Chapitre 3 : La mauvaise blague.
Assis sur la table de la cuisine, Izuku croquait dans une pomme. La jeune fille qui était en train de balayer et nettoyer l'endroit, une petite brune aux cheveux courts et aux joues rebondies, le tança :
— Deku, il y a des chaises !
— Désolé Ochaco, fit-il l'air faussement penaud.
Il bondit de sa place pour s'asseoir sur une chaise et continua de manger sa pomme.
— Tu ne devrais pas être avec le comte Bakugo ?
— Je devrais, s'il n'était pas en train de dormir.
C'était une habitude de Katsuki, il se couchait toujours tôt. Tout comme il prenait soin de son corps et de sa santé. Il était très strict là-dessus, et ça arrangeait bien Izuku qui obtenait ainsi quelques moments de répit.
— Il ne te rend pas la vie facile, commenta Ochaco.
C'était un commentaire qu'Izuku entendait souvent, comme une mélodie répétitive.
— On dirait bien que non, sourit Izuku.
Ils avaient désormais quinze ans tous les deux. La vie était passée à toute vitesse. Si Katsuki était toujours aussi imbuvable, il avait désormais moins de temps à consacrer à ses jeux. Des précepteurs s'occupaient de son éducation, des cours auxquels Izuku était forcé lui aussi à participer. Mitsuki avait longuement insisté pour qu'Izuku puisse être aussi instruit que son fils, peut-être pourrait-il se servir de ce savoir pour briser ses chaînes et devenir quelqu'un d'important. Un médecin, un avocat, un artisan.
Mais suivre des cours avec Katsuki n'était pas de tout repos. Le blond lui lançait des boulettes de papier, s'amusait à brûler ses cahiers d'étude, et le traitait de nul à peu près une fois par jour. N'empêche qu'Izuku restait assidu, il adorait apprendre, il notait tout, il relisait ensuite ses notes, et en prenait d'autres. Le savoir l'intéressait et toutes les matières qu'on lui enseignait lui plaisaient.
Katsuki faisait semblant de son côté de jouer les ânes et de faire tourner en bourrique ses précepteurs, mais Izuku le connaissait suffisamment pour savoir que le duc étudiait et qu'il était même peut-être bien meilleur que lui dans toutes les matières.
Izuku finit sa pomme et alla jeter le trognon de pomme aux poules. Il resta ensuite un peu avec Ochaco. La jeune fille travaillait pour les Bakugo depuis environ une année, et ils avaient noué des liens, elle et Izuku.
Il se rappelait de leur première rencontre. Izuku l'avait trouvé terriblement mignonne, et comme il n'avait jamais vraiment parlé à une fille, il avait bafouillé un truc incompréhensible. La jeune femme, elle s'était présentée comme étant Ochaco Uraraka, et en lui disant qu'il pouvait très bien l'appeler Ochaco.
— Pas de chichi entre nous.
Izuku avait fini par retrouver son calme :
— Et je suis Izuku Midoriya, mais les trois quarts de la population m'appellent Deku.
Il s'était tellement habitué à ce surnom, que cela ne le touchait plus vraiment. Ochaco avait alors souri :
— Alors je t'appellerai Deku, avait-elle dit très naturellement, parce que c'est le Deku qui donne du courage.
C'était la première fois que quelqu'un utilisait son surnom de façon positive. Cela fit rougir Izuku jusqu'aux oreilles, et réchauffa son cœur.
Depuis, il s'était habitué à la présence d'Ochaco dans sa vie et ne rougissait plus à tout va. Elle était devenue une très bonne amie et alliée. Elle lui mettait toujours quelque chose à manger de côté, quand il a été trop occupé à servir Katsuki pour prendre le temps de se nourrir. Ils avaient échangé des discussions quand ils en trouvaient le temps. C'était rafraichissant pour Deku d'avoir quelqu'un de son âge à qui parler. Quelqu'un qui le comprenait et ne se moquait pas de lui, ne le faisait pas tourner en bourrique, et d'une certaine manière prenait soin de lui. Il était heureux d'avoir Ochaco dans sa vie.
— Je vais me coucher, finit-il par dire, il faut que je reste en forme pour mon altesse Bakugo.
Le surnom fit rire Ochaco. D'un dernier signe de main, Izuku quitta la jeune fille et rejoignit sa chambre. Son père et sa mère étaient déjà là, prêts à se coucher. Comme elle le faisait toujours, Inko prit son fils dans ses bras :
— Comment s'est passée ta journée ? demanda-t-elle comme chaque fois.
— Comme toutes les autres, répondit Izuku en lui souriant.
Ses parents devaient se douter du harcèlement que Katsuki faisait subir à leur fils, mais que pouvaient-ils faire ou dire ? D'autant plus qu'Izuku ne s'en plaignait jamais. Tant qu'il ne disait rien, comment faire pour dénoncer le comportement du duc ?
Izuku s'allongea sur son lit après s'être changé pour la nuit, et il feuilleta un peu ses cours avant de s'endormir.
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Katsuki était bien décidé à être le meilleur duc possible. Pas seulement riche, mais également instruit et capable d'aider les gens qui faisaient partie de ses terres. Les imbéciles qui l'avaient suivi durant son enfance continuaient de l'admirer et de lui lécher les bottes pour essayer d'obtenir l'attention du duc. Ce dernier, ceci dit, commençait à se lasser de ces bons à rien, qui espéraient que Katsuki illumine leur vie grâce à son argent et sa vivacité d'esprit. Au final, comme à des chiens, il leur lançait un bâton de temps en temps, et les faisait rire en s'en prenant à son petit bouc émissaire Deku. Les nobliaux se moquaient de l'adolescent aux cheveux verts, mais Katsuki non. Il savait de quoi était capable Deku, il voyait ses connaissances et comment il les emmagasinait. Si Deku était resté comte, peut-être bien qu'aujourd'hui il serait meilleur que Katsuki. Cela le foutait dans une rage folle sans qu'il ne comprenne bien lui-même pourquoi.
Était-ce de l'envie, parce que Deku était une bien meilleure personne que lui ?
Ou alors…
Était-ce de la frustration de savoir que Deku ne pourrait jamais montrer ce qu'il valait vraiment, tout ça parce qu'un roi de merde l'avait décidé ainsi ?
Il se leva du mauvais pied, suite à un rêve d'enfance, d'un jour oublié où lui et Deku s'amusaient ensemble. De très mauvaise humeur, il serra les dents lorsque son ancien ami d'enfance lui fit un compliment sur le pourpoint rouge qu'il avait choisi.
— Ça met vos yeux en valeur, avait-il dit.
Deku était comme ça. On le malmenait pendant des années, mais il trouvait quand même un compliment à dire. C'était tellement frustrant. Ne pouvait-il pas juste fermer sa gueule, baisser les yeux, et se contenter de faire ce qu'on lui ordonnait ?
Katsuki mangea peu au petit déjeuner. L'estomac noué par ce songe dont il en ressentait encore l'arrière-goût. Comme on était samedi, il était libre de vaquer à ses occupations, il décida donc d'inviter quelques-uns de ses compagnons afin de s'entraîner à l'épée ou de faire une quelconque activité qui occuperait la journée.
Deku le suivait, comme une ombre. Il avait tellement pris l'habitude de se rendre invisible et silencieux que d'autres que Katsuki sursautaient en se rendant compte de sa présence. Il ferait un parfait espion, songea le duc, ou bien même un assassin. Et pourtant il est inutile, réduit à m'obéir.
Sa mauvaise humeur ne le quitta pas de la matinée. Il tourmenta Deku sans que cela ne l'apaise. L'après-midi, il s'assit sur un banc l'air mauvais, regardant les nobliaux échanger quelques passes, cherchant son approbation à tout prix comme s'il était le prince lui-même. Katsuki bâilla et finit par s'endormir.
Ses camarades ne le réveillèrent pas, mais pour mieux lui plaire, ils eurent envie de montrer de quoi ils étaient capables, même sans Katsuki. Bien sûr leur attention se tourna vers Deku, qui se trouvait sur le banc le plus proche du duc et qui lisait tranquillement, sans leur prêter aucune attention.
Guilleret et faussement gentil ils vinrent lui parler :
— Alors Deku, tu n'en as pas marre de la façon dont le duc Bakugo te traite ?
Izuku releva les yeux et regarda les visages des nobles. Ils étaient cinq et même s'ils le masquaient d'un faux sourire, leurs regards ne disaient rien de bon.
— Mon maître me traite comme il le doit, répondit-il.
— Oh oui bien sûr, mais t'as jamais envie de te venger ?
Izuku n'y avait jamais réfléchi. Se venger ? Faire payer Katsuki ? Et comment ? Sa vie ne deviendrait que pire s'il osait s'en prendre au duc.
— Non, dit-il.
— Nous on est sûr que si. Allez viens, on va trouver une blague à lui faire pendant qu'il dort.
Izuku fronça les sourcils et refusa. Mais déjà il se fit attraper par deux des lascars qui le forcèrent à se mettre debout. L'adolescent aurait pu crier, mais il se contenta de marcher sur le pied d'un et donner un coup de coude à un autre. Il n'était pas si faible, mais pas assez fort non plus contre cinq gars bien entraînés. Quand il comprit qu'il était temps d'appeler à l'aide, il était trop tard, on le bâillonnait et on l'entraînait de force.
Ses attaquants ricanèrent le long du chemin.
— Le comte Bakugo va adorer notre petite blague, disait l'un.
— Il sera fier de nous.
Izuku ne pouvait rien faire, il avait beau gesticuler, leur poigne était trop forte. Il ne savait pas quel sort on lui réservait, mais il tenta de s'échapper de toutes ses forces. En vain.
Quand il comprit enfin ce que les nobliaux avaient prévu, il écarquilla les yeux et se secoua de plus en plus pour qu'on le relâche. Mais rien n'y fit.
Lorsque Katsuki se réveilla, le soir était là et il était seul. Ses camarades avaient dû rentrer chez eux. Le duc s'étira et se releva. Par habitude il lança :
— Eh Deku, j'ai la dalle, va me chercher quelque chose en cuisine.
Il n'obtint aucune réponse.
Katsuki fronça les sourcils, il fit un tour sur lui-même pour vérifier les alentours, pas de Deku. Ce n'était pas son genre de disparaître, mais peut-être qu'il avait profité de la sieste du duc pour aller s'amuser avec la tête d'œuf en cuisine. Si Deku croyait que Katsuki n'avait pas remarqué les regards enamourés qu'il faisait à l'adolescente, il se mettait le doigt dans l'œil. Il marcha donc à grands pas jusqu'à la cuisine et l'ouvrit à toute volée en beuglant :
— Deku si tu crois que tu peux flirter en toute liberté alors que j'ai des ordres à te donner, tu vas m'entendre.
Des visages se tournèrent vers lui, même celui de tête d'œuf, mais pas de Deku.
— Eh tête d'œuf, il est où Deku ?
— Avec vous ? répondit la jeune fille.
— Tu vois bien que non.
— Alors je ne sais pas.
Est-ce qu'elle mentait ? Est-ce qu'elle cachait Deku sous une table pour pouvoir se bécoter avec lui et échanger leur salive pendant que Katsuki le cherchait partout ? Cette idée le dérangeait beaucoup. Mais il était évident qu'il n'y avait personne sous les tables et Katsuki claqua la porte en sortant de la cuisine.
— Où est ce crétin, je vais le buter s'il ne se montre pas.
Au début la colère fut un moteur suffisant pour chercher l'adolescent aux cheveux verts. D'ailleurs Katsuki arrêta de le chercher le temps de se sustenter. Deku ne s'était jamais échappé ainsi, mais peut-être entrait-il en phase rebelle ?
Peu importait. Katsuki se prépara pour la nuit et il s'apprêtait à dormir quand Inko vint doucement frapper à la porte de sa chambre :
— Excusez-moi du dérangement duc Bakugo, auriez-vous vu mon fils ? Il n'est pas rentré et je commence à m'inquiéter.
Il n'était pas là non plus.
Et soudain la colère se mua en inquiétude.
Que Deku prenne la poudre d'escampette parce qu'il en avait marre du traitement de Katsuki, c'était quelque chose qu'on pouvait imaginer.
Mais qu'il disparaisse au point d'inquiéter sa mère ? Ce n'était pas possible.
Une chose glacée tomba dans l'estomac de Katsuki, et soudain tous ses sens se mirent en alerte.
— Je vais le chercher ! dit-il.
Il connaissait les endroits préférés de Deku.
La cuisine – mais il n'y était pas.
Le toit de l'écurie, d'où il aimait regarder les étoiles. Là-bas aussi, pas de Deku.
Ni même près de la rivière.
Encore moins assis sur une botte de foin.
Katsuki avait l'impression qu'il était sur le point d'exploser. Où était passé ce crétin de Deku ?
Il décida de faire le tour de tout le domaine, de toutes les pièces de la maison. C'était comme si l'adolescent avait littéralement disparu.
Mais Deku ne fuirait pas comme ça.
Katsuki le savait au plus profond de ses entrailles. Quelque chose n'allait pas.
Après avoir tourné dans tous les sens jusqu'à en devenir fou, Katsuki paniquait vraiment. Son inquiétude se transformait en colère et il traitait d'incapables tous ceux qui s'étaient mis à la recherche de cet imbécile disparu sans le retrouver. Le jeune duc voulait organiser une battue pour fouiller la forêt, mais il était trop tard, il faisait trop nuit, et c'était trop dangereux. Mitsuki essaya de calmer son fils en vain, ce dernier beugla que si personne ne se bougeait il ferait la battue lui-même. Inko était elle aussi morte d'inquiétude, mais plus rationnelle que Katsuki elle lui parla d'une voix douce :
— Tu risques de te perdre et de te blesser, il vaut mieux attendre l'aube, quand on y verra plus clair.
— C'est votre fils et c'est tout ce que ça vous fait ? hurla Katsuki.
Inko se mit à pleurer et le jeune duc regretta ses paroles.
Mitsuki posa une main sur l'épaule de sa meilleure amie :
— On va le retrouver Inko, je te le jure.
Mais un sentiment horrible fit se tordre les intestins de Katsuki. Et s'ils ne le retrouvaient pas vivant ?
À suivre.
L'autatrice : désolé de ne pas avoir posté la semaine dernière, j'étais à la YCon, mais voilà enfin un nouveau chapitre.
