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La neuvième fois que Drago Malfoy vit Hermione Granger fut aussi la dernière de leurs rencontres chanceuses. Le destin les avait forcés à faire face à leurs différents inlassablement pendant des années, et sa mission tirait à sa fin.

Drago avait repensé souvent à Hermione après leur dernière rencontre. Il avait même arboré un sourire un peu rêveur lorsqu'il était sûr que personne ne pouvait le voir. Après avoir laissé passer un temps raisonnable –deux jours– Drago avait envoyé un hibou à Hermione lui demandant si elle serait à la prochaine soirée caritative fin janvier. Elle répondit quatre jours plus tard en s'excusant car elle était en déplacement pour quelques semaines. Drago ne résista pas à l'idée de renvoyer une lettre et fut ravi de constater que malgré un certain délai, elle lui répondit encore.

Zabini avait explosé de rire lorsque Drago avait essayé d'expliquer qu'il n'y avait rien de déplacé à entretenir une relation épistolaire avec la jeune sorcière. Ils avaient tous deux de brillants esprits et ils appréciaient les livres juste assez pour avoir de longs échanges cultivés. Bien sûr, aucun d'eux ne résistait à l'importance d'ajouter une ou deux phrases moqueuses concernant des gens de leur entourage. Le sarcasme faisait après tout partie du langage qui leur avait permis d'enfin communiquer sans que Drago ne baisse la tête ou ne tourne les talons.

Cependant, malgré les lettres, malgré les jolis souvenirs, Drago avait du mal à ne pas songer à un plus sombre passé. Il lui arrivait de réfléchir longuement au fait qu'il ne méritait pas une once d'attention de la part de la sorcière brune après tout ce qu'il avait fait – ou tout ce qu'il n'avait pas fait. Il était certain d'être attiré par elle, il n'essayait même plus de s'en cacher de son entourage immédiat. Mais était-ce réciproque ? Certes, Hermione lui répondait à chaque fois, même s'il devait occasionnellement attendre un peu, et elle semblait toujours affable dans ses lettres. Mais il l'avait rarement vu se comporter différemment avec qui que ce soit. Il l'avait assez observée en soirée pour être persuadé qu'elle était sociable et souriante avec tous.

Alors il se raccrochait à leur dernière rencontre, c'était après tout sa préférée de toutes. Il avait rejoué cent fois dans sa tête cet instant où il avait failli l'embrasser. Tout sentiment de honte était parti, laissant place au regret de n'avoir pas fini ce qu'ils avaient entamé.

Il songeait parfois qu'il avait tout imaginé.

Sept ans. Sept ans à mépriser Granger sans chercher à comprendre.

Puis sa famille avait éclaté, son monde avec. Il avait passé presque cinq ans à déconstruire, reconstruire... et à croiser Hermione plus ou moins contre sa volonté. Il s'était débarrassé du mépris, il avait trouvé un langage convenable, il avait même apprécié sa présence. Petit à petit, il s'était fait à l'idée qu'elle avait une place particulière dans sa vie.

Il la connaissait depuis plus de dix ans si on y comptait bien. Il l'avait vue défendre des causes, rire, se battre, apprendre, politiquer, boire, lire, s'agacer, parler, rayonner... jusqu'à cette soirée où il avait réalisé qu'il était bêtement tombé amoureux.

Malgré tout, il avait dû se rendre à l'évidence : il ne connaissait pas grand chose de sa vie. Il ne connaissait pas son adresse, ni sa nourriture favorite, ni son travail exact, ni ses amis, ni sa famille, ni si elle avait un compagnon. Et c'était cette dernière pensée qui l'avait blessé le plus. Comment était-il sensé réagir si Hermione avait déjà quelqu'un dans sa vie ?

C'était une chose si elle n'était pas amoureuse de lui. Il pouvait l'accepter, il pouvait même essayer de la séduire une fois le courage trouvé, mais au moins il aurait l'occasion de passer du temps avec elle. C'était une toute autre chose si Hermione était déjà avec qui que ce soit.

Cependant, Drago ne pouvait se résoudre à poser la question à la jeune sorcière. Alors il lui écrivait. Ils parlaient de tout et de rien, comme s'il était normal de correspondre alors qu'ils avaient passé des années à se détester.

Drago fréquentait assidûment les soirées caritatives – en vain. Hermione semblait être sans arrêt en déplacement, et s'excusait régulièrement de l'avoir manqué. Il eut l'impression qu'il devenait fou, il se demanda même si elle l'évitait. Elle semblait pourtant sincère lorsqu'elle s'excusait. Mais Drago n'arrivait plus à être objectif – pas qu'il l'ait jamais été lorsqu'Hermione Granger était concernée.

…

Leur neuvième rencontre finit par arriver, à la fin de l'hiver, après des mois à se torturer l'esprit et attendre des hiboux. Il ne le savait pas encore, mais c'était là le dernier coup de pouce de cette chance insensée qui avait rythmé leurs rencontres pendant des années.

Une fois de plus, il était arrivé en retard à la soirée, lassé des mondanités endurées sans l'espoir de croiser l'objet de ses pensées. Mais sa mère avait beaucoup insisté alors il avait fini par accepter de se montrer au dernier moment, le temps d'une heure de poignées de main et autres civilités. Il sentit son cœur louper un battement lorsqu'il la repéra dans la foule. Elle riait aux éclats et il eut envie de se précipiter à sa rencontre. Il réalisa en la voyant à quel point elle lui avait manqué...

Il fut arrêté par la vision de Ronald Weasley à ses côtés.

Drago maudit le rouquin plus qu'il ne l'avait jamais fait. Lui présent, approcher Hermione allait non seulement se révéler difficile, mais toute discussion allait de plus se trouver compliquée – il doutait d'être capable de rester civil et il n'imaginait pas un seul instant Weasley garder son calme. Drago soupira et se recula dans l'ombre, résigné à au moins avoir le plaisir de la voir, à défaut de lui parler. Il avait pourtant tellement de choses à dire, après tant d'années de silence.

Hermione dut sentir son regard car elle commença à balayer la salle poliment, distribuant des gestes de la main à ceux qui la saluaient. Quand enfin elle le vit, Drago sentit son cœur flancher une fois de plus. Elle lui offrit un sourire resplendissant et il eut l'envie subite et folle de traverser la salle pour aller la rejoindre – au diable Weasley. Il se reprit autant que possible et leva une main hésitante dans sa direction, elle lui rendit son geste sans se départir de son sourire. Drago s'enorgueillit à l'idée qu'elle n'avait réservé ce sourire qu'à lui. Aucune autre connaissance saluée n'avait eu droit à autant d'enthousiasme.

Il resta quelques minutes de plus à la dévorer des yeux, attendant la fin de la soirée ou bien une opportunité d'aller lui parler –lui-même ne savait plus vraiment. Elle se tournait parfois vers lui pour échanger des regards, tant de conversations silencieuses qui ne soulageaient jamais totalement la soif qu'il avait de communiquer pour de vrai.

Il la perdit de vue quelques instants lorsque des amis de sa mère vinrent le saluer, et lorsqu'il releva la tête, il eut le plaisir de découvrir que le sujet de ses insomnies marchait dans sa direction avec un sourire.

-Je ne reste pas, s'excusa-t-elle une fois arrivée à sa hauteur. Je cours après le temps ces jours-ci, mon département m'envoie faire des recherches partout en Europe, je n'en vois plus la fin.

-La célébrité de Potter était donc contagieuse, railla-t-il sans y mettre tout son cœur.

-Ça doit être ça, s'amusa-t-elle. Au moins je n'ai plus besoin de me faire à manger, on me nourrit partout où je vais.

-Tu es sûrement moins difficile à nourrir que Weasley.

Elle rit puis jeta un coup d'œil en arrière en entendant qu'on appelait son nom. Drago remarqua avec agacement que l'appel venait justement de Weasley. Hermione fit signe qu'elle arrivait et se retourna vers Drago.

-Je suis vraiment désolée, reprit-elle, mon emploi du temps devrait se calmer bientôt. Je repars à l'étranger dans deux jours mais si tu es d'accord, on peut rester en contact par hibou...

Drago hocha la tête, un peu étourdi par la familiarité qu'elle lui offrait. Il avait l'impression de faire partie de sa vie, ou tout du moins de ses plans, et cette pensée l'emplissait de joie. Le charme fut rompu alors que Weasley insistait pour qu'Hermione le rejoigne. Elle lui fit les gros yeux avant de se tourner à nouveau vers Drago avec un air désolé.

-Je dois y aller, j'ai une autre soirée après celle-ci.

-Si tu continues comme ça, même Saint Potter va paraître pâle à côté de ta popularité, se moqua Drago sans être convaincu.

Elle lui sourit puis leva une main hésitante vers lui. Elle finit par la poser sur son avant-bras et il eut du mal à détacher son regard de cette image.

-Je suis contente de t'avoir croisé, Drago, lui sourit-elle finalement. Prends soin de toi.

Il eut envie de la serrer dans ses bras. Il détourna le regard, feignant de rester digne.

-Ne deviens pas trop sentimentale, je vais pleurer.

Elle rit légèrement, visiblement réjouie, puis laissa retomber sa main.

-Je t'écris en fin de semaine, promit-elle.

-Je vais survivre, tu sais ? Rétorqua-t-il en levant les yeux au ciel.

Elle lui offrit un dernier sourire amusé puis se recula et partit rejoindre un Weasley rouge jusqu'aux oreilles. Il semblait très énervé d'avoir assisté à cet échange et Drago n'en fut que plus heureux.

-Tu es conscient qu'elle est chasse gardée ? Plaisanta une voix moqueuse derrière Drago.

Il se tourna, surpris, et se retrouva face à Zabini qui lui offrit un sourire carnassier et un verre de whisky-pur-feu. Drago prit le verre tendu et en but une gorgée pour ne pas paraître trop avide d'informations.

-Qu'est-ce que tu veux dire, chasse gardée ? Finit-il par demander à mi-voix.

-Je travaille avec un frangin Weasley à Gringotts, répondit Zabini d'un ton laconique. Il parlait justement de ta golden girl l'autre jour, il semblerait que Ron Weasley est raide dingue d'elle depuis des années.

-Tout le monde le sait, marmonna Drago avec mauvaise humeur. N'importe qui ayant vu l'air de chien battu de Weasley à Poudlard le sait.

-Mais tout le monde ne sait pas qu'il est venu voir son frère à Gringotts hier pour lui demander si la bague de fiançailles est de bon goût, rétorqua Zabini en sirotant son verre l'air de rien.

Drago recracha sa gorgée de whisky-pur-feu et agrippa l'avant-bras de son ancien camarade. Il eut l'impression que son monde s'écroulait soudain autour de lui et son cœur battait bien trop fort dans sa cage thoracique. Il entendait même le sang battre à ses oreilles.

Zabini grimaça légèrement et le força à lâcher son bras avant de s'épousseter.

-Ta golden girl ne sera bientôt plus sur le marché, reprit-il, il va la demander en mariage demain avant son départ en voyage d'affaires. Ils en parlaient à la banque. Tout le monde s'attend à un mariage rapide, certains sont même surpris que ça leur ait pris aussi...

Drago n'écoutait plus. Un sifflement constant avait remplacé le bruit des conversations, et les mots de Zabini s'étaient noyés. Tout espoir qu'il avait eu de relever la tête un jour lui semblait désormais dérisoire. A quoi bon lui servait-il de retrouver une place dans le monde s'il signait pour un monde dont elle ne ferait pas partie ?

…

Lorsque Drago rentra chez lui ce soir-là, il savait qu'il ne trouverait pas le sommeil. Il passa la nuit à boire, assis à même le sol de son salon, ses pensées ravagées par l'amertume. Lorsqu'il finit par s'endormir, rien ne fut réparateur. C'était comme tomber dans un puits sans fond.

A midi, il fut réveillé par une chouette qui insistait pour lui mordre les doigts. Il la chassa avec mauvaise humeur, il avait la tête en feu et la vision trouble. Il remarqua que la chouette avait réussi à lâcher une carte sur la table basse et il y déchiffra une adresse londonienne. Intrigué malgré son cerveau embrumé, il ramassa le bout de papier et y reconnut la plume de Zabini:

« Elle est invitée à une réception spéciale ce soir. Il faudra sans doute un peu du courage des Gryffondors pour mériter leur golden girl, mais une adresse c'est un bon début. »

La guerre contre Voldemort avait pris fin depuis plus de cinq ans. Cinq ans que Drago Malfoy, prince humilié des Serpentards, avait passé à chercher comment se reconstruire dans un monde où plus rien n'était familier. Il avait eu le temps de penser, d'évoluer, de s'instruire et de guérir. Et il avait rencontré Hermione Granger. Neuf fois. Elle avait changé la donne sans qu'il ne s'en rende compte, passant d'image familière à seul repère... Drago Malfoy en avait fini de baisser la tête et de tourner les talons.

Il était temps de le prouver.

Eh bien non, ce n'est pas le dernier chapitre... Plot twist :)

J'espère qu'il vous aura plu quand même en attendant les suivants. J'ai modifié un peu la fin donc je n'ai pas tout tout fini d'écrire mais promis, cette histoire ne restera pas inachevée et je m'engage à poster au moins une partie dans la semaine qui vient en fonction de vos retours.