Hello !

Avant toute chose, bonne année à vous :)

Ces dernières semaines, il y a vraiment eu un pic de lecture sur cette fanfic, vous avez été très nombreux, de pleins de pays différents, et même de pays actuellement plongé dans des crises terribles. Alors à toutes et à tous, je vous souhaite une année 2023 aussi belle que possible.

Je vous remercie aussi, sincèrement de donner vie à cette histoire et à ses personnages.

Merci du temps que vous consacrez à me lire, à me relire, et revenir à chaque nouveau chapitre pour suivre les aventures d'Otsu

Alors ne palabrons pas plus longtemps, bonne lecture !

LillieMoonlightChild : Et oui, quelque chose à changer entre eux, ils ont trop vécus, ensemble ou de leurs côtés. Mais pour autant, ni l'un ni l'autre ne s'est encore totalement laissé apprivoisé ;)

Sugarfree : Voilà la suite, j'espère que tu n'en seras pas déçue, l'histoire avance l'histoire avance :D

Chapitre 28

Il n'était pas bien loin... Ce qui voulait dire qu'il avait tout entendu. Fuyu venait quand même de lui conseiller de se masturber... Livaï n'avait pas pu passer à côté de ça. Otsu ressentit, pendant un très court instant, l'envie de disparaître dans sa chambre, de se cacher sous sa couverture, de s'étouffer dans son oreiller. Ou de l'étouffer, lui, avec.

« Vous êtes de foutues bavardes, lâcha-t-il en observant autour de lui d'un air nonchalant.

- Et tu n'en as pas perdu une miette, j'imagine, soupira la courtisane. Bon, restons pas là, t'imagines bien ce qu'il se passera si ces foutues bavardes nous voit. Elles ne traîneraient pas à nous rejoindre pour te roucouler dessus.

- Je préfère encore me jeter du haut des murs. Les titans sont une compagnie plus agréable.

- Tiens donc, il fait de l'humour, rebondit Otsu sur un sourire sarcastique.

- Qui a dit que c'était de l'humour ? »

Un rire silencieux secoua les épaules d'Otsu alors qu'elle s'engouffrait dans sa chambre, le caporal-chef à sa suite. Se laissant tomber sur son lit, la courtisane tendit la main au héros, impatiente. Aussitôt, une liasse de billet y apparût, qu'elle s'empressa de compter. Ses yeux s'agrandirent au fur et à mesure. Tellement qu'ils auraient pu s'échapper de leurs orbites.

« Ha ben ça... Finit-elle par s'exclamer en murmurant. Et qui je dois remercier ?

- Le Major.

- Alors tu lui diras de ma part... Et merci à toi aussi. Ouah, avec ça, je pourrai quitter l'Oeillet...

- Tu te doutes bien que c'est hors de question, ou tu es plus idiote que je le croyais ?

- Oui oui, il vous faut une espionne sur place... Mais franchement, je sers encore à quelque chose ?

- On le saura que si tu continue ton travail. Donc tu restes là, t'observe, t'écoute, et tu te sers de tout ce que tu as pour pomper tes clients. Leurs bourses, leurs couilles, leurs secrets, tu te démerdes.

- Oh, caporal-chef, comment osez-vous ? S'horrifia Otsu, une main sur la bouche. Vous êtes si grossier.

- Quoi, tu préfères les pètes-sec ? ceux qui parlent bien, avec de jolis mots, mais qui vous encule violemment sur vos petites tables au milieu des verres renversés ? Ceux qui vous étouffent la gueule avec leurs beaux billets et leurs queues flasques ?

La colère dans sa voix était palpable. Tentaculaire. Otsu ne s'était jamais formalisé du langage de Livaï, ou de ce qu'il pensait des prostitués. Pour ce qu'elle en savait, il n'appréciait personne et parlait à tout le monde de la même manière. S'il avait manifesté de la haine à son égard, c'était pour sa lâcheté, et pour sa tentative d'empoisonnement du Major. Mais jamais il ne l'avait maltraité pour son gagne-pain. Livaï n'avait aucune haine envers les catins. En revanche, comme elle le comprit à l'instant, il exécrait leurs clients.

« Tout compte fait, j'ai de la chance que tu ne sois pas comme ça... »

D'autres mots se bousculèrent pour sortir de sa bouche. Non, pas des mots. Mais des images qu'Otsu ne savaient encore formuler. Les soirées entières passées en sa compagnie, à seulement boire, loin des autres clients. Est-ce que... Etait-ce volontaire de sa part ? Les lèvres entrouvertes, Otsu voulut lui poser la question, mais tout était emmêlé dans sa tête. Elle choisit donc de ne pas aller plus loin, et se contenta seulement, pour une fois, de lui être reconnaissante.

« Alors je te remercie. »

Livaï cilla, et hocha la tête en réponse. Probablement ce qu'il pouvait faire de plus poli. Otsu réalisa alors que, pendant que ses doigts comptaient les billets, le caporal-chef s'était assis sur la chaise, en face de sa coiffeuse. Là où elle se maquillait, se coiffait, le miroir devant lequel elle se mirait, en kimono, ou complètement nue. Dans la glace, elle vit son reflet se superposer à celui du plus grand héros de l'humanité, et son ventre se noua. Elle se mordit la lèvre et détourna la tête, le rouge aux joues. Otsu prit soudainement conscience que sa bouche était grande ouverte, et elle la referma. Puis la catin se tortilla sur son lit, et observa les murs, étrangement accaparée par leur blancheur. Pourquoi était-il encore là ? Qu'est-ce qu'il voulait ?

La même chose que les autres clients ?

Non, ça non. Ce n'était vraiment pas son genre.

Moi je le savais. Je voulais être sûre que toi aussi. Alors respire.

D'accord, il n'était pas là pour profiter d'un autre genre de corps à corps, mais alors quoi ? Le silence pesait lourdement autour d'eux, attentif, et Otsu avait la tête vide. Rien ne lui venait pour le chasser. Le silence. Pas Livaï.

Mais pourquoi n'aurait-elle pas voulu le mettre dehors, lui aussi ? Si, bien sûr qu'il devait partir.

C'est vraiment ce que tu veux ?

Otsu secoua la tête, prête à se boucher les oreilles pour ne plus s'entendre. Oui, c'était vraiment ce qu'elle voulait. Le caporal-chef n'avait rien à faire là. Dans sa chambre. En face de son lit. Ce lit où elle dormait, souvent nue. Où elle avait partagé une nuit avec Keiko. La chambre semblait encore résonner de leurs soupirs et de leurs gémissements. La chambre semblait encore emplie du parfum de leurs ébats. Est-ce qu'il entendait ? Est-ce qu'il sentait cette fragrance si particulière, de sueur et de plaisir ? Le feu rougeoya de plus belle sur les joues de la catin.

C'était trop. Elle devait mettre fin à ce supplice.

« Excusez-moi, caporal-chef, mais vous souhaitez quelque chose ?

- Ce que je souhaite... Rien va. Je réfléchissais juste. Le procès est pour demain, et tu n'es pas la seule à être perpétuellement en mission. J'ai déjà trop traîné. Désolé pour la gifle. Et désolé pour ta patronne, mais Erwin ne va pas laisser le gamin nous échapper.

- Elle s'en remettra, elle a de la ressource. Et c'est mieux pour la petite asiatique. »

Il se redressa et s'apprêta à rejoindre la nuit, là bas, de l'autre côté de la fenêtre, quand il s'arrêta net et se tourna vers Otsu. Qui l'avait freiné en posant une main sur... Non, pas sûr. La catin avait stoppé son geste avant de le toucher, et sa main flottait à quelques millimètres au dessus de l'avant-bras du caporal. Elle ne s'était même pas rendue compte de ce qu'elle faisait. Livaï l'observa, sans rien dire, patient et même, pourquoi pas, avec un peu d'imagination, simplement curieux.

« Ha. Pardon... C'est... »

Non non non. Otsu ne savait absolument pas quoi dire. Mais pourquoi, pourquoi l'avait-elle arrêté ? Pourtant sa voix jaillit, sans qu'elle ne le décide.

« Tu reviendras ? »

La catin reprit sa main, libérant Livaï, qui pourtant ne bougea pas. La question était multiple, pourtant Otsu ne savait pas ce qu'elle demandait réellement. Ni ce qu'elle voulait entendre. Livaï hocha simplement la tête, mais dans le gris de ses yeux, Otsu crût voir autre chose. Ils n'étaient pas d'acier, ce soir.

Livaï s'envola, l'obscurité, le ciel, les étoiles et la lune l'accueillirent. Il disparût, mais sa présence s'attardait encore derrière lui. Otsu souriait, même si elle l'ignorait.

Plus tard, plongée dans le sommeil, la catin vit dans ses rêves fleurir des secrets, de ceux qui n'éclosent que la nuit. Quelque chose revint dans son corps, quelque chose s'épanouit en bas de son ventre, au creux de ses cuisses. Dans son rêve, son plaisir n'avait rien de solitaire, et les yeux gris étaient doux. Comme un souvenir.

A son réveil, Otsu ne conservait que des bribes de son rêve. Mais l'humidité entre ses jambes en révélait bien assez. Une douche, elle avait besoin d'une douche. Très froide. Et d'oublier ces images qui lui mettaient le rouge aux joues. Heureusement, le rêve s'effaça peu à peu, et quant à ce qu'il restait, la catin l'enfouit profondément. Ses rêves lui appartenaient, lui n'avait rien à voir avec ça.

Et puis, c'était un homme charmant. Il était beau, même, et elle une femme qui vivait dans un bordel, dans la luxure. Rien d'étonnant donc à ce que son esprit s'amuse à des associations douteuses. N'est-ce pas ?


Comme pressentit, Dame Yukari accorda sa journée à Otsu, qui pour une fois s'en serait bien passé. Une journée de libre, c'était une journée à penser, à réfléchir, à se souvenir, et ça, la catin aurait préféré y échapper. Alors elle passa de longues heures en salle d'art, à reprendre la pratique du luth. Les yeux fermés, la catin laissa les notes mélodieuses lui caresser les tympans. Ses doigts, d'abord lent, hésitants, parfois même tremblants, retrouvèrent bientôt ces vieux réflexes, et ils coururent enfin sur les cordes, reprenant sans erreur la première musique qu'Otsu avait apprit.

« Je connais cette musique. »

Aussitôt, la catin rouvrit les yeux et les posa sur Hono. Elle cessa de se jouer pour se tourner vers sa sœur, un sourire encourageant aux lèvres.

« C'est avec celle là que tu as commencé à apprendre.

- Oui, mais tu l'avais déjà entendue ? »

Hono hocha la tête.

« Dans mon village. Ca parle d'arbres, de cerisiers. L'ancienne de mon patelin l'avait entendue, dans sa jeunesse, chantée par un barde de passage. Elle lui a acheté. Depuis, lors des fêtes du printemps, il y a toujours quelqu'un pour la jouer.

- Tu n'en as pas marre, après tout ce temps ?

- Oh non. Peut-être quand j'étais petite. Mais, ici, ça me rappelle pleins de bons souvenirs. Et pour toi, c'est sûrement mieux que la chanson de Blédri ! »

Otsu s'esclaffa. Depuis qu'elle l'avait chanté au vieux Altonen, elle ne voulait plus l'entendre celle là.

« Otsu... Je dois te dire quelque chose.

- Tu... D'accord, je t'écoute. »

Sa sœur s'agenouilla, dans cette si belle posture servile que les filles apprenaient au premier jour de leur arrivée à l'Oeillet. Sa main sans plâtre à la bouche, elle se rongea un ongle. Otsu remarqua qu'ils étaient tous cassés, abîmés, et que ses doigts étaient secs et rougis. Avaient-ils toujours été dans cet état ? Sans réfléchir, Otsu lui attrapa la main, et l'enferma dans la chaleur des siennes, un sourire amical sur le visage. Hono soupira, et regarda longuement la porte derrière.

« N'en tire surtout pas de conclusions hâtives, d'accord ? commença-t-elle à voix basse. Je pense juste que c'est mieux que tu sois au courant... Je sais que tu as eu de la visite hier soir. N'ai pas peur, je n'en parlerai à personne. Seulement... A un moment j'ai voulu sortir de ma chambre. Et Emi était là, dans le couloir. Tout près de ta porte. Elle ne m'a pas vu. Mais peut-être qu'elle a entendu des choses...

- Et... Tu penses que c'est grave ? C'est Emi. Elle est comme nous, dans la même galère que nous.

- Emi... Emi n'est pas... Enfin, tu as raison. Nous sommes dans le même bateau, nous nous protégeons. Chacune à sa façon.

- Comment tu sais qu'il... Qu'il y avait quelqu'un avec moi ?

- Il n'était caché très loin. Il était bien caché, d'ailleurs. Mais à un moment, j'ai entendu un bruit métallique. Et j'ai distingué une silhouette. Alors quand on est allé se coucher, j'ai regardé dehors un peu après. Et j'ai vue deux ombres. Ce n'était pas difficile de deviner de qui il s'agissait... J'aimerai moi aussi recevoir la visite de Hange. Elle me manque.

- Tu sais, toi aussi, sourit Otsu en lui serrant la main. Elle s'inquiète pour toi, alors prends-soin de toi en attendant son retour. Comme avec tes mains... Je ne savais pas que tu te rongeais les ongles.

- Si si, je l'ai toujours fais. Ce n'est pas une habitude dont se débarrasse facilement.

- Tu devrais mettre ta pommade miraculeuse dessus, ça te ferait du bien. »

Hono secoua la tête en reprenant sa main. Elle baissa les yeux en se relevant.

« Oui, tu as raison. Je te laisse à tes répétitions. Tu t'es vraiment améliorée en quelques jours. Ton jeu est redevenu aussi agréable à écouter qu'avant.

- Merci Hono ! Moi qui craignais de ne plus savoir occuper ces messieurs, je suis rassurée ! »

Sa compagne s'esclaffa, avant de disparaître dans le couloir, sûrement pour monter à sa chambre et soigner ses mains. Soulagée, Otsu se replaça face au luth et reprit là où elle s'était arrêtée. Quand ses doigts en eurent assez de la mélodie connue par cœur, ils s'amusèrent sur les cordes, laissant libre cour à leur imagination. Et puis, rassasié, Otsu laissa enfin retomber ses bras. Des applaudissements brefs surgirent alors dans son dos, et la firent sursauter. Elle se retourna aussitôt pour découvrir Dame Yukari dans l'encadrement de la porte.

« Je me doutais bien qu'il te fallait seulement du temps. Te voilà de nouveau prête pour nos meilleurs clients ! Et cela tombe au meilleur moment. Demain soir, tu joueras devant tout le monde, pendant une heure. Cela les occupera pour le début de soirée, et tu te feras désirer. Ce sera très bon pour toi.

- Bien Dame Yukari. »

La vieille femme s'approcha et se laissa tomber dans un des fauteuils, non sans élégance, cela allait de soit.

« Ton caporal-chef ne va pas revenir de si tôt. Et avec Arbeit qui... Qui nous as quitté... Tu n'as pas assez de clients attitrés Otsu. Señor ne vient pas assez souvent, et Fisherman n'est même jamais revenu depuis cette soirée calamiteuse. Trouve toi vite de nouveaux protecteurs Otsu, tu en as besoin, et nous aussi.

- Je... Je ferai de mon mieux. Vous savez ce qu'il s'est passé alors, pendant le procès ?

- Hélas... Les explorateurs ont gagnés le gamin. Il fait partie de leur bataillon maintenant, et ma belle asiatique aussi. Mais je ne désespère pas. Tu sais quelles sont les chances de survie là bas ? »

Oui, Otsu en avait une idée.

« Je prie pour que ce gosse y reste, et que nous puissions récupérer Mikasa. Mais d'ici là, je dois absolument recruter de nouvelles fleurs. Pavas nous a bien ramené quelques chanceuses, et même un homme, mais aucune prêtes aux... Exigences de la profession. »

Prêtes à vendre leurs corps, devina la catin. A moins que ce ne soit l'illégalité, ou la privation de liberté qui les ait convaincus de ne surtout pas signer. Otsu n'avait pas eu tant de doutes, mais si elle pouvait revenir en arrière, elle se montrerait sûrement aussi avisée qu'eux.

Tu es sûre de toi ?

En fait, cela ne lui servait à rien d'y penser. Elle avait de nombreux regrets, mais ils ne lui pesaient peut-être pas si lourdement. Et de toute façon, se plaindre n'y changerait rien. Ce ne serait qu'une perte de temps. Rien de plus.


Après une soirée seule dans sa chambre, son miroir et ses livres pour seule compagnie, Otsu s'étonna du sourire sincère qu'elle affichait en s'installant avec son luth devant les tables. Les clients du salon étaient accompagnés de Keiko et de Fuyu. Emi et Hono avaient toutes les deux disparût dans les alcôves dès l'ouverture de l'Etage Privé.

A Otsu d'assurer le spectacle pour ce début de soirée.

Comme convenu, pendant une heure, la courtisane joua. L'air des cerisiers d'abord, qu'elle répéta par la suite avec suffisamment de variations pour que des oreilles peu attentives ne s'étonnent pas d'un répertoire si peu varié. Elle se hasarda ensuite à jouer une autre mélodie, bien moins maîtrisée, mais là encore, ses erreurs dans les notes passèrent inaperçues, et Otsu se garda bien de s'y arrêter. A la fin de l'heure, la catin s'inclina et reçu les applaudissement avec des yeux brillants et un sourire modeste, dissimulé derrière les manches de son kimono. Aussitôt l'instrument disparût, la brune reprit son rôle et circula entre les tables pour remercier personnellement chacun des clients. Elle s'arrêta parfois pour resservir des verres, et distribua, de ci de là, à seuls quelques chanceux savamment choisis, de longues œillades enflammées. La jalousie était si facile à embraser.

Dame Yukari finit par lui indiquer une table de deux jeunes hommes qui souhaitaient la réserver. Otsu les salua, et les remercia de l'avoir préférée, elle, à toutes les autres. Ils étaient jeunes constata la catin. Jeunes, un blond aux mèches lisses et brillantes qui n'étaient pas sans évoquer celles d'un certain héro de l'humanité, et l'autre, les cheveux encore plus clairs, mais attachés en queue de cheval. Imberbes, une peau de pêche, des lignes bien dessinés, ils devaient probablement attirer les regards des jeunes filles du vrai monde. Et ils appartenaient aussi à ces clients sur lesquels les catins de l'Oeillet aimaient s'extasier. Les plaisirs n'étaient peut-être pas réservés qu'aux belles et jeunes personnes, comme le disait Fuyu. Mais Otsu, elle, avait tout de même une préférence pour ceux là. Les visages, d'ailleurs, ne lui étaient pas inconnus. Elle les détailla discrètement tout en remplissant leurs verres. Fisherman. Ils faisaient partis du groupe de Fisherman. Et si lui n'était jamais revenu depuis la débâcle de leur soirée dans l'alcôve, ses fréquentations étaient des habitués ici.

« Vous savez que c'est un délice de vous revoir petite Otsu ? Affirma celui à la queue de cheval.

- Un délice oui, ce n'était plus pareil ici sans vous, renchérit l'autre, celui qui ressemblait un peu à Livaï.

- Je vous remercie messieurs. Je suis moi même plus qu'heureuse d'avoir retrouvé mon foyer, ma famille, et mes amis.

- Vous nous considérez comme vos amis alors ? Pourtant, nous avons rarement eu l'occasion de savourer votre compagnie ! Ajouta celui aux cheveux longs.

- Et j'espère bien que nous allons remédier à cela, supplia Otsu en se mordant la lèvre.

- Bien sûr petite putain, répondit le faux Livaï. Après tout, vous êtes là pour être courtisée et aimée.

- Et nous, nous sommes là pour payer. A condition d'en avoir pour notre argent.

- Allons Iames, ne commence pas à te plaindre. Pour savoir si la marchandise vaut la peine, il faut déjà la goûter, n'est-ce pas ? »

Si Otsu n'avait jamais eu à faire à Iames ou à son compère, ou à d'autres amis proches de Fisherman elle les avait tout de même vu à l'action. Ils aimaient s'enivrer tout en palpant la chaire douce et moelleuse des courtisanes. Comme le lui prouva la main de Iames, subitement apparut dans son décolleté pour y pétrir sa poitrine sans ménagement. La catin gloussa et le laissa faire, refrénant néanmoins son envie de le gifler. L'autre les regarda en sirotant son verre. Quand les seins d'Otsu jaillirent de son kimono, il s'en pourlécha les babines.

« Vous n'êtes pas très grasse jolie Otsu, mais vous avez quand même de quoi régaler nos appétits.

- Satisfaire vos appétits, c'est mon plus grand plaisir, gloussa la catin de plus belle.

- Ha, que de charmantes paroles ! Alors... Que feriez-vous donc pour notre... Satisfaction ? »

Sans cesser de sourire, Otsu glissa les doigts sous la chemise Iames et promena ses ongles sur la peau lisse du petit bourgeois, y traçant d'infimes griffures qui ne laisseraient aucune cicatrice. Puis elle se tourna vers l'autre, le faux Livaï, et parcourut de ses lèvres la chaire de son cou, enfonça ses dents à la naissance de l'épaule, tout doucement, pour ne pas faire mal. Il était beau, et l'embrasser lui plaisait.

« Haaa, voilà de quoi réveiller mes appétits. J'ai hâte de vous goûter !

- Moi d'abord, s'excita Iames. »

Le gamin lui saisit la main, et porta la pulpe de son pouce à ses lèvres. Et à ses dents. Otsu lâcha un cri quand la canine lui déchira la peau. Un cri qu'elle changea immédiatement en rire, tentant de dissimuler la panique qui lui montait aux yeux.

Le plaisir était revenu dans son corps, et c'était très bien. Mais de toute évidence, c'était aussi le cas pour la douleur.

« Doucement mon ami ! »

Le client ne la lâcha pas pour autant, et enfonça son pouce dans sa bouche. Elle sentit la succion autour de son doigt, la langue qui courrait sur la morsure, la salive mêlée de sang qui dégoulinait jusqu'à son poignet, et elle eut envie de vomir.

« C'est comme ça qu'il fait, le gamin titan.

- Iames, ça suffit. Tu vas faire peur à notre petite putain. »

Apeuré, oui, mais la catin vit la perche à saisir. Otsu en oublia presque la douleur et, se rapprochant de Iames tout en s'essuyant discrètement la main sur les pans de son kimono, elle colla sur son visage une mine curieuse, et même excitée.

« Vous savez quelque chose sur ce monstre ? Interrogea la courtisane, avec toute l'admiration dont elle pouvait faire preuve envers cet homme qui, à l'instant, l'avait tout bonnement mordu.

- Un monstre ? Pourquoi un monstre ? S'étonna Iames. Alors ouais, il a une capacité étonnante, et ça peut faire peur au commun des mortels... Mais franchement, c'est juste un gamin. Il peut se changer en titan quand il se blesse, mais il est perdu et personne ne sait comment l'aider. Pauvre petit.

- Ouais. Je l'ai vu se mordre et arrêter un canon avec un bras de titan. Il doit faire quoi, dans les quinze mètres ? C'est un prodige ce gosse, pas un monstre.

- J'ai entendu dire qu'il devait comparaître devant le tribunal militaire... Vous savez ce qu'il advenu de lui ? »

Otsu connaissait la conclusion du procès, mais jouer les ignorantes pouvait peut-être lui apporter d'autres informations. Les deux clients se lancèrent un regard que la catin ne sut interpréter.

« Votre ami là. Le caporal-chef. Il l'a salement molesté, devant tout le monde. Il lui a pété la mâchoire. Et une jambe. En fait, il l'a presque tué. Il y avait du sang partout. C'est un violent celui-là. »

Entendre un tel jugement de la bouche de ce faux Livaï fit plaisir à Otsu. Si le brun était un homme violent et peu sympathique, son pendant blond semblait bien plus appréciable.

« De l'éducation, il a dit. Parce que le gamin commençait à péter les plombs, il voulait se défendre, alors il a cherché à se transformer. Mais le caporal est intervenu. Après ça, le verdict a été évident. Le gosse appartient maintenant au Bataillon d'Exploration, sous la surveillance du caporal-chef.

- Cet homme là, c'est un vrai monstre. Il fera pas long feu le petit avec lui s'il se transforme en titan.

- Et bien... C'est... Je n'ai pas les mots. Vous y étiez alors, vous avez tout vu ?

- Évidemment, répondirent-t-ils d'une même voix. »

Otsu haussa un sourcil, suspicieuse, avant de hausser le deuxième et d'arrondir la bouche, imitant l'admiration.

« Ce que vous me dites est effrayant, j'espère que nous ne craignons rien avec ce jeune garçon. Et que lui même ne craindra rien...

- Vous êtes bien placé pour savoir de quoi sont capables les explorateurs, hein, sale putain du caporal ? »

Le mépris dans leurs voix, dans leurs yeux, n'étaient même plus voilés. Des clients aussi irrespectueux, Otsu n'en avait encore jamais eu. Alors elle s'inclina.

« Vous avez vous même eu un aperçu de ce dont il est capable. Votre compagnie est bien plus agréable que la sienne, vous pouvez me croire. »

Et elle essuya une larme imaginaire au coin de sa paupière. Avant d'afficher un grand sourire, celui d'une femme autrefois bafouée, qui se sent enfin en sécurité.

« Je vous remercie encore de m'avoir choisie, s'il devait apparaître ce soir, il ne pourrait pas m'avoir. Me permettez-vous de vous offrir vos prochains verres ? »

Ils acquiescèrent, et Otsu se releva pour se diriger vers le bar, contournant les tables et les clients. Elle dû reculer pour laisser passer un habitué qui sortait précipitamment d'une alcôve. Encore lui, celui qui l'avait gagné aux enchères. A chaque fois qu'elle le voyait, Otsu était prise de nausée, et devait lutter pour dissimuler un rictus de dégoût. Elle en grinçait des dents. En remplissant les verres, Otsu vit Dame Yukari se diriger vers les alcôves pour y faire un peu de ménage. Discrètement, puisque la maquerelle ne pouvait la voir, elle porta la bouteille à ses lèvres et en prit une longue gorgée. Il lui fallait au moins ça pour tenir avec ses clients et leur humour douteux... Son pouce la lançait. Le sang commençait à coaguler. Elle avait hâte de se nettoyer. Imaginer la salive de Iames sur sa peau, sous sa peau, lui donna la nausée. Allez, une deuxième gorgée. Reposant la bouteille en toussotant, Otsu prit une profonde inspiration, saisit les verres et s'en retourna vers sa table, quand un bruit de verre brisé l'arrêta net.

Elle n'avait tout de même pas encore cassé quelque chose...