Bonjour à tous et Bonne Année !
Bienvenue sur ma nouvelle fanfiction :
De l'Autre Côté
Vous savez, bien que la publication se soit étendue sur encore quelques mois après, j'ai terminé la rédaction de ma précédente fanfiction, L'Étincelle, le 31 décembre 2017. C'est donc par clin d'œil personnel que j'ai décidé de commencer la publication de ce nouvel écrit ce 1er janvier 2019.
À propos de cette nouvelle fanfiction, il s'agit tout simplement d'une saison 4 qui enchaîne directement sur la fin du dessin animé. Elle est entièrement indépendante de mes autres publications sur le fandom GF, bien que De l'Azur à l'Indigo puisse être considéré comme faisant partie du même univers étant donné son rôle de jonction entre les saisons 2 et 3. Cela dit, le contenu de cet OS n'a rien à voir avec le scénario de la présente histoire et sa lecture n'est pas nécessaire si elle ne vous intéresse pas.
Pour cette nouvelle fanfic, donc. Je ne pensais honnêtement pas écrire une saison 4 un jour, le cliffhanger ne m'inspirait pas vraiment d'idées et ce fut le cas pendant un long moment. Et finalement, me voilà ! J'espère donc que mes idées vous séduirons et que mon traitement des personnages vous conviendra :) D'ailleurs, à priori, je ne pense pas introduire trop d'OC, j'en ai seulement deux en têtes, pour l'instant, et l'histoire ne tournera autour d'eux que par le biais des Snowkids. D'autres finiront peut-être par s'imposer, je sais bien à quel point certains développements s'imposent parfois d'eux-mêmes, mais je pense que les personnages du canon me suffiront, pour une fois.
Le principe de l'illustration est basée sur une vieille image du premier animé Fullmetal Alchemist. Je voulais cet effet de miroir brisé et cette image est remontée des tréfonds de ma mémoire, je n'en reviens pas de l'avoir retrouvée ! Notez que la taille de chaque Snowkid n'est pas représentative de la place qu'ils vont avoir dans l'histoire. En tout cas, si ça s'avère être le cas, ce ne sera pas volontaire, mais au contraire très surprenant... Une version couleur arrivera peut-être un jour, si je trouve le temps de la faire.
Pour ce qui est du mode de publication, ceux qui me connaissent (et que je remercie chaleureusement de revenir dans mon antre) vont être déçus : je n'ai pratiquement pas d'avance sur cette histoire. Par conséquent, je ne pourrais pas tenir mon habituel rythme hebdomadaire de parution. Je vais essayer de maintenir un rythme mensuel mais je ne fais aucune promesse, selon le temps que j'aurai à consacrer à l'écriture, il pourra être abandonné.
Voilà pour les informations, je pense que je n'ai rien de plus à ajouter.
N'hésitez pas à me laisser un petit mot après votre passage (ici, sur un de mes écrits antérieurs ou par MP, comme ça vous chante !), ça me fera plaisir :)
Sur ce, bonne lecture.
Chapitre 1 :
Dysfonctionnement
Bon sang Clamp, mais qu'est-ce qui s'est passé ?
Je n'en sais rien, Aarch, je ne reçois aucun signal d'eux…
Clamp tapait comme un forcené sur son clavier. Il avait quatre terminaux ouverts, il vérifiait les logs de l'holotraineur, passaient en revue les transmissions de données, relisait son code et cherchait les potentiels malwares. À sa droite, Thran avait connecté son propre PC sur le réseau privé de l'Académie et épluchait consciencieusement les activités des derniers jours. Semaines. Mois. Peu importe. Il y avait forcément quelque chose à trouver quelque part. N'importe où.
Il sentait face à lui, depuis l'autre côté de la pièce, le regard angoissé des Snowkids. Ils étaient retournés s'asseoir sur les gradins qui entouraient la surface d'entraînement. Sur le banc du bas, Ahito, bien réveillé, gardait ses yeux en amande rivés sur son jumeau, comme pour l'encourager silencieusement dans sa tâche. Il avait retiré ses gants de gardien et s'occupait les doigts en triturant nerveusement ses mèches folles, d'un beau noir bleuté, lâchement retenues par les lunettes d'aviateur qu'il portait sur le front. Un peu plus loin sur sa gauche, Mark semblait étudier ses mains, pliant et dépliant les doigts, comparant leur couleur ébène à celle plus claire de ses paumes. Deux rangs au-dessus de lui, Sinedd ne bougeait pas, son visage anguleux aux pommettes saillantes tourné vers le bas, caché dans ses mains. Sur sa droite, Tia était blottie dans les bras de Rocket. Le métis avait enfoui son visage dans les cheveux blonds presque blancs de sa petite-amie, et ses dreadlocks tombaient comme un rideau devant les traits doux de cette dernière. Enfin, sur le dernier rang des gradins, D'Jok faisait nerveusement craquer ses articulations, ses yeux vert émeraude perdus bien loin de la salle d'entraînement, où ses cheveux d'un roux presque rouge le rendaient particulièrement visible. L'équipe était presque dans la même configuration qu'avant… qu'avant le dysfonctionnement.
Clamp cligna douloureusement des yeux en choisissant ce mot, euphémisme pathétique pour exprimer l'horreur de l'erreur qu'il avait bien dû commettre quelque part. Il manquait deux membres de l'équipe dans cette salle. Pire encore, il manquait huit enfants. Disparus il ne savait où parce qu'il avait cru pouvoir se jouer éternellement des dimensions, sans conséquence.
Dans son dos, le regard d'Aarch lui brûlait la peau. Son vieil ami était proprement furieux, il le savait. Il avait raison de l'être. Sans la voir, il devinait la masse impressionnante de l'ancien coach des Snowkids. Large d'épaules, bâti comme une armoire, il faisait presque le double de sa taille. L'avoir en colère contre soi était terrifiant mais Clamp accueillait cette rancune soudaine avec reconnaissance. Ce qui se passait était sa faute, sa responsabilité pleine et entière, et l'accusation d'Aarch était une punition qu'il méritait. Malheureusement, accepter un quelconque châtiment ne règlerait rien.
Clamp avait envie de fondre en larmes.
« Je ne sais pas, souffla-t-il. Je suis désolé, je ne sais pas. »
Les épaules basses, encore davantage voûté qu'à l'ordinaire, il attendait les reproches. Reproches qui ne vinrent pas. Avec angoisse, il se fit violence pour se tourner vers son ami. L'éclat glacial de ses yeux bleus lui fit faire un pas en arrière.
« Eh bien cherche, Clamp, gronda l'ancien coach. Et trouve. »
Le scientifique ouvrit la bouche. Puis la referma. Il se pencha de nouveau sur les consoles de commandes de la salle d'entraînement.
« Thran ? »
Sans lever la tête de son écran, le jeune homme répondit :
« Désolé Aarch, pour l'instant j'ai rien. Aucune trace d'infiltration ou d'un quelconque dysfonctionnement mécanique. Je continue de creuser, mais honnêtement, je doute de trouver quoi que ce soit juste avec ce matos. Je verrais pour passer sur une bécane plus puissante. »
Aarch hocha la tête pour lui-même. Le défenseur pouvait lui demander un supercalculateur quantique, il trouverait le moyen de le lui procurer.
Il se tourna alors vers les deux dernières personnes présentes dans la pièce et donc au courant des évènements. Sa femme, Adim, les mains pressées son ventre comme pour protéger leur enfant à naître et lui épargner le sort des Galactik Kids, et son ancien rival, Artegor, à l'expression comme toujours indéchiffrable, à moitié masquée par ses larges lunettes noires.
« Les parents ont dû arriver, Aarch, exposa ce dernier, parfaitement inutilement.
- Je sais. Je vais aller leur expliquer la situation. »
Caché derrière ses lunettes, Artegor leva un sourcil. L'école n'appartenait pas à Aarch, il n'avait pas à prendre la responsabilité de ce qui venait de se produire. Ce besoin de toujours centraliser l'attention avait quelque chose de lassant, à la longue. Enfin. Il mettait son comportement sur le compte de sa volonté de protéger son joueur vedette à l'initiative du projet et de sa culpabilité vis-à-vis des machines de Clamp.
Artegor fit signe à D'Jok de les rejoindre. Après tout, il était le seul à avoir déjà rencontré les familles, lorsqu'il avait pris les inscriptions de ses jeunes élèves. De plus, la façon d'agir d'Aarch lui semblait parfaitement déplacée, le rouquin avait voulu monter cette école, lui épargner les complications n'était pas un cadeau à lui faire.
L'attaquant quitta son banc, l'air sombre et inquiet.
« On doit aller voir les parents. Les laisser s'interroger sur le retard de fin de séance n'apportera rien de bon, » lui expliqua Artegor.
D'Jok hocha la tête en avalant péniblement sa salive. Les autres Snowkids posaient sur lui un regard désolé et vaguement horrifié. À l'exception de Sinedd, qui s'était levé.
« Inutile que tu viennes, Sinedd, » réagit Artegor, un peu surpris.
Il n'aurait pas parié sur lui pour apporter en premier son soutien à l'ancien capitaine.
« Mes parents sont de l'autre côté de cette porte, » expliqua laconiquement le ténébreux.
Artegor pinça les lèvres, coupable. Il avait oublié que l'un des enfants disparus n'était autre que la petite sœur nouvellement retrouvée de son ancienne star. Le destin jouait des tours bien cruels. Avec un hochement de tête, il ouvrit la marche pour sortir de la salle d'entraînement et atteindre la pièce où attendait patiemment le groupe de parents, encore persuadés de bientôt retrouver leur progéniture, éreintée mais aux anges après une séance en compagnie des triples champions de la galaxie en personne.
Lorsque les quatre hommes débouchèrent dans ladite pièce, leurs expressions fermées jetèrent un voile d'angoisse sur la petite assemblée qui leur faisait face. Sinedd rejoignit ses parents sans attendre mais secoua simplement la tête à leur interrogation muette tandis que les trois autres restaient le centre des regards.
Aarch voulut prendre la parole mais D'Jok le devança, conscient que c'était son rôle.
« Bonjour à tous, » commença-t-il.
Il se rendit subitement compte qu'il n'avait pas la moindre idée de la façon d'amener la chose. Pendant un court instant, il resta absolument silencieux, s'attirant les regards inquiets d'Aarch et Artegor et ceux, confus, des parents.
« Je… reprit-il finalement. Il y a eu… Lors de cette séance, il y a eu un dysfonctionnement d'une de nos machines. »
Sa voix était étranglée, trop aiguë. Si le groupe qui attendait ses explications ne savait toujours pas à quoi s'en tenir, l'inquiétude vague avait cédé sa place à une franche angoisse.
« On ne comprend pas encore très bien ce qui a pu se produire, mais on fait tout notre possible pour que tout rentre dans l'ordre. »
Il délayait. Il délayait clairement et n'essayait même pas de se le cacher. Il inspira profondément, tâchant de se convaincre que c'était comme arracher un pansement.
« Les enfants ont disparu de l'holotraineur. On ne sait pas où ils sont. »
Il y eut un moment de flottement pendant lequel rien ne se passa, le temps que la phrase prenne son sens dans l'esprit des personnes en présence. Puis alors que les plus réactifs ouvraient déjà la bouche pour exiger des explications, un choc sourd retentit.
« Romy !
- Maman ! »
D'Jok posa le regard sur l'origine des cris, hébété, et vit la mère de Sinedd effondrée au sol, sans connaissance, terrassée par le choc.
Assis dans une chambre d'hôpital, Sinedd ne détachait pas les yeux du visage de sa mère. Elle n'avait pas repris connaissance, mais les médecins avaient assuré qu'il n'y avait pas à s'inquiéter. Connerie. Il crevait d'inquiétude. Pour sa mère. Pour Mei. Pour Sonja.
Sa pétulante petite sœur ressemblait beaucoup à leur mère. Elles avaient les mêmes cheveux roux, les mêmes visages ronds perdus au milieu des mèches flamboyantes folles, mais si Sonja souriait tout le temps, constamment de bonne humeur et curieuse de tout, leur mère lui semblait toujours effrayée. Même maintenant, alors qu'elle n'était pas consciente, le léger pli entre ses sourcils, la crispation de sa lèvre inférieure, tout indiquait qu'elle était bien loin de dormir paisiblement. Il supposait que c'était le genre de résultat que pouvait donner la perte d'un nourrisson. Sauf qu'il n'était plus perdu. Après vingt-et-ans, il les avait retrouvés. Alors pourquoi avait-il fallu que Sonja disparaisse à son tour ?
Il releva à peine la tête lorsque son père revint dans la chambre, un gobelet de café dans chaque main. Sinedd récupéra sans rien dire celui qu'il lui tendait, sans la moindre intention de le boire. Le liquide brûlant fumait, diffusant une chaleur presque trop forte dans sa paume, à travers le plastique. Lui qui appréciait habituellement l'odeur du café eut un haut-le-cœur lorsqu'elle atteignit ses narines. En soupirant, il abandonna la boisson sur la tablette à côté du lit d'hôpital. Son père sirota lentement le sien, assis de l'autre côté de la pièce. Il n'osait pas le regarder, aussi garda-t-il les yeux sur le visage endormi de sa mère.
Il fallut un long moment avant que le silence ne soit rompu.
« Sinedd… »
L'amorce de conversation lui fit crisper les épaules. Son père dut s'en rendre compte, puisqu'il s'interrompit. Il laissa passer plusieurs secondes avant de se décider à reprendre :
« Sinedd. Parle-moi. S'il te plaît. »
Le ténébreux fit appel à tout son courage pour oser relever la tête. À sa grande surprise, son père n'était pas accusateur.
« Tu n'es pas… Tu n'es pas furieux contre moi ? »
Sa question eut l'air de le prendre de court.
« Furieux contre… Pourquoi je le serais ? »
Sinedd ouvrit la bouche et chercha ses mots plusieurs secondes avant de réussir à articuler :
« Parce que c'est ma faute si Sonja était dans cet holotraineur. »
Son père voulut le détromper mais il ne lui laissa pas le temps de réagir.
« Sans moi, elle aurait été en sécurité sur la Frontière 17, elle n'aurait jamais développé son Fluide et n'aurait jamais intégré les Galactik Kids. »
Sa voix tremblait légèrement mais il n'osait pas s'arrêter.
« Maman et toi, vous aviez fait votre deuil de moi. Ce que vous traversez, c'est pas juste, personne ne devrait vivre la perte d'un enfant, et à cause de moi, c'est la deuxième fois que vous y êtes confrontés. Il aurait mieux valu que je reste mort pour vous. »
Il avait baissé la tête et n'osait plus la relever.
« Sinedd… »
Il sursauta. Sa mère avait enfin repris connaissance et le regardait, son visage inquiet empreint d'une expression suppliante.
« Ne redis jamais une chose pareille. Le jour où nous avons découvert que nous ne t'avions pas perdu a été le plus beau jour de notre vie. »
Elle se redressa sur ses oreillers et son père vint prendre sa main comme pour montrer qu'il ajoutait sa voix à la sienne.
« Je suis… terrifiée pour Sonja. Mais je ne vais pas refaire la même erreur une deuxième fois. Elle non plus n'est pas perdue. Elle nous reviendra et nous serons enfin une famille complète. »
Elle ouvrit son bras libre. Sinedd hésita une seconde avant de venir s'y blottir. Tremblant, il accepta avec reconnaissance la première étreinte maternelle à laquelle sa vie lui donnait droit.
Mana-Ice reposa doucement l'holophone sur son support, derrière le bar. La voix de D'Jok résonnait encore à ses oreilles. Le pauvre garçon s'était excusé plusieurs fois, la voix étranglée par la culpabilité. Elle avait fait son possible pour le rassurer et avait accepté ses promesses avec bienveillance.
Micro-Ice avait disparu.
La nouvelle la laissait encore abasourdie. Son bébé, son tout-petit, introuvable. Il n'avait pas toujours été le plus facile des enfants, il avait bien trop d'énergie pour ça, mais même quand il avait coutume de faire les quatre-cents coups elle avait toujours su où le dénicher. Pourtant D'Jok avait semblé tellement désespéré. Cette fois-ci, elle ne retrouverait pas Micro-Ice caché sur le toit du Planète Akillian. À vrai dire, cette fois-ci, il y avait peu de chances qu'elle soit celle qui le retrouve. Elle n'avait pas les compétences nécessaires pour être d'une quelconque aide dans les recherches. D'après ce qu'elle avait compris, même ceux qui avaient les compétences nécessaires pour le retrouver n'en menaient pas large. Les circonstances de sa disparition étaient apparemment floues et incompréhensibles.
Cette pensée aurait dû l'abattre. Au lieu de ça, elle lui donna un regain d'énergie. Malgré le tempérament compréhensif du propriétaire du bar-restaurant où elle travaillait – son patron aimait d'ailleurs beaucoup Micro-Ice – elle poursuivit son service sans broncher, prenant consciencieusement les commandes les unes après les autres. Lorsque sa journée de travail s'acheva enfin, elle salua tranquillement ses collègues et rentra dans son petit appartement, qu'elle partageait encore occasionnellement avec son fils. Là-bas, elle quitta sa tenue rouge et orange de serveuse pour des vêtements moins agressifs et plus confortable, se débarbouilla rapidement la figure, puis ressortit aussitôt dans la nuit glacée d'Akillian.
Une fois dehors, elle avança d'un bon pas, ses pieds faisant crisser la fine couche de neige qui recouvrait les trottoirs. Elle n'hésita même pas à appeler un taxi. Auparavant elle n'aurait simplement pas eu d'argent à gâcher dans ce confort superflu. Désormais, alors que son fils était l'une des plus grandes stars de la galaxie, elle était trop ancrée dans ses habitudes économes pour changer sa façon de vivre. De toute façon, marcher lui aérerait l'esprit, et elle était presque sûre que son heure d'arrivée n'aurait aucune importance. Celui qu'elle allait voir avait toujours été un accro du travail, il serait plus que certainement encore à son bureau.
Il était plus d'une heure du matin lorsqu'elle arriva à l'entrée du complexe. Les lumières étaient toutes éteintes, seules les loupiottes de sécurité verdâtres offraient une visibilité angoissante au promeneur incongru. Mana-Ice appuya son visage sur la porte vitrée qui permettait d'entrer dans le hall. Le fait qu'il soit désert n'avait rien de surprenant, il n'y avait que lui pour rester aussi tard et son laboratoire était à l'autre bout du bâtiment. Elle inspira une bouffée d'air glacé et pressa le bouton de l'interphone couvert de givre à droite de la porte. Personne ne répondit mais elle s'entêta à appuyer en continu, jusqu'à ce qu'une voix ensommeillée et renfrognée s'élève du mécanisme :
« C'est pour quoi ?
- J'ai besoin de voir le docteur Darin, c'est urgent.
- Vous pouvez pas l'appeler ?
- Il ne répond pas. »
Elle réprima un sourire en entendant des grommellements s'élever à l'autre bout de la ligne. Elle n'avait pas appelé parce qu'elle n'avait plus son numéro depuis bien longtemps mais comme elle s'y attendait, il n'avait pas changé d'un pouce. Son interlocuteur ne lui avait même pas demandé pourquoi elle pensait qu'il était toujours sur place à une heure pareille.
Une dizaine de minutes plus tard, le gardien qui avait répondu à son appel apparut de l'autre côté de la porte vitrée. L'air désespérément grognon, il déverrouilla l'entrée et s'effaça pour la laisser passer et refermer derrière elle. Il lui fit ensuite signe de la suivre, en ronchonnant dans sa barbe contre les universitaires qui travaillaient trop tard et qui empêchaient les honnêtes gens de dormir.
Mana-Ice ne retint pas son sourire, cette fois-ci. Vingt-et-un ans et rien n'avait changé. Elle était presque sûre que son laboratoire était à la même place et qu'elle l'aurait retrouvé sans une hésitation, même sans gardien pour la guider. De toute façon, il aurait suffi qu'elle marche vers l'unique lumière allumée qui filtrait dans le couloir désert à cette heure.
« Docteur, quelqu'un pour vous, jeta le gardien.
- Très bien, très bien, posez-le sur le bureau. »
Son guide adressa à Mana un regard désespéré avant de tourner les talons pour les laisser seuls. Cette dernière eut un soupir amusé. Vingt-et-un et rien n'avait changé, vraiment.
« Bonsoir Emung. »
Elle ressentit une vague tristesse en constatant que le son de sa voix le faisait sursauter. Elle s'était presque attendue à ce qu'il lui demande s'il était en retard pour dîner. Sa distraction légendaire avait ses limites, finalement.
« Qu'est-ce que tu fiches ici ? »
Il la fixait, bouche-bée, les yeux ronds. Puis brusquement, il attrapa une pile de dossiers qui encombrait une chaise, chercha un coin de table où l'abandonner et la déposa finalement par terre, après l'échec de cette recherche.
« Assieds-toi ! »
Elle accepta le siège et le remercia d'un signe de tête.
« Je ne vais pas tourner autour du pot, commença-t-elle immédiatement. Je sais que je t'avais promis de ne jamais rien te demander, Emung, mais la situation étant ce qu'elle est, je ne te laisserai pas refuser de m'aider.
- Mana, je t'ai toujours dit de ne pas hésiter si tu avais besoin d'argent… répondit-il, l'air un peu perdu.
- Et je t'ai toujours dit que tu serais mon dernier recours, si jamais ça devait arriver, rétorqua-t-elle sèchement. Il ne s'agit pas de ça. »
Il la regarda sans parvenir à comprendre ce qu'elle pouvait attendre de lui. Alors elle inspira profondément et annonça :
« Notre fils a disparu, Emung. Et tu vas m'aider à le retrouver. »
Dur. Son dos reposait sur une surface dure. Et le réveil était encore plus dur que cette maudite surface sur laquelle il reposait sans comprendre pourquoi. Bon sang, qu'est-ce qu'il avait bien pu inventer la veille pour se mettre dans un état pareil ? Il n'y avait pourtant rien de spécial à fêter, pour autant qu'il s'en souvienne. Leur troisième victoire de la Galactik Football Cup remontait bien à six mois, ils n'avaient pas fait de match amical depuis et personne ne s'était marié. Si ? Quelqu'un s'était marié et ils avaient décidé de se mettre une mine pour fêter ça ? Mais qui irait se marier, dans son entourage ? Il savait bien que Tia et Rocket filaient le parfait amour depuis des années et que Mei et Sinedd avaient décidé qu'ils étaient faits l'un pour l'autre mais quand même, il n'en imaginait aucun se passer la corde au cou si jeune. Non, définitivement, si quelqu'un s'était marié la veille, c'était le résultat de la murge, pas la cause.
Il tenta vaguement de se relever pour atteindre la position assise mais son effort précautionneux réveilla des courbatures jusque dans ses ongles. Il gémit piteusement tout en renonçant à bouger dans l'immédiat. Pour au moins les trente prochaines minutes.
Pas d'évènement à fêter, donc. Le contraire, alors ? Peut-être que l'un des petits couples s'étaient séparé ? Non, impossible. Tia et Rocket avaient résisté au Neitherball, ils résisteraient à tout. Et n'en déplaise à D'Jok, Mei et Sinedd avaient franchement l'air vraiment bien ensemble. De toute façon, il voyait mal pourquoi lui aurait fini tronché pour une rupture parmi ceux-là. Peut-être que c'était lui, alors ! Mais non. Enfin si, peut-être. Mais non. Sa propre relation n'était pas assez assise pour qu'il y ait rupture. Il en était presque sûr. Il n'était même pas réellement en couple. Pire que ça, il hésitait carrément entre deux filles géniales. Peut-être qu'il avait simplement accompagné D'Jok faire la tournée des bars pour épancher le néant de sa vie amoureuse… Bouh, il était mesquin. D'Jok ne vivait pas si mal son célibat, occupé qu'il était avec son école de foot.
École de foot.
Micro-Ice se redressa brusquement et le regretta très amèrement. Une onde de douleur presque insoutenable se diffusa dans tout son corps, lui arrachant une plainte qu'il étouffa avec peine, tandis qu'une nausée violente lui faisait monter la bile à la gorge. Saisi de vertiges causés par la chute de tension de son mouvement brusque, il crut que son buste allait retourner s'écraser au sol. Heureusement il parvint à se stabiliser et à s'éviter un choc dont il n'avait vraiment pas besoin vu son état actuel. Alors seulement, assuré qu'une indication visuelle ne risquait plus de lui faire perdre son fragile équilibre, il ouvrit les yeux.
S'il n'avait pas été assis, la surprise et l'incompréhension l'auraient renvoyé par terre, les jambes coupées.
Le ciel était noir. Uniformément noir, sans la moindre paillette d'étoile, sans le moindre éclat de lune, noir. Pourtant, il voyait comme en plein jour. Même mieux qu'en plein jour. Sans qu'il puisse vraiment s'expliquer sa différence de perception, le contour de ses mains lui semblait étrangement net. Peut-être parce que sa peau pâle ressortait particulièrement dans l'environnement sombre, mais il avait le sentiment que ce n'était pas l'explication.
Délaissant ce problème, insoluble à l'instant présent, il laissa courir son regard devant lui. Il se trouvait sur ce qui lui semblait être une plaine sableuse bleu cobalt, qui s'étendait à perte de vue, à peine égayée par quelques dunes timides. Il se mordit la lèvre. Aucun paysage de ce genre n'existait sur le Genèse. Or, il avait la certitude absolue qu'il se trouvait sur le Genèse avant sa perte de connaissance. Dans l'école de D'Jok.
Pour la seconde fois, le souvenir s'imposa brusquement à lui. Il n'était pas seul, sur le Genèse ! Il était entouré des Snowkids, et des enfants ! Alors qu'un début de panique montait dans sa poitrine, il lutta pour se mettre enfin debout. Il devait trouver les autres ! L'un d'entre eux sauraient forcément ce qui s'était passé !
Il commença à tourner hâtivement sur lui-même, angoissé à l'idée d'avoir à choisir arbitrairement une direction, mais se figea dans son mouvement. Jusque-là dans son dos, des silhouettes étaient avachies, éparpillées sur le sol. Des petites silhouettes. Au milieu desquelles l'une se détachait par sa perfection.
« Mei ! »
Le jeune homme se précipita vers son amie inconsciente, et se jeta à genoux à son côté.
« Mei ! Eh, Mei, réveille-toi ! supplia-t-il en lui posant d'abord les mains sur les épaules, puis en encadrant son visage dans ses paumes. Réveille-toi, s'il te plaît ! »
Pendant un instant, il se demanda s'il ne devait pas essayer de vérifier qu'elle respirait, voire la mettre en position latérale de sécurité ou un truc comme ça, mais à son grand soulagement, il vit son visage s'animer légèrement, jusqu'à ce qu'elle se mette enfin à battre des paupières, pour finalement river ses yeux bleu ciel dans les siens.
« Micro-Ice ? souffla-t-elle, encore à moitié absente. Qu'est-ce que… »
Sa phrase se perdit dans un gémissement d'inconfort lorsqu'elle essaya de se relever.
« Force pas, » conseilla-t-il doucement alors qu'il passait une main dans son dos pour l'aider à se mettre en position assise.
Elle porta une main à sa tempe, les yeux de nouveaux clos, sans doute comme lui plus tôt pour lutter contre le vertige. Puis elle se décida enfin à affronter le monde. Micro-Ice vit ses yeux s'écarquiller de surprise avant de se tourner vers lui, mais son expression devait être un reflet de sa mine éperdue, puisqu'elle ne laissa même pas la question de leur position franchir ses lèvres. Au lieu de ça, elle fit un rapide tour d'horizon, pour constater comme lui que l'intégralité des Galactik Kids gisaient encore sans connaissance autour d'eux. Ils étaient les deux seules silhouettes adultes visibles sur le sable. Les deux seules personnes censées être capables d'apporter des réponses. Ils devaient se ressaisir, vérifier que les enfants allaient bien, chercher à comprendre ce qui s'était passé, décider de la conduite à tenir.
Au lieu de ça, ils se serrèrent un peu plus l'un contre l'autre.
