Chapitre neuf (ou dix, je suis perdue!) :

Hello, hello ! Je reviens aujourd'hui (beaucoup plus tôt que je ne l'avais pensé, je vous l'avoue) avec le chapitre neuf (ou dix) de cette fanfiction. Un chapitre qui vous plongera encore une fois dans le passé des personnages. Et, si jamais le duo Ambre/Hermy vous manquent, sachez que nous ferons le plein de ce magnifique duo dans le prochain chapitre :)

En espérant que ce chapitre vous plaira ! :)

SP17.

P.S : j'avais initialement répondu individuellement à vos reviews. Mais, suite à un beug de mon ordinateur, tout a disparu. N'ayant pas vraiment le temps de tout recommencer, je vous enverrai certainement un mp dans les jours à venir ... Veuillez m'en excuser ...

En attendant, je vous remercie pour votre soutien toujours aussi indéfectible et pour vos magnifiques reviews qui me réchauffent le cœur ! "Par Zeus" a beau être l'un de mes plus précieux trésors, elle ne serait sans doute pas là sans vous ! Alors je vous dis un grand MERCI et espère que notre belle aventure continuera :)

Sur ce, je vous souhaite une bonne et belle lecture !

Janvier 1982,

Quelque part dans l'une des forges d'Héphaïstos,

Date et heure précises inconnues.

[Note de l'auteur : pour mieux vous remémorer ce qu'il s'est passé juste avant, vous pouvez jeter un coup d'oeil à la dernière scène du chapitre précédent :)]

« Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? »

Encore à moitié endormi, et la langue plus que pâteuse, Matthew se redressa tant bien que mal et regarda l'énorme fossé qui se trouvait sous ses pieds, un air abasourdi sur le visage. Le jeune demi-dieu eut l'air perdu pendant de nombreuses secondes, puis tout lui revint en tête : la disparition de Benjamin et d'Ambre, son enlèvement par Héphaïstos …

Tous ces souvenirs lui revinrent avec force, aussi violemment que s'il avait reçu un seau d'eau glacée en pleine figure, et le fils d'Iris vacilla, soudainement pris de vertiges.

« Je n'aime pas ça., murmura-t-il, une vague de panique commençant à le submerger. Je n'aime pas ça du tout. »

Parce qu'il faut vous le dire ; Matthew n'avait jamais réellement apprécié le mari d'Aphrodite. Et ce, bien avant de savoir que les Dieux Grecs étaient beaucoup plus qu'un mythe. Passionné de mythologie grecque depuis le plus jeune âge, le jeune homme avait toujours été quelque peu impressionné par l'apparence du dieu des forges. Intimidé. Gêné. Ce n'était pas simplement parce que la divinité n'était pas l'une des plus plus belles qui existaient. Mais parce qu'au fond de lui, Matthew avait l'impression que ce corps maladroit et cette personnalité grincheuse et réservée qu'on assignait à Héphaïstos cachait quelque chose. Quelque chose de beaucoup plus sombre, de quasiment malveillant. Au fond de lui, une conscience mystérieuse lui avait toujours conseillé de se méfier de ce dieu. Et, ce qu'il avait vu et vécu ces derniers jours ne faisait que renforcer l'image de l'Héphaïstos psychopathe qu'il cultivait malgré lui depuis son enfance.

« Qu'est-ce que c'est que ce truc ? »

La curiosité prit le dessus sur l'angoisse et Matthew se leva difficilement afin de s'approcher de ce qui semblait être une caméra. Une caméra grise et rectangulaire, comme celle dont on se servait pour surveiller les clients dans les supermarchés. Mais que diable faisait-elle ici, en pleine forge ? Héphaïstos l'avait-il placé là pour pouvoir mieux le surveiller ? Et depuis quand séquestrait-on des demi-dieux dans des lieux pareils ?

Dubitatif, Matthew tendit le bras vers la caméra mais retira immédiatement sa main, étouffant de peu un cri de surprise : un voyant rouge clignotant venait d'apparaître. Quelqu'un venait d'allumer la caméra.

« Mesdames et messieurs, bonsoir. Ce soir, et pour la première fois de votre longue et ennuyeuse existence, vous allez assister aux Jeux de la Vengeance. Au programme, tout ce que vous adorez : de l'action, du danger, des cris et des larmes de demi-dieux. Je ne n'en dis pas plus, je ne voudrais pas tuer le suspense ! Amusez-vous et n'hésitez pas à parier, car il est fort certain que le mystère, les drames et la tension seront à leur comble ! »

OoOoOoOoO

Année 1981,

Date précise inconnue,

Brasserie « Les Coqs Français », Paris,

19h25.

A l'instant même où elle posa le pied dans cette brasserie chic du dix-septième arrondissement, Iris sut qu'Aphrodite était de la partie. Pas simplement parce qu'on était en plein quartier chic de la ville de l'Amour et qu'il était quasi impossible qu'Aphrodite n'y mette jamais les pieds. Mais également parce que l'établissement convenait parfaitement à la déesse de l'Amour : tout, de la carte qui mettait en avant les mets les plus fins et délicats de la cuisine française, à la décoration - douce, intimiste, luxueuse - évoquait de manière plus ou moins explicite le fait que la déesse avait sans doute donné sa bénédiction au propriétaire du restaurant et avait fait de cet établissement l'un de ses lieux de prédilection. L'excellente humeur des clients, leur sourire d'un blanc éclatant, leurs vêtements chics ou encore le maquillage plus que parfait des dames présentes, tout semblait irréel, surfait, digne d'un épisode d'une série hollywoodienne. Digne d'un dîner Olympien. Digne du pouvoir d'Aphrodite.

« Madame, puis-je vous renseigner? », s'exclama soudainement une voix masculine, douce mais ferme, alors qu'Iris était toujours sur le pas de la porte et continuait à regarder la salle d'un air ébahi.

« Heu … Hum, oui »

La déesse détourna son regard de l'imposant lustre en cristal qui ornait l'entrée et jeta un regard furtif au serveur qui venait de lui adresser la parole – un homme rondouillard, probablement âgé d'une soixantaine d'années, vêtu d'un costume noir et d'un nœud papillon assorti -, avant de répondre, d'un ton assuré et quelque peu pressé :

« Une de mes plus proches amies a réservé une table pour ce soir. Elle devrait déjà être arrivée. »

« Quel est son nom ? »

D'un geste tellement vif qu'il en fit sursauter Iris, le serveur sortit un calepin de la poche intérieure de sa veste et regarda patiemment son interlocutrice, prêt à feuilleter les pages le plus rapidement possible, en excellent professionnel qu'il était.

« Marguerite Malesherbes », s'exclama Iris, en esquissant un léger sourire amusé.

« Pas mal, pour une déesse qui adore les fleurs »

Il y eut un court instant de flottement, durant lequel Iris se perdit encore dans la beauté du lieu. Puis, après avoir tourné ce qui semblait être une bonne quarantaine de pages, le serveur opina du chef et tourna les talons, prêt à partir dans le fond de la salle, là où avaient coutume de se trouver les tables les plus prestigieuses.

« Veuillez me suivre », déclara-t-il avant de disparaître dans la foule.

Alors, Iris détacha une fois pour toute son regard du magnifique lustre et prit une profonde inspiration : cette nuit pourrait être l'une des plus importantes de sa longue existence. Cette nuit pourrait être le début d'une nouvelle vie pour Ambre et Matthew. Cette nuit scellerait certainement le sort de Cole Jones, et, elle, d'ordinaire si pacifique, en était ravie. Une part sombre d'elle-même qu'elle n'avait découvert que très récemment souhaitait la pire des tortures pour son ancien amour. Et avec Aphrodite de son côté, la partie était sûrement gagnée.

« Eh bien allons-y. », pensa-t-elle, en opinant légèrement du chef comme pour s'encourager elle-même.

Et, après une dernière inspiration, elle emboîta le pas au serveur moustachu, prête à établir un plan des plus machiavéliques.

Tu regretteras ton comportement, Cole. Tu le regretteras amèrement.

OoOoOoOoO

Année 1981,

Date précise inconnue,

Etat du Texas,

Aux alentours de 16h00.

« Eh oui, Hank, vous l'avez dit. Les températures de ces deux dernières semaines sont exceptionnelles, et ce, même pour les Texans que nous sommes. Et malheureusement, cela devrait persister dans les jours à venir. D'ailleurs, l'alerte canicule a été déclenchée ce matin, aussi devons-nous nous attendre à souffrir de la chaleur jour et nui … »

Cole Jones attrapa la télécommande d'un geste rapide et éteignit la télévision, peu enclin à entendre d'avantage de mauvaises nouvelles. Car depuis le début du mois, tout n'était que désagréments : d'abord, sa seule et unique vache qui décédait subitement alors qu'elle n'avait que douze mois d'existence derrière elle. Ensuite, son tracteur qu'un inconnu lui avait subtilisé durant la nuit, sans qu'il n'entende quoi que ce soit. Puis, ses moutons, dont les trois quart s'étaient fait sauvagement attaqués par un mystérieux animal la semaine dernière. Et maintenant, la canicule qui menaçait de détruire les maigres récoltes qu'il avait réussi à amasser … La canicule ! Au début du mois d'octobre ! Quel genre de malchance était-ce ? Quel genre de malédiction ?

« C'est vraiment une année de merde … », marmonna Cole, un air renfrogné sur le visage.

Il se saisit de la cannette de bière qui l'attendait sur la table basse et la vida, d'un seul coup, cul sec. Depuis que cette infidèle d'Irina avait foutu le camp en lui laissant deux sales gosses sur les bras, l'alcool était devenu son meilleur allier. C'était grâce à ces boissons si réconfortantes qu'étaient la bière et le whisky qu'il arrivait à tenir le coup. À se lever et à assumer ses responsabilités jour après jour. À affronter les coups durs. Et la perte de ses dernières récoltes de l'année ainsi que de certains de ses animaux allait être compliquée à avaler ; il allait sûrement devoir doubler, voire carrément tripler sa consommation quotidienne. Son foi et son compte en banque n'allaient certainement pas apprécier. Mais si cela pouvait apaiser son esprit …

« Allez, en route. »

Poussant un grognement, Cole se leva avec difficulté du canapé où il avait posé ses fesses un peu plus tôt dans la journée. Quatre ou cinq heures auparavant, il ne savait plus trop. D'un pas hésitant, il tituba jusqu'à la salle à manger où il s'empara d'un geste tremblant des clés de sa voiture, posées sur le buffet. Puis, il jeta un coup d'oeil à sa montre, mise à l'envers. 16H25. Les gosses attendront ; l'alcool était plus urgent.

OoOoOoOoO

Année 1979,

Etat du Texas,

16h25.

Benjamin White et Jackson Westwood tournèrent à un énième coin de rue et s'arrêtèrent en face de ce qui allait devenir leur demeure pour quelques temps : le groupe scolaire Espérance Nouvelle s'élevait depuis le trottoir d'en face, immense, sinistre et affreusement désolant. Datant du dix-huitième siècle, cet établissement n'avait pas été rénové une seule fois depuis sa construction et cela se voyait au premier coup d'oeil : façade crasseuse, gouttières en mauvais état, fenêtres aux joints usés et porte d'entrée délavée. Une personne débarquant en ville aurait bien eu du mal à croire que cette demeure qui semblait pouvoir s'effondrer au premier coup de vent abritait des enfants. Elle aurait eu du mal à y croire et aurait tout de suite appelé les services sociaux et la police, juste au cas où l'information aurait été véridique.

« T'es sûr que c'est là ? », demanda Benjamin White, incrédule, le regard fixé sur des tuiles qui gisaient lamentablement sur le sol.

D'un geste nerveux, Jackson Westwood passa une main dans ses cheveux noirs avant de lisser précipitamment le papier qu'il tenait depuis des heures dans sa main gauche.

« Oui. Finit-il par répondre, une pointe d'hésitation tout de même présente dans la voix. C'est bien l'adresse que m'a donné Chiron. »

« Tu sens quelque chose ? »

Déglutissant difficilement, à tel point qu'il sembla s'étouffer avec sa salive durant un instant, Jackson plia en huit le post-it blanc et le fourra dans sa poche de poitrine, les doigts tremblants. Sentait-il quelque chose ? Très certainement ! Cette mission sentait les ennuis à plein nez ! Pas seulement parce que le Texas était l'un des états de villégiature préférés des monstres. Pas uniquement parce que Chiron l'avait mis en garde sur le caractère ô combien colérique et violent du père des deux gosses qu'ils étaient venus chercher. Mais également parce que cette école élémentaire ressemblait d'avantage à un repaire pour monstres terrifiants et hideux qu'à un jolie petit havre consacré à l'éducation et aux apprentissages … et si les monstres avaient déjà repérés les jumeaux Jones et avaient pris le contrôle de l'école ? Et s'ils s'engouffraient dans un guet-apens ?

« … Jackson ? »

De l'inquiétude mais aussi de l'agacement était perceptible dans le ton que venait d'employer le fils d'Aphrodite. Benjamin était fatigué et affamé ; il voulait donc savoir au plus vite s'ils étaient au bon endroit. Histoire de ne pas attendre pour rien. Ni de se risquer dans quelque maison glauque habitée par il ne savait quel pervers.

« … Non. Pour l'instant, non., finit par répondre Jake, avec un haussement d'épaules. Mais la journée d'école est bientôt terminée, ajouta-t-il avec précipitation alors que son ami laissait échapper un soupir las précédé d'un faible grognement. Lorsque les enfants sortiront, je sentirai sûrement quelque chose. »

Et, comme par une curieuse coïncidence et comme pour mettre fin aux doutes des jeunes hommes, une sonnerie retentit alors. Une sonnerie désagréable, qui vous faisait frissonner de dégoût et vous donner envie de vous boucher les oreilles, tout en détalant comme un lapin. Puis, après un court instant de flottement durant lequel le temps semblait s'être brusquement arrêté, la porte d'entrée s'ouvrit, déversant des dizaines d'enfants de tout âge, l'air passablement pressés de sortir et de se jeter dans les bras de leurs parents. Ce fut d'ailleurs seulement à cet instant que Benjamin prit conscience de la présence de dizaine d'adultes à leurs côtés. Des adultes aux traits tirés et aux habits usés.

« Si tous les parents ont l'air aussi pauvres, comment ça se fait qu'il y ait un internat ?, demanda subitement Jackson, son regard également rivé sur les adultes éreintés. Je vois mal des gosses de riches étudier ici. »

« Cet établissement est tenu par des Sœurs. L'internat sert de refuge aux enfants qui n'ont nul part où dormir. Il est gratuit. C'est une façon de s'assurer que tous les enfants ont accès à l'éducation. Et d'aider son prochain. »

« Alors on va être admis dans cette école en tant que SDF et devoir faire le bénédicité tous les soirs ? Aller à l'église ? Manger des hosties et boire du vin ? »

Les yeux écarquillés, le jeune satire regardait Benjamin d'un air totalement paniqué. Le théâtre, ce n'était vraiment pas son truc. Le christianisme non plus. Il ne s'était jamais imaginé qu'il devrait autant improviser !

« Et si on en revenait à nos moutons, hein?, s'exclama Benjamin, d'un ton qui n'avait désormais plus rien d'agréable. Tu sens quelque chose ? »

De mauvaise grâce – il aurait aimé pouvoir se chamailler un peu avec Ben, histoire de lui faire comprendre qu'il aurait apprécié avoir quelques jours pour parfaire son jeu d'acteur – Jackson se détourna de son ami pour se concentrer sur la foule compacte et bavarde que formaient les enfants. Par groupes de deux ou de trois, tous rigolaient ou bavardaient joyeusement, sous l'œil attentif ou ennuyé de leurs parents. Tous ? Non. Postés légèrement à l'écart du groupe qui se concentrait près de la porte d'entrée désormais close, une jeune fille et un jeune garçon observaient les alentours d'un air préoccupé, le dos appuyé contre la façade de leur école.

« C'est eux. Là-bas. Près de la boite aux lettres. », s'exclama Jackson.

Et le satire était à peu près certain qu'il n'avait jamais été autant sûr de quelque chose tout au long de sa piètre existence. Le fait que ce soit eux, les demi-dieux qu'ils étaient venus trouver, lui était apparu clair comme de l'eau de roche, aussi évident que deux plus deux était égal à quatre. Et ce, bien avant que l'odeur caractéristique des demi-dieux lui parvienne. Ou encore bien avant que Cole Jones débarque et ne traîne ses enfants par la peau du cou pour les amener à la voiture.

« Eh bien, je préviens Chiron. On se trouve un hôtel pour passer la nuit et demain, on commence la surveillance. »

Et, avant de tourner définitivement les talons, Benjamin White observa longtemps les deux jumeaux à la peau pâle et aux yeux cernés. Il les observa monter dans la voiture de leur père et disparaître au coin de la rue. Il les observa et ressentit instinctivement une grande compassion et un grand respect pour eux. Une compassion et un respect qu'il n'avait ressenti que pour très peu de personnes jusque là.

OoOoOoOoO

Et cette compassion et ce respect, Benjamin White l'éprouvait toujours en ce mois d'octobre 1981, alors qu'il observait sa désormais meilleure amie, Ambre Jones, faire et défaire ses lacets avec un mélange de nervosité et de lassitude.

Voilà maintenant une heure et demi que le fils d'Aphrodite, Matthew et elle-même étaient assis côte à côte, devant l'entrée de leur groupe scolaire. Une heure et demi que Cole Jones aurait du les ramener chez eux. Une heure et demi que les jumeaux observaient à intervalles réguliers et avec la boule au ventre, le coin de la rue, se demandant dans quel état leur père allait leur apparaître. Allait-il descendre de sa voiture en leur beuglant dessus comme il l'avait fait ces derniers jours ou allait-il jouer la carte du père totalement indifférent ? Allait-il les insulter et les gifler et continuer ces violences une fois qu'ils seraient à la maison ? Ou aurait-il trop d'alcool dans le sang pour se mettre en colère contre eux ? Il y avait tellement de possibilités, Cole était tellement un être imprévisible qu'il était impossible d'anticiper les événements. Et cela ne faisait qu'angoisser d'avantage Ambre et Matthew qui palissaient de plus en plus sous la pression.

« Tu n'es pas obligé d'attendre avec nous, tu sais ?, finit par lancer Ambre à l'adresse de Benjamin, sans pour autant détacher son regard de ses lacets qu'elle trifouillait depuis plus d'un quart d'heure maintenant. Tu vas être en retard pour l'aide aux devoirs. »

La voix de la jeune fille était légèrement tremblante et étrangement basse, comme si elle n'osait pas totalement briser le silence pesant qui s'était installé entre eux. Ou comme si elle n'arrivait plus à contenir l'angoisse qui la grignotait chaque jour. Comme si elle était finalement arrivé à saturation.

« Ambre … »

A cette constatation, Benjamin sentit son coeur se serrer. Dans un mouvement de compassion presque automatique, il se rapprocha imperceptiblement de la jeune fille mais se reteint finalement de passer un bras autour de ses épaules : depuis qu'il avait fait sa connaissance, le fils d'Aphrodite s'était aperçu qu'Ambre détestait qu'on fasse preuve de pitié à son égard. Même lorsqu'elle arrivait à l'école avec des bleus plus gros que des balles de tennis, chose qui se produisait de plus en plus souvent ces derniers temps, elle n'autorisait personne à la regarder avec pitié ou tristesse. Elle ne voulait pas qu'on la plaigne et ne se plaignait jamais. Elle continuait à faire comme si de rien n'était et souhaitait que tout le monde en fasse autant.

Alors, Benjamin faisait un terrible effort pour oublier ce qu'il voyait au quotidien. Il faisait un terrible effort pour ne pas prendre Matthew et Ambre dans ses bras. Il faisait un terrible effort pour ne pas avoir les larmes aux yeux lorsqu'il voyait leurs nombreux hématomes ou lorsqu'il était témoin de la violence de Cole.

Et maintenant, le jeune homme allait devoir faire un énième effort. Pas seulement pour se retenir de serrer Ambre contre lui alors qu'il en avait très envie. Mais aussi parce que Chiron avait enfin décidé qu'il était temps. Qu'il était temps qu'Ambre et Matthew prennent conscience de leur véritable nature et rejoignent leurs éventuels frères et sœurs à la Colonie des Sang-Mêlés. Et, même si le garçon avait rêvé de nombreuses fois de ce moment, même s'il avait supplié Chiron à plusieurs reprises d'avancer leur départ pour que les jumeaux puissent définitivement échapper à leur bourreau, il prenait maintenant conscience, alors que son portable vibrait une nouvelle fois pour lui rappeler qu'il avait une mission à accomplir, que leur avouer qu'ils étaient tous les deux des demi-dieux n'allait pas être aussi facile et libérateur qu'il se l'était imaginé : sentir Ambre aussi désemparée et exténuée, voir constamment Matthew avec de gigantesques cernes sous les yeux … tout ça le fatiguait. L'énervait. L'attristait. Tout ce qu'il désirait, c'était que ses meilleurs amis aient le droit au repos. Qu'ils aient la chance de connaître une adolescence calme et heureuse, loin de la souffrance. Et il se rendait maintenant compte, avec une certaine horreur, que la vie de demi-dieu était à l'opposé de tout cela. Qu'elle réserverait certainement à Ambre et Matthew les même horreurs qu'ils avaient connu ces derniers temps. Qu'elle ne les épargnerait pas, tout comme Cole Jones était en train de le faire.

« Sombre idiot …, pensa-t-il, honteux et agacé d'avoir jamais eu l'audace de penser qu'être la progéniture d'un dieu pouvait être synonyme d'avoir une vie de rêve. J'aurais dû dire à Chiron que l'on s'était trompés. Qu'ils n'étaient en aucun cas des demi-dieux. J'aurais dû dire à Chiron qu'il s'était planté et les emmener loin d'ici. Les emmener loin d'ici et leur offrir la vie qu'ils méritent ! »

« Mais Ben, tu sais très bien que les monstres auraient fini par vous rattraper … », répondit aussitôt une voix douce dans son esprit.

Le jeune homme, dont le coeur commençait à s'emballer d'un semblant d'excitation, eut alors l'impression de recevoir une gifle. Ambre se tourna vers lui, juste au moment où il esquissait une grimace et que ses épaules s'affaissaient.

« Tout va bien ? T'en fais une tête !, s'exclama-t-elle, d'un ton surpris et inquiet. Je ne disais pas ça pour être méchante, tu sais. Je voulais juste t'éviter la colère de Soeur Maria. »

« Ce n'est pas … ce n'est pas ça, Ambre … »

D'un geste nerveux, Benjamin passa une main rapide dans ses boucles brunes. Puis, après un court instant de silence durant lequel les regards inquiets des jumeaux s'étaient tournés vers lui, il prit une profonde inspiration et ouvrit la bouche. Mais rien ne vint ; la phrase restait coincée dans sa gorge, comme une poussière indésirable.

« Ben ? »

Parfaite synchronisation des jumeaux.

Ne souhaitant pas les effrayer d'avantage, le fils d'Aphrodite essaya de leur adresser un sourire rassurant. Mais ses lèvres semblaient soudainement lourdes, figées. Incapables de tout mouvement.

« Benjamin ? »

Quelques secondes supplémentaires de silence et d'immobilisme et enfin le jeune homme sembla reprendre vie. Les joues légèrement rougies par la gène qu'il ressentait d'agir aussi bizarrement, il ferma les yeux, implorant silencieusement le ciel pour que le moment de vérité ne soit pas trop difficile à faire avaler. Et pour qu'il ne regrette pas sa décision pour le restant de ses jours.

Mais, avant qu'il ne réussisse à ouvrir de nouveau la bouche, un terrible rugissement se fit entendre au bout de la rue. Un terrible rugissement qui fit trembler le sol et les habitations. Un terrible rugissement qui le fit frissonner d'horreur et écarquiller les yeux.

Ils étaient déjà là.

Il était déjà trop tard.