel soit fini…
- C'est parce que les femmes résistent mieux à la douleur, mon chou ! Essaie d'accoucher, et on en reparle !
- Et par un sang-pur ! T'as bien choisi ton homme de main !
- Qui aurait cru que le fils d'Aurors changerait de camp ? »
Personne.
Les exclamations et félicitations fusaient, sans que Neville pût voir qui exprimait tel commentaire. Il remarqua que Dolohov, fébrile, paraissait fort intéressé par Parkinson. Il espéra que le Mangemort avait déjà eu un premier héritier. Pour rien au monde il n'aurait souhaité à Parkinson Dolohov pour époux.
« Pansy, viens donc près de moi… »
La voix de Celui-au-nom-honni, malgré le brouhaha des voix, aiguë comme un grincement de porte, traversa la cacophonie des félicitations pour ramener un semblant d'ordre.
Parkinson, tout sourire, s'avança vers son nouveau maître, Neville sur ses talons. Il frôla un petit homme aux dents protubérantes, un air vicieux marqué jusque dans ses sourcils broussailleux. Neville crut un instant qu'il portait un gant à une de ses mains avant de comprendre que c'était autre chose, une sorte de prothèse. Une main de chair, une main d'argent.
« Peter… Laisse donc une place à notre nouvelle recrue. »
Le dénommé Peter s'écarta et Parkinson s'approcha du fauteuil posté près du trône de son nouveau suzerain.
« Maître… » s'inclina Parkinson.
Elle s'assit et Neville se posta derrière elle. Il eut une brève pensée pour cet après-midi au Guerni'café, avec les bavardages des filles qui semblaient si loin des discussions de ce moment présent. Il s'était posté derrière elle comme il le faisait maintenant. À l'époque, il était au service d'une ancienne Serpentard qui manipulait tout son monde.
C'était drôle de se savoir soutien d'un Mangemort.
« J'ai cru comprendre par ton père que tu n'avais toujours pas trouvé fiancé digne de toi. »
Celui-dont-on-tait-le-nom n'y allait pas par quatre chemins.
« Père a toujours été défaitiste, répondit Parkinson d'un ton badin. Disons qu'avec les dernières alliances sang-pur qui se créent, je n'ai pas trop pris le temps de me pencher sur ma propre vie sentimentale. Après tout, mieux vaut étaler les festivités, n'est-ce pas ? Si je trouvais à me marier tout de suite, je ferai de l'ombre à Daphné et à Holly, ce qui n'est vraiment pas mon intention. »
Quelle finaude. En voyant l'air amusé peint sur le visage de Celui-qui-caresse-son-serpent, Neville sut que Parkinson avait finement joué. Elle lui avait rappelé les usages sangs-purs à respecter. Pas trop d'alliances d'un coup, pour éviter les débordements.
« Tu as raison, nota Celui-dont-le-nom-doit-être-tu. Autant ne pas créer d'inimitié entre sorcières. J'ai cru comprendre qu'il y avait eu des meurtres lors d'alliances malavisées.
- Demeter Temple a en effet tué sa demoiselle d'honneur quand celle-ci est arrivée avec trois heures de retard, souligna Parkinson. Mais ce ne sera rien si j'ose être mieux attifée qu'Holly à son mariage.
- Je n'ai jamais compris pourquoi le mariage était un jour si important pour les jeunes sorcières.
- C'est le seul jour où le monde entier est à nos pieds, même vous. C'est assez agréable d'avoir ce pouvoir en enfilant une simple robe blanche. »
Tous retinrent leur respiration, Neville en fut certain. Voulait-elle tester son intouchabilité auprès de son maître ? À le provoquer comme ça, sans hésiter, elle risquait gros.
Et son maître éclata d'un rire sifflant :
« Tu es pire que ton père, Pansy ! Tu as de la répartie, j'adore ça ! »
L'assistance, comme soulagée, se joignit aux rires de Celui-dont-les-réactions-sont-imprévisibles. Les conversations reprirent petit à petit, entrecoupées parfois d'une remarque du Seigneur des Ténèbres.
Neville, aux premières loges, écoutait d'une oreille distraite la conversation entre Parkinson et le Mangemort à la main d'argent. Il essayait d'analyser ce qu'il avait vu. Parkinson avait coincé son maître. Elle l'avait forcé à reconnaître que la fiancer tout de suite était une mauvaise idée, puis à accepter l'idée d'être considéré comme au service d'une jeune mariée ! Elle prouvait qu'en tant que Sang-pur, elle pouvait se permettre certaines familiarités avec lui.
Elle avait très solidement assis sa position : elle valait dorénavant très cher sur le marché des filles à marier.
Personne ne pourrait la décrocher.
Le seul moment où elle aurait plus de poids politique, ce serait quand elle prouverait son statut de première héritière. Elle serait intouchable.
Et Neville, à ses ordres, le serait aussi.
Il sentit, malgré l'incongruité de la situation – un Loup d'Odin à une garden-party de Mangemorts –, qu'il n'était pas en si mauvaise posture que ça, et que les choses commençaient à tourner à son avantage.
Et, bien entendu, tout dérapa.
La grand-porte s'ouvrit avec fracas et Lucius Malefoy fit son entrée, faisant avancer devant lui un corps suspendu par les pieds, comme un vulgaire tas de tissus. Neville frissonna. Ça n'annonçait rien de bon…
« Lucius ! Tu en fais du bruit !, s'exclama Celui-dont-le-nom-est-tu.
- C'est que ce chien m'empêchait d'ouvrir la porte, il était sur le passage de mon sort, expliqua Lucius Malefoy.
- Tu as pris ce chien pour un bélier, à ce que je vois, lâcha Sir Parkinson dans un ricanement. J'espère que tu ne l'as pas trop abîmé, il était déjà bien en mauvais état… »
Lucius Malefoy et l'homme suspendu – Neville était certain que c'était un homme, même si son visage était masqué par un sac et son corps tordu par les cordes trop serrées – parvinrent au milieu de la salle de bal, dans un silence quasi religieux, alors que tous regardaient, curieux et avides, le sang noir qui gouttait sur leur passage.
Neville tressaillit en voyant Parkinson se lever. Il la suivit quand elle s'approcha des deux hommes. Tu restes dans mon ombre. Elle claqua la langue, sévère :
« Lucius ! Vous mettez du sang partout ! On voit bien que vous n'êtes pas chez vous ! »
Elle s'adressait avec tant de familiarité à Lucius Malefoy que c'en était effrayant. D'un autre côté, ça y était, elle était Mangemort, elle était au même niveau que le père de son camarade de classe.
La hiérarchie sociale était légèrement bouleversée, de ce que Neville pouvait en voir.
« Pansy, gloussa Malefoy père, je suis sûr que vos elfes sont capables de nettoyer cette saleté… À moins que votre vassal suffise…
- Eh non, répondit Parkinson alors que Neville rougissait à l'idée d'être considéré encore comme un elfe de maison. Londubat ne travaille pas ici, vous faites trimer le personnel de mon père, pas le mien. »
Elle avait dit ça sur le ton de la blague, de la conversation. Irréel. C'était irréel, de voir des Mangemorts discuter de nettoyage de parquet sali par le sang d'un homme comme si c'était normal.
« Je ne crois pas que ça lui coûte trop cher, il ne paie pas ses elfes…
- Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas. Vous, vous les affranchissez. »
Lucius Malefoy grimaça. La pique faisait mal ! Parkinson venait de rappeler, encore et toujours, que Dobby, leur elfe, avait été libéré et était dorénavant un grand ami de Potter, leur ennemi à tous.
Neville ne put s'empêcher de ressentir une petite fierté l'envahir.
« Pansy, laisse donc notre invité tranquille. Il nous prêtera un elfe pour nettoyer la crasse. Après tout, Nagini n'a pas encore mangé. »
Merlin. Cet homme qui gémissait, Neville l'entendait bien maintenant qu'il était tout proche de lui, caché dans l'ombre de Parkinson, cet homme dont le sang s'étalait sur le parquet, cet homme allait se faire bouffer par Nagini ?
« Alors alors…, murmura Parkinson en s'approchant de l'homme suspendu par les pieds. Je pensais que tu serais plus présentable que ça pour apparaître devant notre maître, McLaggen. »
Quoi ?
McLaggen ? Ici ? Un sang-pur ? Un putain de sang-pur coincé ici dans cette putain de réunion de Mangemorts ?
Parkinson se baissa et ôta le tissu qui recouvrait la tête du sorcier.
Neville frissonna en voyant la tête contusionnée de Cormac McLaggen. Yeux bleuis, paupières gonflées, mâchoire fracassée. Des sifflements, comme si ses poumons avaient été crevés, sortaient à intervalles irréguliers de ses lèvres et parfois un gémissement de bête blessée émergeait de ce tas de chair détruite. Aucune dignité. Neville se rappelait sa prestance lors des matches de Quidditch, son enthousiasme quand il lui avait proposé, au fond du Magicobus où il poinçonnait des tickets, de rejoindre les Loups d'Odin, sa fierté lors des réunions, et son don, son don inégalable pour peindre, taguer, recouvrir de fresques immenses les murs de Pré-au-Lard.
Plus rien de tout ça dans cet homme brisé.
« Maître, en qualité de chef des Aurors, j'ai pu participer à l'arrestation ce matin de Cormac McLaggen, qui appartient à l'organisation criminelle des Loups d'Odin et a participé à la grande séance de vandalisme de Pré-au-Lard, où nous avons été agressés.
- Arceus, je vois que tu es efficace… As-tu réussi à le faire parler ?
- Depuis trois jours que nous le travaillons, il a avoué tout ce qu'il savait. »
Neville frissonna. Il n'avait rien dit quand il avait été torturé à coups de Doloris, mais ce n'étaient que vingt-quatre heures à l'étage – 13 du Ministère. Pas soixante-douze. Pas avec les muscles déchirés, la violence contenue, les blessures suintant du sang et du pus. Pas étonnant que McLaggen eût parlé.
Et Parkinson savait.
Ça faisait trois jours que McLaggen était dans les caves du manoir ! Parkinson lui avait demandé de venir servir chez lui alors qu'elle savait que McLaggen serait livré en pâture au serpent de l'autre bâtard pour se faire bien voir par tous. Parkinson lui avait demandé d'être présent pour l'humilier, le tester, le mettre à l'épreuve, il n'en savait foutre rien, mais elle le paierait ! Elle lui avait caché ça, merde !
Et McLaggen qui avait dit tout ce qu'il savait. La question, c'était : que savait-il ? Savait-il que Lavande était impliquée ? Savait-il que la prochaine émission de Potterveille se tiendrait le lendemain ? Qu'ils prévoyaient une nouvelle action contre les hiboux de la Gazette ?
Que Neville était à la tête des Loups ?
« Maître – et Neville réprima un frisson de dégoût en entendant Parkinson, la traîtresse, s'adresser ainsi au Seigneur des Ténèbres – permettez-moi de vous proposer, en qualité d'hôtesse, ce délicieux jeune homme pour votre serpent.
- Nagini apprécie les mets de choix, merci, mais j'ose espérer que vous aurez tout fait pour le convaincre de joindre notre cause, étant donné qu'il a le sang pur. »
Putain. Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom essayait de faire croire qu'il se souciait de morale et d'éthique ! Un Sang-pur ne mérite pas de se faire tuer, merde !
« De plus, le nom McLaggen me dit quelque chose. Je crois que notre ami Tibérius prendrait mal que nous nous débarrassions de son neveu sans l'en tenir informé. »
C'était ce qui avait valu à McLaggen son entrée dans le club de Slug, son lien familial avec Tibérius McLaggen, secrétaire au Département de contrôle et de régulation des créatures magiques, Ginny l'avait dit à Neville en rentrant du premier dîner chez Slughorn. Sa grand-mère lui en avait parlé, bien entendu, mais Neville n'aurait jamais prêté attention à McLaggen si Ginny et Hermione ne lui en avaient pas parlé.
Et il l'avait embauché. Il l'avait intégré à son organisation résistante, et il l'avait livré aux Mangemorts.
« Tibérius a été mis au courant de la déchéance de son neveu et l'a renié publiquement. Son frère Septimus et son épouse Julia McLaggen ont renié leur fils eux aussi, ce qui fait que ce misérable individu n'est plus relié à aucune famille sang-pur. »
Putain de merde.
« N'ayant plus aucun parent sorcier, Cormac McLaggen ne dépend donc plus de la juridiction magique et a donc le même statut qu'un Sang-de-bourbe. »
Évidemment. Un sorcier sans famille sorcière est un voleur de magie. Quantité négligeable. Méprisable. Insignifiante.
Et les Sangs-de-bourbe, on les chasse parce qu'ils volent la magie. On leur confisque leur baguette. On les torture en espérant qu'ils rendront ce qu'ils ont volé.
On les tue pour réparer un affront qui n'existe pas.
« Je vous l'offre en espérant qu'il vous agrée. »
Neville, toujours planté derrière Parkinson, fixait McLaggen. Ce dernier ne l'avait apparemment pas reconnu, ou pas remarqué. Toujours geignant, toujours gémissant, il tournait sur lui-même, sa tête rougie par sa position inversée, et les bleus et les hématomes sur son visage ressortaient d'autant plus.
« C'est extrêmement aimable de ta part, Arceus, siffla le Seigneur des Ténèbres. Détache-le, qu'on en sache un petit peu plus. »
Sir Parkinson fit un geste de sa baguette et McLaggen tomba par terre, tête la première. Neville ne put s'en empêcher : il se précipita vers lui et l'aida à se relever.
« J'ignorais que tu te préoccupais du sort des traîtres à leur sang, Londubat… » persifla Parkinson derrière lui.
Merde ! Qu'avait-il fait ?
Il réfléchit à toute allure et répondit rapidement, ses yeux posés sur Parkinson :
« C'est pour éviter d'autres tâches de sang sur le parquet, Milady, je sais que ça vous déplairait. »
Elle cligna légèrement des yeux. Il se releva et s'éloigna de nouveau, laissant McLaggen debout, chancelant, essayant de ne pas paniquer à l'idée de s'être trahi.
Mais de toute façon, McLaggen ne l'avait-il pas déjà trahi ? Qu'avait-il dit sous la torture ?
« Alors… Tu soutiens Potter, c'est ça ? »
La voix doucereuse et menaçante du mage noir ne provoqua aucune réaction chez McLaggen. McLaggen regardait Neville, comme estomaqué. Il l'avait vu. Tous les Loups savaient que Neville travaillait pour Parkinson, c'était pas un scoop. Mais que Neville fût là à observer sa déchéance, ça, c'était inouï.
Devant l'absence de réaction, l'autre retenta :
« Tu appartiens à une des organisations criminelles du pays, celles contre lesquelles on lutte, parce qu'elles sèment le désordre ? »
McLaggen émit un bruit à travers ses lèvres sèches fissurées d'entailles, et Neville mit un moment à comprendre que c'était un rire.
« Tu te moques de moi ? »
McLaggen ne répondit rien et releva juste la tête, fichant ses yeux dans, Neville supposa, ceux de Celui-qui-aimait-torturer.
« Vous ne me faites pas peur. »
Et sa voix ne tremblait pas.
« Maudit Gryffondor. »
McLaggen carra des épaules. Un jeune homme debout face à un vieillard assis. Tout était dit, tout était montré.
« Vous n'arriverez jamais à…, commença difficilement McLaggen, en essayant d'articuler le plus possible malgré ses mâchoires fracassées. Vous n'arriverez… jamais à me faire plier. Jamais. J'ai beau avoir parlé, vous ne m'enlèverez jamais… ce que je suis. »
Un sifflement d'asthmatique retentit dans la pièce : le Seigneur des Ténèbres riait. Sa silhouette tressautait comme un pantin désartibulé.
« Tu crois que j'essaie de te rallier à nous, mon pauvre garçon ? N'as-tu pas compris que tu ne nous intéresses plus le moins du monde, maintenant que ton sang n'est plus là pour te protéger ?
- Je me bats pour des gens que j'aime…, continua McLaggen, comme s'il n'avait pas été interrompu. Je me bats… pour ceux qui le méritent. Pour Harry. Vous… vous vous battez pour des conneries. »
Neville sentit une admiration neuve se créer pour son vis-à-vis. Il aimait tant Harry qu'il avait rejoint les Loups ? Neville ne se souvenait pas d'une amitié particulière entre Harry et McLaggen, à part dans l'équipe de Quidditch, et même à l'époque il avait été visible pour tous les Gryffondor qu'Harry préférait avoir Ron comme gardien que McLaggen. À moins…
À moins que McLaggen n'aimât toujours Hermione.
« Tu m'ennuies. » susurra Celui-dont-le-nom-est-à-taire.
Cette froideur ! Ce dédain. Cette distance…
« Mais Nagini n'a jamais été contre un soupçon de trahison dans le sang de ses proies. »
Neville voulut reculer d'un pas en entendant le frôlement du gigantesque serpent sur le sol. Mais Parkinson devant lui n'avait pas bougé, pas réagi. Il s'empêcha de réagir et regarda McLaggen, coincé dans un triangle improbable de Mangemorts, Parkinson, son père, Lucius Malefoy, voir approcher sa propre mort.
Le serpent se glissa près d'eux, entre les deux Parkinson, le père et la fille, tous autant criminels et impassibles, et s'approcha vicieusement de McLaggen.
McLaggen eut un demi-sourire, comme s'il ne pouvait pas l'agrandir à cause de la douleur, et il cria, levant un poing dérisoire, les yeux fixés dans ceux de Neville :
« Les Loups d'Odin ! »
Le serpent se jeta sur lui, et Neville détourna les yeux.
