Un silence de mort planait dans le couloir alors que le panneau lumineux venait tout juste de prendre une teinte verte – informant ainsi qu'une audience venait de débuter.
Regina la présidait seule même si elle venait tout juste de mettre les pieds dans ce nouveau tribunal mais elle était loin d'être effrayée, bien au contraire, elle était même plutôt dans son élément. Placée sur l'estrade, elle avait une vue descendante sur la pièce, elle voyait absolument tout ce qui se passait, ce qui lui donnait l'agréable sensation de dominer la situation.
La salle était bien vide, Scarlett et Belle se trouvaient toutes les deux justes sous son nez, devant un ordinateur chacune, avec pour mission de retranscrire au mieux tout ce qui allait être dit dans les minutes suivantes et de l'assister avec le transfert de document. Un agent de la police se trouvait, dos contre le mur, de chaque côté de la pièce alors que l'accusé se trouvait, lui, les bras ballant en attendant que l'autorisation de parler lui soit accordée.
Jetant un coup d'œil à sa montre, elle constata qu'il manquait encore quelques minutes avant le début officiel de leur échange. La brune était du genre ponctuel ; elle avait une sainte horreur des retardataires mais n'appréciait pas beaucoup plus les personnes en avance : l'heure, c'est l'heure, voilà tout.
Afin de combler les quelques minutes qui lui restait à attendre, elle feuilleta une dernière fois le dossier qui se trouvait devant elle, elle était loin d'avoir besoin de se remettre les faits en tête mais au moins, de cette manière, elle était certaine de n'oublier aucun détail de cette sordide affaire. Quelques instants passèrent avant que le silence pesant – ponctué par le bruit des feuilles tournées – ne soit brisée par une porte ouverte.
Relevant la tête, elle vit Emma entrer dans la pièce, vêtue d'un costume de travail parfaitement taillé pour elle. La belle blonde s'installa tout au fond de la pièce avant de lui adresser un léger sourire du coin des lèvres, comme pour lui transmettre du courage – don't elle allait sans nul doute avoir besoin.
La brune reporta son regard sur la photo du petit garçon qui avait cruellement perdu la vie ce soir de décembre avant de fixer l'accusé qui lui faisait face. Elle allait appliquer la Loi et lui rendre justice.
« Nom et date de la naissance. » Lança-t-elle finalement en voyant l'aiguille de sa montre atteindre la position tant attendue.
« Nicholas Zimmer, né le 30 novembre 2008. » Répondit l'adolescent.
De là où elle se trouvait, elle avait l'impression que l'accusé était aussi petit qu'une fourmi qu'elle pourrait habilement écraser sous le talon de sa chaussure. Ce n'était rien d'autre qu'un adolescent maigrichon dans des habits trop grand – rien d'autre qu'un criminel de la pire espèce.
« Où est votre représentant légal ? Vos patents sont-ils venus ? » Demanda Régina.
« Elle a dit qu'elle vous appellerait. » Rétorqua le brun.
« J'ai bien reçu un appel de sa mère qui a dit qu'elle allait être en retard. » Annonça Scarlett.
Regardant fixement l'assistante, elle ne put se retenir de soupirer en ramenant ses yeux sur la fiche personnelle de l'adolescent. A quoi pouvait bien s'attendre cette mère qui n'était même pas capable de se libérer pour la première audience de son criminel de fils ?
« Dites-moi ce qui s'est passé, tout ce qui s'est passé ce jour-là, le jour du meurtre. Dites-moi tout, n'omettez aucun détail. » Ordonna-t-elle froidement.
« Pour être honnête avec vous, ce jour-là, je n'allais pas bien. J'étais très énervé, vraiment très énervé. Malgré les médicaments, les voix étaient très fortes dans ma tête. » Commença-t-il, la voix grave.
Il se revoyait, assis sur ce banc au parc de jeu près de sa résidence. Les écouteurs dans les oreilles pour couvrir le bruit produit par les enfants, il se frottait la tête à travers sa capuche pour rester connecté à la réalité et puis, il était venu à sa rencontre.
Sa victime, avec ses joues légèrement rougies à force de courir dans tous les sens, s'était approchée pour lui demander si elle pouvait utiliser son téléphone. Nicholas, la migraine tambourinant dans sa tête, avait marmonné que sa batterie était pratiquement à plat mais l'enfant lui avait alors assuré qu'il n'en avait que pour quelques secondes, le temps de prévenir sa maman.
« L'histoire de la batterie était une excuse pour l'attirer chez moi mais quand on est arrivé, les voix se sont arrêtées. Je voulais lui demander de repartir, le renvoyer chez lui car j'avais pitié de lui mais... »
Mais à peine arrivé dans le petit appartement, Devin s'était jeté sur une planche de skate avec laquelle il s'était aventuré dans le salon en poussant sur ses jambes pour avancer. Comme l'enfant qu'il était, il avait laissé sa curiosité prendre le dessus et s'était mis à découvrir les objets qui l'entouraient. Il avait rapidement mis la main sur des jeux vidéo mal rangés auquel il voulait jouer, puis le caque de réalité virtuelle qu'il voulait essayer...
« Je lui ai dit de rentrer chez lui mais il n'arrêtait pas de parler et de crier. Les voix sont revenues à ce moment-là, j'avais une migraine de folie, j'ai bien cru que ma tête allait exploser ! » Annonça-t-il.
Le jeune garçon s'était ensuite dirigé vers la chambre de Nicholas où il avait trouvé un faux pistolet d'assaut, mimant les bruits de balle avec sa bouche, il s'était alors mis à tirer en direction de l'adolescent qui avait perdu son calme. Lui arrachant la fausse arme des mains, il l'avait plaqué au mur avant de lui proposer de jouer à un simple jeu de cache-cache mais la règle était bien particulière : Devin devait trouver un endroit où se cacher dans l'appartement et, si jamais Nicholas venait à le trouver, il aurait alors le droit de le tuer.
« Il n'y avait personne à la maison ? » Questionna Regina en restant de marbre face à son récit.
« La plupart du temps, je suis seul alors j'ai l'habitude. Ma mère travaille beaucoup, elle donne des cours de soutiens. » Répondit-il avant de se mettre à ricaner.
La brune, qui vérifiait si les informations étaient vraies dans son dossier, releva la tête pour le fusiller du regard. Comment diable pouvait-il rire dans une situation pareille ?
« Vous voulez entendre un truc trop drôle ? Vous savez où il se cachait ? » Lança-t-il sans se calmer.
L'instinct de survie s'était allumé chez l'enfant qui avait parfaitement compris que quelque chose n'allait pas. Recroquevillé sur lui-même, sous le lit, il avait la main plaquée sur sa bouche pour retenir sa respiration, le moindre bruit pouvait lui être fatal…
En silence, il suivit des yeux les pieds de l'adolescent passant devant la porte de la chambre pour fouiller le salon puis entrant dans la chambre pour y jeter un coup d'œil. Par chance, Nicholas n'y était pas resté bien longtemps puisqu'il avait rapidement continué son chemin. Le regardant s'éloigner, Devin avait compris qu'il s'agissait de la chance qu'il devait saisir pour quitter cet appartement alors, tout en essayant de limiter le bruit produit par le frottement de son manteau contre le parquet, il s'était extirpé de sa cachette avant de comprendre son erreur.
Nicholas était sur son lit et le regardait fixement. Nicholas venait de le trouver, le jeu était terminé.
« Vous auriez dû voir la tête qu'il tirait ! » Dit-il, toujours aussi hilare.
« Espèce de petit connard. » Marmonna Scarlett entre ses dents avant de se reprendre en sentant le regard de la juge peser sur elle.
Belle ne savait quoi penser, le regard dans le vide, elle n'avait jamais eu à traiter une affaire aussi compliquée que celle-ci. Comment pouvait-il énoncer son crime tout en étant amusé par la situation ? Sans un mot, elle continua à rédiger le procès-verbal en sentant un poids naitre et peser dans sa poitrine.
« J'ai entendu dire que les enfants de moins de 14 ans n'étaient pas envoyé en prison même s'ils tuaient quelqu'un. Est-ce que c'est vrai ? C'est cool ! » Lança l'adolescent avec un sourire rassuré sur le visage.
N'ayant rien de plus à ajouter pour leur première rencontre, Regina ordonna à ce que l'accusé soit ramené à son centre de détention – là où elle n'aurait pas à subir son langage corporel qui ne laissait apparaitre aucune once de remord. Rangeant lentement ses dossiers, elle se demandait sous quel angle elle allait devoir traiter les informations qu'elle possédait pour ainsi découvrir ce qui était arrivé à ce pauvre enfant mais, alors qu'elle y réfléchissait, la porte s'ouvrit en grand sur une femme visiblement essoufflée.
« L'audience est terminée. Madame, s'il vous plait ! » S'exclama un policier qui essaya de la stopper dans sa lancée.
« Madame la juge ! Madame ! Qu'est-ce qui est arrivé à Nicholas ? Il s'est passé quoi ? Il est où ? » Demanda-t-elle tout de même.
« Excusez-moi madame, vous êtes la mère de Nicholas Zimmer ? » Intervint Emma en comprenant que sa collègue n'avait pas la moindre envie de lui adresser ne serait-ce un regard.
« Oui ! Je suis Dory Zimmer, sa mère. »
« Vous êtes en retarder. » Fit la blonde avec une grimace.
« Je sais mais... J'ai été retenue au travail... » Souffla-t-elle, honteuse.
« Vous travailliez ? » Répéta la brune sans cacher son dédain.
« J'ai entendu aux informations qu'il n'aurait pas à aller en prison. Je veux savoir, il va rester jusqu'à quand au foyer pour mineur ? »
« Est-ce que vous avez rencontré la famille de la victime ? » Marmonna la juge.
« Euh... Non... » Répondit la femme, hésitante.
« Présentez-leur donc vos excuses. » Ordonna-t-elle avant de quitter la pièce sans un regard.
