Shiva reprit sa forme hybride et regarda le massacre. Au moins, sur un navire, la mer et la tempête se chargeaient de nettoyer tout ça, contrairement à ici, sur la terre ferme, avec en plus de ça ce grand soleil. Elle poussa de sa queue un corps de chasseur de sorcière qui coupait l'accès au Portail qu'on avait caché sous le dallage qui était pour le coup en partie défait. Certainement un travail de ces imbéciles, même si elle voulait bien admettre qu'ils savaient où chercher.

Elle regarda d'un œil calculateur la porte sous elle. Scellait par de la magie.

- Allons-y. Mais, entre nous … si on trouve de quoi le faire … on fait sauter le labo ensuite.

Oh, Shiva était partante. Vu comment Ace réagissait, le geste symbolique lui ferait du bien.

- Du moment qu'on trouve un indice, soit pour la retrouver elle, ou pour aider Ace, ça me va. Ah, et pour satisfaire Radovid. Comme ça, il ne nous fera pas chier.

Mandos passa en premier et Shiva suivit. Elle le regarda installer un carreau de mosaïque ramassé sur les chasseurs, dans la paroi du mur à côté de la porte scellée, libérant le passage.

Il descendit le premier, s'éclairant avec une torche. Personnellement, elle n'en avait pas besoin. La vision nocturne était une compétence de base pour une arme comme elle. Mandos descendait avec précaution les marches alors que la zoan profita de son corps hybride pour reculer plus ou moins son torse pour ne pas faire de vilaine glissade. Enfin, ils arrivèrent devant un balcon qui donnait sur l'abysse. Idéal quand on peut se changer en chouette. A gauche, un Portail.

Sa langue bifide goûta l'air et la magie dans celui-ci.

Sens unique le Portail. Avec très certainement des pièges et des monstres de l'autre côté. Mais il y avait trop de magie pour sentir l'odeur des bêtes.

Elle ferma les yeux un moment. Elle sentait des nekkers. Pas mal de nekkers. Et de l'énergie. Beaucoup d'énergie. Certainement une créature magique. Ou un lourd sortilège. Déjà, Mandos traversait le Portail à gauche. Alors, elle se détacha du balcon et le suivit. En passant le Portail, elle enroula dans sa queue le nekker qui sauta sur elle, sans lui accorder le moindre regard. Elle lui tordit la tête avec tellement de violence que la caboche sauta comme un bouchon de champagne avant qu'elle ne jette le corps comme un déchet sur un côté. Mandos avait déjà fait son propre nekker et continuait à avancer. La brune allait le suivre quand elle remarqua une plume de chouette sur le sol. Avec prudence, elle la ramassa. Oui, c'était celle d'Eilhart. Elle la glissa dans sa besace en bandoulière et rejoignit le jeune elfe qui continuait d'avancer

Quelques pas plus loin, c'était un nouveau balcon. Il devait y avoir eu un escalier avant que les téléporteurs ne soient installés. Et pour faciliter les choses, la source d'énergie magique était vide. Elle se pencha par-dessus le balcon et se tourna vers Mandos quand il lui parla :

- Vu les monstres qui sont présents, elle n'utiliserait pas les portails. Elle descendrait directement en se transformant. On décolle ?

Son opinion à elle aussi. Elle prendrait juste son temps plus tard pour les explorer. Elle retournerait toutes les pierres de cet endroit pour aider Ace.

- Prends garde en bas. J'ignore si c'est un piège magique, une créature ou un gros sort, mais on a une grosse concentration d'énergie. Et…

Elle se pencha un peu plus, la langue pendante, avant de se redresser, se tenant fermement à la rambarde.

- Et on a aussi une forte concentration de corps brûlés.

C'est sur ces mots que Mandos sauta dans le vide pour prendre sa forme de corbeau. La zoan attendit qu'il prenne plus de distance pour le suivre, laissant ses ailes sortir de son dos. Tout juste le temps pour sa queue de toucher le dallage en mosaïque du fond que Mandos avait déjà tué le dernier chasseur de sorcières des environs.

Elle observa autour d'elle, veillant à ne pas bouger pour ne déclencher aucun piège par accident. Après tout, vu le nombre de corps calcinés autour d'eux, c'était une chose envisageable. Il y avait de la magie dans l'air. Et du sang. Ancien, le sang.

- Tu sens autre chose à part les monstres ?

- Le Haki me dit des nekkers dans les murs et un gros truc magique. La langue me parle de magie, de feu, de chair brûlé et de sang, mais pas récent le sang, contrairement aux cadavres. Ca vient de là-bas, le même point d'origine que le gros noyau d'énergie… qui doit être un élémentaire puisque ça fonce sur nous.

Mandos regarda vers le couloir que montrait la pirate. En effet, un élémentaire de feu débarquer et il était autrement plus impressionnant que l'iffrit qu'elle avait invoqué sur le QG des Chasseurs de Sorcières.

Rien de mieux qu'un élémentaire pour protéger ses recherches... sauf que voilà, les mages étaient très prévisibles. L'élémentaire, c'était un classique.

Elle recula immédiatement de la zone d'intérêt de l'élémentaire et reprit totalement sa forme humaine, bien qu'elle conserva sa crête de plume dorée sur le crâne. Mandos tenta des flèches, mais cela ne servit à rien. Sa magie était scellée, qu'il ne se fasse pas avoir et la laisse gérer. La caverne avait un sol bien assez large pour qu'elle puisse faire sa spécialité. Elle s'entailla le pied gauche avant de frapper le sol avec, laissant un peu de sang couler de sa plaie. Elle retira son long foulard de son cou et l'enroula autour d'un de ses bras. Elle en aurait besoin plus tard.

- Reste loin de l'élémentaire ! cria la pirate à son frère adoptif de l'autre côté de la caverne.

Et elle refrappa du pied en levant brutalement un bras qui redescendit lentement, en ondulant.

Un léger souffle d'air traversa la caverne alors que l'élémentaire se tournait vers la pirate.

Elle donna un coup de hanche et leva le bras opposé pour le faire descendre avec la même ondulation que l'autre.

Une brise plus puissante sortit de la paroi rocheuse derrière la sorcière, embarquant sa longue chevelure dans sa course pour frapper le gardien de flammes qui s'en trouva ralentit.

Elle frappa du talon, tourna sur elle-même, avant de passer ses mains devant son visage pour ensuite les tendre brutalement vers la créature. Cette fois, c'est une prison de vent qui s'attaqua à l'élémentaire, l'immobilisant dans les rafales. Cela ne durerait pas éternellement, surtout si elle en croyait la démangeaison au niveau de ses racines, mais elle aurait fini bien avant que ses cheveux ne blanchissent totalement.

Elle se mit à courir en cercle autour de l'élémentaire, laissant une empreinte sanglante à chaque fois que son pied gauche touchait le sol. À intervalle régulier, elle traçait un caractère enochien sur le sol pour disposer dessus une tête réduite, finissant par former un pentagramme.

Plus qu'à embarquer la créature au centre.

Elle courut vers la bête, faisant tournoyer un long bout de son foulard avant de sauter par-dessus la créature de feu, passant dans le rideau des vents comme si celui-ci n'existait pas. Le morceau de tissu s'enroula autour de la partie difforme qui servait de tête à la créature et immédiatement des runes se mirent à briller sur le tissu mauve. Elle se laissa retomber derrière le monstre et tira avec une force étonnante pour une carrure aussi famélique que la sienne. Suffisamment pour que le monstre recule.

Quand son pied enflammé se posa sur le centre parfait du cercle, le pentagramme s'alluma d'une lueur froide.

L'heure du coup de grâce.

Elle tira légèrement sur le tissu enchanté et enfonça un poing noircit de Haki jusqu'au coude dans l'estomac de la bête en hurlant un mot empli de magie.

Le poing ressortit de l'autre côté du monstre, avant qu'il ne tombe en morceaux.

Ses flammes se consumèrent rapidement, ne laissant que des restes encore chaud derrière.

- Une pierre, deux coups. Je devais remplir ces têtes, soupira Shiva. Prochaine étape, trouver un miroir que je vois le massacre.

Elle avait beau lever les yeux et toucher, elle n'arrivait pas à voir jusqu'où descendait le blanc sur ses cheveux. Elle laissa tout simplement tomber et reprit son foulard pour le mettre autour de son cou. Merci les runes brodées dans le tissu. C'était l'étoffe la plus grande qu'elle ait trouvé qui puisse remplacer son sari favori.

- Tête blanche comme neige, si tu veux une idée. Ton pied ?

Il pointa le pied qu'elle avait coupé, demandant en silence si elle voulait de l'aide pour ça.

- Moi qui pensais que c'était juste les racines…

Elle jeta un œil à la longueur. Sous les genoux. Encore un peu de marge avant de descendre à l'étape deux.

- C'est gentil, Mandos, mais je vais laisser faire le temps. Ce n'est qu'une légère coupure, juste assez profonde pour faire sortir le sang. Je vais me faire un bandage et on pourra avancer.

Au moins, avec ce combat, Mandos savait pourquoi elle était toujours pieds nus. Elle regarda autour d'elle pensivement. Tant de recoins, tant d'endroits à fouiller et explorer qui ne leur apporteraient peut-être rien. Tant de détails qu'ils ne pouvaient ignorer.

- Commençons par la zone de vie et ensuite, on fera le reste. Je testerais les téléporteurs plus tard, au cas où il y aurait des choses intéressantes, proposa la brune.

Et elle alla ramasser les têtes réduites à présent pleines de magie.

- Ça me va. Si tu trouves des papiers, même brûlé, j'ai deux trois méthodes pour en récupérer ce qui est écrit dessus.

Les papiers brûlés, elle savait gérer. Combien de fois elle avait dû sauver des documents qu'Ace avait fait brûler pour faire croire qu'il n'avait pas reçu tel ou tel rapport… elle avait même monnayer ce service auprès de ses nakamas. Eux n'avaient pas besoin de réécrire le rapport et elle, elle se faisait quelques ronds. Elle entra dans la tanière et vit le désordre indescriptible qui y régnait. Elle fronça les sourcils. Quelqu'un était venu avant eux, ou alors, Eilhart avait senti le vent tourner de nouveau et avait tenté, maladroitement, de détruire un maximum de preuves. Elle remarqua le tas d'agates sanglantes sur lequel Mandos s'était penché. L'agate était la pierre favorite de la magicienne. Shiva avait entendu les rumeurs sur Vilgefortz et sa tentative pour retrouver l'œil qu'il avait perdu. La magicienne avait semble-t-il utilisé la même méthode.

Laissant Mandos se pencher sur la bibliothèque, elle fit le tour de la pièce. Elle examina la cheminée, puis s'approcha du mégascope brisé. Elle ramassa la pierre précieuse qui en était tombée et remit sur pied l'installation. La pierre était peut-être fendue, mais elle pouvait peut-être en tirer quelque chose.

- Mandos, je vais essayer d'accéder aux informations dans le cristal, afin d'avoir une piste, annonça l'elfe.

- Je viens voir. Besoin que je répare néanmoins le mégascope ?

- A ce stade, il faudrait en reconstruire un nouveau.

Elle se plaça au centre du mégascope sous sa forme hybride et entoura le cristal entre ses plumes. Bientôt, une scène fut projetée devant leurs yeux. La pirate aurait mis sa main à couper que la femme aux cheveux crépus était Margarita Laux-Antille avec qui s'entretenait Philippa, qui avait un bandeau sur les yeux dans la projection en noir et blanc.

"- ...Francesca est tout aussi hésitante. Ni elle, ni Ida ne veulent prendre une décision aveuglément.

- Elles n'auront plus de raisons d'hésiter quand nous aurons convaincu Keira et Fringilla, répondit Philippa avec assurance et froideur.

- Fringilla est de notre côté. Elle se joindra à nous dès qu'elle aura bouclé ses affaires en Nilfgaard.

- Parfait, cela ne nous laisse que Keira. Le problème est que j'ignore toujours où elle est.

- Et pour ce qui est de Yennefer et Triss ?

- Yennefer n'a jamais fait partie de la Loge, quant à Triss… nous verrons. Elle a beaucoup changé, et ce n'est pas une bonne chose. Elle doit encore penser avec son vagin au lieu de sa tête. Ou alors, elle s'est faite corrompre par cette stupide amatrice d'elfe noir…."

Shiva sentit son sourcil tiquer. Elle allait lui en faire bouffer de la corruption d'amatrice.

"- ...Je dois retrouver ma vue. Je vais aussi aller à Novigrad. Je rencontrerais Arthur de Vleester pour négocier avec lui. Et voir l'étendue des dégâts chez Triss, puisqu'elle est toujours là-bas, compléta Philippa.

- Tu essayes encore ? Phil, je suis désolée de te le dire, mais tu ne retrouveras jamais tes yeux seule, lui pointa Margarita.

- Vilgefortz l'a bien fait, dit froidement Philippa. J'emploie la même méthode, je cultive des tissus sur des pierres précieuses. Et au besoin, je sais très bien comment attirer une sympathique donneuse qui me fera cadeau de ses yeux d'argent. J'ai fait d'elle ce qu'elle est aujourd'hui, je sais comment obtenir ce que je veux avec cette ravissante mutante."

Le cristal explosa sous la surcharge magique qu'y appliqua par accident la zoan.

Avec rage, elle regarda les morceaux de pierre sur le sol.

- Shiva… Tu es pour une séance de satanisme avec une victime désignée ? Elle semble être d'accord, gronda Mandos avec haine et venin.

Il s'éloigna un peu, continuant sa fouille, laissant la femme immobile sur sa queue dressée.

- Je veux réduire en miette cet endroit après que l'on est cherché autours si d'autres choses peuvent être intéressante à récupérer. Ça te va ? proposa Mandos en revenant vers elle.

- Je ne suis pas Shiva, siffla avec rage la zoan. Je suis Kali et ce n'est pas le même animal.

Elle retrouva ses jambes et se dirigea avec rage vers le lit qu'elle lacéra sans remords. Et pas pour rien puisqu'elle trouva un intéressant carnet dans le matelas. Une étude sur les akuma no mi. Celui d'Ace était détaillé en long en large et en travers, avec les expérimentations qu'elle avait faites dessus. Il y avait aussi des observations faites sur son zoan et sur celui de Marco. L'étape suivante aurait été l'expérimentation. Ils l'avaient échappé belle. Elle rangea le carnet et amassa tous les papiers qu'elle trouvait. Tous les livres. Tout. Elle était d'avis de faire le tri plus tard. Et puisque Mandos avait son sac enchanté, ça faciliterait les choses. Elle ramassa aussi des outils chirurgicaux encore noircis par le sang. Elle récupéra avec précaution un tas de notes calcinées et regarda autour.

Les ombres, la magie et les morts déchiquetés le refuge tout autour d'eux.

- Remonte, j'ai encore quelques trucs à faire, dit la brune en notant un vêtement sombre dans une armoire entrouverte.

Elle reconnaissait le bermuda fétiche d'Ace.

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Ace avait parlé à l'herbaliste halfelin qui lui avait dit avoir mis une annonce concernant son apprenti qui avait disparu. L'halfelin disparu était un certain Folkert. Il s'était aventuré dans les bois de Deadwight pour chercher des plants de han.

Le D. connaissait la forêt. Il y avait toujours quelque chose là-bas de malsain. Alors, qu'on lui dise que le halfelin n'était pas revenu ne le surprenait pas. Hugin sur l'épaule, il s'enfonça sur les bois avec Shinigami. Et à proximité d'un beau buisson de han, il trouva une charrette à bras sur le bas-côté. Avec précaution, il descendit de sa monture et observa sa trouvaille. Des outils d'herboriste. Et du sang. Ça commençait très mal. Tenant la longe de sa monture, il contourna la charrette. Dans l'herbe, là, encore du sang. Vieux de quelques jours.

- On y va.

Il remonta sur le cheval et suivit la trace de sang dans l'herbe s'enfonçant toujours plus dans les arbres. La piste s'arrêta à la lisière d'un petit patelin littéralement vide. Son Haki ne percevait la vie que de deux personnes. Un couple âgé.

- Reste ici, Shinigami, chuchota le mutant. Hugin, mets-toi sur un arbre et essaye de trouver quelque chose d'intéressant. Moi, je vais faire la papote.

Le corbeau s'envola et Ace entra dans le patelin. On sentait l'abandon à mille lieux. Même le puits était en ruine. Pourtant, le couple vivait sa meilleure vie ici, seuls. Étrange qu'aucune bête ne le aient attaqué. Ces bois abritaient des loups, des brumelins et de vieux leshens qui se faisaient concurrence.

- Judd! Secoue-toi! On a de la visite ! appela la vieille femme depuis la terrasse de bois sur laquelle elle préparait à manger.

Judd, son époux certainement, était un homme âgé mais qui avait encore la forme. Il se redressa sur son siège à l'extérieur et observa avec sa femme Ace qui terminait de franchir la distance. Il y avait une odeur de sang dans les environs, mais vu que la femme préparait ce qui devait être un cochon sauvage, ça pouvait s'expliquer.

- Bonjour ma mignonne, tu t'es perdu ? s'enquit amicalement la vieille dame en essuyant ses mains sanglantes avec un torchon.

- Bonjour à vous. En fait, je cherche quelqu'un et en suivant sa piste, je suis tombé sur cet endroit. Qu'est-ce que c'est que ce lieu ?

Quelque chose chez ces deux personnes le mettait sur ses gardes. C'est tout juste s'il ne sentait pas ses dreads se dresser sur son crâne.

- C'est évident que c'est un village, non ? pointa la vieille dame.

Quelle haleine…! Elle puait autant la mort que celle du vieillard des marais de Wyzima qui se faisait appeler Pépé.

- Je vois surtout des huttes à l'abandon.

- Aye, y'a plus que nous. Les jeunes sont tous partis chercher du travail en ville et les vieux ont tous cassé leur pipe. Pas vrai, Judd ?

- Absolument, confirma Judd.

- Mais tu disais chercher quelqu'un, ma chérie ?

- Je suis sorceleuse, madame, pas une fillette des villes, merci. Et oui, je cherche quelqu'un. Folkert, un halfelin avec des cheveux clair. Est-ce que ça vous parle ?

- Oui, je me souviens de lui. Je l'ai vu alors qu'il cueillait des herbes.

- Eh bien, il a dû en cueillir jusqu'à se faire grièvement blessé, puisque j'ai vu des traces de sang allant de son chariot jusqu'ici.

- Et c'est exactement ce qu'il s'est passé ! Des loups l'ont attaqué et il est venu ici à la recherche d'un abri. Je lui ai dit de retourner à la ville, parce que les loups ce n'étaient pas la plus grosse menace de ces bois, mais il a refusé de m'écouter, parce qu'il devait récupérer ses plantes avant de rentrer.

La vieille femme secoua la tête.

- Il est retourné dans les bois… et c'est la dernière fois que je l'ai vu. Cette nuit-là, j'ai entendu des hurlements de loup. J'en ai eu la chair de poule.

- Et ses restes ? Les loups auraient dû laisser quelque chose. Certains os, ou vêtements comme les bottes par exemple.

Il jeta un œil au vieil homme qui lui répondit immédiatement :

- On est pas allé voir. On est trop vieux pour crapahuter dans les bois.

Le croassement de Hugin eut presque raison d'Ace. Il porta une main à son cœur et foudroya le corbeau qui vola au-dessus de leur tête pour aller derrière la chaumière du couple. Il revint plus tard avec un morceau de viande avec un os encore attaché dessus. Il laissa le tout tomber dans les mains du mutant avant de se percher sur son épaule.

- Hé là ! Dites à votre piaf de compagnie de rester loin de nos réserves de nourriture ! On a eu du mal à le chasser, ce cochon ! protesta le vieil homme en se levant.

Lentement, le D. leva les yeux du morceau de chair sanguinolent entre ses mains pour regarder le couple.

- C'est pas du cochon. Ceci, c'est de la viande de halfelin. Surtout que ça, c'est un tibia humanoïde moitié moins grand qu'un homme adulte. La texture dit qu'il ne s'agit pas d'un enfant, mais la largeur ne correspond pas à un nain.

Il laissa tomber la masse sanglante sur le sol et attrapa le quartier de viande que la femme travaillait pour le sentir, ignorant les protestations du vieux couple. La même odeur lui vint au nez et le quartier tomba au sol.

- Laissez-nous vous expliquer ! protesta la vieille dame alors que son homme se levait en attrapant une hache.

- Vous m'écœurerez, cracha le D. en brandissant son glaive.

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Le D. veilla à brûler le village jusqu'au sol et même dessous. Tout pour ne pas laisser la moindre trace de ces cannibales. Avant de quitter les lieux de l'incendie, il tourna la tête vers le corbeau.

- Peux-tu retrouver Marco, et lui dire que le Bâtard est à Oxenfurt, s'il te plaît ? Ah et récupérer d'autres fioles de mon traitement j'en ai pas pris assez. Ce serait sympathique de ta part.

Le corbeau hocha le bec et s'envola prestement. Ace le regarda partir, avant de sentir le sol trembler sous ses pieds. Shinigami se cabra avant que le D. ne rattrape la longe.

- Viens, on sort ! On va éviter de se prendre un arbre sur la figure !

Le pirate sauta sur sa monture et laissa la panique de la bête les mener hors des bois. Les grincements des arbres n'étaient pas rassurants.

Ce n'est qu'à distance raisonnable des bois qu'il arrêta la course folle de sa monture. Et en regardant le ciel, il se sentit blêmir. Le ciel s'était ouvert, déversant foudre et flamme, comme si les dieux avaient frappé les montagnes de leur colère. Il regarda la Vivre Card de Shiva. Elle était intacte.

Il releva le nez vers les montagnes. C'était juste au-dessus du laboratoire d'Eilhart.

Il essuya les larmes qui coulaient sur ses joues.

Devant un spectacle pareil, il pouvait être certain que le laboratoire n'avait pas survécu. Et il se sentait déjà plus léger à cette pensée. Il talonna Shinigami et se remit en route. D'abord, dire à l'herboriste pourquoi son apprenti ne reviendrait pas. Ensuite, retrouver Shiva et Mandos.

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Kali fit pivoter sa monture alors qu'ils galopaient vers la fumée qui stagnait dans le ciel à l'horizon. Bien vite, à la lueur du soleil couchant, ils tombèrent nez à nez avec Ace qui venait vers eux en suivant une Vivre Card.

- C'est quoi ce bordel ? Vous avez fait quoi au labo ? demanda le D.

- Ça présence même me rendait malade. J'ai le toc du ménage bien fait, grinça Mandos avec froideur.

- Et après, on m'engueule quand je fais du nettoyage par le feu…

Il regarda les flammes qui continuaient de tomber du ciel. Avec les connaissances actuelles, ça allait devenir un feu de forêt. Jusqu'à ce qu'un druide paumé dans le coin se décide d'intervenir. Ou qu'un mage/magicienne/sorcière veuille bouger ses fesses.

- Je pense que tu aurais fait pareil après ce que l'on a appris. Kali fut assez d'accord avec moi, annonça Mandos.

- Le mera mera peut arrêter ça, moi, je m'en lave les mains, lui dit Shiva. Kali est en colère.

Ace cligna des yeux.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé pour que tu changes de nouveau de nom ?

Il regarda les deux, attendant une réponse, et aucun des deux ne semblaient vouloir la lui donner.

- Kali. Ordre de ton commandant, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Eilhart cherche à retrouver sa vue. Elle cultive des tissus sur des agates...

- Et donc ?

- Si elle n'y arrive pas, elle va faire ce qu'il faut pour récupérer tes yeux en remplacement.

- Ah… euh… d'accord.

Ses yeux donc… cette garce l'avait brisé... Elle lui avait fait tellement de mal… et elle voulait finir avec ses yeux ?

- Qu'elle vienne pour eux, ça me fera gagner du temps. Je l'attends.

- Yeah. If she comes, I wish her death was slow and painful. Very, very slow.

- Je peux t'assurer que sa mort sera un spectacle déconseillé pour les esprits sensibles. Quelque chose d'intéressant que je puisse donner à Radovid ?

- J'ai un chiffre. Mais je ne te le donnerais pas. A personne. Je te dis que je l'ai, mais que pour ta santé mentale, je ne te le donnerais pas. Parce que je tiens à toi. A tes intérêts. Je refuse de te mentir, mais ce n'est pas pour autant que je te donnerais l'information qui te détruira. Ordonne-moi de te le dire, et je refuserais. Parce que je sais que tu ne supporteras pas cette réponse. Je te demande juste ta confiance.

Brusquement, Ace avait très peur. Peur de ce que cachait sa nakama. Peur de ce qu'elle avait découvert. Avait-il oublié quelque chose ? Son esprit avait-il occulté quelque chose ?

- Fais-moi confiance, Ace.

Il inspira profondément. Faire confiance. Oui… il pouvait faire confiance à sa nakama. Elle avait toujours fait passer l'intérêt des Spades avant le sien.

- D'accord.

- On a trouvé un tas de trucs qui indique, un : qu'elle tente de retrouver la vue. Deux : qu'elle a rencontré un mage à Novigrad. Qui déjà ? annonça Mandos en sortant des objets de son sac.

- Arthur de Vleester, répondit Kali

- La piste est froide. Déjà jeté un œil chez lui. C'est un ancien amant… enfin amant, plutôt instrument. Elle s'est foutue de sa gueule. Il s'est vengé.

- On apprend beaucoup de choses en faisant du spiritisme autour d'une table de Oui-ja.

- Vrai, admit le jeune elfe.

- On a des agates, des lettres, des livres, des preuves qu'elle veut faire comme Vilgefortz, d'autres qu'elle veut ramener à la surface la Loge. Des plumes. C'est tout ce qu'on a pour Radovid.

Mandos se mit à grogner :

- Non… Philippa s'est retrouvée doublé par Arthur de Vleester… et s'est retrouvé transformé comme animal de compagnie… À la mort de ce dernier, c'est Zoltan qui l'a récupéré. Mais, il l'a perdu aux cartes en ignorant l'avoir. C'est Gaunter de Meuré, ma douleur au cul personnel qui l'a récupéré.

- Mandos a trouvé un livre qui laisse suggérer qu'Eilhart sait ce qu'il est. Qui il est. Et certainement ce que le démon lui a fait.

- Oh, quelle merde ça... souffla Ace en se massant le nez.

C'est cet instant que Mandos choisi pour remarquer l'absence de son kerbin :

- Euh … Ace … où est Hugin ?

- C'est Kali qui a le denden, donc, j'ai demandé à Hugin de transmettre deux messages à Marco. Le premier, lui dire où on en est. Le second, j'ai pas pris assez de fioles de ma médication. Avec le village de cannibales que je viens de faire flamber, il me reste plus qu'une fiole.

Le pirate montra le soleil qui se couchait.

- Au vu de l'heure, Radovid ne me recevra pas. Ce qui laisse sa rencontre pour demain. Kali ne peut pas rencontrer le Petit Bâtard et t'y envoyer seul ne nous avancera à rien, puisque tu as déjà l'information mais ne peut pas nous la donner. Si j'y vais ce soir, je peux pas dire comment ça va se passer, si je vais avoir besoin de mon logia ou pas. Donc, si je dois consommer ma dernière fiole ce soir et aller rencontrer Radovid sans demain… Je dois poursuivre ?

- Pour le Bâtard, si tu te lâches ou non, je m'en fous. Tu fais ce que tu veux de lui. Hugin devrait arriver demain matin néanmoins si il est décidé. Donc, tu décides pour ta fiole.

- Tu attends pour ta folie, Ace. Je te connais. Tu te lâches, et on est obligé de courir. Vite. Et loin. Je veux pas la garde du temple au cul dès ce soir. Je suis avec toi depuis le début, Ace. Me regarde pas comme ça, je te connais. Café, sédatif, Triangle Florian… ça te rappelle quelque chose ?

- Un truc intéressant à savoir ? demanda Mandos avec amusement

- Je te hais parfois.

- Je suis une Spades. Je te raconterais en revenant à Novigrad, c'est une histoire pour Anaïs aussi.

- Alors on pose le camp et vous allez tous les deux au lit. Rien à foutre, exigea Ace.

Il pointa l'incendie qui prenait la montagne dans le lointain, comme pour justifier sa demande.

- Au lit.

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.

Ace fut autorisé à monter à bord du navire que Radovid avait transformé en sa résidence permanente le temps de la guerre. Depuis le pont supérieur, il regarda froidement le D. qui retira de son épaule son sac.

- J'espère pour toi que tu ne reviens pas les mains vides, surtout après l'incident qui a frappé les montagnes, lui dit le souverain avec un air hautain.

- Si j'avais la tête de Eilhart, je l'aurais brandit comme un trophée. Cependant, j'ai pas fait tout ça pour rien.

Il brandit plusieurs livres de magies, pour que le souverain puisse voir les titres depuis son perchoir, avant de les poser par terre, et de sortir les agates sanglantes et les outils chirurgicaux. Puis, vinrent quelques papiers qu'il garda en main.

- Vous êtes peut-être un peu jeune, mais savez-vous comment le mage Vilgefortz a retrouvé son œil, votre majesté ?

- Je ne m'intéresse pas à ce Vilgefortz, qui, je sais, est mort depuis longtemps, mais à Eilhart.

- Il y a un rapport, ces livres, ces notes, ces lettres et ces outils le disent. Elle cherche à retrouver la vue comme l'a fait le mage du Kovir. Elle cultivait des tissus humains sur des pierres précieuses pour se rendre ses yeux. L'opération est presque vouée à l'échec. C'est dangereux. Elle a plus de chance de mourir de l'opération que de la réussir.

- Et c'est tout ce que tu rapportes, sorceleuse ?

- J'ai des lettres qui débattent de ce sujet avec Findabair et Ida, en plus de ses tentatives de reformer la Loge. Elle parlait de se rendre à Novigrad pour rencontrer un mage du nom d'Arthur de Vleester, un des premiers à être tombé sous les coups de la Chasse aux Sorcières. J'ai déjà fouillé chez lui il y a quelque temps et j'y ai trouvé des plumes de chouettes. Philippa est donc bien allée le voir. Vu qu'elle s'était moquée de lui par le passé, il est fort probable qu'il ait pris sa vengeance sur elle. La piste s'arrête là parce que les biens du mage ont été vendus aux enchères, avec, dans le lot, une chouette de compagnie…

Radovid fronça les sourcils, voyant où en venait le mutant.

- La chouette a ensuite été jouée, puis perdue aux cartes avec un marchand itinérant du nom de Gaunter de Meuré.

Il reprit l'un des livres et glissa les papiers dedans, avant de le reposer par terre.

- Voilà les faits. Mes preuves. Autre chose, majesté ?

En silence, Radovid montra le quai et sans s'incliner, le D. s'en alla, disparaissant assez vite pour ne pas se faire rappeler.

Maintenant, le Petit Bâtard.