Quelques lignes du fantastique roman de Karine Quasevi "La rose aux mille épines" se sont glissées dans ce chapitre. Alors, si vous en voulez plus... n'hésitez pas à vous procurer vous-mêmes son bouquin, bande de coquins (c'est juste pour la rime, parce qu'en réalité, je sais que vous n'êtes que des coquines !)

Chapitre 17

En se rendant compte qu'elle avait été arrachée à son monde d'origine quelques secondes trop tôt pour apercevoir les ingrédients nécessaires à la finalisation de son antidote, Hermione avait d'abord été abattue. Puis elle s'était retrouvée là, dans le passage secret, aux côtés de Ginny qui avait patiemment attendu qu'elle émerge. Après tout, elle venait de lui évoquer ses évanouissements, et avait bien précisé qu'ils étaient brefs. Cette fois-ci, Hermione n'avait pas dû s'absenter plus de trente minutes. Après cet épisode, elle s'était sentie légèrement rassérénée. Ginny l'avait soutenue avec force pendant ce moment et ainsi, elle avait le sentiment d'avoir retrouvé son amie.

Pour contrebalancer l'allègement apporté par son échange avec Ginny Weasley, les paroles de Rogue résonnèrent à son esprit à chaque fois qu'elle le croisa dans la Grande Salle ou dans les couloirs. "Si vous n'aviez pas voulu crever, il aurait fallu y songer avant de tenter de vous suicider". Mais comment avait-il pu être si puant ? A chaque fois qu'elle y songeait, elle brûlait d'envie de lui jeter au visage l'objet qu'elle avait dans les mains à ce moment-là. Elle lui en voulait d'autant plus qu'elle se reprochait de l'avoir attaqué un peu à tort, notamment sur les fantaisies de Bellatrix, qu'il avait tenté d'endiguer, contrairement à ce qu'elle lui avait reproché. La sensation d'une telle proximité entre eux l'avait rendue un peu… jalouse ? Non, non sûrement pas. En colère ? Oui, bon, jalouse. Vraiment… ils avaient été injustes l'un avec l'autre.

Le mercredi, de retour d'entraînement de Quidditch, la tignasse encore trempée d'une douche trop chaude, elle fouilla dans son sac pour en extraire les fioles de potion. Ses règles venaient de démarrer et Morgane, qu'on ne lui dise pas que c'était pour cette raison qu'elle avait hurlé comme une harpie et s'était sentie désespérée les jours précédents. Elle s'était décidée à absorber la préparation prescrite par Bellatrix. Après avoir ôté de son sac un énorme volume de sortilèges, le parchemin à duplication instantanée tomba sur ses genoux : "J'ai été un fieffé goujat. Je suis désolé". Elle pouffa un peu à la lecture des termes "fieffé goujat", puis relut le mot manuscrit… plusieurs fois. "Je suis désolé ». Rogue demandait des excuses. Bon Dieu de Merlin, par le soutien-gorge de Morgane des excuses ! Ainsi il existait encore des êtres humains qui s'excusaient, sur cette Terre ? Après avoir avalé d'un trait le contenu de l'un des flacons, elle glissa le parchemin dans l'un de ses livres, s'allongea et ferma les paupières. Elle se tourna, se retourna. Elle observa longuement le ciel de son baldaquin. Les images de Rogue, s'excusant, s'imposèrent à son esprit, séduisantes, excitantes. Alors qu'elle n'avait plus senti le besoin de se caresser depuis de longues semaines, elle se laissa porter par des pensées, pour la plupart inavouables. Le sommeil la faucha finalement, et pour une fois, il fut paisible et sans rêve.

Le début de semaine avait été occupé par un marathon d'examens blancs en sortilèges, mais le jeudi, elle rejoignit le cachot avec le groupe des élèves de septième année, comme prévu. La thématique des analogies aux formules de métamorphoses était encore et toujours à l'honneur, et les potions, de plus en plus corsées. Au grand dépit d'Isobel qui avait jusqu'ici toujours été bien meilleure élève qu'elle dans la plupart des matières, Hermione fournissait inlassablement un travail irréprochable. Cette fois-ci, l'ambiance avait été lourde, pleine d'efforts et il lui avait fallu mobiliser toutes ses connaissances et toute la puissance de à magie pour venir à bout de l'exercice proposé. Alors que Malefoy, Zabini, Weasley et Lavande Brown avaient déjà quitté les cachots, Isobel se leva pour sortir, suivie de Potter. Hermione, elle, n'avait pas fait l'impasse sur la rédaction qui accompagnerait sa préparation. A l'heure pile, alors que le maître des cachots consultait sa montre à gousset, elle y mit un point final. Comme toujours, elle remplit une fiole de sa potion, la referma d'un bouchon de liège, qu'elle scella de cire écarlate avant d'éteindre le feu qui ronronnait sous son chaudron et de le nettoyer, d'un mouvement net et précis de sa baguette. Depuis son bureau, Rogue détaillait chacun de ses gestes, bras croisés, le regard sombre. Elle s'approcha pour lui tendre sa fiole, qu'il saisit doucement en emportant légèrement ses doigts dans la manœuvre. Il s'y attarda bien plus que nécessaire. Le bas-ventre d'Hermione s'agita, comme habité d'un monstre insatiable. Le maître des potions jeta un regard vers l'entrée, où Isobel échangeait avec Potter depuis un point un peu plus éloigné du couloir. Leurs voix étaient légèrement perceptibles. Finalement, le professeur Rogue se leva.

- Je sais que vous avez lu le parchemin, commença-t-il, la voix légèrement rauque.

- Eh bien ?

- J'ai pesé mes mots.

Dans son souci de ne pas être entendu, il s'était approché d'elle bien plus que nécessaire. Son parfum discret envahit les narines d'Hermione et embrumèrent son esprit. Elle pouvait même sentir son souffle contre son front. Elle déglutit et inspira profondément pour tenter de calmer son cœur qui s'emballait, irrégulier.

- Je vous crois, répondit-elle en levant le visage.

Il lui sembla que les yeux de Rogue firent une furtive incursion sur sa bouche et, elle l'avoua, elle eut le même réflexe. Elle ne put empêcher sa langue d'humecter légèrement ses lèvres et il le remarqua sans nul doute car il laissa filer un discret soupir. Il était si proche, si proche, par Merlin… Il aurait suffi d'un pas et d'un peu de volonté…

- Hermione, tu viens ?

Isobel avait passé le visage dans l'entrebâillement de la porte. Hermione, surprise, lança à Rogue un regard qu'elle souhaita lourd de sens, mais qui s'avéra plutôt pressé.

- À dimanche, conclut-elle finalement.

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Le dimanche suivant, elle rejoignit la Salle sur Demande en avance de plusieurs heures. Son moral s'était nettement ragaillardi et elle se sentait pleine d'entrain, motivée, même. Puisque l'eau du fleuve Léthé était son propre antidote, elle n'avait pas pu résister à progresser sur l'antidote au psilocybe, pour lequel il était question de produire une huile essentielle de passiflore. Tout s'annonçait sous les meilleurs auspices ses ingrédients étaient d'une qualité particulièrement exceptionnelle, achetés chez le meilleur apothicaire de Pré-au-Lard, et la Salle sur Demande lui avait fourni un très bel alambic d'acier et de verre, parfait pour l'opération. Pour autant, après s'y être reprise à plusieurs fois, le résultat qu'elle obtenait n'était pas celui escompté. L'huile se décantait mal, l'hydrolat ne se condensait pas comme il fallait, en bref, ce n'était pas brillant. Lasse d'avoir recommencé sans cesse pendant plus de deux heures, elle s'enfonça dans le sofa, où elle ferma les paupières. Après avoir réfléchi un long moment sur les réglages de son matériel, son esprit, mû par un désir sans cesse augmenté, vogua lentement vers des images un peu plus sulfureuses. Par Morgane, elle n'en pouvait plus. Depuis qu'elle avait commencé à prendre ces fichues potions, l'excitation la tenaillait à longueur de jour et dévorait ses nuits. Black l'y avait pourtant préparée, elle l'avait prévenue… Rien ne comblait son désir, rien ne le tarissait. Peut-être… peut-être les attentions de Rogue auraient pu la rassasier. Peut-être. Oh Merlin. Pour la troisième fois de la journée, elle n'allait pas pouvoir se retenir de se toucher et il allait falloir être rapide, car le maître des potions ne tarderait pas à la rejoindre pour terminer la troisième phase de son antidote. Elle aurait pu choisir de l'attendre nue et de ne pas lui laisser le choix… Non, c'était beaucoup trop indécent et terriblement incorrect. Elle fouilla dans son sac à dos et y retrouva un roman moldu qu'elle avait déjà lu par bribes des dizaines de fois au moins. Elle connaissait ses passages préférés, ceux qui la faisaient jouir si vite qu'elle pouvait à présent difficilement s'en passer. Le livre était usé d'avoir trop été lu, transporté, manipulé. Sa couverture, mate, était maculée d'empreintes sombres, désordonnées, comme autant de preuves de l'état des mains d'Hermione quand elle avait parcouru ses lignes, autant de témoins de ses orgasmes passés. Elle tâtonna, tremblante, et trouva l'une des pages cornées. Glissant sans ménagement sa main droite entre ses cuisses, elle lut :

« - Mais j'en meurs d'envie !

- Et moi, j'ai envie de te pénétrer avec violence, mais je me retiens alors fais preuve d'autant de patience que moi ou tu le regretteras.

Rose ravala un gémissement sonore qui mourut dans sa gorge. »

Hermione également. « Merlin, bordel… », elle crispa ses paupières en imaginant soudain Rogue dans ce rôle qui lui aurait parfaitement collé à la peau. Elle reprit sa lecture, saccadée, manquant des mots, des lignes entières, tant ses pensées se hâtaient.

« Il la retourna pour l'amener à plat ventre contre le bureau. Rose soupira de plaisir, en se pinçant les lèvres. Avec douceur néanmoins, il fit tomber sa culotte, ruinée par les affres de sa fébrilité, et déposa des baisers furtifs autour de ses mollets, puis vers l'arrière de ses cuisses, remontant encore et encore jusqu'à ses fesses. »

- Bon sang, Severus, laissa-t-elle échapper.

Son majeur allait et venait tout contre son clitoris, dans le secret de ses vêtements. Sa main, contrainte, ne pouvait bouger librement, mais le plaisir était au rendez-vous, un peu brouillon.

« — Je ne peux plus attendre…

Tais-toi, lui ordonna-t-il. »

Hermione rejeta son visage en arrière, sur le dossier souple du sofa et mordit douloureusement sa lèvre inférieure. Dans ses pensées, Rogue s'apprêtait à venir en elle. Elle n'avait même plus honte de ce fantasme, elle l'avait trop parcouru, trop utilisé, trop usé et ajusté à ses désirs.

- Miss Granger, je…

Hermione ouvrit des yeux révulsés. Le maître des potions se tenait là, à quelques pas d'elle. Il venait de pénétrer dans la Salle sur Demande et, pantois, était resté bouché bée et cueilli par la vision qui l'avait assaillie : Hermione Granger, un livre dans sa main gauche, l'autre perdue dans son collant, toutes cuisses ouvertes, le visage crispé par un plaisir presque indécent.

- Je… répéta-t-il.

Elle n'essaya même pas de se justifier.

- Je n'arrive pas à me retenir. Ça me ronge littéralement, s'écria-t-elle. La potion !

La colère se mêlait à l'envie dans un cocktail détonnant. En se redressant, elle lança :

- Vous… vous pouvez m'aider. Vous devez m'aider. Vous êtes le seul à pouvoir le faire.

Il eut un rire nerveux devant tant de précipitation et de frénésie.

- Permettez-moi de vous demander comment ? questionna-t-il, incrédule.

Allait-elle oser ? Après tout… elle allait mourir, très possiblement, non ? Pourquoi ne pas tenter le tout pour le tout ? Il la devança, regardant autour de lui, comme s'il craignait d'être surpris.

- Je ne vous toucherai pas, Granger, lança-t-il fermement, chuchotant presque.

Ce fut au tour d'Hermione de laisser aller un rire sans joie.

- Je vais mourir. C'est quasiment certain.

- Je ne vous toucherai pas, c'est clair ?

Bien. Soudain, l'idée explosa dans son esprit :

- Vous pouvez me… parler ?

- Vous parler ?

- Me…

Elle s'éclaircit la gorge.

- … lire quelques passages de… ce livre ?

- Granger, il est hors de question que je… contribue à… soulager vos… vous m'avez compris… de quelque manière que ce soit ! cracha-t-il.

Hermione sentit la rage monter en elle. C'était tellement injuste, tellement… triste, triste à en crever.

- Je reviendrai plus tard, claqua-t-il en tournant les talons.

- Non ! Attendez. S'il… s'il vous plaît. Severus.

Pour la première fois en sa présence, elle sentit son prénom filer sur sa langue et son entrejambe palpiter par anticipation. Rogue fit volte-face et la couvrit d'un regard indéchiffrable.

- S'il vous plaît, répéta-t-elle en plantant son regard dans le sien.

Plusieurs dizaines de secondes passèrent. Alors, incroyablement, il vint s'assoir sur le sofa. Suffisamment loin d'elle cependant pour être sûr de ne pas même la frôler.

- Je ne fais que lire, Granger, prévint-il. Où en êtes-vous ?

Elle plaça l'ouvrage entre ses mains et indiqua la ligne de l'index. Puis elle observa ses yeux s'écarquiller. Il tourna une page, revint en arrière, puis donna du mou au col de sa chemise.

- Merlin, je… non, non, je ne lirai pas cela.

- Vous imaginiez que je me caressais en parcourant un essai sur la culture des ravegourdes, peut-être ?

- J'en avais la secrète illusion, oui !

Il lui jeta un regard à la dérobée. Elle n'avait plus honte de rien, plus peur non plus. Le désir la possédait totalement. Elle aurait tout fait, tout donné pour qu'il l'aide à assouvir son envie.

- Bon…

Ses yeux noirs se posèrent sur le roman. Hermione remarqua qu'un voile de sueur avait perlé sur ses tempes.

- Eh bien… Reprenez, Granger.

Sa voix se voila, il l'éclaircit. « Elle soupira de satisfaction en devinant son sexe remplacer ses doigts. Dane fit glisser ce sirop luxurieux tout contre sa hampe, n'y tenant déjà presque plus. » Merlin, s'interrompît-il. Je…

- … continuez.

Pourquoi obéit-il ? Ni l'un ni l'autre n'en avait la moindre idée. Sa voix était rauque et elle trembla furieusement sur la fin de la phrase : « Enfin, son professeur monta en elle, petit à petit ».

Elle l'observa. Les doigts de Rogue tordaient l'angle de la page, nerveusement, alors que les siens frottaient ses chairs, sans plus aucune pudeur, ni aucune retenue. Elle était trempée. Elle aurait voulu le lui dire, le lui… faire sentir. Il poursuivit, avec constance, lui jetant des regards méfiants, comme s'il s'attendait à ce qu'elle se transforme d'une seconde à l'autre en un monstre terrifiant.

- Oh Merlin… soupira-t-elle. Severus…

- Miss Granger… C'est…

- … terriblement impudique…

- D'une part.

- Interdit ? soupira-t-elle.

- D'autre part, conclut-il.

- Mais c'est aussi…

Plus rien ne la retenait à présent. Elle était proche, si proche de l'orgasme. Et proche, si proche de lui.

- … atrocement excitant, souffla-t-elle à quelques centimètres de ses lèvres.

Il tenta de protester.

- Ne me dites pas que ça ne vous excite pas, le défia-t-elle.

Il y eut un silence, pendant lequel elle ralentit sa cadence.

- Je ne vous le dis pas.

Hermione se mordit la lèvre et prit une profonde inspiration avant de lever à nouveau les yeux vers lui. Elle sentait son souffle contre sa joue. Il n'avait pas besoin de lire pour la transporter. Il lui suffisait d'être là. Elle s'agrippa à son regard, s'y perdit.

- Je vais jouir, prévint-elle.

Hermione se risqua à baisser les yeux vers sa bouche. Ses lèvres, fines mais merveilleusement dessinées, semblaient l'attirer irrémédiablement. Il se recula à peine et capta de nouveau son regard, qui s'embua. Il avait retourné, ouvert comme à plat-ventre, le livre sur ses cuisses. A présent, sur sa couverture veloutée, s'ajoutaient aux marques des doigts d'Hermione l'ombre de l'empreinte d'une grande main, qui avait dû être si moite qu'elle en avait effacé les traces plus anciennes.

- Ne m'embrassez pas, prévint-il.

- Oh Merlin…

Une main sur son épaule la secoua légèrement et elle fut perturbée par cette intrusion. Ce n'était pas sa main… c'était ailleurs... ce…

- Granger. Debout, lança la voix de Rogue, bien plus ferme que dans ses songes.

- Hein ? Quoi ? balbutia-t-elle dans un sursaut.

- Les vapeurs de passiflore ont cet effet, lança-t-il.

Le maître des potions se tenait devant elle et il n'avait entre les mains aucun fichu livre érotique. Elle se frotta le visage avant de se redresser. Bon sang, ce rêve avait été si… réel, si prenant. Depuis combien de temps était-elle avachie sur le sofa ? A l'extérieur, le ciel s'assombrissait déjà.

- Quelle heure est-il ? questionna-t-elle.

- Un peu plus de dix-huit heures. Cela fait plusieurs minutes que j'essaie de venir à bout de votre sommeil.

"Étonnant, ça", ironisa Hermione pour elle-même. Elle se dirigea vers sa table de travail et observa l'alambic. Rogue s'approcha à son tour et vint se placer à ses côtés. Par Merlin, il n'avait pas intérêt à se tenir trop près d'elle… déjà, elle sentait son entrejambe palpiter sous le pouvoir de la potion de stimulation et des souvenirs de son rêve.

- Cela ne décante pas, commenta-t-il en y regardant de plus près.

- C'est exactement mon problème.

- Votre essencier est placé trop haut, assura-t-il. Ces alambics à liaisons souples produisent souvent ce genre d'erreurs.

- Ah oui ? s'étonna Hermione avec une moue préoccupée.

"Oui, évidemment", comment avait-elle louper ce détail pourtant manifeste ? De sa baguette, elle réhaussa légèrement le serpentin qui précédait l'essencier.

- Bien. Retentez ?

Sans attendre sa validation, elle avait relancé le feu sous le récipient d'eau. Tous deux observèrent la vapeur se condenser jusqu'au serpentin, où elle dégringola en gouttes.

- Cela semble mieux, commenta Rogue. Pourquoi la passiflore ? Il n'y a pas d'antidote précis indiqué contre la psilocybine...

Il avait tourné le dos au dispositif de distillation et s'était appuyé contre la table de travail, bras croisés, comme toujours.

- Eh bien... Les symptômes principaux d'une intoxication à la psilocybine étant l'angoisse et des convulsions possibles, la passiflore fonctionne comme un sédatif léger et un antispasmodique. Elle est également utilisée contre les dysménorrhées, ce qui dans le cas de cette potion « de femmes », peut être une propriété utile.

Les sourcils du maître des potions s'étaient levés à mesure qu'elle expliquait sa démarche et les raisons de ses choix. Finalement, il avait hoché la tête.

- C'est parfaitement résonné, Miss-Je-Sais-Tout.

- Ne m'appelez pas comme ça, bougonna Hermione, en souriant tout de même un peu.

- Désolé. C'est tellement... irréprochable, Miss Granger. Je ne comprends même pas comment vous avez pu douter de vos capacités réflexives.

Elle se contenta de piquer un fard monumental et ne laissa même pas le côté effronté de sa personnalité, si nouveau pour elle, prendre le dessus.

- Je... je ne comprends pas non plus comment vous avez pu désespérer à ce point.

La référence à leur altercation était manifeste.

- Il y a des quantités et des quantités d'inconnues dans cette histoire d'antidote et... je suis seule, ici. Je n'ai aucune attache, personne pour me soutenir.

Elle anticipa sa réponse outrée.

- A part vous, bien évidemment, mais réfléchissez un peu à l'état dans lequel j'étais après m'être retrouvée dans la même pièce que Bellatrix Les... Bellatrix Black.

- Je suis désolé pour cela, très sincèrement, lança-t-il en secouant la tête.

- Vous n'imaginez même pas à quel point ces excuses sont improbables pour moi.

Il arqua un unique sourcil.

- Ni à quel point elles me...

Ce fut son tour de hocher le visage avec un geste de la main, incapable de trouver des mots suffisamment mesurés pour qualifier le soulagement qu'elle avait ressenti.

- J'ai dû me comporter comme le pire des mufles, pour que vous me considériez de la sorte, par Circé...

Hermione fronça les sourcils. Passés les souvenirs qu'avaient déclenchés la première partie de sa phrase, "par Circé" résonna en elle.

- Par Circé... murmura-t-elle, les yeux dans le vague. Merlin !

Elle se rua vers la petite bibliothèque et parcourut les rayonnages, à la recherche d'un volume précis, l'Odyssée. Il était là. Bien sûr, comment aurait-il pu en être autrement ? Elle emporta également avec elle les "Mille Herbes et Champignons Magiques" et feuilleta frénétiquement le récit d'Homère, sachant exactement ce qu'elle souhaitait y trouver.

- Là !

Hermione s'approcha de Rogue sans lever les yeux des pages qu'elle parcourait du bout de l'index. Elle vint se poster près de lui et laissa tomber lourdement "Mille Herbes et Champignons Magiques" sur la table.

- "Et Hermès à la baguette d'or vint à ma rencontre, comme j'approchais de la demeure, et il était semblable à un jeune homme dans toute la grâce de l'adolescence. Et, me prenant la main, il me dit : Ô malheureux où vas-tu seul, entre ces collines, ignorant ces lieux. Tes compagnons sont enfermés dans les demeures de Circé, et ils habitent comme des porcs des étables bien closes. Viens-tu pour les délivrer ? Certes, je ne pense pas que tu reviennes toi-même, et tu resteras là où ils sont déjà. Mais je te délivrerai de ce mal et je te sauverai. Prends ce remède excellent...", bla, bla, bla, ponctua-t-elle avant de reprendre. "Ayant ainsi parlé, le tueur d'Argos me donna le remède qu'il arracha de terre, et il m'en expliqua la nature. Et sa racine est noire et sa fleur semblable à du lait. Les dieux la nomment môly". Et le môly est le...

"Perce-neige", s'exclamèrent-ils d'une même voix. Se précipitant sur "Mille Herbes et Champignons Magiques", elle enchaîna :

- "Le perce-neige, Galanthus nivalis", bla, bla... "son principe actif, la galanthamine, permet de contrecarrer les effets des composés à base d'atropine, atropine présente dans la belladone et dans un grand nombre de plantes psychotropes".

- Je connais les propriétés du perce-neige, se défendit Rogue.

- Attendez, pria-t-elle en levant le doigt. Juste avant l'épisode de Circé : "Et nous fûmes entraînés, pendant neuf jours, par les vents contraires, sur la mer poissonneuse mais, le dixième jour, nous abordâmes la terre des Lotophages qui se nourrissent d'un fruit", bla, bla..., "Et, alors, je choisis deux de mes compagnons, et le troisième fut un héraut, et je les envoyai afin d'apprendre quels étaient les hommes qui vivaient sur cette terre. Et ceux-là, étant partis, rencontrèrent les Lotophages, et les Lotophages ne leur firent aucun mal, mais ils leur offrirent le lotos à manger. Et dès qu'ils eurent mangé le doux lotos, ils ne songèrent plus ni à leur message, ni au retour ; mais, pleins d'oubli, ils voulaient rester avec les Lotophages et manger du lotos. Et, les reconduisant aux nefs, malgré leurs larmes, je les attachai sous les bancs des nefs creuses ; et j'ordonnai à mes chers compagnons de se hâter de monter dans nos nefs rapides, de peur qu'en mangeant le lotos, ils oubliassent le retour."

- Le lotos est la...

- Jujube, oui, coupa Hermione.

- Où voulez-vous en venir, Granger ?

Rogue fronçait les sourcils, concentré, et s'approcha pour lire par-dessus son épaule. Elle se décala légèrement, mais pas assez pour échapper à son parfum.

- Le lotos est l'antithèse du môly. Le môly contrecarre les psychotropes, le lotos pousse à l'oubli. Les antidotes ! Il y a deux antidotes à la potion Mutatis Mutandis. J'en suis certaine !

Son enthousiasme rendait sa respiration légèrement haletante.

- Mais la baie du jujubier n'a jamais eu de propriétés anti-psychotropes...

- C'est symbolique ! Le perce-neige empêche Ulysse d'être transformé en pourceau, il conserve la raison. Le lotos, lui, pousse à l'oubli, il n'y a plus de retour en arrière possible. Une métaphore de notre potion... Il n'y a pas un antidote, mais deux, termina-t-elle d'une petite voix, refroidie par l'absence d'emballement de Rogue.

Il la dévisagea, porta son regard sur le livre, puis revint à son visage. Son front se crispa légèrement, comme s'il intégrait les informations qu'elle venait de déverser.

- Granger, c'est... Bon sang. C'est du génie.

A ces mots, une sensation à présent bien connue se saisit de sa poitrine et la propulsa hors de la Salle sur Demande.

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Ils l'avaient ! Par Morgane, elle était sûre qu'elle venait d'élucider le mystère de l'ingrédient supplémentaire de son antidote, lié à la loi de Golpalott. C'était tellement limpide, tellement logique ! Le perce-neige, ajouté aux antidotes des ingrédients élémentaires et aux composants de Magie Noire, permettait à celle qui avait absorbé Mutatis Mutandis de revenir en arrière, dans son monde d'origine. La baie du jujubier, elle, offrait la possibilité de rester dans le second monde. La symbolique était lourde : le perce-neige, allégorie de raison et de pureté, signifiait le regret, la jujube, elle, confortait dans la Magie Noire, dans l'oubli. Par Merlin, tout lui paraissait si évident, à présent.

Toute à sa réflexion, elle ne prit même pas le temps d'observer la chambre, vide de visiteurs, silencieuse. Son corps était bien là, égal, dans le même lit, recouvert des mêmes draps. Les meubles étaient aux places qui avait toujours été les leurs et pourtant... quelque chose clochait. Au bout d'un moment, elle percuta une grosse plante en pot avait été placée sur la table de chevet la plus proche de la fenêtre enchantée. Intriguée, Hermione s'approcha pour en lire l'étiquette, qui mentionnait : "Bien à vous, Minerva McGonagall". C'était donc un présent du professeur McGonagall. Etrange. Elle s'avança davantage. Au-dessous du petit mot manuscrit, se trouvait un parchemin, piqué en terre sur une brindille fine. Mais, par Morgane, le pot avait sûrement été déplacé, et seule la partie gauche de l'étiquette était lisible. Décidément, elle manquait cruellement de chance, avec cet antidote. Elle y déchiffra, grossièrement : "Eau du fle… sans graines… huile essentielle… calabar, cosse, perce-n…Ajouter à l'antidote… précieux souvenirs des proch… semence". "Précieux souvenirs des proch", songea-t-elle. "Les plus précieux souvenirs des proches" ! Évidemment ! Pour parer aux larmes, elle devait convoquer et incorporer à l'antidote les plus beaux souvenirs que ses proches avaient partagés avec elle. Et le perce-neige ! Bon sang, elle avait en partie vu juste ! Elle se contorsionna pour vérifier une éventuelle mention de la jujube, sur la partie invisible de l'étiquette, mais sans succès. Après tout, elle n'était pas un fantôme et n'avait pas la capacité de traverser les objets. Néanmoins sonnée par sa découverte, elle se redressa.

La Directrice avait… décidé de lui fournir la recette de l'antidote, discrètement. Personne n'aurait songé à lire la petite pancarte, à part la destinataire du cadeau. Elle avait sûrement imaginé qu'une partie d'Hermione, son âme ou quelque chose du même goût, pouvait peut-être rôder à proximité de son corps. Elle était donc persuadée qu'Hermione y aurait accès, qu'elle le lirait. Elle croyait en elle et surtout… elle avait décidé de suivre les idées de Dagworth et de lui laisser le choix de mourir, ici.