Bonjour à tous, ceci est la nouvelle fiction que je tease depuis un moment. Et avant de vous lâcher sur la lecture, je veux mettre au clair plusieurs choses.
Premier point, ceci est une collaboration avec l'artiste Shadow of Samhain (que l'on remercie pour la couverture temporaire de la fic). Les personnages de Marina, Strike, Carmen et Aarch sont à elles. D'autre, sont des créations de notre collaboration. Elle mettra donc en ligne d'ici quelques temps une histoire pouvant se synchroniser avec la mienne. Nous avons essayé, chacune de notre côté d'en rendre la lecture simple. Normalement, la lecture de l'une ne rend pas l'autre obligatoire pour la compréhension, mais je recommande tout de même que vous le fassiez, parce que "Samy" a du talent et que ça en vaut la peine.
Second point, suite au sondage (toujours présent sur le profil), j'ai décidé du genre du personnage. Nous aurons donc un individu genderfluid assigné femme à la naissance. La transition entre les genres est, pour une fois, un brin logique dans son exécution.
Troisième point... devant cela, je vais aborder le sujet de la dysphorie de genre. Sachez que n'étant pas touché, je n'aborde pas le sujet en connaissance de cause, seulement suite à des renseignements, des lectures et internet. Les faits seront romancés, aussi. Mais en AUCUN CAS, je ne veux diminuer les souffrances des personnes concernées, ni les vexer. Si cela arrive, je vous en pris, mes mp sont ouverts pour qu'on en discute civilement, je suis ouverte à l'éducation.
Quatrième point (qui découle du précédent) on aura des mentions et scènes d'automutilation. Vous êtes avertis.
Cinquième point : l'histoire sera très dark. Je vais parler de trafics, de massacres, de corruptions et de beaucoup de choses loin d'être joyeuses. Si vous vouliez de la joie et de la bonne humeur, passez votre route.
Ceci étant dit, disclamer time : Les Rhyddid sont à Shadow of Samhain et One Piece à Oda. Pas un rond pour moi de tout cela. Bonne lecture.
Merci à Yuwine pour la lecture en Alpha de l'histoire et ses propositions de titres de chapitres, et à Ann et Linewhirosa pour le bêta-riding ! Je vous embrasse les filles !
ENJOY !
.
.
.
.
Rouge était assise dans un rocking-chair dans le patio de la hacienda de sa famille, observant l'immense oliveraie qui encerclait et isolait la demeure du reste de Baterilla. Elle était épuisée, mais pour la petite chose dans ses bras, ça en valait la peine. Une couverture fut posée sur ses épaules et elle eut un sourire quand l'immense homme qui la lui avait apportée vint s'asseoir, au sol, à côté d'elle.
- Tu devrais te reposer, Roger, lui dit la femme en lui tendant une main.
- Ce n'est pas moi qui viens d'accoucher, tu sais, Rouge. C'est plutôt toi qui devrais te reposer. Et rester au chaud avec elle.
Il prit la main de la blonde pour y déposer un baiser et essuya du pouce la trace sanglante qu'il y avait laissée.
- Mais ce n'est pas moi qui suis mourante. Et je voulais tellement montrer les oliviers à Anabela.
Et elle arrangea le bébé dans ses bras. La petite n'avait que trois jours, et dieu qu'elle se promettait d'être la plus belle des filles.
- Ces olives… si rouges, si sucrées… elles ne sont pas que gorgées de sang. Elles portent en elles notre histoire. Elle devra le savoir. Vite. Qu'elle soit prête avant qu'elle ne le découvre de la manière la plus violente possible. Et pourtant…
- Elle est si petite, si innocente, on aimerait la préserver de tout cela. De la violence et de la mort…
L'immense brun se pencha vers la petite bien au chaud dans les couvertures dans les bras de sa mère. Un sourire lumineux apparut sur son visage.
- J'ai vu quelques enfants et des bébés… ceux d'Oden en dernier… mais je peux affirmer qu'elle est la plus belle. Et elle fera des choses merveilleuses… pas vrai, ma grande ?
- Rouge ! appela un homme de l'autre côté de la maison.
La femme se retourna dans son rock-in-chair en fronçant les sourcils.
- Javier ? reconnu la blonde.
- Qui ? demanda Roger.
- Mon frère aîné. Il était dans la Grand Line aux dernières nouvelles. Il n'a aucune raison de revenir. Prend la petite, je vais le voir.
- Tu ne devrais pas.
- Tais-toi et profite de la petite tant que tu es encore là. Je vais m'occuper de mon frère.
C'est donc avec des petits pas qu'elle quitta le patio pour rentrer dans la maison en elle-même et voir son frère, tout aussi blond aux cheveux légèrement rosés qu'elle, faire les cent pas dans le hall d'entrée… avec un immense individu en uniforme de Marine.
- HORS DE CHEZ MOI ! LA MARINE ET LE GOUVERNEMENT NE DOIVENT PAS…
- ¡CALLA ! répliqua le grand blond. C'est moi qui ai fait venir Genkotsu ici. Quand toi, tu as fait venir Gol D. Roger ! Le pirate le plus recherché de ce bas monde… ici, à Baterilla ! Maintenant, va faire ton sac !
- Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Je suis ici pour arrêter Roger, dit simplement le marine.
- SUR MON CORPS MORT !
- Rouge, s'il te plaît… demanda Garp.
- ¡ SEÑORITA ROUGE ! rectifia avec rage la femme.
Son coup d'éclat la fit vaciller et la força à s'asseoir sur les marches de l'escalier menant aux étages. Sa tête lui tournait. Roger avait raison, elle aurait dû rester au lit. Mais elle savait que son compagnon n'en avait plus pour très longtemps, elle avait voulu rester auprès de lui, avec leur fille, le plus longtemps possible.
Son frère vint s'agenouiller à côté d'elle et porta une main au front dégagé des longues boucles de cheveux.
- Tu es pâle et tu as le front chaud, hermanita. Mon médecin t'examinera.
- Pourquoi ? Pourquoi veux-tu que je parte ? Il y a toujours eu un Portgas ici… souffla la jeune mère avec une voix tremblante.
- Augustin m'a contacté.
Elle était à deux doigts de tourner de l'œil à présent. Augustin était officiellement le chef de l'île. S'il avait appelé son frère, cela ne voulait dire qu'une chose : l'île était en danger. Leur terre. Leur trésor. Leur mission. Cette terre et ses habitants étaient en danger.
- Rouge… je serais d'avis de rester et me battre, mais regarde-moi dans les yeux et dis-moi pourquoi Roger est ici. Suivant ta réponse, tout se passera bien…
- On parle de moi ?
Roger arriva dans le hall à cet instant, la petite dans ses bras. Minuscule en comparaison à la taille de son père. Javier se redressa. Son regard alla de l'homme que l'on surnommait le Roi des Pirates, au bébé dans les bras, à sa sœur.
- Anabela a trois jours, souffla si bas Rouge qu'on entendit à peine sa voix.
- Je comprends mieux pourquoi Augustin m'a appelé, grinça Javier.
- C'est pire que ce que je craignais, dit sombrement Garp. Je suis venu, parce que je me doutais que tu voulais te mettre au vert et que je voulais éviter des blessés inutiles… j'étais prêt à t'ignorer, mais Senny…
- On ne le refera pas, oui. J'ai outrepassé ce que prévoyaient tous les médecins, de toute façon… dit calmement Roger. Cela devait arriver.
- Mais… protesta Rouge.
Garp secoua la tête.
Roger regarda sa fille avec un sourire et embrassa la petite main potelée qu'elle leva vers lui.
- Tu auras une vie belle et magnifique, mon petit ange. Et même mort, je veux que tu saches que je serais toujours dans tes pas. Je veillerais sur toi, Anabela. Je sais que tu es destinée à de grandes choses. De belles et magnifiques choses.
Doucement, il l'embrassa sur le front.
- Je t'aime, mon chaton.
Et avec toute la délicatesse du monde, il remit sa fille dans les bras de sa mère. Puis, il tendit ses poings au Marine qui passa le premier bracelet au pirate. Cela fut suffisant pour que Rouge se mette à hurler et pleurer avec hystérie, et ce malgré sa fragilité et la petite dans ses bras.
.
.
Javier entra dans la cabine de capitaine de son navire, une petite fille blonde de six ans dans ses bras. En voyant Rouge roulée en boule sur la couchette, emmitouflée dans les couvertures, il soupira. L'hiver était toujours plus frappant au large qu'à terre, même si ceux de South Blue étaient plus doux qu'ailleurs.
- Tatie ! s'exclama la gamine quand Javier la posa au sol.
- Shhh… elle a un bébé qui dort, Amelia, demanda l'adulte en voyant la gamine grimper sur la couche pour rejoindre Rouge.
La jeune mère, habituellement si attentionnée envers sa nièce, n'accorda aucune espèce d'importance à la fillette. La seule chose qui comptait, c'était la petite dans ses bras.
- Rouge… écoute-moi, demanda Javier en prenant une chaise pour rejoindre le chevet de sa petite sœur.
La femme ramena un peu plus sa fille contre elle et ferma les yeux pendant que des larmes et des sanglots déformaient ses traits.
- Papa… pourquoi tatie pleure ? demanda la gamine.
- Parce qu'elle a perdu quelqu'un d'important.
- Tú culpa… souffla avec déchirement Rouge.
- Escuchame.
Elle se contenta de grogner pour toute réponse. Javier soupira et joignit ses mains.
- Augustin m'a contacté quand Roger est arrivé à Baterilla. Et il m'a parlé de votre idylle. Alors, j'ai pris sur moi de mener en bateau la Marine. Contrôler des informations, fausses pistes… On a fini par balancer que c'était moi qui les faisais tourner en rond. C'est là que Garp m'a contacté.
Délicatement, il posa sa main sur la cheville sous la couverture.
- Il avait déjà appelé Augustin qui lui a tout nié en bloc avant de lui dire que si la Marine mettait le pied sur Baterilla, je leur tomberais sur le dos. Alors, Genkotsu a demandé à me parler. On est entré en contact. Il m'a dit qu'il se doutait très bien qu'il se faisait manipuler, mais qu'il s'était laissé faire… mais que là, la donne avait changé. La disparition sans explication de Roger avait rendu les gens nerveux. Surtout en haut de l'échelle. Puis, il m'a appris que le médecin de bord avait brisé le secret médical. En arrivant ici, on s'attendait à ce que tu nous dises qu'il était mort il y a au moins six mois.
Il serra un peu plus la cheville de sa sœur.
- Je l'ai vu venir. J'ai cru naïvement t'épargner, te mettre à l'abri. J'ai entendu les rumeurs. J'ai vu les prémisses de l'hystérie collective. Augustin m'a retiré le choix des mains. Il m'a clairement dit que soit je venais te chercher, soit il te mettait dans le premier navire qui passerait par-là. J'aime aussi peu que toi l'idée de voir cette île prise pour cible et subir les contrecoups, surtout de ce qui est une affaire privée… mais ça ne date pas d'hier que cette île et ses habitants...
Il ne termina pas la phrase.
- Je le leur rendrais. Comme on le fait toujours, murmura la jeune mère.
- Et comme on continuera longtemps. Le serpent se mord toujours la queue, continua son frère.
- Et c'est ce que l'on attend toujours de nous.
Rouge serra un peu plus Anabela contre elle en pleurant à nouveau.
- Rouge… escuchame… On va faire front. Comme toujours. On va se serrer les coudes, on va traverser cette épreuve… et ils paieront. Mais ma priorité, là, maintenant, c'est toi et la petite.
Il lui caressa une joue.
- J'ai promis à maman de veiller sur toi, sur son lit de mort. Puis à tío, même si ça me tuer de lui promettre quelque chose, mais je l'ai fait parce qu'il s'agissait de toi. Et je le ferai. Jusqu'au bout. Et même si je dois plonger le monde dans le sang, y compris notre précieuse Baterilla, je le ferais.
Il resta là, à côté, attendant que les larmes ne coulent plus. Il savait que le cœur continuerait à saigner malgré tout.
- Je… je veux lui dire au revoir, chuchota la femme.
- On va rejoindre le Phare. Et on va garder l'oreille au sol. De là, on sera capable de se rendre n'importe où, rapidement, pour être à temps sur les lieux en cas d'exécution publique.
- Tu m'aideras à récupérer son corps ?
- Si tu me promets de te reposer et de te concentrer sur ta princesse. Autant l'une que l'autre, vous avez besoin de vous ménager.
Et il l'embrassa doucement sur la tempe. Rouge s'accrocha à lui, et sanglota contre son épaule. Amelia, qui était restée silencieusement assise au niveau des pieds de sa tante, avança à quatre pattes sur la longueur du lit et enlaça la taille de la femme.
Ils étaient une famille, ils restaient unis.
.
.
.
.
Javier n'avait gardé que des hommes de confiance à son bord. Les autres, il leur avait confié la protection des femmes enceintes, des jeunes mères et des enfants en bas âges qu'ils avaient pris à bord pour les mener jusqu'à une île dont la population n'avait pas survécu faute de la protection du Gouvernement Mondial. Le capitaine les avait laissés là, sous bonne protection, avec pas mal de provisions et d'armes, et surtout un denden. C'était la seule idée qu'il avait pour protéger un maximum de monde sans que cela fasse trop suspect. Avec ses meilleurs hommes, sa sœur et les deux fillettes, le capitaine pirate avait ensuite mis le cap pour rejoindre l'entrée de la Grand Line. De Reverse Moutain, il pourrait rejoindre n'importe quel océan rapidement. Il fallait donc prier que l'exécution ne se fasse pas à Marine Ford. Mais de par les informations qu'il avait réussi à obtenir de la part de quelques-uns de ses indics, cela ne devrait pas être le cas.
Il avait jeté l'ancre au Cap Jumeau, sous le regard indéchiffrable de l'occupant du phare de la seule zone de terre plate.
Il était revenu, cela confirmait les informations qu'avait eues Javier. Et faisait un pas en avant dans son plan.
Le Portgas descendit de son navire, tenant la main de sa fille. Il voulut offrir son bras à sa sœur, mais celle-ci le menaça de lui en coller une. Alors, même si elle prit son temps pour descendre, la jeune mère posa le pied au sol. Ce n'est pas pour autant que le gardien du phare se leva de son fauteuil de plage. Il se contenta de les regarder au travers de ses grosses lunettes rondes, par-dessus son journal.
- T'en as pas marre de faire des allers et retours ? finis par demander l'homme bedonnant quand Javier fut à portée de voix.
- Je le fais pour une bonne raison, lui dit froidement le Portgas. Par contre, je suis ici pour tout autre chose. Une affaire sensible, Crocus-sensei.
Le bonhomme plia son journal sur ses genoux croisés avant de poser ses mains sur sa ceinture, attendant la suite.
- Je dois parler au Mei-Ô. J'ai besoin de son aide pour récupérer le corps de Gol D. Roger.
Crocus leva un sourcil.
- Roger est mort depuis plusieurs mois, déjà, leur dit l'homme. Pendant trois ans, j'ai lutté pour le garder vivant et stable. Où qu'il soit, ce n'est plus qu'un corps, et ce, depuis octobre maximum. Et en soit, c'est miraculeux, parce qu'il n'aurait pas dû tenir aussi longtemps.
- Il est toujours vivant, souffla Rouge avec une voix étranglée. Et il va bientôt être exécuté. Je… je dois récupérer son corps.
- Écoute, petite, t'es mignonne, mais je suis médecin…
- Tu parles autrement à tante Rouge ! gronda Amélia en plissant les yeux.
- Laisse les grands parler, cariño, réclama Javier à l'adresse de sa fille.
Il fit signe à Crocus de se lever et se rapprocher. En soupirant, le médecin obtempéra. Ainsi, il était au même niveau que le groupe. Rouge hésita, puis fini par écarter assez la couverture pour qu'on puisse voir la petite dans ses bras. Le mouvement réveilla le bébé qui bâilla copieusement avant de se blottir un peu plus dans l'étreinte de sa mère.
- C'est le portrait craché de son père, nous sommes d'accord ? pointa aigrement Javier en passant un bras autour des épaules de sa petite-sœur. S'il te plaît, contacte Silver Rayleigh et dis-lui que Javier la Araña a besoin de lui. Je lui rembourserai le service, mais c'est important. Je veux que ma nièce puisse grandir en sachant que son père a eu une sépulture décente.
Crocus retira ses lunettes, les nettoya avec sa chemise, puis les remit sur son nez. Encore incertain par ce qu'il voyait, il se pencha un peu plus vers le bébé et tendit les mains pour le prendre. Rouge hésita. Réellement. Au point de resserrer sa prise sur sa fille unique, avant de finalement céder et de laisser la toute petite au médecin qui la réceptionna en délicatesse.
- Salut, toi… au moins, on peut dire que cet idiot a su trouver une jolie femme pour compenser sa sale tête, parce que toi, petite demoiselle, tu es magnifique, sourit l'ancien pirate. C'est quoi son nom ?
- Anabela, répondit Rouge. Elle est née le premier janvier dernier. Roger m'a reproché d'avoir attendu exprès la nouvelle année pour qu'elle ne compte pas comme un cadeau d'anniversaire.
Et elle fondit en larmes dans les bras de son frère. Roger lui manquait tellement. Amelia eut un air triste en voyant l'état de sa tante et lui frotta doucement le dos dans l'espoir de la réconforter. Jusqu'à ce que Crocus ne rende la petite brunette à sa mère.
- Allons à l'intérieur, j'ai un denden pour contacter Rayleigh.
Il entraîna les Portgas dans le phare. C'était un phare, donc exigu, mais il y avait assez de place pour que Rouge puisse s'asseoir à côté de sa nièce qui s'intéressa plus à sa petite cousine qu'à ce que faisait son père avec l'étrange bonhomme. Crocus sortit un denden d'un de ses placards, avec un autre tout blanc pour couvrir la conversation. Même s'il ne dirait pas suffisamment pour mettre en danger la femme et sa fille, ça ne coûtait rien d'être prudent. Les deux hommes s'assirent à une petite table sur laquelle ils avaient posé le denden et attendirent. Au bout d'une interminable attente, on décrocha enfin de l'autre côté. Crocus parla directement, n'attendant pas que son interlocuteur salut ou quoique ce soit.
- Roger a fait une connerie.
« Bonjour à toi aussi, Crocus. » salua avec une certaine amertume l'homme de l'autre côté.
- Bonjour Rayleigh, je répète, Roger a fait une connerie, j'ai besoin que tu redescendes fissa au cap.
« Roger est mort, ses conneries ne nous concernent plus, pourquoi veux-tu que je m'en occupe ? »
- Tu te souviens de ce qu'a dit Roger à Oden quand il nous a présenté Momo ?
« Oui… »
La voix mourut alors que les yeux s'agrandissaient. Javier tendit une main vers le combiné et Crocus le lui passa.
- Silver Rayleigh ? Je suis Portgas D. Javier, connu sous le surnom de la Araña.
« Je me souviens de ce nom. C'est vous qui nous avez donné sans discussion les informations pour localiser les Poneglyphes. Que voulez-vous ? » demanda Silver.
- Ma sœur est l'heureuse élue. Ce que je veux, c'est qu'elle puisse avoir une tombe sur laquelle se recueillir. Je demande votre aide pour récupérer le corps de Roger.
« Dans d'autres circonstances, j'aurais dit oui, aucun souci, mais Roger est mort il y a plusieurs mois déjà. Les chances qu'on retrouve son corps sont minces. Pourtant, j'étais avec lui quand on a accompli l'impossible. »
- Roger a continué de pousser, intervint Crocus.
- En janvier dernier, Monkey D. Garp est venu en personne le chercher dans la hacienda de ma famille, reprit Javier. Et entre nous, si je n'avais pas su qu'il était mourant, je lui aurais mis mon poing dans la figure pour avoir mis en danger ma petite-sœur. À défaut d'être là pour assumer ses actes…
« Je comprends. Je descends, on récupèrera le corps. Vous avez un navire ? »
- Oui, et je n'ai conservé à bord que les hommes en qui j'ai le plus confiance pour garder le secret. Et j'ai plusieurs contacts qui observent pour moi l'avancer de l'organisation de l'exécution de Gol. Vu comme c'est parti, cela aura lieu très certainement en East Blue.
« Roger est de Loguetown, cela ne me surprendrait même pas qu'ils l'exécutent là-bas. »
Rouge retint à grande peine un sanglot à cette annonce, faisant que Javier laissa le combiné pour rejoindre sa sœur, laissant Crocus et Rayleigh s'organisaient ensemble.
- Tu peux le faire, hermanita. Soit forte. Tu dois l'être pour la petite.
- J'y arriverais pas… gémit Rouge en se tenant le visage dans une main sans parvenir à contenir ses larmes.
- On est une famille, on se soutient, on va s'en sortir, tu peux compter sur nous, assura la petite Amelia.
La future veuve se retrouva enlacée par sa nièce et son frère qui lui offrirent tout le soutien nécessaire pour traverser cette épreuve.
.
.
.
.
Il faisait chaud et humide. Un orage couvait alors que Crocus et Rayleigh se faufilaient dans la foule. De lourds nuages s'amoncelaient dans le ciel. Et chacun faisait un effort pour ne pas regarder la plateforme d'exécution où était agenouillé Roger. Leur ancien capitaine tremblait. Certains prendraient ça pour de la peur, mais pour l'avoir côtoyé, les deux pirates savaient que c'était la douleur. Qu'on l'achève ou non, ils étaient certains qu'il serait mort aujourd'hui. Minimum parce que sa maladie aurait raison de lui.
- Je les vois, par ici, appela Rayleigh.
Crocus emboita le pas de son ancien camarade. C'était de la chance que leurs deux mousses soient là. Ils étaient plus discrets et pourraient plus facilement s'infiltrer pour récupérer le corps de Roger. Ils se le devaient pour les deux femmes Portgas. Rapidement, ils les entendirent se disputer, ce qui ne changeaient pas vraiment de leurs habitudes.
- Les garçons ! appela Crocus.
Les deux moussaillons sursautèrent et se retournèrent vers le médecin. Ils écarquillèrent les yeux en reconnaissant le Mei-Ô.
- Ray-san ? Mais… commença Buggy.
- On n'a pas le temps.
- On va sauver le capitaine ? demanda Shanks avec une voix tremblante.
- On sait tous que sa simple présence en vie sur cet échafaud est un miracle en soit, alors, silence et venez avec nous les garçons, gronda Rayleigh.
Il leva les yeux vers l'échafaud et croisa le regard de Roger. Son vieil ami lui sourit et articula « merci » avant de fermer paisiblement les yeux. Avec difficulté, le vice-capitaine se détourna pour entraîner avec Crocus les deux jeunes pirates.
Alors qu'ils arrivaient en vue de Javier, ils entendirent quelqu'un dans la foule interpeller Roger sur son trésor. Le groupe se retourna pour voir la réaction du Roi des Pirates. Et celui-ci avait rouvert les yeux, un air presque perplexe sur le visage.
Puis, ce fut le rire.
Et un sourire qui montra une magnifique rangée de dents blanches en dépit du léger filet de sang qui perla sur les lèvres.
- Mon trésor ? Je vous le laisse si vous voulez. Trouvez-le ! Je l'ai laissé quelque part dans ce monde !
Et les deux bourreaux mirent fin à la vie d'un grand homme sur ces mots.
Rayleigh porta une main à sa poitrine, ayant lui-même l'impression de s'être fait transpercer. Depuis le mur auquel il était adossé, Javier leva haut les bras et applaudit.
L'orage éclata avec les hurlements. On pleurait, on riait, on se félicitait. Bien des hommes se précipitèrent vers le port pour prendre le large.
En quelques mots, avec ses dernières forces, Gol D. Roger venait d'allumer une flamme dans le cœur des hommes. En dépit de leurs larmes, les deux anciens ne flanchèrent pas. Leur ami était mort, il n'y avait rien à faire. Il fallait s'occuper des vivants. Tirant et soutenant à moitié les deux jeunes qui avaient presque perdu l'usage de leurs jambes en voyant Roger mort, ils arrivèrent au niveau de Javier qui leur fit signe de le rejoindre dans la ruelle. Là, il se débarrassa de sa propre cape pour passer sur les épaules de son costard un manteau blanc, le faisant ressemblait à s'y méprendre à un marine comme un autre. Et cela fit paniquer les petits Shanks et Buggy qui se mirent en garde, prêt à se défendre.
- Calmez-vous, les jeunes. Je suis un pirate aussi. On me connait sous le nom de la Araña, je suis de South Blue, se présenta le Portgas.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Shanks.
- C'est quoi ce délire ! s'indigna presque Buggy.
- On va récupérer le corps du capitaine, dit simplement Rayleigh.
- He ?
- Et on va le conduire jusqu'à Baterilla après un détour par le cap Jumeau, termina Crocus.
- Mais pourquoi ?! C'est trop risqué !
- Les explications, ce sera pour plus tard, muchachos. Là, on n'a pas le temps, coupa Javier en jetant des uniformes aux deux jeunes. Toi, le clown, ton maquillage, tu te le referas plus tard.
Buggy déroula le costume en fronçant les sourcils alors que Javier resserrait son catogan blond avant d'enfoncer une casquette sur sa tête.
- Je vais vous montrer comment les Portgas bossent, les gosses, alors, prenez des notes.
- Je vais rejoindre le Demonio afin qu'il soit prêt à partir, assura Crocus.
- Mes hommes sauront quoi faire, ce n'est pas la première fois.
- Je vous attends dehors. Dépêchez-vous de vous changer, les jeunes, encouragea Rayleigh.
Et c'est ainsi que le trio s'infiltra dans la base de la ville. Même si les deux jeunes étaient nerveux, Javier se fondait dans la masse comme si tout était normal. Il portait mal le surnom d'araignée, c'était un caméléon naturel dans la société. Où qu'il aille, personne ne se rendrait compte qu'il n'avait rien à faire ici. C'était un talent cultivé de génération en génération par leur famille. Tout pour garder un œil sur le monde et protéger leur île.
Et personne ne sourcilla quand il présenta un ordre pour récupérer le corps de Roger. Les deux jeunes eurent énormément de mal à porter le sac mortuaire dans lequel on avait mis le cadavre du pirate exécuté qu'on venait tout juste de retirer de la plateforme d'exécution. Sans compter que Javier était un peu plus grand qu'eux, donc, il aurait dû mal à les aider et avec la taille du défunt pirate, il était impossible de le mettre directement sur son épaule.
- Vous ne voulez pas le mettre dans un chariot ? demanda le capitaine en charge de la base.
- On veut s'en débarrasser discrètement, alors, il vaut mieux éviter, refusa Javier. Merci de votre coopération.
Ni vus, ni connus, les trois pirates firent sortir leur chargement de la base.
Ils retrouvèrent Rayleigh dans une ruelle toute proche après avoir réussi à semer les curieux. Les déguisements furent abandonnés et les deux anciens se chargèrent du corps qu'ils portèrent au pas de course jusqu'au navire de Javier, escortés par les deux jeunes.
Quand l'alerte sonna, ils étaient déjà loin, avec le vent gonflant les voiles. En bougonnant, Buggy s'assit sur le pont avec un miroir et refit son maquillage de clown.
- Pourquoi on doit aller jusqu'en South Blue pour enterrer le capitaine ? On peut pas lui faire un enterrement pirate ? Ou genre, tu pourrais l'embarquer jusqu'à Laugh Tale pour qu'il y repose, Ray-san, maugréa le jeune.
- J'ai entendu des rumeurs comme quoi Baterilla était une terre assez hostile, pointa Shanks en fronçant les sourcils.
- Féroce, pas hostile. Et on ne pourra pas y retourner immédiatement, dit sombrement Javier.
- Pourquoi ?
- Tu as pris ta sœur, ta fille et ta nièce… tu penses qu'une traque se prépare, devina Rayleigh à l'adresse de Javier.
- Je ne pense pas, je le sais, je le sens. J'ai fait ce qu'il faut pour mettre les femmes et les enfants à l'abri en attendant que ça se calme.
- J'ai de quoi procéder à un embaumement au phare, mais il est possible qu'on vienne fouiller dedans… pointa Crocus.
- Je connais le moindre coin perdu de South Blue, je suis un Portgas. Si t'as besoin de quoique ce soit, je te le trouve, assura Javier.
- Portgas, Portgas, Portgas, c'est bon, on a compris comment tu t'appelles, grogna Buggy.
- Et tu ferais bien de l'intégrer, parce que dans le South Blue, ce sont eux qui font la loi sur l'océan, gronda le bras droit de Javier. Sans compter que t'es sur son navire, sache que ce sont les mêmes qui tiennent en respect le Gouvernement Mondial et la Marine dans le South Blue.
C'était un peu tirer la vérité, ce dernier point. Ils n'avaient que des informations, de vilains secrets, de sales dossiers. Pendant qu'ils étaient là, Rouge faisait jouer autant de ficelles que possible au phare, mais rien ne disait que ce serait suffisant pour sauver leur île. Il fallait qu'ils cèdent. Le tout était de savoir jusqu'où il faudrait aller pour que la Marine se retire de leur terre et que tout se tasse.
- Mais ça ne me dit pas pourquoi on doit aller enterrer le capitaine à Baterilla, pointa Shanks. Il a de la famille là-bas ? Je croyais qu'il était de Loguetown.
- Tu comprendras quand on sera au phare, lui dit simplement Rayleigh. Maintenant, on arrête et on se prépare pour monter Reverse Moutain.
Les quatre étaient des marins aguerris, et ils se glissèrent aisément dans les manœuvres, et rapidement, la frégate de Javier s'engagea dans le canal jusqu'au début de la Grand Line. Et la première personne qui les vit, ce fut Amelia qui se mit à sautiller en agitant les bras sur la berge. Attirée par le bruit, Rouge sortit du phare avec sa fille dans les bras. Anabela commençait à être assez grande pour qu'elle soit en position redressée contre l'épaule de sa mère. Sa petite main dans la bouche, ses grands yeux grisés fixaient la frégate pendant que le vent marin jouait avec ses cheveux noirs.
- On a fait tout ça pour deux gosses et une nana ? s'étrangla Buggy.
- Attendez de voir le bébé de plus près, leur dit Crocus.
La frégate jeta l'ancre et Javier descendit immédiatement avec Crocus. Heureuse de revoir son père, Amelia grimpa immédiatement dans les bras du pirate blond qui l'embrassa puis embrassa sa sœur puis sa nièce qui tendait sa petite main potelée vers le navire. Rapidement, les deux hommes disparurent vers l'intérieur du phare pour récupérer des affaires, ce qui permit à ces dames de monter à bord. Amelia monta sur le navire comme si elle était chez elle, puisque c'était sa seconde maison, après avoir passé la moitié de savie à bord. Les pirates étaient comme ses oncles et l'accueillirent avec joie. Quand Rouge monta, par contre, on la salua avec respect. Rayleigh lui offrit un baisemain, avant de se tourner vers ses ex-moussaillons.
- Jeunes gens, voici Portgas D. Rouge… et Gol D. Anabela, sa fille. Vous comprenez maintenant ?
La mâchoire de deux jeunes claqua sur le sol avec le choc.
