Bonjour ici !

J'ai l'impression que ça fait une éternité que je n'ai pas posté. J'ai été super malade ces dernières semaines, mais ça commence enfin à aller mieux

Je me sens revivre même ^^

Ce chapitre aussi a été mille fois réécrit, tout en tournant toujours autour du même sujet

Je ne sais pas s'il y a des trigger à signaler, mais je crois qu'il peut être parfois un peu dur à lire. On parle ici de la perte de repères, de la sensation d'être au bord de la folie. Bref, la santé mentale d'Otsu commence à se dégrader ! En tout cas, c'est ce que j'ai essayé de rendre.

Bonne lecture, et à bientôt :)

LillieMoonlightchild : La réponse est dans ce chapitre ^^ Pour le caporal par contre, il faudra encore un peu de patience, il a fort à faire en ce moment !

Sugarfree : Tu auras ta réponse un peu plus bas, mais tu avais déjà une suspecte en vue, je te laisse découvrir si tu étais sur la bonne voie ;) Le caporal me manque à moi aussi, mais malheureusement pour l'instant il se fait désirer !

Chapitre 30

Ce qui avait poussé les trois autres putains de l'Oeillet à se rendre dans cette chambre, ce soir, après leur danse, pour rendre un dernier hommage à leur sœur disparue, Otsu l'ignorait.

Ce qui l'avait elle même mené ici, devant ce lit, à contempler le fantôme d'un corps figé dans les draps, la catin ne le savait pas non plus.

Pas bien grand, le corps, fluet même. Et à côté de l'oreiller, l'empreinte, plus lourde, d'un bras piégé dans un plâtre. Otsu n'arrivait pas à en détacher les yeux, de ce creux plus profond dans le matelas. Elle voyait presque sa sœur, couchée là, prenant garde à son bras, prostrée dans une position qui lui permettait de dormir sans se faire trop mal. Un bras qu'elle avait cassé en dansant, la voilà sa version officielle. Mais maintenant Hono était morte, et Otsu doutait. Ses yeux parcouraient la couche de haut en bas, et elle se demandait combien de nuit la timide putain avait passé, prostrée là, à observer ce bras cassé sans trouver le sommeil. A craindre le matin, et plus encore le soir... Des sanglots étouffés, probablement par un oreiller, venaient mourir dans sa tête. Otsu ferma les paupières. Oui, elle les entendait presque. Croyait presque les entendre. Ces pleurs qu'Hono avait dû verser, dans le silence de la nuit, dans l'obscurité de sa chambre. Les murs étaient noirs autour d'elle. L'armoire. Le bureau. Le fauteuil. Le lit. L'air. Le vide. Tout était noir. Tout était de nuit. Lourd et épais. Otsu se redressa subitement et sortit du mausolée en deux pas. La porte allait claquer dans son dos, mais la putain parvint à la retenir, de justesse. Elle ne voulait pas alerter ses sœurs. Et maintenant qu'elle était dehors, dans le couloir qui menait aux autres chambres, dans ce monde réel et vivant, la peur qui avait éclaté dans sa poitrine si violemment... Avait disparût. Probablement laissée là, de l'autre côté de cette porte, dans le vide et le noir et l'absence. Otsu posa le front contre le mur, un soupir profond lui échappa. Passant une main dans ses cheveux, elle sentit le brin de lavande encore égaré dans ses mèches. Elle avait pourtant voulut le poser avec les autres. Une main vint effleurer la poignée de porte, avant de retomber aussitôt, comme si un fil invisible qui contrôlait ses gestes s'était brisé.

Pas ce soir. Elle y retournerait demain. Mais pas ce soir. Otsu voulait juste retrouver l'obscurité de sa propre chambre, celle que venait repousser la lueur dorée et chaude d'une bougie tremblotante. Entre son antre et celle de Hono, et des autres filles de l'Oeillet, il n'y avait aucune différence. Même lit, même coiffeuse, même armoire. Pourtant, quand Otsu posa le pied dans son refuge, elle sentit le changement. Et ça lui parût absurde. Et terrible. Et stupide. Et étrange. Et innommable. La catin s'affala sur sa chaise. Et puis elle croisa son reflet, et si elle en avait eu la force, Otsu aurait sursauté. Ses yeux immenses, hagards, c'étaient les siens ? Ou ceux d'une folle qui vivait dans son miroir ? Ses cheveux emmêlés comme un nid de corneille la conforta dans cette idée, et la jeune femme porta une main pâle et hésitante à ses mèches affolées. Le brin de lavande apparût, et Otsu dû bien admettre que oui, c'était elle cette pauvresse dans la glace. Quelqu'un posa la lavande sur sa coiffeuse, et quelqu'un attrapa un peigne pour lui brosser les cheveux et lui rendre un visage humain. Probablement elle même, mais Otsu n'avait pourtant pas l'impression d'être celle qui dictait les gestes.

Ce fil, qu'elle avait crû sentir se briser, il existait bien en fait, se dit la catin. Et même que d'autres devaient relier chacun de ses membres. Qui en tirait les ficelles par contre, la catin l'ignorait. Et comment elle trouva seule le chemin de son lit, là encore, c'était un mystère. Ce qui ne l'empêcha pas, bien plus tard, bien après l'aube, de rouvrir des yeux qu'elle ne se souvenait pas même avoir fermé, pour se découvrir allonger sur ses couvertures, nue et tremblante. Il faisait chaud, dans sa chambre, dans son corps, dans sa tête, dans ses cauchemars, et son corps s'était couvert d'une couche de sueur glacée. Sa bouche était sèche, ses yeux piquaient. Une main se porta à sa poitrine dans un souffle haletant. Ca lui faisait mal. Comme si un poids l'avait écrasé là, toute la nuit. Elle essuya ses joues couvertes de sel. Otsu avait rêvé d'eau. De ciel immense. D'un champ de lavande. D'un arbre. Mais le rêve s'était changé en cauchemars. Elle était devenue l'arbre. Prisonnière d'une peau d'écorce. Otsu voulut à se lever, mais il n'y eut pas grand chose qui répondit à son ordre. Les fils, toujours les fils, coupés, brisés, et rien à contrôler. Ses jambes pesaient mille arbres. La catin se rallongea, cherchant à comprendre ce qu'il pouvait bien se passer là, dans ce corps amorphe. Mais une douleur lui fracassa alors l'estomac, une douleur venue de nulle part, et Otsu eut à peine le temps de se redresser pour se tourner et vomir.

Secouée de frissons, la jeune femme s'emmitoufla dans le premier vêtement que ses doigts trouvèrent, avant de se rendre en titubant dans la salle d'eau. Au moins, quelque part dans tous ça, ses jambes s'étaient un peu réveillées, et la portaient maintenant en haut de l'escalier. Comme il était haut. Comme il y avait de marches... Pourquoi Otsu ne s'en était-elle jamais rendu compte auparavant ? Pfiou, mais elle tomberait de haut, si elle se prenait un jour les pieds dans son kimono là dedans. Elle pourrait se faire mal.

Elle pourrait se tuer.

Et puis là, Otsu avait mal au ventre. Au cœur. A la peau. Elle avait mal dans le sang. Dans ses pensées. Est-ce qu'elle parviendrait vraiment en bas de cet escalier ? C'était si bas, là bas, tout en bas. Et la catin était si haute, et elle avait l'impression de ne jamais en voir le bout.

« Bonjour Otsu. » l'accueillit la voix calme et si douce de Fuyu. Une caresse à son oreille, comme ses mains savaient si bien caressaient les peaux.

Les marches avaient disparues. Otsu cligna des yeux, sentant quelque chose sur le côté de son corps. Un mur. Elle n'était plus en haut de l'escalier, mais dans l'embrasure d'une porte. Ses sœurs étaient toutes assises devant une table où elles prenaient leur déjeuners. Non, pas toutes. Seulement celles qui restaient.

Ha.

C'était la cuisine. Otsu sentit une douleur pinçante à sa bouche. Des doigts trituraient ses lèvres. Ses doigts à elle. La catin avait donc réussi à descendre et ses pieds l'avaient emmenés à ses compagnes, comme ils le faisaient chaque jour. Et ses autres doigts se cramponnaient au mur qui la maintenait debout.

Fuyu lui avait dit bonjour. Oui. Otsu allait donc lui répondre, mais aucun son ne sortit de sa bouche, et les yeux grands ouverts de la petite catin en face l'inquiéta. Pourquoi elle la dévisageait ainsi ? Ses cheveux, peut-être. Après tout, elle venait de se lever. De l'autre côté de la table, Keiko et Emi se retournèrent elles aussi, d'abord en souriant, avant de laisser leurs bouches s'entrouvrir. Si Emi fronça les sourcils et faillit laisser tomber sa tasse, Keiko blêmit, et se leva aussitôt pour passer un bras sur les épaules de sa sœur.

« Mais Otsu, qu'est-ce qui t'arrive ? Et... Mais pourquoi tu as mis ton kimono ? Dame Yukari sera furieuse si elle te voit... Otsu, est-ce que tu vas bien ? »

Keiko l'observait, le visage pâle. Elle lui avait parlé. Otsu l'avait entendu. Otsu avait comprit les mots qui étaient sortis de ses lèvres rouges et si douces. Et puis elle les avaient oubliés aussitôt. Dans le brouillard qui s'infiltrait peu à peu dans la cuisine, la catin vit Fuyu sauter sur ses pieds pour venir vers elle à grandes enjambées. Keiko la dévisageait, visiblement morte d'inquiétude, et Fuyu la palpait de tous les côtés. Emi était resté assise, incapable de détourner les yeux de la scène, sa tasse tremblant dans ses mains.

Il y avait un tremblement de terre ?

Pourquoi la tasse tremblait ?

Otsu chancela en observant les murs autour d'elle, les assiettes, les verres et les placards. Oui. Il y avait un tremblement. Comme si des pieds immenses foulaient la terre.

Comme si des titans se déversaient sur l'Oeillet.

Il y eut un cri. Le monde bascula alors, une explosion quelque part, une douleur ailleurs, et l'obscurité partout.


Une fleur caressait sa joue. C'était doux. Le sol était moelleux dans son dos. Est-ce qu'elle s'était encore endormie dans l'herbe ? Son père l'avait envoyé chercher... Chercher quoi, au juste ? Elle ne se rappelait pas. Des grenouilles ? Non. Des baies, des champignons ? Non plus... Et si elle était dans l'herbe, alors elle n'était pas en ville, à essayer d'attraper quelques pièces dans les poches des badauds avec d'autres gamins. Une activité qu'elle faisait rarement. Evonne n'était pas douée. Ha oui, ça lui revenait. Il l'avait envoyé chercher des oeillets.

Pourquoi au juste ? Evonne s'assit. Enfin, elle essaya, sans y parvenir. Alors elle resta allongée, à réfléchir. Des oeillets ? Des fleurs, mais à quoi ça servirait à son père ? Qu'est-ce qu'elles valaient, ces plantes ? Un truc par rapport à la beauté, il lui semblait, mais elle ignorait comment elle le savait. Elle devait trouver vite, et quoi que ce soit, parce que son père n'aimait pas quand elle rentrait en retard. Encore moins si c'était les mains vides.

Otsu rouvrit les yeux, couchée sur son lit, dans sa chambre sous les toits. Une douce fleur à cinq pétales lui effleurait le front. La main de Keiko.

« Otsu ! Te revoilà parmi nous !Tu nous a fait salement peur... »

Incapable de parler, la pauvre Otsu ne put que papillonner des yeux, confuse.

« Elle est réveillée ? S'enquit Fuyu en passant la tête par l'entrebâillement de la porte.

- Oui, viens la voir.

- Otsu, tu peux te redresser ? Je vais juste... Voilà, ne bouge plus. »

Tout en l'encourageant, Fuyu avait remonté son coussin derrière son dos pour qu'elle puisse tenir en position assise.

« Tiens, commence par boire ça. »

En voyant l'eau parfumée dans la tasse que lui tendait sa sœur, Otsu sentit des braises s'écouler dans sa gorge. Mais qu'elle avait soif ! Sans hésiter elle s'en empara et avala de longues gorgées.

« Hola, doucement, vas pas t'étouffer ! Après t'être évanoui, on n'a vraiment pas besoin de ça ! » La sermonna Fuyu. Mais la réprimande dans ses yeux était amoindri par le sourire sur ses lèvres.

Otsu essuya l'eau qui ruisselait de son menton et balbutia des mercis désolés. Ou des excuses reconnaissantes. Personne ne sût vraiment, et surtout pas elle. Elle se rallongea, se laissa tomber même, et replongea aussitôt dans le sommeil. A moins que ce ne soit seulement l'inconscience. La limite était mince. Ou peut-être juste que la catin n'arrivait plus à bouger, à garder les yeux ouverts ni même à parler, parce qu'en réalité, elle sentait toujours la présence de ses sœurs et les entendait parler.

« Super. On a deux putains malades donc. Comment va Emi d'ailleurs ? S'inquiéta la voix de Keiko.

- Mieux, répondit celle de Fuyu. Elle a juste pas supporté l'odeur du vomi.

- Et notre Otsu alors, tu as une idée de ce qu'elle pourrait avoir ?

- Sans plus d'analyses, pas vraiment... Son pouls est rapide, et elle est un peu fiévreuse... Pas de douleurs à la palpation, les muqueuses sont normales... Ca m'étonnerait, mais tu connais les effets des poudres mieux que moi... Tu penses que ça pourrait être le manque ?

- Hm... Dame Yukari a fait attention avec les doses. Elles étaient très légères, et notre maquerelle les as diminué petit à petit... Mais tu sais, avec le népenthès, c'est pas impossible.

- Tu en as déjà pris ? Demanda Fuyu d'un ton docte.

- Non. Enfin. Si, parfois. Quand les journées étaient trop dures. Ou quand j'étais pas assez sage. »

Le silence qui étouffa les voix des catins n'était pas paisible. Otsu, le corps toujours endormi mais l'esprit éveillé, sentit les souvenirs douloureux et nauséabonds ramper tout autour des trois femmes. Fuyu s'empressa de les chasser.

« Garde ça pour toi, mais pour le moment, je me dis juste que notre Otsu est peut-être enceinte !

- Malheureuse, dis pas ça trop fort, Dame Yukari pourrait t'entendre ! Est-ce que... C'est possible ?

- Franchement ? La nausée, les vertiges, la fatigue, c'est plutôt classique comme symptômes. Et on ne sait pas ce qu'il lui est arrivé, pendant qu'elle était pas là, sans Dame Yukari pour veiller sur elle.

- Je suis sûre qu'Hono l'aurait sût... »

Sur la couverture, deux mains se cherchèrent et s'enlacèrent. Si forts, que les doigts en devinrent rouges. Mais elles mirent du temps à se lâcher.

« Tu la surestime un peu quand même, murmura Fuyu. Notre petite Hono n'était pas si omnisciente. Par contre, elle savait très bien se faire oublier. Et quand on ne parle pas, on a plus de temps pour écouter. Ecouter vraiment. Pour ça, elle était douée. »

Elle ne reçut qu'un soupir las et triste de Keiko. Otsu ne les voyait pas, mais elle les imaginait très bien, leurs têtes penchées l'une contre l'autre, les yeux qui regardaient de côté, les paupières qui frémissaient pour chasser quelques larmes. Otsu ne pleurait pas, elle. Ses sœurs avaient plus de raison de regretter la douce Hono, elles la connaissaient bien mieux.

« Je vais redescendre, reprit Keiko d'une voix douce. Je dois parler à Dame Yukari. Tu restes avec elle ?

- Evidemment... Tu comptes avertir la vieille ?

- Non. Si on peut l'éviter... Mais... Merde. Elle nous a fait prendre du népenthès. A notre insu. Si cette mégère s'imagine que je vais laisser passer... grinça la belle catin en serrant les poings.

- Je me disais bien que tu devais être furieuse, murmura sa sœur.

- Tu es encore loin du compte. A plus tard Fuyu. »

Sur son front, Otsu sentit une caresse du bout des doigts, sentit une mèche rabattu sur ses tempes, puis le son d'un corps qui se lève, une chaleur qui se dissipe, et des bruits de pas qui s'éloignent. Elle aurait voulut la retenir. Elle voulait tendre un bras, pour attraper Keiko et la supplier de rester à ses côtés. Mais dans le lit, rien ne se passa. Fuyu ne perçut pas même un frémissement sous les couvertures. Le corps dormait toujours. Mais l'esprit brûlait. Otsu n'avait pas comprit grand chose à la conversation, au début. Le népenthès, elle n'avait aucune idée de ce que c'était, contrairement à ses sœurs. Mais elle n'avait pu que comprendre.

Comprendre que leur maquerelle les avait bien trahis. Comprendre que l'oubli de ces dernières semaines n'était pas dû qu'au choc et au traumatisme. Oui, elles avaient perdus l'une des leurs. Assassinée à seulement quelques pas des rires et des verres qui se trinquent et de l'alcool qui ruisselle sur les mentons. Hono était morte, et elle était morte seule. Et Dame Yukari ne les avait pas laissé pleurer. Elle leur avait arraché le temps des larmes et des cris, des suppliques et du silence. Sans même leur laisser une tombe pour les prières, les souvenirs et les anniversaires. Les catins avaient échangés, à leur insu, l'ouragan contre une faible brise. Hagarde, la brise, mais au moins dénuée de rage. Et les clients, eux, en avaient bien profité.

Du moins, ceux qui aimaient les corps amorphes, les peaux pâles et les bouches silencieuses.

Il lui restait quand même quelques souvenirs épars de ces dernières semaines. Et aucun n'était agréable. Alors Otsu céda à l'appel de son corps, et s'endormit enfin. Là bas, dans son sommeil, il n'y avait pas de poids étouffants qui pesaient sur sa poitrine. De poils humides de sueur, de dents qui mordaient, de salive qui coulait sur son visage. Il n'y avait pas de sang entre ses cuisses, de traces de doigts sur ses bras. Elle se souvenait de ce matin, où elle avait suivis du bout des doigts les dessins des bleus sur son bassin.

Dans le monde des rêves, il n'y avait pas de souvenirs. Il n'y avait pas de danse, de kimonos déchirés, de rires qui couvraient des cris.

Il n'y avait pas de cadavre abandonné.

Il n'y avait que l'obscurité. Alors Otsu s'y laissa tomber.

Quand elle ouvrit les yeux, plus tard, la catin regretta de s'être réveillée. Devant ses yeux terrifiés, le visage froid de Dame Yukari. Les cauchemars ne pouvant plus l'atteindre dans son sommeil, ils l'attendaient maintenant au pied de son lit.

« Tu nous reviens enfin... Tes sœurs ont fini par m'avouer que tu avais passé la journée au lit. »

La maquerelle pinça les lèvres.

« Je ne peux pas te présenter aux clients dans cet état... Tu ferais fuir tout le monde. Ce n'est pas comme si tu me laisser le choix... Tu ne nous servira à rien, alors reste là. En revanche, je te préviens Otsu, si tu ne vas pas mieux demain, il faudra bien que je m'adapte. »

Une question devait flotter dans les yeux d'Otsu, car Dame Yukari prit le temps de lui répondre.

« Il paraît que tu t'es effondré, tout à l'heure. Que tu n'arrivais plus à marcher. Tu peux bouger, Otsu ? »

Bien sûr qu'elle pouvait bouger. La catin voulut lui prouver sur l'instant. En levant un bras, peut-être. En extirpant ses jambes de sa couverture. En secouant la tête même, pourquoi pas.

Mais rien. Aucun muscle ne fit même mine de frémir. Dame Yukari se détourna pour observer derrière elle, et Otsu crût discerner une ombre dans l'entrebâillement de sa porte. Il y eut un soupire à son côté, et la maquerelle reprit.

« Soit, je crois comprendre que non, reprit la vieille. Si ton état ne s'améliore pas, tu risques de nous faire perdre des clients. Par chance, nous ne sommes jamais à court d'idée ici. Et si j'ai bien appris quelque chose ces dernières semaines, c'est que certains de nos clients ont des goût très particuliers. Ils délaisseront sans mal des catins qui parlent, danse et rient, contre une pauvre folle qui ressemble à une morte et ne se débattra pas. Je te laisse y réfléchir Otsu, ça t'encouragera peut-être à guérir. Bonne nuit ma fille. »

Les pas de Dame Yukari disparurent dans l'escalier. Otsu, alors enfin, se mit à hurler, à cracher le feu qui brûlait sa gorge. Des larmes ruisselèrent sur ses joues. Ses muscles se contractèrent à s'en déchirer, son corps se arqua violemment avant de se replier sur lui même, comme une araignée qui agonise. Les sanglots, longtemps, la secouèrent.

Enfin, c'était assurément ce qu'il se passait dans sa tête.

Mais dans le lit, les bras étaient le long du corps, les jambes étaient allongées l'une contre l'autre, et il n'y eut même pas une main pour s'agripper aux couvertures.