Les derniers Black.
Résumé:
Aimer n'était pas quelque chose qu'on avait appris à Andromeda. C'était un mot tabou, imprononçable dans le manoir des Black. Pourtant, Andromeda avait appris à aimer avec Ted. Elle avait découvert que c'était un sentiment beau mais pas exempt de sacrifices. C'était leur voyage ensemble qui leur permettait d'emménager dans leur nouvelle maison. Malgré sa joie, Andromeda sentait pourtant que quelque chose clochait entre ses murs chéris.
Notes:
Cet OS a été écrit dans le cadre de l'ASPIC Angst du serveur Potterfictions ( /862aSNBDk6). Il ne peut faire plus de 10'000 mots et doit comprendre deux tropes angsty, imposés par les autres participants et listés à la fin du texte.
Merci à mon/ma bêta anonyme et aux organisateurs pour ce défi incroyable !
Andromeda adorait la maison qu'elle avait choisie avec Ted. Elle regorgeait d'une multitude de pièces sans être imposante. Même si Andromeda faisait tout ce qui était en son pouvoir pour s'éloigner des séquelles laissées par sa famille, elle avait toujours aimé les sorts spéciaux. Notamment ceux hérités de ses ancêtres les plus érudits. Elle excellait en la matière.
Elle s'appliquait donc à ensorceler la maison afin qu'elle s'ouvre automatiquement à l'arrivée d'un membre de l'habitacle. Cela faisait plusieurs minutes qu'elle était devant la porte d'entrée et apposait les sceaux nécessaires pour y parvenir.
Sa concentration était perturbée par une véritable punaise qui ne cessait de sauter dans tous les sens.
« MAMAN ! MAMAN ! J'ai trouvé un chat errant qui trainait ! Tu crois qu'il est magique ? Tu crois que je peux devenir son ami ?!
— Nymphado… Qu'est-ce que c'est que cet accoutrement ?
— J'ai me suis fait des oreilles de chat pour qu'il n'ait pas peur, expliqua la petite métamorphe.
— Je préfère que tu ne le touches pas. On ne sait pas quelle maladie il pourrait avoir, soupira Andromeda.
— Je peux l'adopter ?
— Il appartient sans doute à quelqu'un…
— Je viens d'installer la télévision. On peut mettre un dessin animé, si tu veux ? » la sauva Ted en apparaissant comme par enchantement.
Emportée par l'idée fabuleuse de son père adoré, sa fille se jeta entre ses jambes pour qu'il puisse exaucer son nouveau souhait: regarder pour la énième fois une histoire d'aventures entre deux meilleures amies. Andromeda ne comprenait pas son attrait pour ces histoires moldues mais elle laissait faire, attendrie par le tableau des deux étoiles de sa vie. Ted lui lança un sourire espiègle avant de pénétrer dans leur nouveau foyer, leur fille sous le bras.
Andromeda adorait la maison qu'elle avait choisie avec Ted. Elle pourrait enfin remplir son dressing d'une multitude de robes pour en faire un patchwork de couleurs. Même si elle avait vécu une vie de nomade aux côtés de son mari, Andromeda savait se montrer coquette. Elle était ravie de posséder une pièce de cette envergure pour ranger tous ses vêtements. Lorsqu'elle tomba sur son ancienne robe de mariée de fortune, la mère de famille ne put s'empêcher de sourire avec mélancolie. La soie était encore douce sous ses doigts. Elle se rappelait encore du sentiment de complétude qu'elle avait ressenti en formulant ses vœux. Le temps avait été d'une clémence remarquable ce jour-là. Dans cette clairière, avec pour seul témoin un scelleur de sorts, gardien de sombrals, ils s'étaient juré que leur amour serait éternel.
« À quoi est-ce que tu penses ? demanda Ted en s'approchant d'elle.
— À toi. À nous. Je suis heureuse de t'avoir épousé et qu'on soit encore en vie pour en profiter. » lui avoua-t-elle.
Andromeda laissa les grandes mains de son mari effleurer sa taille avec douceur. Elle se tourna pour lui faire face et pour mieux se blottir contre sa poitrine. Elle adorait l'enlacer et sentir son nez contre sa tempe. Il la recouvrait de toute sa grandeur. Sa chaleur tout autour de son être transi de froid était salvatrice.
« Je t'aime. » lui murmura-t-il en embrassant le haut de sa tête.
La confession était chaude,ronde et vibrait entre leurs deux poitrines. Elle emplissait Andromeda d'un bonheur tranquille.
« PAPA ! PAPA ! J'ai fini mon épisode ! OH ! Moi aussi je veux un câlin ! » s'écria Nymphadora avant de se jeter entre leurs jambes.
Ils la soulevèrent de concert pour que ses petites mains atteignent leurs épaules et qu'ils fassent une embrassade à trois.
« Finalement ! Je crois que je suis trop serrée ! » se plaignit la gigoteuse.
Andromeda ne put s'empêcher de pouffer, suivie de près par Ted, outré. Leurs rires aux éclats étaient la plus belle mélodie du monde.
Andromeda adorait la maison qu'elle avait choisie avec Ted. La bâtisse s'inspirait des pavillons moldus et s'éloignait en tout point du manoir lugubre dans lequel elle avait vécu. Après tous ces voyages aux quatre coins du monde, après cette guerre qu'ils avaient réussi à traverser en vie malgré leur engagement avec l'Ordre du Phoenix, c'était le moment idéal pour s'installer en Angleterre. Et quoi de mieux qu'un petit village sorcier adjacent à une forêt des plus florissantes ? Il y avait un centre équestre du côté moldu où Ted pourrait passer tous ces week-ends s'il le désirait. Personne dans les environs n'avait jamais côtoyé le moindre Black. L'endroit était parfait.
Andromeda se sentait à l'aise dans ce lieu choisi à deux. Elle en avait juste marre d'emménager sans cesse. Elle avait l'impression que ce n'était pas la première fois qu'elle galérait avec les cartons. Alors qu'elle faisait léviter une pile de jouets de Nymphadora à l'étage, Ted l'interpella, un coffre dans les bras. Son mari était vraiment idiot. Comment pouvait-il jeter les sorts les plus complexes et oublier qu'il pouvait utiliser sa baguette pour déplacer des meubles ?
Attendrie et agacée par tant d'étourderie, Andromeda fit léviter la malle pleine. Elle la posa à côté de la télévision en couleurs devant laquelle sa fille de sept ans était rivée.
« Je n'ai pas l'impression que c'est très sain de la laisser regarder autant de fois cette histoire.
— Dès qu'elle aura fini son épisode, elle s'amusera à simuler des attaques. Tu sais bien qu'elle adore ça !
— Elle va finir par se casser quelque chose ! Ce sera à toi de la surveiller, menaça Andromeda déjà prête à dégainer sa trousse à potions.
— Si rabat-joie ! » se moqua gentiment son mari.
Son rire était un véritable enchantement pour les oreilles d'Andromeda. C'était son point faible. Il suffisait que Ted lui sourie et rie à ses côtés, et tous ses soucis s'éclipsaient à des années-lumière d'elle.
Andromeda le suivit alors qu'il s'allongeait dans leur confortable canapé en cuir. Elle se logea dans ses bras, sentit sa chaleur irradiée dans son dos et soupira de contentement lorsqu'il caressa son ventre avec douceur. Ils étaient bien ainsi. Ensemble tous les deux, les exclamations de leur fille surexcitée en arrière-plan.
Mais quelque chose clochait. Andromeda était certaine qu'elle avait déjà vécu ce moment. Ce n'était pas la première fois qu'elle enlaçait Ted de cette façon et se perdait dans ce bonheur béat et rond. Malgré la crainte sourde qu'elle ne pouvait nommer, Andromeda posa la question à la seule personne en qui elle avait entièrement confiance :
«Pourquoi j'ai l'impression que ce n'est pas la première fois que nous vivons cette scène ?
— Parce que c'est le cas. Ce n'est pas un simple déjà-vu.
— Comment ça ?
— Meda, c'est toi qui fais tourner ce souvenir constamment…
— Pardon ?
— Ce n'est plus la réalité depuis longtemps.
— Qu'est-ce que tu veux dire par là ? Ça n'a aucun sens…c'est impossible.
— Regarde dans le coin de la pièce. »
Avec une douceur et un regard énigmatique qui ne laissait aucune place à la fuite, Ted lui pointa la coiffeuse cachée dans la pénombre. C'était impossible. Ce meuble avait brûlé lors de sa fuite du manoir de ses parents.
Andromeda se leva et rejoignit la relique calcinée. Près du miroir, la brosse de son enfance trônait plus brillante que jamais. Elle était certaine de n'avoir jamais apporté cette ignominie dans sa maison. Perplexe, elle se tourna vers Ted, fébrile et inquiète :
«Si c'est un souvenir ou un rêve, comment est-ce que j'en sors ?
— Tu n'as qu'à me raconter ta vie Meda.
— Il n'y a pas besoin. Tu me connais mieux que personne. C'est comme si ma vie avait commencé avec toi.»
Le visage rondouillet de Ted se rosit à sa déclaration et Andromeda ne put s'empêcher de le trouver adorable. Lui et le sourire hypnotisant qui franchirent ses lèvres fines l'inquiétèrent malgré tout.
« Je t'aime aussi Meda. Mais je crois que si tu veux sortir d'ici, il faut que tu te souviennes.
— Tu restes avec moi pendant que j'essaie ? capitula Andromeda.
— Toujours. »
Elle se logea à nouveau dans ses bras et se força à raconter.
Année 1959
Si un mot pouvait définir l'enfance d'Andromeda, c'était la solitude. Elle avait beau posséder une ribambelle de jouets, de livres à foison et une chambre aussi grande qu'une salle de bal, Andromeda se sentait seule au monde. Être la fille de Cygnus et Druella Black, c'était d'assister à des réunions et des réceptions à n'en plus finir. Se pavaner face au monde. Porter haut, fort, et avec fierté l'étendard et les principes de leur famille: "Toujours pur". Aucune goutte de sang moldu ne coulait dans leurs veines. Et elle se devait de porter cette caractéristique avec fierté. Les Black faisaient partie des dernières familles à conserver leur pureté de sang et à faire honneur à leur héritage. Le monde courait à sa perte mais sa famille perpétuait leurs traditions avec fougue et fermeté. Pour être une sorcière puissante, une femme respectable et tenir son rang, Andromeda n'avait qu'à suivre les chemins empruntés par ses aieux. La réussite et le pouvoir lui tendaient les bras.
Cependant, Andromeda était beaucoup moins douée à cet exercice que Bellatrix et Narcissa. Être l'enfant du milieu lui permettait de passer plus souvent inaperçue mais elle restait le vilain petit canard de la maison. Sa mère la détestait. Elle ne supportait pas sa maladresse. Son manque de charme et de délicatesse en comparaison à Narcissa. Son incapacité à avoir la force et la ténacité de Bellatrix. Andromeda était plate. Inutile. Sans ses sœurs, elle se serait sentie encore plus vide. C'étaient elles et la ribambelle de livres et d'ouvrages accompagnant ses journées qui rendaient sa vie moins difficile.
Narcissa n'était pas une mauvaise camarade de jeu. Lorsqu'elle n'était pas surveillée, sa petite sœur finissait toujours par la suivre dans ses escapades dans l'immense jardin du manoir.
Son aînée Bellatrix, même si elle se plaignait parfois de son manque d'entrain lors de leurs cours particuliers, l'avait toujours protégée. Elle faisait en sorte de porter l'attention sur elle lorsque sa mère les menait d'une main de fer. Lorsque les étranges amis de son père passaient au manoir et que l'un d'eux avait besoin de compagnie, Bellatrix lui disait toujours de rester en retrait et de se cloîtrer dans sa chambre.
Au vu de l'état dans lequel sa sœur revenait à chacune de ses horribles entrevues, sous les silences de son père et les évitements complices de sa mère, Andromeda ne pouvait que remercier Bellatrix. Et faire en sorte qu'un bain chaud l'attende toujours après les bals politiques et les signatures de contrats d'affaires.
Être une Black n'était pas évident mais c'était le seul monde qu'elle connaissait. Le reste de l'univers était caché dans les livres qu'Andromeda dévorait mais qui se ressemblaient tous.
Années 1961 à 1964
Andromeda n'était pas à l'aise avec ses nouvelles camarades de chambre. Elle ne se sentait pas bien dans sa maison. Mais qu'aurait-elle pu espérer d'autre ? Une Black finissait forcément chez les Serpentard. Même le choixpeau lui avait fait remarquer. Elle-même n'arrivait pas à s'imaginer vêtue autrement qu'en vert et argent. Andromeda était assise en face de sa coiffeuse et tentait de faire une coupe de cheveux élégante qui la différencierait assez de sa grande sœur. Qu'on lui fasse autant la remarque sur leur similarité était malvenu. On aurait pu les prendre pour des jumelles si elles avaient le même âge. Pourtant, Andromeda n'était qu'une pâle copie de son aînée. Elle n'avait pas une cour derrière elle prête à lui obéir aux doigts et à l'œil. Elle ne forçait pas le respect. Andromeda ne portait pas avec autant de passion et de conviction les valeurs familiales et ne travaillait pas assez pour conserver leurs savoirs magiques et les relations politiques avec les familles supérieures. Andromeda ne prêchait pas leurs causes aussi bien et était incapable de nouer des liens avec tous ces enfants de nobles et de membres du Ministère.
Les camarades de sa maison la trouvaient insipide. Ceux des autres maisons et les nés-moldus la fuyaient comme la peste à cause de son nom.
Bataillant avec sa brosse, Andromeda fut extirpée de son calvaire par Bellatrix qui la fixait avec un sourire moqueur et attendri. Elle était belle au château, en reine de leur maison, loin de ses parents et des ordres de leur père. Plus libre et plus dangereuse. Elle pouvait libérer ses frustrations sur n'importe quel nigaud ou écervelé qui passait devant elle.
« Tu as besoin d'aide, Meda ? ricana-t-elle.
— C'est pas drôle, Bella ! Tu veux bien m'aider… Il manquerait plus qu'on se moque de moi… » souffla Andromeda, dépitée.
D'un coup de baguette et avec quelques gestes habiles, Bellatrix orna son crâne d'un magnifique chignon. Elle avait toujours la main pour lui faire des coupes plus sages que les siennes et qui s'alignaient avec sa personnalité. Andromeda était moins quelconque lorsque Bellatrix l'apprêtait. Voir leurs deux visages fixer le miroir avec un même sourire satisfait fit éclater de rire Andromeda. Elles ne dégageaient vraiment pas la même aura. Elle était beaucoup plus empotée que son aînée, fière, incontrôlable avec ces belles boucles cascadant sur ses épaules fines.
« Arrête de te tourner au ridicule et de te rabaisser, Andromeda. Tu deviendras une belle femme. Si tu faisais un petit effort, le monde serait à tes pieds. » lui assura Bellatrix avant de lui embrasser le front et de rejoindre ses camarades dans la salle commune.
Quand son aînée la couvait ainsi, comment Andromeda pouvait-elle lui dire qu'elle n'était pas sûre de vouloir ce futur qu'on lui offrait ?
Andromeda n'avait pas réussi à se faire des amies. Elle n'était pas à l'aise à l'idée de feindre une personnalité qu'elle n'avait pas pour s'intégrer à ses camarades. Elle n'osait pas non plus briser la glace avec les autres élèves et encore moins les né-moldus. La jeune aristocrate passait donc ses journées dans sa partie préférée du château : la bibliothèque.
Elle pouvait ainsi travailler ses devoirs de potions et de métamorphose dans ce cocon de savoir sans être dérangée. Entourée de tous ces livres, de leur odeur et du bois de cèdre qui ne vieillissait pas, Andromeda était coupée du monde extérieur et pouvait s'oublier dans les histoires de sorcières malicieuses et de fabuleux chevaliers.
La bibliothèque était son refuge mais il arrivait que le monde traverse son univers fermé. En effet, sa place fétiche se trouvait près d'une fenêtre qui avait une vue imprenable sur la forêt interdite et un coin de verdure où des élèves venaient discuter, s'enlacer ou bien profiter du beau temps pour voler sur leurs balais en dehors des cours. Généralement, Andromeda ne trouvait pas le spectacle de ses semblables très intéressant. C'était jusqu'à ce jour d'hiver où elle observa une étrange danse. Un sorcier de son âge tentait de grimper sur son balai avec difficulté. On ne pouvait pas dire qu'il transpirait l'élégance et la classe. Le garçon aux larges épaules et aux joues potelées ne cessait de chuter après quelques minutes fragiles sur son balai. La performance n'était pas glorieuse et Andromeda se demandait bien pourquoi il se donnait tant de mal. À la fin de son étrange session, il avait à peine réussi à tenir plus de deux minutes sans se vautrer et salir son écharpe de Poufsouffle.
Andromeda aurait pu oublier le voltigeur maladroit s'il n'était pas revenu sur ce terrain pour s'entraîner tout l'hiver. Au départ, la sorcière avait trouvé la démarche stupide. Pourquoi s'entêter à travailler une discipline dans laquelle il n'était définitivement pas doué ? Le sorcier avait pourtant démenti ses idées en s'améliorant de jour en jour. Au milieu du printemps, il était capable de voler avec aisance dans le ciel. S'il ne s'élançait pas pour toucher les cieux, c'était pour respecter le règlement.
Sans qu'elle ne puisse comprendre la raison, Andromeda était ravie et fière de lui. Elle avait fini par espérer qu'il réussisse. Et c'était une vision agréable de voir Ted Tonks se mouvoir sur ce balai après tant de batailles pour apprivoiser ce moyen de locomotion.
Oui. Andromeda avait cherché son nom. Elle l'observait pendant toutes ses révisions d'histoire. Elle avait eu le temps de détailler ses yeux sombres qui brillaient de passion lorsqu'il discutait avec ses amis, de tracer les contours de son visage parsemé d'éphélides dans la grande salle au petit-déjeuner et de percevoir le chant de son rire gras au détour d'un couloir.
Andromeda avait eu le temps de sonder Ted mais ce sorcier restait un véritable mystère pour elle. Elle ne comprenait pas pourquoi il s'entêtait tant et pourquoi il ne tentait pas de masquer ses origines moldues et son ignorance.
Andromeda n'arrivait pas non plus à saisir pourquoi elle ne détachait pas son regard de lui. Ted était un véritable soleil ambulant. Il prenait de l'espace. Il brillait trop. Cette chaleur qui émanait de Ted la révoltait autant qu'elle la bouleversait. Elle secouait son monde réglé comme du papier à musique. Lorsqu'elle l'observait, Andromeda se sentait encore plus vide et gelée qu'elle ne l'était déjà.
Le temps avait fini par passer. Deux ans depuis ses premiers essais et il continuait à s'entraîner près de la forêt interdite. Même s'il était le poursuiveur de son équipe désormais, Ted continuait de voler dans cet espace étroit lors de ses pauses.
Perdue dans ses pensées moroses, Andromeda ne se rendit pas compte qu'elle ne fixait plus son parchemin depuis des lustres. Elle suivait le sorcier volant de plus en plus haut. C'était la première fois qu'il empruntait un tel trajet, qu'il s'élançait aussi loin.
Pour la première fois de son existence insipide, le cœur d'Andromeda bondit pour une autre raison que la peur. Ted posa ses yeux châtaigne sur elle. À mi-chemin de son trajet vivifiant pour toucher le ciel, il l'avait fixé avec un sourire complice. Seule la vitre les séparait. Le contact visuel avait été fugace mais Andromeda était presque certaine d'avoir attrapé son clin d'œil malicieux.
Années 1965 à 1968
Il avait fallu un an de plus pour qu'ils s'adressent la parole même si un étrange jeu s'était mis en place entre eux. Andromeda avait compris que Ted savait. Qu'il savait qu'elle le regardait lors de ses entraînements. Andromeda avait fini par se demander pourquoi il continuait de voler sur ce terrain. Le faisait-il pour la narguer et faire ses plus belles pirouettes ? C'était un flambeur. Andromeda le trouvait un peu stupide pourtant elle le fixait toujours.
Un jour, alors qu'Andromeda se rendait à sa place attitrée, elle manqua de tomber en y trouvant Ted. Il n'avait jamais mis un seul pied dans cette aile de la bibliothèque. Il était toujours traîné de force par son seul ami un brin studieux. Que faisait-il là ?
«C'est ma place.
— Je sais bien. Sinon je ne me serais pas assis là, déclara Ted avec un large sourire.
— Et pourquoi souhaiteriez-vous prendre place en face de moi, Monsieur Tonks ?
— Oh non ! Pas de vouvoiement entre nous alors que ça fait des années qu'on se croise quand même ? Tu ne me détestes pas, pas vrai ? Sinon, tu m'encouragerais pas autant…
— De quoi est-ce que tu…?
— Ça te dirait qu'on essaie d'être amis, Andromeda ? »
La question était si enfantine qu'Andromeda manqua de renifler avec suffisance pour se protéger. Mais le regard empli d'espoir et le sourire timide et innocent de Ted étaient si intimidants qu'elle en fut incapable.
Andromeda s'était assise en face de lui et cela avait été la meilleure décision de sa vie.
Ted était devenu le premier ami de toute son existence. Ils ne se rencontraient qu'en cachette ou lors de ses virées à la bibliothèque. Elle l'aidait à faire ses devoirs et lui finissait toujours par dériver sur des sujets plus loufoques les uns que les autres. Ted n'ignorait pas que c'était une Black et il n'avait pas froid aux yeux pour dire tout ce qu'il pensait des sang-pur. Personne n'avait désavoué son nom de la sorte. Personne n'avait voulu la voir comme autre chose qu'un membre de sa lignée non plus. Avec Ted, elle était juste Andromeda. Et elle n'avait pas besoin de porter un masque avec lui. Il la sortait de son environnement intolérant et étriqué.
Ensemble, ils refaisaient le monde lors de leurs discussions et elle n'avait pas peur d'aligner deux mots sans être ignorée ou tournée au ridicule. Comment une personne né-moldue pouvait-elle être aussi extraordinaire ? Andromeda ne s'était jamais vraiment sentie en phase avec les valeurs prônées par les siens, mais découvrir Ted et le monde des moldus à travers leurs ouvrages, ses récits, lui montrait qu'ils n'étaient pas si différents d'eux au fond.
Sans qu'elle le remarque, ses rencontres avec Ted étaient devenues nécessaires à son fonctionnement. Même si elle le savait entouré de ses amis, de son père lorsqu'il retournait dans le monde des moldus, elle avait besoin de savoir comment il allait. Elle n'aimait rien de plus que l'écouter parler de ses craintes, de ses rêves. Andromeda le considérait comme l'une des personnes les plus précieuses de son existence. Elle, qui avait toujours considéré que les relations n'étaient que des éléments périssables au gré des besoins, se rendit compte qu'elle ne pouvait plus imaginer une vie dans laquelle Ted n'aurait pas sa place.
Année 1970
Depuis qu'Andromeda avait quitté Poudlard, les réalités de son statut la rattrapèrent plus vite qu'elle ne l'aurait imaginé. Si elle n'avait pas pu postuler au département des Mystères comme espéré mais suivait des cours de droit magique à la place, c'était pour satisfaire les ambitions parentales. Sa mère souhaitait que même si elle se marie, son conjoint qui occuperait des positions décisionnelles à ses côtés ne la lèse pas.
Les robes de sorciers sur le parquet luisant glissaient avec une vélocité remarquable. Les couples sur la piste dansaient avec élégance en suivant la formation de musique de chambre engagée pour l'occasion. Les elfes de maison disparaissaient sous les plateaux qu'ils transportaient. Andromeda essayait de ne pas endormir son esprit en elle-même pour échapper à l'ennui. Ses parents organisaient de plus en plus de banquets pour asseoir leur puissance et surtout rallier plus de sorciers hauts placés à leur cause. Il y avait de plus en plus de sorciers nés-moldus qui prenaient leurs aises et des positions non méritées au Ministère. C'était impensable.
Ce soir, leur père organisait cette réception pour présenter au monde un homme remarquable. Un sorcier érudit et extrêmement puissant qui partageait leurs idéaux et surtout, voyait plus loin qu'eux. Il souhaitait devenir le maître d'un nouveau monde auquel les Black adhéraient corps et âme. Leur père avait été clair. Ils devaient tous supporter Lord Voldemort dans cet objectif.
Andromeda ne l'avait jamais rencontré. À chaque fois que cet homme sorti de nulle part venait discuter avec son père et fomenter, ils s'enfermaient dans son bureau pendant des heures. Elle n'avait perçu que sa voix grave et rocailleuse. Elle était terrifiante et Andromeda se demandait comment Bellatrix avait pu tomber sous son charme. Dès leur première rencontre, elle n'avait fait que parler de cet homme grandiose qui ne la prenait pas pour un simple objet, qui était plus respectueux, plus puissant que tous ses congénères médiocres qu'elle avait côtoyés. Bellatrix aimait son répondant, ses idées tranchées sur les traîtres à leur sang. Elle le soutenait avec une ferveur presque délirante. Narcissa avait fait la remarque que leur aînée devait l'aimer éperdument. Andromeda n'en était pas certaine. Même si elle s'éloignait de plus en plus de sa grande sœur, elle sentait qu'il n'y avait pas qu'une passion frivole qui animait Bellatrix.
Andromeda ne savait pas si Bellatrix appréciait plus ce que Lord Voldemort représentait ou ses idées. Dans tous les cas, elle était prête à tout brûler pour lui. Et il ne voulait pas de son corps. C'était évident alors qu'ils valsaient tous les deux sur la piste de danse. Bellatrix et Lord Voldemort formaient un duo macabre qui ensorcelait leur atmosphère.
Le culot de l'autoproclamé Seigneur des Ténèbres de ne pas se présenter à chaque membre de l'assemblée n'était pas passé inaperçu. Pourtant, tous les sang-purs lui mangeaient tout de même dans la main.
Ils voulaient une place aux côtés de cet homme puissant et pourtant sans le sou.
Un malaise ne cessait d'étreindre Andromeda au fil du banquet. C'était difficile d'écouter toutes les ignominies qui sortaient de toutes ces bouches dans des termes alambiqués. C'était difficile de croiser les yeux rouges de Lord Voldemort sans frémir.
Andromeda avait hâte que la soirée se termine. À son étonnement, son père lança un sort assez bruyant pour porter l'attention sur lui. Lorsque Cygnus Black était aussi clinquant, c'était qu'il voulait faire une annonce haute en couleur. Pourtant, il les prévenait toujours en amont. Ses deux sœurs ne semblaient pas aussi surprises qu'elle. Narcissa lui jeta un étrange regard avant de serrer le bras de son fiancé Lucius Malfoy.
« J'ai l'honneur de vous annoncer une nouvelle qui réjouit chaque membre de mon illustre famille. Il est toujours émouvant de créer des unions prospères permettant d'apporter un rayonnement à notre société. C'est la raison pour laquelle j'ai l'honneur de vous rapporter la future union entre l'une des prunelles de mes yeux et un homme de qualité.»
Andromeda ne comprenait pas le discours de son père. Narcissa était fiancée depuis plusieurs mois déjà et Bellatrix ne souhaitait pas se marier malgré les cris et les coups de sa mère. Sa ferveur quant à leur cause avait fini par suffire à ses parents.
« J'ai l'honneur d'accueillir dans ma famille Léopold Parkinson. Andromeda et lui forment déjà un couple magnifique. »
L'esprit d'Andromeda se figea d'horreur à ses mots. Elle ? Fiancée à Parkinson ? Depuis quand avaient-ils formé ce contrat ? Elle fixa, muette, ce camarade avec qui elle avait à peine échangé un mot de toute sa scolarité.
Leopold Parkinson baisa sa main gantée. Andromeda réprima avec difficulté le frisson de dégoût et d'effroi qui la prit à cet instant. Une cinquantaine de regards étaient braqués sur elle. Elle devait accepter cette poignée malingre sur sa main, sur sa taille.
Elle était piégée.
Depuis que leurs études supérieures les avaient éloignés, Andromeda et Ted se retrouvaient deux fois par mois dans le monde des moldus. Le père de Ted était agriculteur dans une Irlande fauchée par l'occupation anglaise. Les champs de pommes de terre s'étalaient à perte de vue et ils possédaient quelques chevaux dans leurs écuries.
Lorsqu'Andromeda lui rendait visite en cachette, elle était toujours emplie de joie à l'idée de le revoir. C'était la première fois qu'elle venait lui parler avec le cœur aussi lourd.
L'accueil de Ted ne fit que renforcer ses craintes. Comme à son habitude, il s'occupait de son cheval, Herbert, avec prévenance et douceur. Ted brossait sa crinière et le nettoyait sans jamais utiliser sa magie.
Lorsqu'il l'aperçut, ce ne fut pas son sourire tendre qui l'accueillit mais un visage fermé et dur qu'Andromeda ne l'avait vu porter que devant ses adversaires ou les personnes qu'il méprisait.
« Félicitations pour tes fiançailles…Je ne pensais pas te voir remettre un pied ici. » déclara-t-il.
Sa froideur lui fit l'effet d'une gifle.
« Je… Je n'étais pas au courant…ça a été décidé sans mon accord…tenta-t-elle de se justifier.
— Bien sûr mais tu n'es pas une gamine ! Tu aurais pu refuser au lieu de jouer à la poupée de chiffon.
— Tu sais bien que ce n'est pas si facile de leur dire non ! Je ne pouvais pas leur faire honte devant tout le monde ! Ce n'est pas comme ça que ça se passe et tu le sais !
— Je pensais qu'au moins pour ça ! Tu ferais en sorte de te rebeller, au moins pour toi ! Je pensais que pour cette fois, tu ne suivrais pas leurs directives !
— Si ça te gênait tant que ça alors il ne fallait pas essayer de me connaître ! Je ne suis pas une guerrière ou une héroïne !
— C'est parce que je suis un idiot ! Depuis le début… le début, mes amis m'ont dit de ne pas m'attacher à toi… Tu n'en as rien à foutre ! Que ta famille soit responsable de la fermeture de journaux émettant des critiques à leur encontre ! Qu'avec leurs politiques, des sorciers puissent être en danger ! Je ne suis qu'un jouet pour toi !
— Tu as parlé de moi à tes amis ? »
Andromeda était outrée. Elle pensait qu'il tenait autant à ses instants d'intimité et d'amitié qu'à elle. Elle pensait qu'il protégeait leur cocon avec autant d'ardeur qu'elle.
« Bien sûr ! Tu n'es pas un secret contrairement à moi ! cracha Ted, enragé. Ils savent…Ils me l'ont bien dit… Je ne suis que le petit paysan né-moldu de compagnie. Le petit joujou que tu jettes quand un putain d'aristocrate vient demander ta main. J'étais bête de croire qu'Andromeda était différente des autres Black.
— Je pensais que tu étais mon ami, souffla-t-elle sous le choc, de ses critiques, de sa colère.
— Je croyais aussi… Mais je ne peux plus… Pas alors que tu soutiens les idées de pureté de sang en silence…
— Je ne crois pas en…
— Je SAIS ! la coupa-t-il. Mais ce n'est pas suffisant ! Je ne peux plus supporter que tu restes dans ce manoir ! Tes fiançailles m'ont juste remis les idées au clair…
— Je ne vois pas en quoi ces fiançailles changent quoi que ce soit ! s'énerva Andromeda. Je t'ai déjà dit qu'avec la main sur mon héritage, un mariage, je pourrais plus facilement m'éloigner de mes parents ! J'ai toujours trouvé tes positions honorables, courageuses mais jamais je n'ai voulu te suivre et tu le sais, Ted ! Ce mariage pourrait ne rien changer à notre ami…
— Il n'y a pas d'amitié qui tienne parce que JE T'AIME ! » s'époumona-t-il.
La déclaration figea Andromeda d'incompréhension et de crainte. Ted l'aimait. Et Andromeda était muette face à ses sentiments trop puissants, à cette tempête qui agressait ses sens perdus.
« Je sais que c'est idiot. Je sais que tu ne ressens que de l'amitié pour moi. Je pensais pouvoir le supporter mais je me suis trompé. Je ne peux pas vivre avec toi. Je ne peux pas vivre sans toi. Je préfère que tu sortes de ma vie, Meda. »
Incapable de parler, pas assez courageuse pour sauter le pas ou mettre un terme à leurs années d'amitié, Andromeda prit la fuite. Dans sa course, elle fut surprise de sentir des larmes glisser sur ses joues.
Cela faisait une semaine depuis leur dispute. Depuis, Andromeda avait l'impression d'être enfermée dans un cauchemar. Elle savait qu'elle vivait une vie de castration et de privation mais sa cage dorée semblait encore plus solide et étouffante. Depuis les fiançailles, Andromeda était suivie étroitement. Elle avait l'impression que Narcissa était constamment avec elle. Elle n'avait pas un instant de répit, seule. Andromeda en voulait à sa sœur. Elle devait suivre les ordres de leur mère pour la suivre partout comme une dame de compagnie.
À chacune de ses activités, Andromeda repensait à la déclaration d'amour de Ted. Personne ne lui avait dit qu'il l'aimait. Les mots avaient été étonnamment durs de la bouche de cet homme. Dans les livres, ils étaient toujours prononcés avec douceur et déférence. Pourtant, malgré la violence avec laquelle ils avaient été assénés, Ted avait ouvert une digue dans le cœur assoiffé d'Andromeda.
La sorcière n'avait jamais cru que Ted puisse l'aimer. Elle s'était toujours empêchée d'y penser. Ted était un astre et en tant que tel, il devait avoir une femme sûre d'elle, lumineuse qui l'accompagnerait dans ses projets. Pas une aristocrate issue d'une famille qui voulait sa subordination éternelle. Pas une Black. Andromeda ne le méritait pas. Et il avait suffi qu'il lui avoue ses sentiments pour qu'elle se mette à espérer une vie à ses côtés.
C'était absurde. Le mariage n'était pas une histoire d'amour mais d'intérêts.
Après sa session de travail quotidienne, Andromeda se rendit dans ses appartements avec Narcissa dans ses pattes. Alors qu'elle avançait, elle entendit un cri raisonner depuis les tréfonds des cachots. Andromeda se figea. Cette voix lui disait quelque chose.
« Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle à sa cadette.
— Ils font les cérémonies d'allégeance avec Lord Voldemort. Ils tentent les rituels aujourd'hui, tu as oublié ?
— Je sais bien. Mais pourquoi ça hurle ? » demanda Andromeda de plus en plus inquiète.
Narcissa resta silencieuse mais sa pâleur et ses lèvres scellées dans un tremblement ne disaient rien qui vaille.
« Cissa, tu me caches des choses comme tous les membres de cette maison et je ne t'ai même pas hurlé dessus malgré tes trahisons. Dis-moi ce qui se passe, lui ordonna-t-elle.
— C'est de ta faute. Si tu n'étais pas tombée amoureuse de ce né-moldu, Père et Mère t'auraient proposé de faire le rituel avec Bella…avoua-t-elle. Ils n'auraient pas décalé mon mariage avec Lucius pour te mettre avec Leopold…
— Amoureuse ?
— Ne fais pas semblant. C'est Bella qui l'a découvert lors d'une de tes escapades le mois dernier. Elle a dit qu'elle donnerait une bonne leçon à Ted Tonks, surtout qu'il faisait partie de ce journal stupide… Ce mariage te remettra dans le droit chemin, Meda. Tu retrouveras tes esprits. Si sa punition peut servir à prouver à Bella son alliance avec le Seigneur des Ténèbres, tant mieux.
— Il est en bas ?
— Depuis trois jours…
— Ils le tueront ! s'horrifia Andromeda.
— Tu crois…? »
La jeune femme ne laissa pas le temps à son imbécile de soeur de répondre, la poussa et courut jusqu'aux cachots.
À son arrivée dans les geôles, une vision d'horreur la saisit. Les mains enchaînées de part et d'autre d'un mur de pierre, Ted était plié en deux sous les Doloris. Pourtant, il ne ployait pas. Il restait debout malgré la violence des attaques. Son doux visage était déformé par les œdèmes et les hématomes, son torse nu lacéré de cicatrices suintantes et sanguinolentes.
Son corps était meurtri de toute part. Un autre Doloris fusa dans l'air, suivi par des rires cruels qu'elle aurait pu reconnaître entre mille. Bellatrix se trouvait à quelques mètres et tirait sur sa cible sans sourciller, extatique. Se rendait-elle compte qu'il s'agissait d'un être humain en face d'elle ?
Un autre cri s'échappa de la gorge de Ted. Le cri de trop.
« NON ! »
Andromeda dévia la dernière attaque in extremis. Elle n'avait jamais dégainé sa baguette aussi vite. Elle ne pouvait pas le laisser mourir sans rien faire. Elle se précipita vers Ted, incanta des Protego à tout va pour se protéger des attaques de sa sœur.
« À quoi est-ce que tu joues ? Sale traîtresse à ton sang ! » vociféra Bellatrix.
Son aînée la regardait comme si c'était un insecte. Son existence ne valait plus rien à ses yeux.
« Je ne te laisserai pas le tuer , Bella ! Jamais ! Pourquoi ?! Pourquoi est-ce que tu as fait ça ?!
— Tu as osé trahir notre famille ! ME trahir après tout ce que j'ai fait pour toi ! Andromeda, comment as-tu pu ?!
— As-tu besoin d'aide pour t'en débarrasser ? déclara avec dédain Voldemort, assis dans un coin de la pièce, profitant du spectacle odieux.
— Non, mon Lord. C'est une affaire familiale. Andromeda, pousse-toi, lui ordonna Bellatrix.
— Non…Meda… Fuis…Laisse-moi… souffla Ted à demi conscient.
— Jamais. »
Andromeda avait pris sa résolution. Elle ne fuirait plus. Elle ne laisserait jamais personne éteindre le soleil de sa vie, dicter son futur, piétiner des espoirs inavoués, détruire des vies. Elle se battrait corps et âme s'il le faut. D'un sortilège informulé, elle défit Ted de ses chaînes et l'attrapa in extremis avant qu'il ne s'écroule. Il tenait à peine contre elle.
Sa sœur ne lui laissa pas le temps de se préparer et lui jeta un premier sort. Bellatrix était rapide et douée mais c'était aussi elle qui l'avait entraînée. Elle avait été son premier professeur, sa première adversaire . Mais cette fois, ce n'était pas un simple jeu entre deux sorcières. C'était une lutte sans merci.
Andromeda était acculée. Elle se mouvait avec difficulté, le corps de Ted beaucoup trop lourd contre le sien. Bellatrix ne lui laissait aucune possibilité de fuir. Elle ne pouvait pas transplaner depuis les cachots. Elle devait remonter.
Les sorts de magie noire pleuvaient sans distinction, s'échappant de leur bouche par la force de l'habitude. L'odeur du sang et de la rouille envahissait tout. Andromeda ne savait pas combien de temps elle pourrait tenir.
Une fraction de seconde, Bellatrix perdit l'équilibre à cause d'une chaîne. Andromeda savait ce qu'elle devait faire pour survivre. Elle n'avait besoin que d'un sort pour se libérer de cette menace dévastatrice. Alors que l'Avada Kedavra s'apprêtait à quitter ses lèvres, un souvenir empoisonné traversa son esprit.
Bellatrix, vêtue d'une robe rouge, dansait, tournoyait dans l'obscurité,éclairée par la Lune. Elle n'avait plus l'air tout à fait réelle alors que sa magie, trop puissante, s'échappait des pores de sa peau. Seule et libérée des regards avides des prédateurs et amis de leurs parents, elle lui tendit la main dans le jardin familial pour lui apprendre à danser. L'étoile belliqueuse l'avait appelée avec une douceur qu'elle ne réservait qu'à deux personnes: ses sœurs. Andromeda s'était sentie chanceuse d'être protégée par ce tourbillon destructeur.
Andromeda la pétrifia, rognant les quelques secondes salvatrices qui lui permettraient de fuir. Elle se précipita en haut mais à peine quelques mètres dans un couloir lui suffirent pour tomber nez à nez avec ses parents.
Andromeda était fichue. Ils ne la laisseraient plus jamais sortir. Un cri derrière elle, la figea d'horreur.
« MOI VIVANTE, TED TONKS SERA MA PROIE ! TU M'ENTENDS ANDROMEDA ! JE TE TUERAI AVEC ! » hurla Bellatrix.
Andromeda pensa au seul endroit où elle s'était sentie en sécurité et transplana avec son ami dans ses bras. Son cœur se brisa lorsque la dernière phrase que lui adressa sa sœur sans une once d'hésitation fut le sortilège de la mort.
L'écurie familiale de Ted était dévorée par les flammes. Bellatrix avait dû penser au fait qu'ils tenteraient de fuir dans leur refuge.
Les chevaux s'échappaient les uns après les autres. Si Andromeda transportait Ted jusque chez son père, elle mettrait le pauvre moldu en danger. Sa famille était capable de traverser le monde moldu pour laver leur honneur. Elle en était certaine. Ted, inconscient, devenait froid dans ses bras. Quelle quantité de sang avait-il perdue ?
Herbert n'avait pas fui comme ses autres compagnons vers la grange de leur propriétaire et courut vers son maître. Le cheval était si fidèle.
« Tu es en vie… Oh Merlin merci… Herbert… On va devoir fuir. Reste comme ça, c'est bien. »
Andromeda fit léviter le corps de Ted jusqu'au dos de l'animal et monta juste derrière. Elle le cala de telle sorte qu'il ne puisse tomber.
À chaque fois qu'elle était montée, Ted la conduisait. Comment ferait-elle sans lui pour la guider ? Heureusement, le cheval prit les devants et les cacha dans les tréfonds de la forêt la plus proche.
Andromeda ne savait pas pendant combien de temps ils galopèrent pour échapper à leurs potentiels poursuivants. Ils se frayèrent un chemin entre les chênes et les pins. Ils finirent par tomber sur une grotte.
Andromeda ne pensait à rien d'autre que les mettre en sécurité. Ted ne parlait toujours pas. Il avait puisé dans toute son énergie vitale et magique pour survivre.
Lorsqu'elle le déposa sur sa cape afin d'évaluer son état, Andromeda se retint de fondre en larmes. Il respirait à peine. Son cœur battait si lentement. Si elle ne trouvait pas de solutions, Ted mourrait de ses blessures. Comment pouvait-on traiter une personne de la sorte ? Pourquoi Andromeda avait-elle fermé les yeux ? Elle ne s'en remettrait jamais si Ted perdait la vie à cause d'elle. Il était la seule chose, le seul lien qu'elle avait créé dans ce monde dont elle était fière. Il était la seule personne qui croyait en son potentiel. Plus qu'elle-même. Il méritait une belle existence. C'était un homme gentil, généreux, espiègle, doux, toujours prêt à tendre la main. Malgré ses maladresses, ses bafouillages et son manque de tenue, il illuminait l'existence de ses proches. Ted donnait tout. Il avait fait battre son cœur. Avant lui, Andromeda ne faisait qu'exister sur cette Terre. C'était son rire et son regard empli d'affection qui lui avaient permis de goûter à la vie.
Il ne pouvait pas mourir maintenant. Elle ne le permettrait pas. En tant que Black, Andromeda avait eu accès à une ribambelle de sorts dangereux et interdits. Des sortilèges ancestraux qui n'étaient plus étudiés depuis des lustres. Des sorts qui jouaient avec les puissances de l'univers, avec la vie et la mort.
Elle en avait appris plusieurs à cause de sa soif de connaissance. Des incantations auxquelles sa mère avait fini par lui retirer l'accès à cause de leur caractère dégénéré. Par le passé, des membres de sa famille s'étaient déjà perdus dedans. Or, un sorcier ne devait pas se perdre dans la magie. C'était s'abaisser au rang des créatures gouvernées par les forces de la nature et du destin. Les sorciers valaient mieux que ça.
Andromeda décida de prendre le risque. Sans Ted, elle n'était plus rien. Elle avait fréquenté la folie de prêt et finirait par y sombrer si elle était incapable de lui serrer la main. Elle brava les forces naturelles et tordit leurs deux cœurs. En le guérissant, elle créa un lien magique entre eux pour donner à Ted le souffle de vie nécessaire pour qu'il s'en remette. Désormais, lorsqu'elle se concentrait, Andromeda pouvait sentir l'âme de Ted à l'intérieur de son cœur. Ils étaient liés pour toujours. Si elle mourrait, il mourrait avec elle. La réciproque n'était pas vraie cependant.
Andromeda l'avait arraché des bras tentateurs de la mort en se transformant en ancre pour que sa magie continue son bref voyage sur la Terre. C'était digne des créatures les plus viles de la création, d'un vampire assoiffé de sang. Mais elle ne regrettait rien à part la colère qui prendrait Ted lorsqu'il saurait qu'il était lié à une femme abominable pour toujours.
Andromeda ne ferma pas l'œil. Dans un état second, elle fixait Ted, se concentrait sur sa respiration et son visage nettoyé par ses soins. Elle l'avait retapé de partout et on aurait pu croire qu'ils campaient à la belle étoile tant il dormait paisiblement.
À l'aube, Ted finit par ouvrir les yeux avec difficulté. Il la regardait avec ahurissement et soulagement.
« Tu m'as sauvé… souffla-t-il la voix rauque.
— Je suis désolée… »
La digue dans son âme tourmentée s'enfonça et Andromeda fut secouée de sanglots. Elle ne put se contrôler. Elle était soulagée. Elle avait honte. Elle entendit à peine les réassurances de Ted qui caressait avec douceur son épaule. C'était elle qui devait le consoler, pas l'inverse.
« Andromeda, ça ira…
— Non ! Je suis désolée…à cause de moi…
— Ce n'est pas ta faute… Tu es en danger en restant avec moi…
— Je m'en fiche ! Tu aurais pu mourir… J'ai… J'ai utilisé de la magie noire sur toi…pour te garder en vie… Je sais que c'est ignoble… Mais je ne pouvais pas…Je suis désolée… Je sais que tu ne voulais plus me voir…»
Sa voix tremblante fut coupée d'un nouveau sanglot. Elle ne voulait pas croiser son regard. Ainsi, Ted comprendrait enfin qu'elle n'était qu'un monstre pas mieux que le reste de sa famille. Même si elle ne courait pas après le pouvoir comme une dératée, elle s'était liée à lui telle une sangsue. Les créatures avaient au moins le mérite de ne pas avoir le choix. Andromeda les avait emprisonnés délibérément. Et une part sombre, avide de son coeur ne le regrettait pas car aucune femme ne serait aussi proche de Ted qu'elle.
« Meda, est-ce que tu m'aimes ? demanda-t-il avec douceur.
— Je ne sais pas…répondit-elle, désaxée. Je ne veux pas que tu meures Ted… Je ne veux pas te rendre malheureuse mais je ne veux pas que tu sois avec quelqu'un d'autre. Tu n'as pas le droit de me laisser toute seule… Tu n'as pas le droit de me quitter… Ted… Je suis désolée…Je…Si pour toi c'est de l'amour alors oui, je t'aime.
— On est mal barré tous les deux, hein ? Je n'ai jamais arrêté de penser à toi, non plus. Même enfermé. Ce n'est pas grave, ce que tu m'as fait, si tu veux bien passer ta vie à mes côtés.
— Tu voudras me marier même si je ne suis plus rien ? demanda-t-elle, surprise.
— Andromeda, tu es toi, souffla-t-il comme si elle venait de prononcer une énormité. Bien sûr que je t'épouserai si tu veux bien.
— Je veux tout de toi. » avoua-t-elle.
Ses lèvres se posèrent sur les siennes. En un baiser, elle crut renaître. Jamais un bonheur aussi profond n'avait secoué ses entrailles de la sorte. C'était donc ça, l'amour ? Un sentiment si saisissant qu'il semblait aussi puissant qu'un sort. Peu importe, son effacement dans les archives familiales. En dehors des petits Sirius et Regulus, elle n'était attachée qu'à ses sœurs mais elles l'avaient déjà reniée. Elle n'était plus une Black. Elle suivrait Ted jusqu'au bout du monde. Pour la première fois de sa vie, couverte de sang et perdue dans la forêt, Andromeda se sentit libre de choisir sa destinée.
Elle deviendrait Andromeda Tonks et renierait son nom.
Andromeda prenait le thé avec Ted. C'était elle qui l'avait préparé au fil de leur discussion. Son époux n'avait jamais été doué pour le préparer comme elle le préférait, malgré ses essais infructueux. Dora avait fini par s'endormir comme une masse. Elle grognait à chaque fois qu'on tentait de la porter jusqu'à son lit. Ses parents avaient donc choisi l'option la plus simple: la recouvrir d'un duvet sur le canapé.
« Tu sais, Ted, quand je repense à ce jour, je me sens triste et en même temps pleine de reconnaissance.
— Hmm. Moi aussi. Dire que c'est en étant amoché que j'ai enfin pu goûter à tes lèvres.
— Pervers ! » rougit Andromeda en lui donnant une tape sur la main.
Au lieu de répliquer en l'embêtant à nouveau, il mêla ses longues phalanges aux siennes. Leurs alliances en argent brillaient en miroir. Elles n'avaient pas coûté très cher mais c'était l'un de leurs plus beau trésor.
« J'ai adoré faire le tour de la planète avec toi. Le monde des moldus était beaucoup plus amusant que ce que j'avais imaginé. On a grandi ensemble. Mon voyage préféré, c'était à Venise. Et toi ?
— Une si grande romantique !
— Toujours. Tu m'as offert plein de repas plus chics que ce que j'aurais cru de ta part. Tu n'as pas répondu à ma question.
— Cancún. J'adorais le bleu de l'eau. Toutes tes robes colorées aussi. Et le monde magique était incroyable, si vivifiant par rapport à l'Angleterre.
— Sans la guerre, nous ne serions sans doute pas rentrés si tôt… souffla Andromeda.
— Oui, je me rappelle à quel point, tu ne voulais pas que Nymphadora mette les pieds au pays dans ce contexte. Pourtant tu m'as quand même suivi.
— Je ne t'aurai jamais laissé seul rentrer dans l'Ordre du Phoenix ! Tu m'as promis qu'on affronterait tout ensemble ! Et puis, Meda a été sage pendant la Première Guerre.
— Plus que les autres gosses, ricana Ted, faisant allusion aux Maraudeurs. Je me rappelle à quel point ça t'avait touché, ce qui était arrivé à ton cousin et ses amis.
— Oui. Il était une anomalie des Black comme moi. Une partie de moi s'en est toujours voulu de ne pas avoir plus plaidé sa cause auprès de Dumbledore. Quand on a découvert la vérité, si longtemps après ça m'a bouleversé.
— Au moins, toute notre petite famille a survécu à cette première guerre. » soupira Ted avant de finir sa tasse.
Les derniers mots de son époux avaient pris de court Andromeda. Pourquoi racontait-elle sa vie déjà ? Était-ce vraiment utile ? Au fond, ce n'était pas si grave, de vivre en boucle ce déménagement. C'était réconfortant.
« Meda, il faut continuer de se souvenir…
— Pourquoi ?
— Parce que Dora n'est pas restée une enfant toute sa vie. Et parce que je suis fière de ma petite guerrière.
— Tu crois que je ne le suis pas ? Elle était tout ce que je n'étais pas. Fougueuse, aimante, ouverte et elle se fichait des conventions, tout en étant rafraîchissante. Toi en plus charmant.
— Merci pour le compliment ! se renfrogna Ted faussement, outré.
— C'est vrai que j'avais du mal à la suivre mais je l'aimais quand même. Même si je la disputais souvent et que je ne comprenais pas ses accoutrements. C'est dommage qu'elle t'ait toujours préféré.
— Ce n'est pas qu'elle m'a toujours préféré. C'était juste plus simple de me parler.
— Mais j'avais deviné que Saphia était son amoureuse ! Elle n'avait aucune raison de me le cacher aussi longtemps.
— T'aurais rien vu si je te l'avais pas fait remarquer…
— Rohhh ça va ! C'est moi qui ai compris pour sa relation avec Remus Lupin !
— Parce que t'avais voulu le tuer, voilà pourquoi ! se moqua-t-il avec tendresse.
— Tu sais autant que moi que leur attachement était étrange. Celui avec Sirius aussi d'ailleurs. Tout ça en temps de guerre en plus. Je n'ai jamais voulu qu'elle devienne auror. Je ne voulais pas qu'elle se batte et se mette en danger de cette façon. Elle a beaucoup pleuré.
— Elle a aimé avec la force d'une Black et s'est battue comme nous avant elle. C'est bien notre fille. »
Un silence abattit Andromeda après cette affirmation. Plus ils avançaient dans le temps, plus elle se sentait mal mais se rappeler de l'enfant qu'elle avait porté neuf mois la poussait à aller de l'avant. Andromeda ne pouvait plus arrêter le flux de souvenirs.
«Je ne sais pas si c'était si bien qu'elle aime avec autant d'intensité que moi ou Sirius. Chaque mort de n'importe lequel de ses amants l'a brisé.
— Je n'ai jamais regretté que tu m'aimes, affirma Ted en caressant son poignet. Son mariage n'a pas été si terrible en ces temps troublés.
— Ils avaient intérêt à se marier avec Remus ! Imagine que leur enfant soit né hors mariage !
— Hahaha ! éclata Ted de rire.
— Ne te fiche pas de moi, c'est important ces petits détails, rougit Andromeda.
— C'est juste hilarant de te voir accepter leur relation libre mais pas un enfant hors mariage.
— C'est tout de même l'héritier de notre famille construite à la sueur de notre amour. Il fallait au moins qu'il soit enregistré dignement. » expliqua-t-elle.
— C'est quoi le nom de ce digne héritier, alors ? demanda Ted, un brin moqueur.
À cette question innocente, Andromeda comprit. Les affreux souvenirs qu'elle enterrait à chaque fois pour respirer tentaient de sortir du coffre qu'elle avait gardé soigneusement fermé. Elle ne voulait pas accomplir l'horrible tâche et ouvrir cette boîte de Pandore. Elle souhaitait rester dans ce cocon de douceur pour l'éternité. Tout s'écroulerait lorsqu'Andromeda répondrait à Ted.
« Pourquoi est-ce que tu ne me réponds pas ?
— Non… Non…Je ne veux pas…
— Meda… C'est le passé…On ne peut plus revenir en arrière. Dis-moi le nom de notre petit-fils…lui supplia-t-il.
— C'est… Edward Ted Lupin. Ta fille l'a nommé ainsi en ton honneur parce que tu es mort. »
Année 1998
Andromeda ne s'était jamais pardonné de ne pas avoir tué sa sœur la nuit de sa fuite. Car Bellatrix avait tenu sa promesse. Elle avait assassiné Ted lors d'une rafle. Même si la sorcière n'avait pas été présente, elle avait senti une part d'elle mourir lorsque l'amour de sa vie avait rendu son dernier souffle.
Elle se souvenait encore de l'affreuse douleur. De la sensation d'être déchiré en deux. Elle l'avait terrassée. Brisée, perdant la tête, Andromeda avait trouvé les lieux de son meurtre en quelques instants, mue par ce lien qui l'avait accompagné plus de la moitié de sa vie.
Andromeda se rappelait encore de l'odeur horrible qui émanait des lieux du crime. Pourtant, celui-ci s'était déroulé dans la forêt. Mais les odeurs de fer, de boyaux et de chair avaient déjà pris possession de la clairière. À chacun de ses pas, Andromeda avait retrouvé un bout de lui, de sa peau déchiquetée, décharnée par une bête qui ne pouvait être qu'un loup-garou. Dans un coin, les intestins de son homme avaient été dispersés en guirlande dans une mise en scène macabre qui l'avait tétanisée. Son corps au torse ouvert reposé contre un chêne. Inerte, les yeux grand ouverts, son visage avait été figé dans une expression d'horreur. Ted avait été torturé par Fenrir Greyback avant que Bellatrix ne lui assène le sort fatal. Sa sœur avait laissé sa brosse d'enfant abandonnée dans la main droite de l'amour de sa vie.
Andromeda était devenue folle de souffrance. Une part d'elle était partie et ne reviendrait plus jamais. Comment était-elle censée continuer de vivre alors que sa raison d'être, sa moitié, son âme sœur avait quitté cette Terre de la pire des façons ? Personne. Personne ne pouvait comprendre à quel point Ted était son tout. À quel point, elle aurait aimé prendre sa place, se noyer dans son sang et disparaître à ses côtés. Comment pouvait-elle se réveiller chaque matin sans lui à ses côtés ? Sans lui, Andromeda n'était plus rien. Il avait été la lumière de sa vie, le fil conducteur de son existence. Elle était morte avec lui.
C'étaient sa fille et son gendre qui lui avaient permis de tenir le coup dans cet enfer. Mais ils avaient péri à leur tour. Ne laissant derrière eux qu'une ribambelle de souvenirs et une écharpe multicolore autour du corps fragile d'un nourrisson.
12 mars 2016
Andromeda sortit de sa transe. Il lui était de plus en plus difficile de respirer chaque jour et de garder un contact avec la réalité. Sans les visites intempestives de Narcissa et celles moins régulières de Harry et Teddy ou bien Draco et Scorpius, elle perdrait définitivement pied.
Toute vêtue de noir, elle se trouvait en face de la tombe de son époux. Le bouquet de roses, de la même composition que celui de leur mariage, était lourd entre ses mains gantées. Andromeda n'avait plus de sanglots depuis des lustres. En dix-huit ans à tenter d'exister seule, la rivière de ses larmes avait fini par se tarir.
Le soleil était déjà haut dans le ciel. Cela faisait des heures qu'elle était figée comme une statue, incapable de se relever. Elle n'en avait pas la force. Alors, elle attendait. C'était toujours dans ces instants qu'elle retrouvait ce souvenir bienheureux avant d'en être extraite de force. Andromeda se sentait épuisée.
Elle sentit la présence d'un autre humain dans le cimetière et fut surprise de voir son petit-fils, un bouquet de glaïeuls à la main. Teddy portait une simple chemise blanche, un pantalon en toile, l'éternelle écharpe multicolore à son cou et un étrange sac à dos moldu. Lorsque ses cheveux châtains en bataille et ses pupilles dorées reflétaient les rayons du soleil, il ressemblait cruellement à son père.
« Qu'est-ce que tu fais encore ici, Mamie ? demanda-t-il, surpris.
— Je ne sais pas trop. Je n'ai pas vu le temps passé. Et toi ?
— Je passe plus tard d'habitude mais mes cours se sont finis plus tôt. » déclara-t-il avec douceur avant de déposer les fleurs à côté des siennes.
Andromeda ne comprenait pas le fonctionnement des écoles moldues mais accepta son explication. Sa surprise fut grande lorsque son petit-fils lui proposa de la raccompagner. Il passait rarement du temps ensemble et encore moins sans Harry entre eux. C'était entièrement de sa faute. Elle n'avait pas bien géré la lycanthropie de Teddy et son incapacité à faire de la magie. Cela lui rappelait trop Fenrir et le meurtre de son mari. Andromeda s'en voulait encore de ne pas avoir été une adulte de confiance pour Teddy. Il avait tant grandi. C'était devenu un beau jeune homme. Calme, gentil et d'une prévenance à toute épreuve. Elle n'aurait pas pensé passer le reste de cette tragique journée à ses côtés.
Ils avaient parlé de romans, cuisiné ensemble et puis Teddy l'avait coiffée. Au départ, Andromeda avait craint de faire une crise de nerfs en apercevant son reflet qui lui rappelait tant Bellatrix. Mais le sourire et la chansonnette de Teddy lui avaient permis de ne pas craindre son propre reflet.
Ils avaient partagé un moment de complicité qu'elle n'oublierait jamais. Rare et précieux. Andromeda avait envie de pleurer. Il n'était pas obligé de passer ces heures avec sa grand-mère à moitié folle.
La lune commençait à poindre dans le ciel lorsque Teddy se décida à partir. Avant qu'il ne s'en aille, Andromeda se sentit dans l'étrange urgence de lui dire ce qu'elle avait sur le cœur.
« Merci d'avoir passé la journée avec moi. Tu n'étais pas obligé après tout ce que je t'ai fait. Encore désolé de ne pas avoir été là pour toi, Teddy.
— Tu as fait de ton mieux, Mamie, la rassura-t-il. Et je devrais aussi venir plus souvent. Je t'aime.
— Moi aussi. La porte de cette maison te sera toujours ouverte. »
Andromeda adorait la maison qu'elle avait choisie avec Ted. Et elle sentait que ce serait la dernière fois qu'elle reviendrait ici. En face d'elle, Ted lui sourit, vêtu de blanc. Il était éthéré et aussi jeune qu'à leur premier baiser.
« Je ne voulais pas venir te chercher avant que tu ne lui parles. Ce serait bête de partir avec des non-dits, pas vrai, Meda ? lui avoua-t-il avec un doux sourire.
— C'est vrai… Teddy est devenu un incroyable jeune homme. Toi en mieux, rigola Andromeda alors que les larmes lui montaient aux yeux. C'est vraiment fini ?
— Oui. Je t'attendais pour passer de l'autre côté. Dora, Remus et Sirius m'ont dit que le voyage n'était pas si effrayant. Prête à me suivre ?
— Toujours. »
Andromeda avait une tonne de regrets vis-à-vis de son petit-fils mais elle était fière de la personne qu'il était devenu. Peu importait qu'il ne soit pas un sorcier, que chaque pleine lune, il se transformait en une créature qui l'effrayait plus que tout au monde. Teddy était libre. Et il n'aurait jamais à porter le nom des Black.
Été 2018
L'une des promesses les plus importantes que Teddy s'était faite était la suivante : il ne tomberait jamais fol amoureux. Il ne se perdrait jamais dans une passion qui définirait tout son être, qui lui donnerait l'impression de goûter à une vie qui lui tendait déjà les bras. Le grand amour n'était pas un des objectifs de son existence.
Peu importait que son loup se plaigne, grogne de mécontentement à cette idée et manque de contrôle, il n'en démordrait pas.
Il était hors de question que Teddy se retrouve à pleurer comme un idiot au milieu de la nuit pour les mêmes raisons que ses ancêtres. Il était impensable qu'il devienne une épave ou inflige à quiconque la peur d'être abandonné. Il avait vu trop de personnes briser en mille morceaux par amour. Et cela n'avait rien de beau de tenter de maintenir quelqu'un à flots alors qu'il se noyait dans sa morve et ses larmes. Les récits ne parlaient jamais de la puanteur de la dépression. C'était moins vendeur et poétique que des rêves d'amour par delà la mort.
Il risquerait sa vie pour sa famille, pour ses amis et pour sa meute. Mais jamais il ne perdrait la tête pour une femme et laisserait les commandes à son loup ou à une force supérieure.
Teddy devait se répéter ses résolutions alors qu'il pénétrait dans le salon de sa défunte grand-mère. Il ne venait que pour une chose : gagner cette guerre. Et qu'importe les cadavres qu' il devrait déterrer pour y parvenir. Ses mains et ses crocs baignaient déjà dans le sang.
Dès son entrée, il avait capté l'odeur de la sorcière, mêlée au parfum de luxe qui l'enlaçait. Il ne pouvait pas encore décrire le goût et la senteur de son aura mais il pouvait la poursuivre à des kilomètres.
Elle était debout face au miroir plein pied. Par sa seule présence, elle effaçait les fantômes. Sa robe en damier se mariait avec le rouge de sa cape sur laquelle étaient brodées les armoiries des Parkinson. De ses mains s'échappaient des éclats magiques semblables à des étoiles embrassant la pénombre de sa peau. Quelles batailles la poussaient-elle à accepter son marché ? Ted n'en avait aucune idée mais il se figea en croisant son regard sombre et fier. Elle le portait si bien. Ce somptueux masque d'indifférence et de puissance, malgré les battements de son cœur qui trahissaient son appréhension.
« Vous en avez mis du temps, monsieur Black. »
FIN
Voici les tropes qui m'ont été imposés:
personnage doit tuer quelqu'un proche de lui pour sa survie
personnage est coincé dans une boucle temporelle car il refuse d'accomplir l'horrible tâche qu'il doit exécuter pour s'en sortir
