- Notre petit hyperactif est terrifié.
La conclusion de Peter était aussi simple qu'alarmante. Dans ses yeux, aucune lueur rieuse, rien qui puisse se rapprocher de la moquerie habituelle dont il avait l'habitude de faire preuve – cette espèce de seconde peau qu'il portait en toutes circonstances. L'humour et le sarcasme étaient pour lui un moyen de rester lui-même, de stimuler sans arrêt le bon côté de sa personnalité – celui qui n'avait rien de détraqué. Si Peter savait désormais se conduire correctement, condition sine qua non à sa participation à ce voyage avec Derek et Cora, il s'agissait parfois d'un effort.
Mais il le faisait, parce qu'il le savait nécessaire à la reconstruction de ce petit bout de famille qu'ils formaient à eux trois.
Son sérieux n'était toutefois pas uniquement dû à cet apprentissage quasi-constant de la normalité à laquelle il aspirait. Peter avait été chargé par Derek d'aller prendre la température du côté de Stiles, le temps qu'il s'occupe de certaines petites choses nécessaires avec Cora. En somme, les courses. Leur espèce de suite, très spacieuse, comprenait une cuisine en plus de la salle de bain et de deux chambres. Le canapé, c'était Cora qui y dormait. Petite de taille si on la comparait à son frère et son oncle, elle n'avait aucun mal à y rentrer. Elle le trouvait même démesurément confortable, plus que le lit que Derek lui avait proposé. Quant à Peter, la question ne se posait même pas : en homme précieux, il s'était directement approprié la chambre la plus grande, avec le plus grand lit, les plus grandes fenêtres… Avait-on déjà dit que Peter appréciait la grandeur ?
En tous les cas, Derek et Cora venaient de rentrer de leur courte sortie. Ainsi, ils n'avaient pas pu percevoir grand-chose de l'échange qu'ils devinaient… Mal. Car en réalité, il s'agissait plus d'une conversation entre Peter et… Le silence. Et c'était ça qui dérangeait l'oncle psychopathe.
Le manque de réponse de Stiles. Cette terreur qu'il avait aussi bien vue que sentie. Cette impression qu'il ne le connaissait pas ou plus, qu'il désirait simplement le fuir. Pourtant, Peter s'était montré on ne peut plus correct, presque… Sympathique, dans un sens. En tout cas, il avait tout fait pour. Parce qu'il l'aimait bien, ce petit.
En fait, Stiles lui faisait penser au jeune homme qu'il était durant l'âge d'or des Hale. Vif, à courir partout, sans arrêt. A rire, provoquer, chercher, sans jamais faire montre d'une once de méchanceté. Les joutes verbales dans lesquelles il se lançait parfois avec l'hyperactif étaient d'ailleurs fort plaisantes et le forçaient, dans un sens, à faire en sorte d'entraîner son esprit, de sorte à le garder vif. Et ça, c'était sans compter son capital sympathique et sa loyauté envers la meute, que l'on savait à toute épreuve.
Et il était là le souci. Car les éléments, alignés les uns à côté des autres, ne collaient pas. Stiles, toujours collé à la meute, fuyait les Hale et c'était stupide, parce qu'ils faisaient partie du même camp. Lui qui cherchait souvent à provoquer gentiment Peter et Derek gardait la bouche close. Pire que cela : il avait peur. Peter n'avait pas l'impression que cette terreur – bien au-delà d'une simple peur – le visait directement lui. Il n'y avait qu'à se rappeler cette fois-là où ils l'avaient croisé dans le réfectoire d'un hôtel lambda. Stiles avait tout de suite été tendu et n'avait cherché du réconfort d'aucun côté. Pourtant, il aimait bien Derek – Peter en était certain – et il était ami avec Cora, bien que cela puisse paraître surprenant. Alors d'où venait son besoin de fuir ?
- Il n'a pas décroché un mot, continua l'oncle Hale en croisant les bras sur sa poitrine.
- C'est peut-être dû au choc, finit par avancer Cora. Après tout, un passage à tabac… Ça marque.
Il s'agissait d'un fait impossible à nier : Stiles avait été battu avec une violence telle qu'il en avait perdu connaissance. Et même si ce n'était pas arrivé, il y avait de quoi se renfermer sur soi-même, au moins un petit moment. L'agression, pas le moins du monde anodine, lui laisserait sans doute plus de cicatrices psychiques que physiques. La façon dont il avait été acculé n'était pas à prendre la légère.
Mais il y avait encore une chose, un détail. Une ombre supplémentaire à ce tableau de pluie.
Ses déclarations quant à la meute.
- Il y a forcément autre chose, soupira Derek, les bras croisés sur son torse. Quelque chose qu'on ne sait pas.
- Qu'on ne va pas tarder à savoir, tu veux dire, objecta Peter en rajustant le col de sa veste.
- Je l'espère. En attendant, personne ne doit le forcer à parler. S'il a besoin de temps, on va lui en laisser…
Ça, c'était clair et net : Derek était pour l'incitation, tant que celle-ci ne dépassait pas ce stade-là. Dans cette histoire, les zones d'ombres étaient nombreuses et aucune à négliger. Le mutisme de Stiles et les très probables séquelles qu'il avait à essuyer par rapport à son passage à tabac ne devaient en aucun cas être ignorées. En temps normal, l'hyperactif savait se montrer têtu, alors Derek imaginait bien à quel point ce côté pouvait ressortir lorsqu'il allait mal.
- … Mais le laisser partir n'est pas une option.
Derek lui-même n'aimait pas cette idée, mais il s'agissait de la seule qu'il trouvait viable et raisonnable. On devait le surveiller, pouvoir notifier sa présence dans leur suite en tout temps. Cela valait mieux pour l'hyperactif. Si des loups s'étaient attaqués à lui pour des odeurs, ils pouvaient recommencer aisément. Avec une partie de la meute Hale-McCall dans les parages, non. L'humain était avec eux et Derek ne gracierait pas ces métamorphes une deuxième fois. Leur chance était unique.
- Pour ce qui est de le garder, je suis d'accord même si je continue de dire qu'il serait mieux à l'hôpital, soupira Cora. En revanche, il faut qu'il nous parle le plus tôt possible, même si c'est dur.
- Il parlera quand il parlera, décréta tout simplement Derek.
Et il comptait bien faire respecter cela.
- Pas un mot à la meute, ajouta-t-il en regardant Peter.
D'ailleurs, bien qu'il ressente l'envie d'aller le voir pour constater personnellement qu'il continuait d'aller « bien », Derek choisit d'aller se doucher. D'une part parce qu'il devait le faire, d'autre part pour s'occuper un peu et prendre le temps de réfléchir. La situation dans laquelle il se trouvait, loin d'être simple, lui faisait se poser bon nombre de questions. Puisqu'il assumait dans sa famille le rôle de leader, il se devait de décider de la suite sans mettre leur avis de côté. Et pour lui… Outre le fait qu'il considère que garder Stiles ici soit une bonne idée, il se trouvait raisonnable de ne rien dire à la meute pour l'instant. Puisque le rapport que l'hyperactif entretenait avec elle semblait quelque peu changé, Derek préférait ne pas prendre de risque. S'il s'était passé quelque chose entre elle et Stiles, celui-ci ne voudrait sans doute pas qu'on l'apprenne d'une autre bouche que la sienne. Puis… L'humain avait cherché à les fuir, eux les Hale, et il ne s'agissait pas d'un détail que Derek pourrait oublier de sitôt.
Mais pour être tout à fait honnête, le loup-garou ne voyait absolument pas ce qui aurait pu se passer, ce qui aurait pu créer une dissension si forte que Stiles en serait venu à quitter la meute, ou Scott, à le renier. Les deux cas lui paraissaient aussi abracadabrants et improbables l'un que l'autre.
Pourtant, il s'était bel et bien passé quelque chose.
Et même s'il voulait laisser à Stiles du temps pour se remettre, du temps pour se reposer, du temps pour parler, Derek savait d'ores et déjà qu'il irait le voir après sa douche. L'essentiel, même si cet humain avait tendance à l'agacer, était de lui montrer qu'il était en sécurité, pas juste de lui dire et que ladite sécurité ne reposait pas uniquement sur le plan physique, la protection qu'il lui offrait en tant que telle.
Avec lui, avec sa famille… Ses hypothétiques secrets seraient protégés.
