Chers lecteurs,

Bon ben rien à dire si ce n'est fatigue (horaire nocturne bien trop matinal). Nictocris vient de relire ce chapitre, petit K des familles (vraiment je m'amollis, pendant pas mal de chapitres ça va être du K je pense).

Portez-vous bien, profitez du soleil, à bientôt,

Al (& Nicto qui lit True blood à côté de moi mais vous salue de même)

PS : réponse à notre revieweuse préférée aka Katymyny : attends de voir ce que fait augusta londubat dans ce chapitre hin hin hin. pour moi luna a zappé, vraiment zappé que la pleine lune arrivait, trop contente d'être avec neville. donc dommage pour elle (et pour lui) (on a plus d'explications dans le chapitre suivant) (oui je m'auto crée du suspense). merci pour ta review !


« La tête jetée en arrière, elle étreignit cette cour, ce poulailler, cette maison et ces prés au loin, cette grange et ce Sombre Étang, rompue par l'amour fou qu'elle portait au Paradis. »

Cécile Coulon, Une Bête au Paradis.


Neville émergea du sommeil en gémissant. Il s'était tourné et s'était appuyé sur son bras blessé : c'était la douleur qui l'avait réveillé.

Il se releva maladroitement et cligna des yeux, espérant y voir un peu plus clair.

Geri était blotti contre lui : c'est pour ça qu'il avait bien dormi. Luna était coincée entre Crocs et Freki, enlaçant l'un dans ses bras. Il était encore tôt.

Neville poussa délicatement Geri et s'approcha du foyer qu'ils avaient allumé la veille. Couchés près des cendres, Raksha et Freyr Gris. Ce dernier le fixait avec suspicion.

« Salut Freyr. »

Neville mit du petit bois sur les cendres encore tièdes et ralluma le feu. Il savait que Luna se réveillerait à l'odeur frémissante de l'eau bouillie dans laquelle macéraient des herbes. Il savait que les loups sentiraient dans leur sommeil le parfum alléchant des restes des rongeurs sur le feu. Il savait que Freyr n'allait rien faire, ne pas réagir, jusqu'à ce que Neville lui donnât un bout de viande caramélisée, son péché mignon. Il savait beaucoup de choses sur le fonctionnement de la meute. Depuis qu'il portait leur odeur, les loups l'avaient inclus. En deux semaines de camping sauvage, il avait appris jusqu'au moindre froncement de museau de loup.

Et pourtant parfois encore il lui arrivait de ne pas comprendre une des réactions des bêtes. Alors Luna lui expliquait calmement ce qui avait pu lui échapper. Et Neville enregistrait.

« Tiens. »

Il lança à Freyr un bout de viande. Freyr le happa au vol et adressa un regard que Neville imagina reconnaissant.

« Je sais pas encore pour combien de temps on en a. »

Ils avançaient lentement. Parce que Neville était à pieds. Parce que les loups aimaient vagabonder. Parce qu'ils faisaient des détours pour éviter les zones habitées, et d'autres pour aller y voler de quoi manger autre chose que de la viande. Parce qu'ils s'arrêtaient, se planquaient, tremblaient dès qu'un loup sentait une odeur d'homme, une odeur de mort, une odeur de Rafleur. Parce qu'ils se guidaient à la baguette, aux étoiles et à la mousse des arbres, et que parfois leur chemin disparaissait, avalé par un éboulement ou coupé par un torrent, et alors il fallait contourner l'obstacle. Et quand Neville pouvait facilement le faire, les loups renâclaient : ils n'aimaient pas la magie, aussi Neville évitait au maximum de l'utiliser.

Le transplanage était bien sûr hors de question.

Ils erraient donc depuis plus de quinze jours, et Neville craignait de devoir voir une fois de plus la pleine lune pointer le bout de son croissant.

Pas question de refaire une nuit de pleine lune avec Luna, quand bien même il y était dorénavant prêt.

« J'ai l'impression qu'on ne va nulle part.

- Fais confiance aux étoiles. »

Neville eut un ricanement et s'arrêta pour s'étirer le dos.

« T'es comme Parvati ? Tu lis l'avenir dans le ciel ?

- Je lis le ciel, nuance. »

Étrangement, cette réponse l'énerva. Il avait faim, il avait froid, il sentait le loup… Très franchement, cette situation méritait au moins de la compassion.

« S'il pouvait nous indiquer où dormir ce soir, il serait sympa. »

Luna gloussa. Elle s'approcha de lui. Elle était montée sur Freyr et comme à chaque fois qu'il la voyait ainsi, Neville ne put s'empêcher de la trouver vraiment à sa place. Comme si Luna devenait mi-femme, mi-loup, pas uniquement les nuits de pleine lune.

« Ce soir nous dormirons au chaud. »

Elle l'avait dit avec tellement d'assurance que Neville acquiesça. Pourvu qu'elle eût raison.

Il prit sa gourde dans son sac recousu par magie et la déboucha. Après avoir bu quelques gorgées, il la passa à Luna. Elle avala quelques rasades puis la fit téter à Freyr. Neville ne dit rien. Avoir dormi dans la chaleur animale d'un loup l'avait rendu plus enclin à pardonner l'attention de Luna envers ses compagnons poilus. Il sentit contre une de ses jambes Geki se frotter contre lui.

« Oui oui, t'en auras. »

Ils étaient sortis de la forêt deux jours auparavant et longeaient son orée. Dès qu'ils sentaient un danger, ils retournaient se planquer sous le couvert des arbres. Malgré tout, ils s'approchaient de plus en plus de la mer. Neville supposait qu'ils étaient à la pointe de l'Écosse. Il sentait les embruns, déjà. Les arbres frissonnaient dans les coups de vent.

« Tu vois ce que je vois ? »

Neville plissa des yeux et guetta ce que lui montrait du doigt Luna.

Un château, sûrement. Une sorte d'immense bâtisse qui obstruait le ciel. Lugubre comme tout bon château anglais, trouble comme si la bruine qui le fouettait voulait le cacher.

« On est arrivés ! »

Luna se mit à courir vers le château, laissant en plan Neville. Il la suivit au pas de course, tentant de rattraper l'écart. Mais elle semblait portée par des ailes tant elle allait vite ! Quand il arriva à la grand-porte, Luna l'avait déjà franchie. Il déboucha dans une cour où il s'étonna si fort qu'il en oublia de respirer.

Luna et ses loups dansaient une ronde, portés par une euphorie incroyable, et au milieu de leur cercle dansant se trouvait le professeur Filius Flitwick.

« Professeur !

- Londubat ! J'espérais bien vous voir un jour ! »

Neville s'approcha et, rempli d'émotions diverses – soulagement, euphorie, apaisement, joie – il osa serrer le petit professeur dans ses bras.

« J'étais certain que vous parviendriez jusqu'à moi !

- Je…

- Entrez entrez, je vais vous expliquer. Luna, vous pouvez lâcher vos loups dans le grand parc derrière, mais qu'ils fassent attention, la barrière qui longeait la falaise n'a pas encore été réparée. »

Neville suivit Flitwick à l'intérieur du château alors que Luna et ses loups traversaient la cour pour gagner une poterne ouverte sur un parc laissé à l'abandon. Il ne comprenait pas ce qu'il vivait. Après tous ces jours à errer dans la nature avec cinq loups et une sorcière sans baguette, voilà qu'il retrouvait la civilisation sorcière en la personne de Filius Flitwick ! Où avait-il atterri ? Il se répéta trois quatre fois le nom de son professeur pour que l'information parvînt à son cerveau. Filius Flitwick était ici. Il était dans un château. Il allait dormir au sec. Il n'était plus seul.

Peu à peu, alors qu'il suivait l'ancien professeur de sortilèges qui trottait dans les escaliers, l'information se fraya un chemin dans sa cervelle et il sentit une joie immense et un soulagement hors du commun l'étreindre.

« Professeur…

- Bientôt, Londubat, bientôt. »

Ils arrivèrent à un étage sombre. Flitwick parcourut le couloir à petits pas et ouvrit une porte.

Un immense salon dans lequel ronflait un feu démentiel. Des tapisseries aux murs. Du tissu écossais, partout.

Neville comprit immédiatement où il se trouvait. Il était dans le domaine de McGonagall.

« Minerva m'a laissé libre accès au château de son défunt mari au début de l'année, quand la loi contre les hybrides a été votée par le ministère, expliqua Flitwick en entrant dans la salle. Le château du Loch n'était plus habité depuis un petit moment. Je crois avoir réussi à le rendre agréable. »

Neville se laissa choir dans un canapé rembourré. Le confort inespéré après tous ces jours dans la nature faillit lui arracher quelques larmes. Il ôta la bandoulière de son sac et le posa à côté de lui sur le cuir abîmé du canapé.

« J'espérais vraiment vous voir. Je me demandais quand vous alliez arriver. Quand j'ai lu dans la Gazette que vous étiez renié, j'ai compris que ce n'était qu'une question de temps. Je suis désolé de vous avoir jeté un sortilège d'amnésie. »

Les informations parvenaient en flash irréguliers au cerveau de Neville. Il reprit contenance :

« Je vous demande pardon ?

- Je faillis à tous mes devoirs d'hôte, pardon ! Winky ! »

Une elfe apparut devant eux. Neville se souvint qu'elle était un ami de Dobby.

« Peux-tu nous apporter un thé s'il te plaît ? Ainsi qu'un steak saignant pour Miss Lovegood, pour quand elle nous rejoindra. »

L'elfe disparut dans un plop sonore. Neville se sentait sonné.

« Winky est une des rares elfes libres de Poudlard, expliqua Flitwick en s'installant dans un fauteuil face à lui. J'ai pu l'emmener avec moi parce qu'elle pouvait ne pas obéir à Rogue. Mais ce n'est pas l'elfe le plus efficace. »

Ils gardèrent le silence un instant. Neville se concentrait sur sa respiration. Trop d'émotions contradictoires se mêlaient en lui. Flitwick faisait léviter des napperons, un fin sourire étirant ses lèvres blafardes. Le vieux professeur avait l'air en bonne forme.

L'elfe revint sans qu'ils eussent eu le temps de recommencer leur conversation. Winky leur versa à chacun une tasse de thé, posa des petits biscuits trop cuits sur la table basse et une assiette contenant un steak cru et repartit en transplanant.

Flitwick attrapa sa tasse. Neville fit de même et ils sirotèrent en silence, profitant de leurs retrouvailles. Neville ne ressentait pas le même enthousiasme que quand il avait revu Hermione et Hagrid, mais revoir son ancien professeur lui remontait tout de même le moral.

Peu à peu, la chaleur du feu dans la cheminée et de l'eau dans sa tasse le réchauffa suffisamment pour qu'il comprît ce que Flitwick avait dit.

« J'ai été renié ? »

Flitwick eut un soupir sonore et reposa sa tasse sur la table basse.

« C'est paru dans la Gazette d'il y a deux semaines. Votre grand-mère vous a renié suite à votre fuite du manoir Parkinson. Toute la bonne société sang-pur sait que vous avez retourné votre veste : vous vous êtes rallié, malgré la pureté de votre sang, aux Loups d'Odin et vous avez brisé vos liens de vassalité avec Miss Parkinson. Vous êtes donc sur les listes des personnes recherchées par le Ministère. Je suis désolé. »

Neville ne se sentait pas plus triste que ça. Un peu sous le choc, certes, mais c'était évident qu'Augusta Londubat n'allait pas rester les bras croisés pendant que son petit-fils battait la campagne. Il connaissait suffisamment sa grand-mère pour savoir qu'elle ne laissait rien au hasard. Si elle l'avait renié, c'était pour conserver les bonnes grâces de la société sang-pur et rester dans les jeux de pouvoir et les milieux mondains.

Elle ne l'avait renié que pour les apparences.

Elle le restaurerait en tant qu'héritier Londubat une fois la guerre finie. Si elle finissait un jour…

« Nous sommes donc au château du Loch ?, relança-t-il.

- Oui !, s'exclama Flitwick, apparemment ravi de changer de sujet de conversation. Le lieu est sous Fidélitas. Minerva ne savait pas quoi en faire, elle est très contente, maintenant que je suis là, de l'avoir gardé.

- Vous avez des nouvelles de Poudlard ? » demanda avidement Neville.

Il voulait savoir ce qui était arrivé à Ginny et Colin après qu'ils les avaient laissés. Si Demelza et Dennis allaient bien. Si Rogue les avait punis.

« De mauvaises nouvelles, je crois bien. Vos amis ont été torturés par les Carrow et Flint. Seule Miss Weasley a pu y couper : elle a été privée de potions de revigoration pendant une semaine. Heureusement que Poppy lui en passait en douce, sinon elle aurait pu y passer. »

Putain. Ginny qui avait retrouvé un peu la forme avait dû souffrir de nouveau le martyre.

Il n'osa pas penser aux autres. Il y penserait plus tard, quand il serait moins fatigué. Il posa l'autre question qui lui trottait dans la tête.

« Si le château est sous Fidélitas, comment ai-je pu le voir ? »

Flitwick eut un autre sourire triste.

« Ah oui. Le sortilège d'amnésie. »

Neville attendit qu'il se lançât dans son explication.

« Il y a de cela sept mois, voire huit, vous êtes venus dans la forêt de Sherwood à la recherche de Miss Lovegood. Vous ne l'avez pas trouvée, mais vous êtes tombé sur la mine des nains de Sherwood. »

Tout cela éveillait en Neville de vagues réminiscences, comme s'il avait rêvé du moment. Il revoyait son errance dans une forêt, à la recherche de Luna. Et il se rappelait surtout son passage à l'étage – 13 du Ministère, où on l'avait interrogé sur ses promenades en forêt ; de Ginny, lui disant qu'il avait peut-être été possédé ; de ce moment où Bane avait appelé Luna Arduina, un nom qu'il avait déjà entendu.

« Vous avez fait preuve de perspicacité et avez même impressionné mon ami Jormungand. Je vous ai demandé d'arrêter de cherche Miss Lovegood pour ne pas attirer l'attention sur nous et vous ai donné mon adresse. »

Un silence.

« Je suis le Gardien du secret du château du Loch. Je vous ai endormi puis vous ai jeté un sortilège d'amnésie pour que vous oubliiez ce que vous aviez vu. Je suis désolé. »

Les morceaux du puzzle se remettaient en place. Neville avait bien vu des choses dans la forêt de Sherwood. Les Mangemorts avaient toutes les bonnes raisons du monde de le torturer.

Si Flitwick n'avait pas effacé ses souvenirs, qui sait ce qui aurait pu se passer ?

C'était vertigineux. Il aurait peut-être sauvé Justin mais aurait condamné les nains.

« Je… Je suis… Je ne vous en veux pas. »

Flitwick paraissait inquiet.

« Vous devriez aller vous reposer.

- Oui.

- Je vais demander à Winky de vous préparer un bain. »

La fatigue s'abattit d'un coup sur lui. Il se laissa glisser sur le canapé, allongea ses jambes. Au diable les convenances ! De toute façon, il n'y avait ni sa grand-mère ni Parkinson pour lui faire des remontrances sur la manière dont il se tenait.

« Pas pour l'instant. Je vais dormir un p… »

Sa voix pâteuse trébucha sur le dernier mot et il sombra dans le sommeil.

Quand il émergea quelques temps plus tard, il ne savait pas s'il avait dormi dix minutes ou trois heures. Le feu grondait toujours dans la cheminée. L'assiette pour Luna avait disparu. On avait jeté une couverture sur lui, pour le garder au chaud. Il supposa que c'était Winky qui avait pris soin de lui ainsi : il imaginait mal Luna penser à le couvrir.

Il se releva en position assise, étonné de se sentir si reposé. Il ne devait pas avoir dormi tant que ça, pourtant… Ce devait être le fait de se savoir enfin en sécurité.

« Winky ? » tenta-t-il.

L'elfe apparut devant lui.

« Oui, Maître ?

- Je ne suis pas ton maître, grommela Neville en se massant les tempes. Peux-tu me trouver du thé s'il te plaît ? Et m'indiquer où je peux faire un brin de toilette ? »

Un décrassage, plutôt.

« Oui, Maître. »

Neville se leva et suivit l'elfe dans le couloir sans penser à la reprendre sur l'utilisation erronée du titre maître. Winky était une elfe libre, mais si elle n'avait jamais intégré qu'elle l'était, ce n'était pas Neville qui allait le lui faire rentrer dans le crâne.

Ils traversèrent les couloirs, montèrent un escalier et parvinrent devant une porte en frêne.

« Voici votre chambre, annonça Winky en poussant la porte. La salle de bains se trouve dans le couloir à droite. »

Neville la remercia et entra dans une pièce spacieuse. Un lit deux places couvert d'un couvre-lit aux motifs écossais, une penderie bancale, des figurines et autres bibelots de mauvais goût déposés sur une commode et une table de nuit. Et une fenêtre étroite donnant sur le parc. Pas de cheminée mais un poêle magique brûlant qui réchauffait la pièce. Bientôt, il ferait suffisamment doux pour que Neville pût s'en passer.

Son sac était posé sur le lit, et Neville eut une pensée furtive pour ses affaires qui, à chaque rentrée, trouvaient comme par magie le chemin des calèches à sa chambre. Un bureau et une petite bibliothèque complétaient le mobilier de la chambre.

Il ouvrit la penderie. Des vêtements d'un autre temps mais en bon état comblaient les espaces entre les étagères. Ils devaient avoir appartenu au mari défunt de McGonagall.

Neville choisit des vêtements propres de ce qu'il supposa être la bonne taille. Il se rendit dans la salle de bains que Winky lui avait indiquée. La pièce était petite et la baignoire trapue sur ses pieds semblait être un animal transformé en porcelaine. Connaissant le talent de son professeur de métamorphoses, c'était sûrement le cas.

Neville farfouilla dans les placards de la salle de bain pour trouver une serviette. Il prit un long bain, somnola dans l'eau chaude, se décrassa en frottant aussi fort qu'il le pouvait. Il avait l'impression d'éjecter des années de saleté. Il se cura les ongles, les coupa, étonné de les trouver si longs. À mesure qu'il se nettoyait, il avait de plus en plus l'impression de s'éloigner de l'animal pour retrouver son humanité.

Quand il sortit, il s'inspecta dans le miroir en pied qui couvrait la porte.

Il avait maigri, c'était sûr. Il s'était même musclé, s'il devait être honnête. Entre triturer des bijoux gobelins dans un atelier et se promener dans les forêts écossaises, c'était sûr qu'une des activités maintenait plus en forme que l'autre. Ses bonnes joues enfantines avaient fondu : on distinguait plus nettement ses pommettes, même s'il était certain de conserver sa face lunaire toute sa vie. Il se rasa, heureux de couper l'affreuse barbe trouée qui poussait sporadiquement sur ses joues et son menton. Ses cheveux, trop longs, dégouttaient sur ses épaules. Il hésita à appeler Winky pour qu'elle s'en occupât mais renonça. Si ses souvenirs étaient bons, Winky était alcoolique, et il était hors de question qu'après avoir frôlé de si près la mort il s'abandonnât entre les ciseaux de coiffure d'une elfe tremblant de manque.

Sans sa barbe, la cicatrice faite par Luna sur son visage, qui courait de sa joue à son cou, était beaucoup plus visible. Peut-être qu'il se laisserait pousser la barbe pour la cacher. Malgré sa joue égratignée, il n'était pas trop défiguré et cette considération vaniteuse le rassura un peu. La cicatrice sur son bras droit striait sa peau de l'épaule jusqu'au coude, mais paraissait en voie de guérison. Quant à celle sur son torse, qui avait toujours été la moins profonde, elle était déjà blanche.

Il avait bien meilleure mine après tous ces soins.

Il rejoignit sa chambre, de bien meilleure humeur.

Luna l'y attendait.

« Tu vas mieux ? »

Heureusement qu'il s'était habillé dans la salle de bains. Se retrouver en sous-vêtements devant Luna paraissait beaucoup plus dérangeant maintenant qu'ils avaient retrouvé la civilisation.

« Oui, ça fait du bien. »

Luna était elle aussi plus propre, bien que la différence entre l'avant et l'après fût moins flagrante. Elle avait revêtu une robe qui, vus les motifs écossais, avait dû appartenir à McGonagall et avait sommairement coiffé ses cheveux.

« Tu t'es rasé.

- Oui…

- Je te préférais avec ta barbe. »

Neville haussa les épaules. Luna préférait les bêtes poilues, ce n'était guère étonnant qu'elle le préférât avec des poils.

« Je suppose que te demander de me couper les cheveux n'est pas une bonne idée ? »

Luna grimaça en signe de dénégation.

« Tu portes un peu moins mon odeur. Mes loups vont être perturbés. »

Il comprit qu'il la portait toujours.

« On mange dans vingt minutes.

- Cool ! »

Enfin un vrai repas, composé d'autre chose que de viande à peine cuite et de racines !

Luna l'épiait alors qu'il rangeait ses affaires dans les différents meubles de la pièce. Elle l'observa poser la Carte du Maraudeur sur le bureau qui trônait dans un coin, accrocher sa cape d'invisibilité à la patère fixée sur la porte, ranger les produits Farces pour sorciers facétieux qu'elle n'avait pas abîmés pendant la précédente pleine lune dans la penderie.

« Flitwick a laissé les Gazettes des dernières semaines dans la grande salle, si tu veux de la lecture.

- Tu les as lues ?

- Non. Je ne lis plus. C'est un truc d'homme. Je ne veux pas creuser l'écart entre mes loups et moi. »

Neville ne répondit rien. Que pouvait-il dire ? Luna, même réintégrée dans le monde humain, restait une fille sauvage. Elle resterait à vie la réincarnation de cette déesse gallo-romaine dont le nom lui paraissait maintenant si net, maintenant qu'il avait sous les yeux la tranche d'un livre sur les sorciers français coincé dans la bibliothèque de sa chambre.

Arduina.