Kakashi reprit vaguement connaissance le lendemain matin, mais dut attendre plusieurs jours avant de pouvoir rester éveiller plus de quelques minutes. Il se redressa péniblement, les muscles encore endoloris, et passa une main dans ses cheveux gris.
La pièce dans laquelle il se trouvait était sommairement meublée et illuminée par une douce lumière d'hiver qui s'infiltrait par la fenêtre. Il mit un peu de temps avant de comprendre où il se trouvait. Il était de retour au sanctuaire de Kōrudo. Un panneau de bois coulissa sur le côté et une femme en kimono blanc, les bras chargés de linge propre, entra. Elle posa les yeux sur lui, puis sourit avec bienveillance.
« Vous êtes enfin réveillé ? Comment est-ce que vous vous sentez ?
_ Pas trop mal. » reconnut-il en haussant les épaules.
Il coula un regard sur sa cuisse gauche, recouverte par les couvertures. Il sentait encore des picotements tirer sa peau par endroits, mais toute trace de douleur avait disparu. Comment était-ce possible ? Au vu de la profondeur de sa blessure, même le meilleur médecin du pays n'aurait pas pu le remettre sur pied aussi rapidement.
« Notre doyenne vous a soigné. Elle maîtrise les rudiments du ninjutsu médical, expliqua son interlocutrice qui devina ses interrogations silencieuses. Vous devriez être complètement remis dans quelques jours. Je vais quand même lui demander de venir vous voir quand elle aura fini ses tâches. »
Il la remercia, puis avisa le tas de vêtements qu'elle tenait toujours fermement contre elle.
« J'ai nettoyé vos affaires, elles étaient couvertes de sang et de terre, déclara-t-elle en les posant sur une petite table en bois. Est-ce que vous avez besoin de quelque chose ? Vous voulez peut-être que je vous apporte à boire ou à manger ?
_ Vous savez où est ma coéquipière ? »
Le jônin s'attendait presque à ce qu'elle lui dise que celle-ci avait disparu dans la nature, sans laisser de traces. Mais une petite voix dans sa tête lui souffla le contraire. Il ne la connaissait pas beaucoup – voire même pas du tout au regard des derniers évènements – et pourtant, il ne la voyait pas prendre la fuite et partir sans rien dire. Et puis, il se doutait bien que c'était elle qui l'avait amené ici. Il imaginait mal les habitants du sanctuaire se risquer dans les bois en ces temps troubles et tomber sur lui par hasard.
« Elle est au bord de la rivière avec les enfants. Ils voulaient qu'elle leur montre certaines de ses techniques ninjas. Ils ont dû insister longtemps avant qu'elle accepte. » précisa-t-elle.
Il acquiesça ses paroles et marqua une pause. Il soupira.
« Vous auriez de quoi écrire ? Il faut que je transmette un message aux dirigeants de notre village, pour les informer de la situation concernant notre mission. »
Ultia se trouvait effectivement au bord de la rivière, en compagnie de plusieurs enfants, comme le lui avait indiqué la femme. Les éclats de leurs rires et de leurs cris de joie lui parvinrent aux oreilles. Ils semblaient plus que ravis des démonstrations auxquels ils avaient assisté.
Le ninja copieur s'avança dans leur direction et aperçut plusieurs petites têtes curieuses se tournaient vers lui. Les gamins restèrent immobiles quelques instants, et attendirent un signe de la part de leur instructrice du jour pour se lever et rentrer en courant au sanctuaire. Il les regarda filer sans demander leurs restes avant de rejoindre sa camarade qui lui tournait le dos, et de se glisser à ses côtés. Il ne manqua pas de remarquer qu'elle fuyait volontairement son regard et fixait un point invisible sur la berge en face. Il fit de même et croisa les bras contre son buste tout en gardant le silence. Ils restèrent ainsi pendant de longues minutes et, n'y tenant plus, c'est elle qui parla en premier.
« Tu as l'air en forme, constata-t-elle.
_ Ça peut aller. Et toi ? »
Il n'eut qu'un hochement de tête pour toute réponse, mais c'était toujours mieux que rien. Il lui jeta un rapide coup d'œil en coin avant de continuer :
« J'ai fini de rédiger le rapport de mission à remettre aux membres du conseil, il sentit le corps de la jeune femme se tendre. Mais j'ai passé sous silence certaines choses. J'apprécierais que tu t'en tiennes à la même version que moi, juste au cas où on nous pose des questions.
_ Quoi ? C'est tout ? » demanda-t-elle, surprise, en se tournant vers lui.
Kakashi lui fit face et l'observa un moment. Elle avait quelques ecchymoses sur le visage et dans le cou qui viraient lentement au jaune. Il nota également qu'elle avait une cicatrice au niveau de la lèvre supérieure, dont la marque commençait tout juste à disparaître.
« Non, tu as raison, il sortit de sa poche un bandeau noir sur lequel reposait l'emblème du village et lui tendit. Je suis aussi venu pour te rendre ça. »
Ultia le regarda, interdite, et resta sans voix. Elle finit par bouger et saisit nerveusement le bout de tissu, effleurant sa main du bout des doigts. Elle posa tour à tour ses yeux sur son bandeau – celui qu'elle avait retiré pendant leur combat pour lui faire un bandage de fortune – et sur la silhouette de son interlocuteur. Elle ne comprenait pas pourquoi il lui rendait, ni pourquoi il continuait de la traiter avec égard, malgré les circonstances. Pire encore. Elle ne voyait pas quel intérêt il pouvait avoir à garder son secret et donc cacher des informations aussi capitales aux membres du conseil.
« Tu es venu juste pour ça ? Tu ne vas rien me demander d'autres ?
_ Je t'ai déjà la posé la question, et tu ne m'as pas répondu, déclara-t-il, comprenant le sous-entendu. Je respecte ton choix, ou du moins ton silence. Tu as le droit de garder ça pour toi. »
Sur ces mots, il tourna les talons et s'éloigna de la rive. Il avait à peine fait trois pas que la voix de sa camarade claqua dans les airs et le stoppa dans son élan.
« Kakashi, attend. »
Il lui jeta un regard nonchalant par-dessus son épaule, attendant qu'elle poursuive.
« Tu n'es pas stupide, je sais que tu as compris, elle prit une profonde inspiration, comme pour se donner un peu de courage. Je suis bien une jinchûriki ... La jinchûriki du démon à deux queues. »
« Comment est-ce que c'est arrivé ? la questionna-t-il. Est-ce qu'on t'a scellé le démon à ta naissance ou quand tu n'étais encore qu'une enfant ? »
Ils s'étaient réfugiés sous l'ombre des arbres pour pouvoir discuter tranquillement, loin des yeux et des oreilles indiscrets. Kakashi avait pris place sur une vieille souche et fixait le dos de la jeune femme qui, appuyée contre un tronc, observait le tracé de la rivière.
« C'est ce qui est arrivé à Naruto Uzumaki ? »
Il fronça les sourcils. Bien sûr qu'elle savait pour l'hôte du renard à neuf queues, et en même temps, ça ne le surprenait pas tant que ça. Il suffisait de voir comment les villageois se comportaient avec lui pour comprendre qui il était. Il acquiesça ses paroles par un léger grognement.
« Non, en ce qui me concerne, c'est un peu plus récent. Et ça ne s'est pas passé comme ça, continua-t-elle en se retournant pour lui faire face. Ça remonte à cinq ans, lors de ma première mission en solo. »
Ultia marque une pause et croisa les bras contre sa poitrine, avant de reprendre :
« Le village de Kumo a beau compter de talentueux ninjas dans ses rangs, ils ne sont pas assez nombreux pour accomplir toutes les tâches qu'on leur confit. Ils sont constamment en manque d'effectif. Alors pour pallier ça, le conseil a décidé de confier des missions solos aux aspirants jônins. C'est un peu comme un rite de passage qui permet aux chûnins de montrer de quoi ils sont capables en conditions réelles. »
Elle se souvenait de ce jour et du sentiment de fierté qui s'était emparé de tout son être quand on lui avait annoncé la nouvelle. Elle s'était entraînée dur pendant des années, attendant patiemment que son tour vienne – une véritable épreuve pour elle qui détestait attendre – et on lui avait enfin donné sa chance. Mais ce qu'elle ignorait à l'époque, c'était que cette mission aurait également dû être la dernière, et que jamais elle n'aurait dû rentrer chez elle vivante.
« Ma mission était plutôt simple. Je devais neutraliser des bandits qui pillaient et incendiaient des villages reculés dans les montagnes, et recueillir des informations sur leurs commanditaires. Mais j'ai voulu faire plus, prouver ma valeur et montrer que j'étais digne de devenir jônin. Je crois que j'avais surtout besoin de reconnaissance et ça a bien failli me perdre, soupira-t-elle doucement. J'ai pris ces types en filature, et je me suis retrouvée face à un groupe de ninjas mercenaires. Ils n'ont évidemment pas apprécié que je me mêle de leurs affaires et ont essayé de m'éliminer. »
Elle ne s'était pas laissé faire et les avait combattus avec acharnement, avant de se rendre compte qu'elle ne faisait malheureusement pas le poids contre eux. Elle avait alors pris la fuite. Et consciente qu'elle n'aurait jamais eu le temps, ni la force, de rejoindre le village caché des nuages ou même un avant-poste ninja, elle avait trouvé refuge dans les montagnes. Elle s'était cachée dans une grotte, la peur au ventre, attendant que ses poursuivants abandonnent leur traque.
« J'ai cru qu'ils étaient partis, mais je les ai sous-estimés. Ils m'ont tendu un piège et me sont tombé dessus sans crier gare. Ils ne sont pas gênés pour me faire passer l'envie de recommencer, ses prunelles se troublèrent légèrement, mais elle se reprit et garda contenance. Ce sont mes cris et l'odeur de mon sang qui ont attiré Matatabi. Elle est sortie de nulle part et s'est jetée sur eux. »
La dernière chose qu'elle avait vue avant de perdre connaissance était deux grands yeux vairons, entourés par des gerbes de flammes bleues, qui la fixaient intensément. À son réveil, elle était la seule survivante et gisait au milieu des souterrains dans une mare de sang. Le sien, mélangé à celui de ses assaillants.
« C'était un vrai carnage, précisa-t-elle. Leurs corps étaient carbonisés par endroits et déchiquetés en morceaux. Ils leur manquaient des bras, des jambes, et même la tête. »
La panique avait soudainement pris possession de tout son être à mesure qu'elle prenait conscience de la situation. Elle avait essayé de se relever, glissant à de multiples reprises sur le liquide vermeil qui avait imprégné la roche, avant de sentir un souffle chaud sur sa nuque. Elle avait risqué un coup d'oeil dans son dos et son cri était resté coincé dans sa gorge.
« Matatabi m'a laissé la vie sauve uniquement parce qu'elle a reconnu le symbole des nuages sur mon bandeau. Elle appartenait au village de Kumo depuis longtemps, tout comme le démon à huit queues. Et contrairement à la plupart de ses semblables, elle apprécie la compagnie des humains. Elle a toujours entretenu de bonnes relations avec ses hôtes. Malheureusement, la dernière en date est morte pendant une mission et il a été impossible de la récupérer, expliqua-t-elle, solennellement. Quand un jinchûriki meurt, son bijû meurt avec lui, mais celui-ci finit par réapparaître quelque temps plus tard. Seulement, il n'est plus au maximum de ses capacités. »
La créature, seule depuis tout ce temps et que la solitude commençait à ronger, lui avait alors fait une proposition. Elle lui avait offert son aide, à condition qu'elle accepte de devenir son réceptacle. La chûnin avait dû faire appel à toute sa volonté pour réfléchir et aligner plus de deux pensées cohérentes à la suite. Les dernières paroles du chat-démon avaient ensuite, finies par la convaincre.
« Selon elle, j'avais suffisamment de force et de chakra pour y arriver. Elle a également ajouté que cette situation nous serait profitable à toutes les deux. Elle avait de bons arguments. Je n'ai donc pas hésité longtemps avant d'accepter et de la sceller en moi. » conclut-elle.
Ultia posa enfin les yeux sur le ninja copieur qui ne bougeait toujours pas et fixait le sol sous ses pieds. Les mains jointes sous son menton, il était resté silencieux tout le long de son récit, acquiesçant de temps en temps ses paroles par des hochements de tête.
« Comment est-ce que tu as fait pour sceller un bijû toute seule ? lui demanda-t-il finalement.
_ Ce n'est pas compliqué pour quelqu'un qui maîtrise le fûinjutsu, répondit-elle. Les ninjas de Kumo ont recherché pendant des années la trace de Matatabi. Ils craignaient qu'elle ne tombe entre les mains d'un autre village, alors on nous a appris l'art des sceaux pour que, quiconque tomberait sur elle, puisse la sceller et la ramener. Mais le sceau ne devait la maintenir enfermée que pour un temps. J'ai donc dû y apporter quelques modifications pour qu'il puisse devenir permanent. »
Elle vit son interlocuteur hausser un sourcil interrogateur et se sentit obligée de préciser :
« J'ai eu recours au savoir de la famille de ma mère pour contourner cette faille. Elle n'était pas une ninja, mais elle venait d'un ancien clan qui avait une grande maîtrise des sceaux, sa voix avait des tonalités aigres, presque acides. J'ai étudié leurs techniques pendant des années et c'est grâce à ça que j'ai pu sceller Matatabi moi-même. Ça, et le fait qu'elle était pleinement consentante. Je sais que si j'ai réussi, c'est en grande partie parce qu'elle s'est laissée faire.
_ Et ensuite quoi ? Tu es rentrée chez toi comme si de rien n'était ?
_ Pas tout de suite, avoua-t-elle. Je suis restée caché quelques semaines dans les montagnes, pour apprendre à utiliser et à contrôler ce nouveau lien qui nous unissait toutes les deux. Ça ne s'est pas fait en un jour, mais ça a été plus rapide que si j'avais scellé Matatabi de force. Je n'ai pas eu à me battre contre elle et à la dominer pour extraire son chakra. Après ça, je suis effectivement retournée au village. »
Une faible lueur, teintée de mélancolie et d'amertume, brilla dans le fond de ses iris noirs et disparut aussi vite qu'elle était arrivée. La jeune femme soupira et un léger nuage de vapeur se forma dans l'air froid.
« Ils pensaient tous que j'étais morte et personne n'avait jugé utile d'envoyer une équipe à ma recherche, elle renifla avec dédain. J'ai inventé une histoire de ninja voyageur qui m'aurait soigné et pris sous son aile pendant ma convalescence. Ils n'ont pas posé plus de questions et ma nomination en tant que jônin a été officialisée quelque temps plus tard. Mais au lieu de rester, je suis partie dès que j'en ai eu l'occasion et bien sûr, je n'ai jamais dit quoi que ce soit sur ma condition de jinchûriki. Le seul qui est au courant, hormis toi maintenant, c'est maître Hokage. »
La surprise se peignit sur les traits du visage de Kakashi, malgré son masque. Il n'avait, visiblement, pas envisagé le fait qu'elle puisse se confier à quelqu'un et encore moins à une quelconque autorité supérieure.
« Pourquoi avoir pris le risque de lui en parler ?
_ Je ne sais pas trop, murmura-t-elle. Je crois que j'en avais assez de garder ça pour moi. J'avais envie de pouvoir me reposer sur quelqu'un, de confier mes doutes et mes craintes. Et puis, j'ai bien vu comment lui et les autres se comportaient avec Naruto. Même si la plupart des habitants le fuient comme la peste, personne ne compte en faire une arme de guerre. L'air de rien, il est plutôt libre de ses choix et de sa vie, contrairement aux autres jinchûriki.
_ C'est pour ça que tu t'es rapproché du gamin ces derniers mois ? s'enquit le jônin en croisant à son tour les bras contre son buste. Parce que tu te sens proche de lui ?
_ Ce qu'il vit n'est pas comparable avec moi, j'ai choisi ce qui m'arrive. Mais il me fait de la peine. Il n'a jamais voulu devenir un hôte et il ne le sait même pas. Je crois que c'est ça le pire. Il se fait rejeter pour une chose dont il n'a même pas encore conscience, quoi que, je ne suis pas vraiment surprise non plus. Les gens ont toujours eu peur de ce qui était différent. »
Il eut un petit moment de flottement entre eux.
« Je ne sais pas ce qu'il en est des autres villages cachés, commença prudemment son interlocuteur. Mais en ce qui concerne les habitants de Konoha, ils réagissent ainsi à cause de ce qu'ils ont vécu. Kyûbi a attaqué le village il y a douze ans et beaucoup de personnes sont mortes. Ce n'est pas pour leur trouver une excuse, mais quand ils voient Naruto, ils voient avant tout le détenteur du démon renard à neuf queues. Certains n'arrivent pas à passer outre.
_ Et toi ? son ton était un peu plus agressif qu'elle ne l'aurait voulu.
_ Je suis encore là et je n'ai pas l'attention de dire à qui que ce soit ce que tu viens de me raconter. Je pense que mes actes parlent pour moi. »
Ultia leva les yeux au ciel et un faible rictus apparu aux coins de ses lèvres.
« Ce n'est pas la peine. Je te l'ai dit, le Troisième du Nom est déjà au courant et il veut que j'aide Naruto à contrôler son bijû quand il le jugera prêt. Il faudra bien que d'autres le sachent un jour ou l'autre. On ne va pas pouvoir garder ça éternellement pour nous.
_ On verra bien. Mais pour l'instant, je préfèrerais qu'on en dise le moins possible sur les détails de notre affrontement avec cette créature. »
Un vent glacial se leva soudainement, balayant les feuilles par terre, et finit par avoir raison de leur résistance au froid. Ils repartirent en direction du sanctuaire, glacés jusqu'aux os. Ils pouvaient sentir des picotements, semblables à des milliers de petites aiguilles de glace, fourmiller dans chacun de leurs muscles. Le sol, recouvert par une fine couche de gel, craquait sinistrement sous leurs pas. Les rares rayons du soleil ne parvenaient plus à faire disparaître cette dernière qui durcissait un peu plus chaque nuit, signe que l'hiver s'installait et que la neige ne tarderait plus à tomber.
« Il va falloir qu'on se mette en route rapidement si on ne veut pas passer tout l'hiver ici. Ça va aller ? Tu te sens en état de faire le voyage ? demanda-t-elle en coulant un regard sur le jônin. Sinon on peut tout aussi bien embarquer sur un bateau, mais ça sera plus long.
_ C'est bon, ça ira. Mais avant de partir j'aimerais faire un détour par le laboratoire, ou ce qu'il en reste, et voir ce qui peut encore se cacher sous les décombres.
_ Ça ne sera pas la peine, j'y suis déjà allée. Il n'y a plus rien à voir. »
Kakashi se stoppa et obligea sa camarade à faire de même. Il l'interrogea du regard.
« Le maître du sanctuaire m'y a envoyé avec une poignée hommes il y a deux jours. Il ne pouvait pas se permettre d'attendre que tu sois de nouveau sur pieds, même si c'est avec toi qu'il aurait préféré s'entretenir de la situation, elle sourit narquoisement quelques instants avant de reprendre une expression neutre. Le passage de la cascade n'était pas condamné, mais la plupart des galeries étaient ensevelies sous les gravats. On n'a pas pu aller bien loin. »
Elle lui expliqua qu'ils n'avaient malheureusement pas pu retrouver tous les corps des hommes disparus, seulement certains qui avaient déjà des signes avancés de décompositions. Elles les avaient examinés – non sans mal – avec la doyenne du sanctuaire qui maîtrisait les techniques de base du ninjutsu médical. Elles avaient alors conclu que les cadavres ne constituaient pas un danger, même ceux qui présentaient des traces de modifications génétiques. Les expériences menées sur eux n'avaient pas été des plus concluantes. La seule exception restait la chimère qui, de toute évidence, se trouvait déjà dans le laboratoire avant l'arrivée des ninjas renégats.
« Il n'y avait pas de traces des autres ninjas, mais je doute qu'ils aient pu s'en sortir indemnes. Dans leurs états, ils n'avaient aucunes chances face à la chimère, le ninja copieur acquiesça ses propos. On a fait notre part, maintenant on passe le relais aux ninjas de Kumo. »
Ultia ponctua sa phrase par un claquement de langue sonore et croisa les bras contre sa poitrine. Elle semblait quelque peu contrariée et ne faisait rien pour le cacher, chose que remarqua tout de suite son interlocuteur. À chaque fois que son village natal était mentionné, elle mettait un point d'honneur à montrer son animosité envers ses anciens camarades. Elle ne les portait pas dans son cœur, ce qui pouvait se comprendre au vu des explications qu'elle avait fournis un peu plus tôt. Ils l'avaient abandonné, livré à elle-même sans un regard en arrière.
Le jônin perdit finalement le fil de ses pensées lorsque quelque chose de blanc virevolta dans les airs et passa devant ses yeux. Il leva alors la tête vers le ciel gris et constata que de petits flocons commençaient tout juste à tomber, certains vinrent même se perdre dans les cheveux sombres de la jeune femme. Ils échangèrent tous les deux un regard entendu. Il leur fallait faire vite et partir sans perdre de temps, au risque de devoir passer tout l'hiver sur les terres de gel.
