Chers lecteurs,

On se retrouve aujourd'hui pour un petit chapitre K+. Rien de bien méchant, vraiment.
Comme toujours, grand merci à Nicto pour ses bons conseils, et à Katymyny pour son commentaire.
Soyez sages, portez-vous bien, allez faire des batailles de boules de neige,

Al

PS : réponse à la meilleure revieweuse du fanfiction-game, Katymyny : pour severus tous les doutes sont permis^^ contrairement à harry, où il y a vraiment un passif injuste entre rogue et lui, pour neville c'est moins compliqué : y a moins cette relation de haine profonde entre les deux. rogue méprise neville, neville a peur de rogue, c'est plutôt normal comme relation entre élève et prof odieux. donc à voir (rogue est-il gentil ? est-il méchant ? est-il mystérieux ? que de questions...) on est d'accord, la liberté, ça doit sentir bon. j'espère que ce chapitre te plaira tout autant. nous on a une vague de froid sur toute la france, mais ça reste gérable. et on a de la neige ! ça c'est vraiment cool. bonne lecture, à une prochaine !


« Le clébard est encore dans les parages ? » Edward Cullen, Hésitation


« J'en ai marre. »

Le dire ne changerait rien, si ce n'est qu'extérioriser un peu son exaspération allégea un instant sa conscience. Ça faisait trois jours qu'ils avançaient et Neville ne pouvait que se bénir d'avoir mis des baskets aux pieds au moment de partir de chez les Weasley : il aurait eu des ampoules aussi grosses qu'un pitiponk sinon.

« Allez, plus qu'une heure et on s'arrête. »

Neville en voulait un peu à Luna. Elle était beaucoup moins fatiguée que lui, et ce pour une bonne raison : elle marchait beaucoup moins que lui ! Ses loups la portaient. Crocs galopait comme un fou quand elle était sur son dos, comme s'il voulait lui montrer qu'il faisait l'affaire, et ça se voyait qu'ils s'éclataient. Il y avait toujours une sourde opposition entre Freyr et Crocs. Ils se faisaient la guerre pour porter leur maîtresse.

Depuis trois jours que Neville vivait avec eux, il avait tout supporté stoïquement : ce moment où Luna avait avancé à quatre pattes, tordue dans une posture désagréable, l'odeur lourde et entêtante des loups, cette nuit où les louveteaux avaient voulu jouer avec lui et l'avaient plaqué au sol, l'écrasant et éraflant sa gorge de leurs crocs.

Mais là, il en avait sa claque.

« J'en ai putain de marre ! Ça fait des jours qu'on avance on ne sait pas vers où !

- Nord-est. Bane ne se trompe jamais. »

Elle s'en foutait. Ça faisait trois jours, trois putain de jours ! Lui, il souffrait, il ne sentait plus ses muscles, ni ses cuisses, ni ses mollets, ni le froid qui s'attaquait insidieusement à ses orteils, ni son nez rougi, ni l'humidité, cette humidité sournoise qui s'incrustait sous sa cape et faisait baigner le monde dans une sueur froide désagréable.

Et elle, elle faisait une promenade de santé.

« Écoute, Luna, on s'arrête. Je sais qu'on pourrait encore marcher un peu, mais là, j'en ai ma claque. Bivouaquons ici. »

Il s'était arrêté. Elle se tourna vers lui :

« Crocs a senti une rivière pas loin. Si on avance encore une dizaine de minutes, ils pourront se baigner.

- Ok. »

Il râla pour la forme, mais la perspective d'un bain avait eu raison de son énervement. Même si l'eau froide n'avait jamais été un réel plaisir, un décrassage lui ferait le plus grand bien.

Ils avancèrent encore. Bientôt un torrent troua les arbres. Neville sentit le soulagement jusque dans ses orteils.

« Cool. »

Ils se posèrent. Immédiatement les loups se trempèrent dans le torrent. Neville détourna le regard quand Luna ôta ses vêtements : il n'était vraiment pas prêt à la voir nue.

Il installa leur campement sommaire en les entendant batifoler dans une eau qu'il savait gelée. Il ramassa des branches de bois sec, les entassa dans un coin. Une fois qu'il eut réuni un gros fagot, il alluma un feu, profitant de l'absence des loups, toujours réticents à la manifestation d'événements magiques.

« Les loups sont partis chasser. On aura de la viande pour ce soir. »

Neville eut un sourire. Il tendit sa cape à Luna pour qu'elle s'enveloppât dedans avant de se tourner vers elle.

Elle était radieuse bien que fatiguée. Ses cheveux gouttaient sur la cape dans laquelle elle s'emmitouflait, cachant ses formes. Neville avait sous-estimé la puissance de la solitude. Elle avait certes ses loups – et Neville n'arrivait jamais à y penser autrement qu'en ses loups – mais rien ne remplaçait un être humain. La veille, ils étaient passés devant une habitation moldue : Neville avait pu y aller chercher du pain. Luna, avec ses cheveux sales et son air perdu, n'aurait jamais pu. Même ce simple contact posait problème.

« Je vais me baigner. Je te laisse ma baguette pour raviver le feu si besoin et jeter des sorts de protection. »

Neville alla au torrent. Il se déshabilla, observa le soleil se cacher doucement derrière les arbres et se glissa dans l'eau en frissonnant. Elle était vraiment froide. Il se réjouit d'avoir allumé un feu : il pourrait se réchauffer beaucoup plus facilement que par un sort de séchage – sort qu'il maîtrisait fort mal, d'ailleurs.

Il se frotta sommairement, décida de mouiller sa tête pour se décrasser en entier. Il dériva un peu vers l'aval, voulant profiter des derniers rayons de soleil qui chatoyaient dans les arbres. Commençant à crever de froid, il sortit de l'eau et remonta en trottinant vers leur campement sur la berge, ignorant les épines de pin qui se plantèrent dans ses pieds.

Il récupéra ses vêtements posés sur une pierre plate près du torrent, enfila son caleçon à la hâte et décida de renfiler les autres vêtements une fois sec, près du feu. Pas la peine de les mouiller. Il avança vers l'intérieur de la forêt et aperçut la lueur de sa flambée. Bientôt il serait au chaud.

Mais quand il avança, il sentit qu'il y avait un problème.

« Luna ? Ça va ? »

La jeune femme se tenait figée, comme pétrifiée. Immédiatement Neville chercha des yeux une présence, quelqu'un qui l'aurait attaquée. Personne.

« Luna ? » chuchota-t-il.

Il fit un pas vers elle. Elle tourna la tête vers lui, l'œil furieux. Ses loups jappaient, grognaient, tournaient autour d'elle en ignorant Neville, comme s'il y avait un grave danger. Quelque chose de grave se préparait.

« Lu…

- Gealach. » lâcha-t-elle dans un grognement guttural qui n'avait plus rien d'humain.

La lune.

Putain.

La pleine lune. C'était la pleine lune ! Et Luna avait sa baguette, serrée dans son poing crispé !

« Luna… Donne-moi ma baguette. »

Elle ne l'entendit pas.

Elle allait se transformer ! Des tics commençaient à agiter son corps de soubresauts brusques, ses membres tremblaient, les loups sautillaient, surexcités. Neville, en slip, sentait que ça allait très mal se passer. Il ne pouvait pas transplaner, il ne pouvait pas laisser sa baguette dans les mains de Luna. Il ne pouvait pas laisser Luna toute seule. Il avait trop vu les dégâts de la solitude sur son amie. Il ne pouvait pas se jeter sur elle pour lui arracher sa baguette des mains : les loups n'auraient pas apprécié qu'il attaquât leur chef de meute.

Il devait se mettre en sécurité. Il allait crever de froid s'il s'éloignait trop du campement. Vite vite, réfléchir !

Un hurlement déchira l'air. Luna, la tête en arrière, hurlait à la mort, et ses loups se joignirent à elle, comme s'ils reconnaissaient là leur alpha. Neville lâcha ses vêtements, se précipita vers un arbre et commença à grimper, ses mains glissant sur l'écorce rugueuse.

Des cris animaux, des mugissements, des grognements dans son dos. Un grand bruit de déchirure, comme si une peau se transformait pour accueillir un nouvel être. Neville ne se retourna pas, certain de voir sa cape chaude et moelleuse en lambeaux et son amie en créature. Il continua de grimper, s'accrochant aux branches comme il le pouvait, les pieds ripant le long du tronc.

Un grognement bestial le poursuivit. Porté par un instinct méconnu, il parvint à se mettre hors de la portée d'une patte affreusement poilue qui s'était jetée sur lui. Il cria.

« Luna ! C'est moi ! »

Il ignorait si elle était capable de le reconnaître. Sûrement pas… Elle avait tué son propre père sous l'emprise de la lune…

« Luna ! M'attaque pas ! »

Il avait tellement peur qu'il ne sentait plus le froid. À califourchon sur une branche, il baissa le regard.

Le feu éclairait une scène surréaliste. Les loups tournoyaient autour d'une créature venue des enfers, velue, aux membres longs et tordus, au museau qui pointait vers lui, gueule béante, langue pendante. Ils hurlaient tous à qui mieux mieux, donnaient de violents coups de patte à l'arbre dans lequel Neville s'était réfugié.

Il remarqua qu'ils restaient plutôt éloignés des flammes. Même si Luna ne semblait pas craindre le feu, elle s'en méfiait.

Peut-être qu'il avait une chance… S'il se rapprochait du feu, peut-être que Luna ne l'attaquerait pas. Il chercha sa baguette des yeux et ne la trouva pas : à tous les coups, elle avait atterri dans les fourrés quand Luna s'était transformée.

Il avait beau essayer de ne pas regarder l'effrayante créature qui rôdait autour de l'arbre, il ne pouvait s'empêcher d'entendre les gémissements, grognements et autres bruits de bête. Des hurlements inattendus retentissaient, et Neville frissonnait. Il frissonnait tellement qu'il avait peur de tomber. Et cette peur le faisait frissonner encore plus. Il n'en pouvait plus de peur et de froid. Et les coups brutaux qui résonnaient contre l'arbre, les coups que donnait Luna transformée en loup-garou, faisaient vibrer le tronc tellement fort que Neville savait qu'il n'en aurait plus pour longtemps à tenir.

Une heure passa ainsi. Peut-être deux. Pas de notion du temps qui passe. La course nocturne des étoiles dans le ciel, qui aurait pu lui donner quelques informations temporelles, était cachée par les touffes de feuilles. Luna ne décolérait pas en bas. Neville sentait encore ses orteils : la chaleur qui montait des bêtes au pied de l'arbre réussissait à lui réchauffer un minimum les doigts. En revanche, il voyait le feu rendre ses dernières flammes. Bientôt il n'aurait même plus le feu comme allié.

« Putain Luna… »

Elle continuait d'aboyer, de hurler à la lune, comme torturée par l'éclat vicieux du satellite. Neville n'en pouvait plus : il avait l'impression que ses membres étaient rigidifiés et ne lui répondaient plus. Il porta les mains à sa bouche pour souffler dessus : son haleine réchauffa un court instant ses paumes.

Il grimaça et les reposa sur le tronc froid de l'arbre. Il espérait que la prochaine fois – s'il y avait une prochaine fois – il aurait de la potion Tue-loup sous la main.

À tous les coups, Luna n'en avait jamais pris. Connaissant la réputation de Greyback, il devait être du genre à encourager la folie lunaire plutôt qu'à la canaliser via une potion. Comment avait-elle fait les autres nuits ? Les centaures l'avaient calmée ? Les loups l'avaient soutenue ? Depuis le temps qu'elle errait dans les forêts, combien de gens avait-elle blessés ? Était-ce pour ça qu'elle avait fui la compagnie des hommes ? Pour ne pas les blesser une fois par mois ?

Neville eut la nausée, sans qu'il sût si c'était dû à l'idée de Luna attaquant des gens de passage ou s'isolant pour éviter le plus possible les êtres humains. À moins que ce ne fût son corps qui lui donnait de derniers signes de vie avant qu'il rendît l'âme.

Pas de ça.

Il releva la tête, observa le morceau de lune que les arbres laissaient entrevoir. Il essaya de visualiser, grâce à la position des constellations, l'heure qu'il devait être. Toutes ses affaires étaient en bas, bien entendu. La vieille montre des Temple, ses vêtements, ses graines, sa cape d'invisibilité. Sa baguette. Il n'avait sur lui que la chaîne où était suspendue la bague de Parkinson. Ça lui était bien utile, tiens…

Luna en bas – ou plutôt la créature qui avait pris possession de Luna – semblait s'être calmée. Elle geignait, roulée en boule, ses loups l'entouraient. Neville discernait les différents pelages dans les dernières lueurs du feu. Ils paraissaient plus calmes. Peut-être dormaient-ils…

Neville n'y tint plus. Tout pour le tout, merde.

Il se laissa glisser le plus silencieusement possible de la branche sur laquelle il était assis. Il attrapa une branche, se souleva et…

Crac !

La branche cassa.

Il chuta.

Droit sur les loups. Droit sur Luna.

Il cria. Il ne pouvait pas faire autrement.

Il atterrit juste à côté, fit un roulé boulé absolument pas contrôlé. Les bêtes s'étaient réveillées. Il se releva précipitamment, se précipita vers les cendres qui fumaient encore, espéra trouver sa baguette dans le fourbi lacéré autour du feu…

Une immense bête lui tomba sur le dos, le plaquant au sol.

« Ah ! »

Il se débattit de toutes ses forces. La bête qui le surplombait le griffa, il sentit son torse s'ouvrir sous ses coups hargneux.

« Luna ! Luna arrête ! C'est moi, Luna ! »

Il hurlait. C'était inutile, il le savait, la lune était trop puissante, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Elle lui lacéra le bras qu'il tendait devant son visage pour se protéger. Il hurla.

« Luna ! Merde ! Tu me fais mal ! »

Ils roulèrent ensemble. Neville crut un instant prendre le dessus. Luna ne l'avait toujours pas mordu. Les loups les entouraient, aboyant. Il reçut soudain un coup de patte effroyable dans la tête qui l'envoya valser contre un arbre. Il sombra.

Quand il rouvrit les yeux, étonné d'être encore en vie, le soleil perçait à flot les branches drues de la forêt : il devait être midi.

Il était en vie.

« Neville… »

Il tourna la tête.

Luna était devant lui, accroupie, l'air contrit. Il eut l'impression farfelue qu'elle était là depuis longtemps. Depuis combien de temps le veillait-elle dans son sommeil ?

« Comment tu te sens ?, demanda-t-elle d'une voix enrouée.

- Comme si j'étais passé sous un troupeau de centaures. »

Elle eut un léger rire fatigué.

« C'est pas passé loin. »

Il tenta de se relever. Sa tête lui tourna immédiatement.

« Doucement… Tu as perdu beaucoup de sang. »

Quelque chose lui tenait chaud du côté droit. Il tourna doucement la tête, un peu perdu.

Crocs était collé contre lui. C'était lui qui le réchauffait. À ses pieds la carcasse dégingandée de Geki.

Il sentait sur sa tête quelque chose qui lui tirait la peau. Il leva la main et se toucha le visage. Des feuilles plaquées en cataplasme. Et sur son bras la même chose. Et sur son torse des cicatrices parallèles luisantes qui lui traversaient les pectoraux, moins profondes.

« Il s'est passé quoi ?, ânonna-t-il.

- Tu es blessé. T'es resté évanoui un jour entier. »

Il réussit, à force de contorsions, à se mettre en position assise, essayant d'ignorer les tiraillements dans son bras et dans son torse. Luna paraissait plutôt joyeuse de le voir réveillé. Elle lui tendit une broche sur laquelle rôtissait ce que Neville supposa être un écureuil.

« Pourquoi tu tires une tronche pareille ? » demanda-t-il en mordant voracement dans la viande.

C'était délicieux, bizarrement. Il sentit la nausée reculer un peu.

« Parce que j'ai réussi à me contrôler. »

Il l'interrogea du regard.

« Mange. Je t'explique après. »

Il obéit. Il se sentait de mieux en mieux. Elle lui donna à boire. Les loups, autour d'eux, n'arrêtaient pas de frétiller. Crocs paraissait particulièrement content d'être à côté de Neville. Ce fut quand Luna lui changea la compresse posée sur son bras qu'il comprit enfin ce qui n'allait pas.

« Tes loups ne sont plus du tout agressifs envers moi.

- C'est normal, je t'ai marqué.

- Hein ? »

Elle eut un petit rire :

« Je t'ai griffé. Mon odeur est sur toi. Mes loups te protègent maintenant. »

Ce qui était bien avec Luna, c'est qu'elle expliquait avec le minimum de mots possible. Mais là, Neville aurait apprécié avoir un peu plus de mots.

« Tu ne m'as pas tué. »

C'était une prise de conscience qui ne le heurtait que maintenant. Il sentit qu'il avait du mal à respirer. Il commença à hyperventiler, voir des étoiles devant les yeux.

Crise de panique.

« Laisse. »

La voix ferme de Luna l'apaisa instantanément. Comme si l'autorité naturelle de sa voix calmait directement sur ses battements de cœur effrénés. Depuis quand l'autorité de Luna rejaillissait-elle ainsi sur lui ?

« Qu'est-ce que tu m'as fait ?

- Je t'ai marqué, je t'ai dit. Tu appartiens à la meute. »

Il appartenait à la meute. Il appartenait à Luna. Elle était l'alpha de ses loups, et voilà qu'il se retrouvait, comme eux, à dépendre d'elle et à lui obéir quand elle lui demandait de se calmer.

À peine débarrassé de Parkinson, voilà qu'il se trouvait une autre maîtresse…

« Mais… Je suis un loup-garou ?

- Non. Je ne t'ai pas mordu. »

Le soulagement l'étreignit : il ne serait pas lycanthrope. Mais il était totalement perdu :

« Je n'y comprends rien. »

Luna plissa des yeux et s'assit face à lui. Aussitôt, Raksha se blottit contre elle. Neville tourna la tête, ignora les élancements qui le prenaient quand il bougeait, et s'aperçut que tous les loups de Luna étaient autour d'eux. Ils répandaient une chaleur incroyable entre eux : avant, ils conservaient toujours une certaine distance avec lui, surtout Freyr Gris et Crocs – Raksha l'avait toujours bien aimé, il supposait que c'était parce qu'il l'avait soigné. Mais les deux mâles avaient toujours été très dédaigneux, si tant est qu'un loup puisse éprouver du dédain, et les louveteaux imitaient leurs aînés. Mais les choses avaient changé : s'il sentait comme Luna, les loups l'avaient intégré parmi eux.

Et, tous mêlés dans une chaleur animale et une odeur fauve, Neville ne pouvait s'empêcher de se sentir super bien.

« Quand je suis sous l'emprise de geleach, j'oublie tout. Je ne reconnais rien. J'attaque les hommes parce que c'est ce que geleach me demande. Tuer, mordre. »

Neville se souvenait de ses cours de défense contre les forces du mal en troisième année : les loups-garous n'attaquaient pas les autres animaux. Luna n'avait jamais attaqué ses loups. Un loup-garou recherche la même chose que tout être vivant : manger, dormir, se reproduire.

Et pour se reproduire, il fallait mordre des humains.

« Or je t'ai reconnu. »

C'est possible, ça ?

« Je ne t'ai pas attaqué parce que j'ai réussi à te reconnaître.

- Tu m'as quand même mis une mandale, ma tête en sonne encore… »

Elle soupira et Neville ne put s'empêcher de lui trouver la même haleine âcre que ses bêtes.

« Je ne t'ai pas mordu. Je t'ai repoussé loin de moi pour ne pas te blesser, parce que je t'ai reconnu. Je n'avais jamais reconnu quiconque avant. »

Elle laissa passer un temps.

« Mon père serait encore vivant si j'avais pu faire la même chose avec lui. Maintenant il est avec maman. Il doit être heureux, je pense… »

Il l'étreignit, touché par sa tristesse. Elle ne l'avait pas mordu.

Peu à peu il la relâcha. Bizarrement, les loups se comportaient gentiment avec lui, et ce changement était vraiment appréciable : pour une fois, ils ne grognaient pas même si Neville tenait Luna dans ses bras.

« Tu as réussi à contrer les effets de la lune ? Comme pour une potion Tue-loup ?

- Je ne sais pas, répondit Luna, la voix brisée. Je n'ai jamais pris de Tue-loup. Marbh voulait qu'on soit les plus meurtriers possible. Dès la première prise de Tue-loup, on perd de nos facultés. »

Pas étonnant. Connaissant les histoires qu'on avait racontées sur Greyback…

« C'est bien. »

Cette fois, ce fut lui qui calma Luna. Des lambeaux de vapeur sortaient des museaux des loups et créaient entre eux une bulle de chaleur agréable. Encerclée d'odeurs habituelles et réconfortantes, Luna sécha ses larmes. Neville sentit des fourmis dans les jambes. Il voulait surtout retrouver sa baguette et s'isoler un peu.

« Faut que je me lève. Tu m'aides ? »

Elle se releva, le tira sur ses jambes. Changer de position lui fit voir des étoiles. Consciente de sa faiblesse, elle le retint pour éviter la chute. Elle s'excusa en lui montrant sa tête et son bras couverts de plantes macérées :

« J'ai fait ce que j'ai pu. Je ne connais pas les sorts de guérison. »

De toute façon, vu son état de fatigue, elle n'aurait jamais été capable de lancer un Vulnera. Lui non plus, d'ailleurs.

Neville s'éclipsa cinq minutes. Il flageolait sur ses jambes, comme un étrange contrecoup de sa nuit. Il se sentait moite et poisseux. Il descendit vers la rivière, s'aperçut qu'il était à peine vêtu. Il ôta son caleçon et se glissa dans l'eau glacée. Le courant emporta les cataplasmes. Il en ferait de nouveaux. Il se rinça la tête, heureux de se décrasser.

Quand il revint quelques minutes plus tard, Luna, accroupie près du feu, avait remis à chauffer le reste de la carcasse d'écureuil. Il s'approcha d'elle et se pencha vers le feu, reconnaissant envers les flammes qui le réchauffèrent immédiatement.

« Donc… On a un mois de battement, c'est ça ?

- Vingt-neuf nuits.

- Et je serai affecté ? »

Elle tourna la broche.

« Je ne sais pas. Celui qui pourrait te renseigner sur la question, c'est le frère de Ginny. »

Bill s'était, lui aussi, fait attaquer par un loup-garou sans être mordu. Neville essaya de se rappeler la conversation qu'il avait eue avec lui quand il était allé dîner chez lui pour parler de Teddy. Bill lui avait dit avoir du mal à dormir les nuits de pleine lune et aimer dorénavant la viande saignante. Il avait fréquenté un peu les milieux lupins de Londres mais n'avait pas pu en dire tant que ça à Neville sur l'organisation d'une meute.

« Est-ce que, pour toi, Bill appartient à Greyback ? »

Luna fit une moue.

« J'en sais rien. Je ne l'ai pas revu une fois transformée. J'ai été mordue par Marbh mais je ne lui appartiens plus. Peut-être parce que j'ai ma propre meute maintenant… Ou peut-être que l'odeur s'efface avec le temps. S'il ne le voit pas pendant longtemps…

- J'espère pour lui. »

Il frissonna. Les fonctionnements des meutes lui semblaient dorénavant un sujet de réflexion beaucoup plus prioritaire maintenant qu'il était directement concerné.