J'avais tellement, tellement hâte d'en arriver à cette partie de l'histoire !
J'espère qu'elle vous plaira. Evidemment ça rendait mieux dans ma tête, mais ça y'est, j'ai réussi à l'écrire, j'espère que ça vous plaira :)
Sugarfree : Moi aussi il me manquait ! Il revient un peu dans ce chapitre d'ailleurs, mais c'est plus un caméo x) Arbeit a eu quelques soupçons, et c'est un homme plutôt malin. Otsu s'est vraiment faite avoir... Merci pour ta review, j'espère que le chapitre d'aujourd'hui te plaira !
Maye076 : J'abuse peut-être sur les cliffhanger ;) il faut bien un peu de rebondissements ! Merci pour ta review 3
LillieMoonlightchild : Malheureusement, Arbeit a d'autres surprises pour Otsu, sa réponse risque de ne pas suffire :)
Bonne lecture :)
Chapitre 19
En fait, la question était purement rhétorique. Comme Otsu put le comprendre avant qu'une violente douleur derrière son crâne ne la plonge dans les ténèbres.
Des images passèrent devant ses paupières closes. Des images sombres, noires. Des moments fugaces, trop flous pour qu'elle puisse réellement les voir, et pourtant elle les voyait. Des masses immenses et affamées qui erraient d'un pas lourd dans les rues d'une cité si vite tombée en ruine. Du feu, des cris, du sang et de la peur. Le cri de son père qui appelle à l'aide.
Otsu ouvrit les yeux. Hébétée, elle n'arrivait pas à se réveiller. Les souvenirs voulaient la ramener à ce moment là, à ce jour là. Il y a des choses dont elle ne parle jamais, parce qu'elle ne veut pas se les remémorer. Mais l'écho du passé a disparût bien plus vite qu'elle ne l'aurait crût. Le présent prenait toute la place.
La prostituée se ressentit assise et tordue. Ses bras derrière son dos, enserré dans une poigne de fer. Elle vit d'abord le lit sur lequel on l'a jeté, et l'homme à son côté qui tenait ses poignets dans une main de fer. Otsu rua, de toutes ses forces, plus pour se laisser le temps de reprendre ses esprits que dans une vraie tentative de s'échapper. L'homme s'énerva, s'agaça, se recula avant de lever une main tendue.
« Non ! » S'insurga la voix d'Arbeit.
La courtisane ne l'avait pas vue. Sa tête se tourna en reconnaissant ce timbre si chaleureux, dans un autre endroit, à un autre moment.
« Je t'ais dis non, en douceur. Elle doit être présentable pour la vente. Vous êtes réveillée ma chère. Tâchez de vous tenir tranquille, d'accord ? Je vous veux impeccable quand les acheteurs arriveront. Et si vous n'êtes pas sage, je me chargerai moi même de vous punir. Vous n'ignorez sûrement pas qu'il existe des châtiments pires que la douleur. Je ne veux pas vous abimer, alors ne m'y obligez pas. Je pourrai me laisser emporter, et ce serait vraiment dommage, n'est-ce pas ? Nous voulons tous les deux que la vente se passe bien, j'en suis certain. Vous êtes une petite chanceuse Otsu, vous êtes le premier lot d'une enchère extrêmement sélective.
- A qui dois-je envoyer les invitations Maître ?
- Hmmm... Balto, bien sûr. Le batard Baumeister aussi. Finis de l'attacher et vient me rejoindre dans mon bureau, je te donnerai une liste. »
Tremblante, Otsu avait écouté les menaces d'une oreille, tout en se concentrant sur elle même, sur ses bras tordus en arrière, sur l'homme qui cherchait à l'attacher. Car c'était bien ce qu'il tentait de faire, et la jeune femme ne pouvait pas se débattre. Cela ne lui aurait servit à rien. Epaules tombantes et têtes basse, Otsu laissa échapper un sanglot. Ses membres tremblant de manière frénétique, mais cela n'empêcha pas l'homme de l'attacher. En fait, les convulsions ne servaient qu'à détourner son attention des muscles bandés qu'il entravait avec une épaisse corde rugueuse. Ce ne fut qu'après son départ, que le bruit de ses pas se furent depuis longtemps éloignés, que la jeune femme s'autorisa enfin à se détendre.
Sans tourner la tête, sans rien voir, Otsu fit tourner ses poignets, tâtonna du bout des doigts, de toute sa peau et jaugea, et réfléchit, et fomenta. Ses muscles relâchés avaient laissés un espace entre ses poignets et la corde. Un espace infime, mais suffisant pour que la prostituée, lentement, petit à petit, parvienne enfin à créer assez de jeu pour presque, presque, se libérer.
Mais il manquait quelque chose pour que ses mains parviennent enfin à glisser hors de leur entrave. Quelque chose de gras, de liquide. Quelque chose qui glisserait.
Alors Otsu entreprit de frotter sa peau contre les cordes, inlassablement.
D'abord elle sentit une irritation, puis, rapidement, les démangeaisons devinrent des brulures. Elle continua à frotter, sans céder face à la douleur des fibres qui entamaient peu à peu sa chaire. Des bruits de pas dans le couloir l'arrêtèrent net. Depuis combien de temps était-elle là, seule, à se battre contre la corde ? Focalisée sur sa tâche, Otsu en avait perdu toute notion du temps, et une journée entière aurait pu passer, suivit d'une nuit, quand moins d'une poignée d'heure c'était réellement écoulée. La porte s'ouvrit sur Arbeit.
« Ma chère, vous avez pleuré ? »
Ha oui. C'était vrai. Elle avait pleuré. Probablement de peur, et un peu de douleur aussi. Voilà qui l'arrangeait bien, qu'il la prenne donc pour une faible créature sans défense.
« Allons allons. Ca ne vous servira à rien, gardez donc vos forces, vous en aurez besoin après la vente. Imaginez qu'on vous achète pour un tournoi ! Vous ne ferez pas long feu si vous passez vos nuits à geindre. Je vous ai apporté un plateau, il faut vous nourrir. »
Otsu secoua la tête et cligna des yeux, découvrant ce qui l'entourait pour la première fois. La chambre était plongé dans la pénombre, mais elle distingua du coin de l'oeil un mobilier luxueux, et surtout une fenêtre. La bouche entrouverte, elle resta concentrée sur Arbeit, et eut un mouvement de recul quand il approcha un verre d'eau de ses lèvres.
« Allons, buvez petite Otsu. Vous savez, j'ai aussi envoyé une invitation à votre petit Fisherman. Le pauvre voulait acheter la petite Yumi, il vous l'a dit ? Je sais que ce nom vous dit quelque chose... Enfin, il ne pouvait pas se l'offrir à l'époque. Mais vous il vous apprécie encore davantage, je suis sûre qu'il fera tout ce qu'il peut pour vous avoir. »
La prostituée ne savait que répondre, ni que faire. Il y avait trop d'informations d'un coup qu'elle devait assembler les unes aux autres. Alors elle les mit dans un coin, et se concentra sur ce qu'il lui arrivait, là, maintenant.
Après quelques instants de ce qu'Arbeit prit pour de la réflexion, Otsu accepta le verre, ainsi que les légumes qu'il lui tendait au bout d'une fourchette qu'elle aurait voulut plus longue. Sa proximité la dégoûtait. Quand elle eut vidé assiette et verre, Arbeit repartit enfin, tout en l'enjoignant de dormir. Ce qu'Otsu fit, sans vraiment le vouloir, et sans réellement sans rendre compte.
Elle somnola quelques instants, après le départ d'Arbeit, et sursauta en rouvrant les yeux subitement. La prostituée recula contre le mur derrière elle et observa la chambre silencieuse, toute remplie de nuit maintenant.
Ce n'était pas un cauchemar alors. Si la peur avait eu raison de son corps, c'était la douleur qui l'avait réveillé. Ses épaules malmenées et ses poignets rougis la faisaient souffrir, et la jeune femme s'accorda un moment de longues respirations. Elle allait reprendre sa tentative d'évasion, mais pas tout de suite. Trop de questions, lourdes et glaçantes se bousculaient dans sa tête, et les réponses qu'elle y trouvaient étaient tout aussi effrayantes. Yumi. La petite Yumi, la compagne de Keiko, s'était probablement retrouvé ici, à sa place, à attendre d'être vendu. Et Fisherman lui avait mentit. Il avait voulut acheter Yumi, comme il essaierait de l'acheter elle. La courtisane aurait aimé le confronter, mais le jeu n'en valait pas la chandelle.
Par contre... Arbeit avait une liste dans son bureau, une liste de noms qui pourrait fortement intéresser le Bataillon. Une liste qui pourrait même se vendre très chère. Si Otsu arrivait à sortir d'ici.
Ses bras reprirent leurs mouvements secs, réguliers, et du sang enfin s'infiltra dans les fibres de son entrave et se répandit sur sa peau.
Quand elle sentit la corde glisser, Otsu retint un cri victorieux. Elle porta ses mains libres devant elle, ses épaules endolories grinçant presque, et se blottit un instant dans ses bras, savourant sa liberté retrouvée.
Presque retrouvée. Elle devait encore s'échapper de la demeure. Alors, discrètement, sur la pointe des pieds, Otsu s'avança jusqu'à la fenêtre qu'elle ouvrit, lentement, très lentement, avec mille précautions. Ses paupières se fermèrent sous la fraîche caresse du vent, et elle inspira à pleins poumons. Et retint un cri.
Une silhouette venait d'apparaître devant elle, et Otsu recula, manquant de s'étaler au sol. Elle n'évita la chute qu'en se hurlant intérieurement de ne surtout faire aucun bruit. Et puis, les yeux gris qui l'observaient n'étaient pas là pour lui nuire.
« Mais... Qu'est ce que vous faites là ?
- A ton avis ?"
Glaçante, grinçante la voix. Mais elle était là, il était là. Otsu n'arrivait pas à y croire.
"Me dis pas que tu es venu me chercher ? Comment tu es arrivés jusqu'ici ? Ses murmures étaient tant de gifles et de cris qu'elle devait retenir.
- On t'a suivis."
Une autre voix, grave, plus chaleureuse. Livaï fit un pas de côté, révélant une silhouette derrière lui, un peu plus basse. Hansi. Un soupir de soulagement s'échappa des lèvres d'Otsu. Elle avait réussi à se défaire des liens, et pouvait s'échapper sans crainte, protégée par deux des membres les plus éminents du bataillon. Il ne lui restait plus qu'à enjamber la fenêtre pour rejoindre Livaï sur le toit. Rien de compliqué donc.
Pourtant, Otsu ne bougea pas. Elle resta là, à observer le caporal-chef sans vraiment le voir, toute occupée à ses pensées.
« Tu comptes rester là ?
- Oui. Oui, je vais rester. J'ai un plan. »
L'échange fut houleux, autant qu'il le put dans le silence de la nuit, dans les murmures et l'écoute attentive, dans la discrétion et le danger, mortel. Contre toute attente, la courtisane parvint à convaincre au moins un de ses alliés. Hansi, munie de son insatiable curiosité scientifique et son incroyable vivacité d'esprit, avait approuvé, non sans poser ses conditions, et considérablement améliorer le plan initial. Livaï s'y était opposé d'abord, puis, devant les arguments d'Hansi, il s'était tût, et Otsu ne savait toujours pas s'il acceptait, ou s'il s'en était allé, laissant la courtisane et la rouquine se démmerder seules. Alors elle l'avait laissé s'envoler, et ses poignets, de retour dans la corde humide de sang, la jeune femme ne put qu'espérer. Que tout se passe comme prévu, qu'Hansi ne l'abandonnerait pas à son sort le cas échéant, et que Livaï ne serait pas bien loin.
Le jour de l'enchère, Otsu se vit offrir un bain, une belle robe blanche et une corde propre pour maintenir ses poignets meurtris. Arbeit lui même s'était amusé à la maquiller. La courtisane ignorait à quoi elle ressemblait, mais la vieille pourriture avait jaugé son teint parfait, frais et pur, bien loin des peintures de catin de l'Oeillet. Peintures qu'il appréciait pourtant, ce gros pervers, songea Otsu.
A l'heure prévue, les yeux de la jeune femme furent bandés, et bientôt un lourd silence s'insinua dans sa chambre, seulement ponctué par la porte qui s'ouvrait quand un visiteur entrait, et qui s'ouvrait à nouveau quand il repartait, satisfait ou non du lot mis en vente, sans avoir adressé un mot à la prostituée.
Son propre souffle pesait fort à ses oreilles, pesait fort sur sa poitrine, menaçait de l'étouffer, alors qu'autour d'elle des pas lents l'observaient d'un côté, de l'autre, sans la toucher, sans rien dire, alors qu'elle était là, allongée et attachée sur un matelas qui en avait probablement vu d'autres, plus vulnérable qu'elle ne l'avait jamais été.
Otsu avait eu plusieurs heures pour comprendre ce que toute sa situation impliquait, et pour murir son plan. Livaï et Hansi se tenaient à l'affût, prêt à la suivre et à intervenir si nécessaire. Elle espérait seulement que le risque énorme qu'elle leur faisait prendre ne serait pas totalement inutile, et qu'elle ne se jetait pas tout simplement dans la gueule du loup pour s'y faire bêtement manger.
La courtisane se sentait nauséuse et étourdie au fur et à mesure des nouvelles paires de pieds qui s'approchaient de son lit et la détaillaient sans qu'elle même puisse voir quoi que ce soit. Au début, Otsu avait suivit le bruit de pas en tournant la tête dans tous les sens, mais à quoi bon ? Elle s'était finalement résolu à fermer les yeux et à seulement tendre l'oreille, et espérer que la sueur qui recouvrait peu à peu son corps suffirait à dégoûter les acheteurs.
Peine perdue. Au bout de plusieurs heures trop courtes, ou de minutes trop longues, Otsu sentit qu'elle était à nouveau seule, et qu'elle allait le rester. Derrière la porte fermée, Arbeit laissait ses clients se battre pour la petite catin de l'Oeillet. A la fin de la joute, le vainqueur pénétra seule dans la prison d'Otsu et la détacha sans un mot. Elle le suivit, titubante et docile, jusqu'à sa voiture, sans qu'ils ne croisent âme qui vive. Ou simplement âme qui parle. Si Arbeit les suivit jusqu'au hall, il ne manifesta jamais sa présence et laissa sa captive disparaître.
Toujours plongée dans le noir, Otsu ne put que prier pour que deux silhouettes en capuche vertes les suivent discrètement jusqu'à leur nouvelle destination.
Quand ses yeux furent libérés du bandeau et que la lumière lui parvint, Otsu découvrit une demeure de campagne charmante sur un terrain immense, vert et boisé. Elle distingua une grande dépendance à travers les bois, mais la propriété, bien que parfaitement entretenue, n'avait rien d'exceptionnel. Son acquéreur devait forcément être riche pour se payer des êtres humains au marché noir, et Otsu s'attendait à découvrir une richesse exubérante et même scandaleuse. Un sombre manoir peut-être, des titans de marbre, des fontaines à foisons qui crachait de l'or liquide, ou le sang des pauvres vierges ou des catins qu'il aimait tant acheter, pourquoi pas.
Mais non, rien de tout ça. Ils se tenaient là, en face, d'elle, tous deux sur le palier, mains dans la main. Un beau couple, jeune et charmant. Qui possédait un cachot dans sa cave. Otsu les reconnût tout de suite. Ils venaient rarement, et n'avaient passé qu'un ou deux soir en sa compagnie. Ils appréciaient surtout Fuyu et Keiko. Mais Otsu n'avait jamais oublié cette conversation surprise au hasard, où ils menaçaient la petite Hono d'un séjour dans leur cachot. Des menaces prononcées en riant, bien sûr, des menaces qui ne pourraient jamais être mises à exécution. Sauf aujourd'hui, pour Otsu. Que lui avait dit Livaï déjà, lorsqu'elle avait mentionné cette prison ?
« Tu bosses dans un bordel, sers toi de ton imagination. »
Otsu dû fermer les yeux. Tout vacillait autour d'elle, c'était trop, beaucoup trop. La maison, les ombres qui obscurcissaient les limites de son univers. Le couple sui souriait. Lui souriait. Comme des titans prêts à la dévorer. Elle plissa fort les paupières, porta une main à son front. Ses pieds s'enfoncèrent dans la terre, et son autre main chercha à un endroit où s'appuyer, une personne à qui se tenir.
Mais il n'y avait personne. Elle était seule.
Tu n'es pas tout à fait seule
Tu n'es pas toute seule
Tu n'es pas seule
Longue inspiration. Longue expiration. Encore. Encore.
Ce qui était tordu et dérangé revint à sa place et les ombres disparurent. Ses nouveaux propriétaires souriaient toujours, d'un air amical et bienveillant. Mais Otsu imaginait sans mal ce qu'ils pouvaient attendre d'elle. Il n'y avait pas tant de raisons pour expliquer qu'un jeune couple séduisant s'offre une prostituée de luxe à domicile.
Pourtant, il s'écoula plusieurs jours sans que ni lui, ni elle, ne s'attarde dans sa chambre. Une vraie chambre, aussi grande que l'Etage Privé, avec sa propre salle de bain et un jardin intérieur. Un vrai luxe. Si ce n'était l'interdiction formelle de sortir. Et, bien sûr, l'incertitude. Chaque nouvelle journée qui s'écoulait était une victoire pour Otsu, mais annonçait aussi le lendemain, les longues heures brumeuses, le doute et le vide. Elle ne pouvait rien prévoir, rien espérer. Rien imaginer.
Une semaine entière s'écoula simplement, longue, lente et floue, sans que rien ne vienne troubler l'écoulement du temps. La prostituée se levait après une longue nuit dans des draps frais et doux. Elle se régalait d'un petit-déjeuner de fruits, de pain et de fromages, puis laissait la matinée filer jusqu'au déjeuner, souvent copieux, duquel elle mangeait tout, sauf la viande. Et l'après-midi ensuite s'écoulait longuement. Otsu prenait plaisir à marcher, pieds nus dans son petit jardin, savourant la terre et l'herbe humide. Puis elle prenait un bain, jamais aussi long ni aussi apaisant qu'elle l'espérait, s'enroulait dans une serviette épaisse et moelleuse avant de se recouvrir d'une chemise de nuit propre et d'avaler son dîner. Et chaque jour était le recommencement de la veille. Au début, des voix hurlaient dans sa tête, imploraient la liberté, une parole amie ou simplement la carresse d'une brise matinale dans ses cheveux. Au début, Otsu ne pouvait rien avaler ni même dormir, trop occupée à parcourir sa chambre de long en large. Après deux jours sans que rien de mal ne lui arrive, sa peur s'était dissoute et la tornade de questions qui tournoyait dans son esprit et dans son corps s'était apaisé. Remplacée par l'inconnu et un ennui absolu. Et là dehors, que faisaient-ils, ces deux gardes du corps ? Ils avaient dû se lasser et déguerpir depuis longtemps, la voyant ainsi en sécurité. Son plan finalement n'avait servit à rien.
Otsu se sentait épuisée et abattu, quand, enfin ses acheteurs se présentèrent un matin, un sourire gêné aux lèvres mais de bonnes nouvelles dans le regard.
« Nous nous sommes occupés de votre libération Otsu. Venez avec nous. »
Aucun mot ne lui avait jamais parut si beau, si doux à ses oreilles. Pourtant... Si peu de chaleur dans ces mots. Malgré tout, un sourire jusqu'aux oreilles, Otsu voulut y croire et prendre quelques instants pour se changer, mais l'homme, l'en empêcha, refermant une main leste sur son bras.
« Nous sommes pressés Otsu, laissez ça, vous n'en aurez pas besoin.
- Je peux les prendre et me changer plus tard...
- Ces vêtements m'appartiennent Otsu, trancha la femme. Nous vous donnerons de l'argent pour en acheter d'autres. Venez avec nous, il est plus que temps. »
Le couple la mena à l'extérieur. Ils se dirigèrent vers la forêt, s'enfoncèrent profondément, jusqu'au bâtiment de pierre qu'Otsu avait aperçu à son arrivée. L'homme ouvrit la porte et s'effaça, lui faisant signe d'entrer.
« Attendez ici, une voiture va revenir vous chercher. »
Il faisait sombre à l'intérieur. Sombre et froid. Otsu ne distinguait que des ombres dans les ombres et un frisson la parcourut. Elle lança un regard à l'homme, à la femme, et ne trouva aucune raison de refuser. Elle voulut regarder derrière elle, observer la cime des arbres, apercevoir un signe, un capuchon vert, l'éclat d'une paire de lunettes ou un regard d'orage. Elle voulait reculer et partir en courant. Sauf que c'était impossible.
Alors Otsu entra, et la porte se referma derrière elle. Un bruit de clé dans une serrure. Un bruit de verrou. Fermée à clé.
Le noir était partout, mais pas seulement. Il y avait autre chose. Quelque chose de mouvant, d'étouffant. Quelque chose qui attendait dans l'obscurité, qui se gaussait d'elle, si petite chose, chétive, inoffensive. Sans défense. Otsu tendit les bras devant elle et ne sentit rien que des profondeurs abyssales. Sur le côté, ses doigts heurtèrent des pierres glacées. Elle était dans un couloir, elle savait qu'elle devrait avancer, mais se refusait à bouger. Un bruit soudain résonna, tout de grincements de chocs assourdissants dans ce silence obscur et étouffant. Des rayons du soleil s'infiltrèrent à travers des fenêtres creusées dans le plafond. Un mécanisme en avait permit l'ouverture, et la lumière l'aveugla. Otsu porta la main à ses yeux en scrutant les hauteurs et recula dans un sursaut de peur. Elle avait sentit une présence. Il y en avait pleins. De chaque côté des murs, sur des balcons, se dressaient des ombres de capes noires et de masques noirs qui l'observaient de toute leur hauteur. En face, un portail de fer forgé ouvrait sur une arène. Et à côté d'elle, accrochées en hauteur, des armes. De longues épées. Un petit poignard. Et même deux pistolets.
« Veuillez choisir une arme. » tonna une voix venue de partout.
La jeune femme recula à nouveau, hagarde, cherchant d'où venait l'ordre, cherchant un échappatoire, ou seulement un ami, une main tendue, un secours. Mais rien. Elle se rapprocha des armes, les parcourut du regard. Les épées étaient longues et effilées. Le poignard assez petit, et sa lame très fine. Elle connaissait ce métal. Elle l'avait déjà manié. Sa main se posa dessus sans hésiter, et la courtisane avança dans l'arène. Derrière elle, le portail se referma dans un grincement sinistre. Une ombre au dessus d'elle en faisait tourner la manivelle. Otsu s'en détourna et fit face à une porte immense que des treuils ouvrirent.
Il n'y avait que de la folie autour d'elle, une folie silencieuse et impatiente. Otsu posa les yeux sur son adversaire. De la bile lui remonta, et elle pencha la tête juste à tant pour vomir.
