Le mensonge
Eddie se sentait bien.
Il était enfin de retour au 118. Sa vie reprenait enfin son cours normal et c'était si inespéré. Il était reconnaissant envers Buck de l'avoir aidé alors qu'il était au plus bas. Son meilleur ami avait pris soin de lui et de son fils et Eddie lui en était reconnaissant.
Sans lui, il aurait perdu la tête et aurait sombré encore plus profondément dans la dépression. Buck était sa bouée, son oxygène. Il était plus important pour lui que quiconque sur cette planète, excepté son fils.
Alors, quand Buck lui avait envoyé un message la nuit dernière, pour lui apprendre sa rupture avec Taylor, Eddie s'était promis qu'il serait là pour lui.
Son ami lui avait semblé au bord du désespoir mais il avait insisté pour ne communiquer que par message texte et Eddie s'était conformé, pour lui laisser un peu d'espace et de pudeur.
Il avait compris que Buck ne faisait pas confiance à sa voix et qu'il ne voulait pas qu'il l'entende pleurer. Buck semblait bien avec Taylor, il se sentait aimé et en confiance mais elle l'avait trahi de la pire des manières et, Eddie n'excluait pas une visite à cette idiote pour lui dire sa façon de penser.
Buck ne méritait pas d'être malheureux, il méritait d'être aimé et Eddie voulait l'aider à se remettre à flots et à refaire confiance en l'amour. Il le connaissait assez bien pour savoir qu'il risquait de se renfermer sur lui-même et de se contenter de sa solitude.
Buck devait sortir et Eddie allait l'aider en multipliant les soirées dehors pour lui faire rencontrer du monde. Son ami devait arrêter de sortir avec des filles rencontrées sur ses interventions, elles n'étaient pas assez bien pour lui.
Buck devait être heureux.
Il donnait sans compter, à tous, s'oubliant la plupart du temps et Eddie voulait briser ce cercle infernal. Son meilleur ami méritait d'être enfin heureux.
Eddie se gara devant la caserne avec un soupir lorsque son portable sonna. Il coupa le moteur et prit une profonde inspiration avant de décrocher.
– ¡Hola, Mama! ¿Como estas?
« Hola, hijo, répondit-elle tendrement comme à chaque fois qu'elle l'avait au téléphone. Je vais très bien. Je viens aux nouvelles. Tu n'appelles pas souvent. »
– Je sais, je suis désolé. J'ai un peu une vie de fou ici, entre mes quarts, l'école et les loisirs de Christopher. Je passe la plupart de mon temps libre à dormir.
« Tu travailles trop, Eddie, le gronda-t-elle. Tu dois sortir, t'amuser. Comment veux-tu rencontrer une femme si tu ne sors pas ? »
Et ça y était.
Il savait sur quel sujet la conversation allait dévier. Il pouvait presque réciter par cœur la diatribe de sa mère.
Rencontrer une femme, mexicaine de préférence, qui pourrait être une bonne mère pour Christopher, l'épouser et pourquoi pas lui refaire des petits enfants, et même revenir s'installer à El Paso.
Il l'aimait mais elle l'épuisait.
– Je sais maman, soupira-t-il.
« C'est important, Eddie. Tu ne rajeunis pas tu sais et plus le temps passe plus ce sera difficile de te trouver une femme. »
Eddie serra les dents.
Il n'avait que trente-cinq ans pour l'amour de Dieu, il n'était pas encore si vieux que ça. Est-ce que c'était si dramatique s'il ne trouvait pas de petite-amie ?
« Tu sais que la fille de mon amie Maria est célibataire et je suis certaine que vous pourriez former un joli couple, peut-être… »
– Maman, gronda-t-il. Je sais que tu t'inquiètes mais je vais bien, je te le promets.
« Tu ne devrais pas rester seul, Eddie. Non seulement pour toi mais aussi pour Christopher. »
– Maman !
« Il a besoin d'une mère ! » le tacla-t-elle.
– Il en a déjà une, répliqua-t-il sur le même ton.
« Shannon est morte, Eddie. »
– Je refuse d'avoir cette conversation maintenant.
« Tu refuses d'avoir cette conversation tout court, lui reprocha-t-elle. »
– C'est ma vie maman, et ça ne te regarde pas.
« Je suis ta mère, bien sûr que ça me regarde. Eddie, soupira-t-elle radoucie après quelques secondes de silence. Je veux seulement que tu sois heureux. »
– Je sais maman, et je le suis, je te le jure.
« Je te connais, Eddie. Tu n'es pas fait pour être seul. »
– Je ne suis pas seul !
« Vraiment ? souffla-t-elle surprise. Alors, tu as rencontré quelqu'un ? »
– Je…
Eddie ne savait pas quoi répondre à cette question.
Il n'était pas seul parce que sa famille du 118 était là et aussi Abuela et Tia mais il n'avait personne pour partager sa vie, du moins pas de la façon dont sa mère le supposait.
Il aurait dû la contredire tout de suite mais l'idée d'avoir une énième dispute avec elle à ce sujet était au-dessus de ces forces.
– Ouais.
« Mais c'est sérieux ? »
– Ça commence à l'être oui, affirma-t-il en fermant les yeux et en espérant ne pas être damné éternellement pour cet énorme mensonge qu'il lançait à sa mère.
« Mais c'est merveilleux. Comment s'appelle-t-elle ? »
– Maman, je vais devoir te laisser, j'ai un quart qui commence dans moins de deux minutes et je vais finir par être en retard, éluda-t-il.
« Oh oui, bien sûr. Nous en reparlerons plus tard. Et tu nous la présenteras le mois prochain. »
– Le mois prochain ? sursauta-t-il.
« Tu n'as pas oublié que nous venions pour Noël ? »
– Quoi ? souffla-t-il déconcerté. Non, bien sûr que je n'ai pas oublié. On se verra le mois prochain alors.
« Bonne journée, hijo. »
Eddie raccrocha et sortit de la voiture dans un état second.
Bien sûr qu'il n'aurait jamais dû mentir à sa mère sur le fait d'avoir une relation mais pouvait-on lui en vouloir d'essayer d'échapper à un nouveau rendez-vous arrangé avec une femme dont il ne savait rien ? Sans compter la honte d'être incapable de se trouver quelqu'un sans avoir recours à sa mère.
Non, la seule chose qu'Eddie avait à se reprocher était d'avoir oublié que cette année, le noël des Diaz se passait à Los Angeles et qu'il lui restait à peine un mois pour trouver quelqu'un à présenter à sa mère, afin d'éviter de lire la déception dans ses yeux.
Eddie savait qu'il était un homme séduisant et qu'il pouvait facilement trouver une femme pour passer la nuit mais la présenter à sa famille, c'était autre chose.
Il ne voulait pas qu'une inconnue s'immisce dans sa vie aussi vite mais avait-il vraiment le choix ? C'était un casse-tête. Il n'avait pas du tout prévu de passer son temps à se trouver une petite amie d'urgence pour contenter ses parents.
Sa priorité était d'aider son meilleur ami à se remettre de sa rupture, pas de s'occuper du vide de sa vie sentimentale. A croire que la vie n'avait pas reçu le mémo, avant de modifier ses plans de la pire des façons. C'était sûrement ça qu'on appelait le karma.
Et maintenant, Eddie était dans une merde noire.
