Chapitre n°… aucune idée !

Hope you will enjoy this one as much as I do.

Helia is a character created by one of my best friend. And she has the right to be in this story too.

La semaine s'était écoulée de manière étrange. Depuis qu'elle s'était écroulée en larmes dans les bras du dieu des voleurs en pleine bibliothèque municipale, Ambre s'était attendue à ce que le dieu se moque d'elle, en fasse référence tous les jours pour la gêner ou le raconte à ce satané dieu de la musique, qui, lui, ne se gênerait pas pour en rigoler ouvertement, elle en était certaine. Mais non. Hermès avait semblé avoir gardé l'incident pour lui. Comme il avait gardé ses distances depuis l'incident : alors que Matthew et elle étaient censé aider le dieu à garder un œil sur son demi-frère, Hermès ne les avait obligés à quoi que ce soit durant la semaine, gardant le silence lorsqu'ils se croisaient, évitant même le regard de la demi-déesse comme elle, évitait le sien. Ce n'était même pas comme s'il régnait une certaine tension entre eux, non. Même pas. C'était comme si, un accord tacite passé entre eux, ils avaient décidé de faire comme si rien ne s'était passé. Et ils se montraient tellement à l'aise dans leur rôle que ni Matthew ni Apollon n'avaient apparemment remarqué quelque chose : Hermès affichant perpétuellement une expression impassible et Ambre évitant son regard et faisant de son mieux pour faire semblant de ne pas remarquer sa présence, comme elle le faisait depuis le début. Faisant de son mieux parce que, remarqua la jeune fille alors qu'elle s'apprêtait à entrer dans la bibliothèque pour un second cours de maths avec le dieu, ce contact complètement imprévu ne l'avait pas laissée de marbre, il fallait bien l'admettre : elle avait beau détester le dieu et l'ensemble des Olympiens pour ce qu'ils avaient fait endurer à Ben, elle avait beau avoir envie de le taper, de lui attraper la gorge avec ses deux mains et de serrer, elle avait tout de même senti un certain apaisement et un étrange sentiment de sécurité lorsqu'il l'avait serré dans ses bras. Ça, ajouté à l'odeur rassurante et réconfortante qui s'était dégagée de lui… Ambre aurait pu rester des heures contre lui, histoire d'échapper quelques temps à ses cauchemars et ses ruminations sur la mort de son meilleur ami. Cette simple pensée la troublait autant qu'elle l'effrayait. Elle était censée le détester, pas vouloir l'adopter comme doudou.

Agacée par ses propres réflexions, la jeune blonde secoua la tête comme pour remettre son cerveau en état de marche avant de se diriger vers l'endroit exact où ils étaient assis la dernière fois. Un endroit assez discret, éloigné des autres tables et du regard acéré de la bibliothécaire. Ambre remerciait d'ailleurs intérieurement le dieu pour avoir choisi un tel lieu : si d'autres lycéens l'avaient vue s'effondrer, il n'y avait aucun doute qu'elle aurait dû subir des rumeurs et des moqueries dans les couloirs du lycée, sans compter un interrogatoire corsé de la part de Matthew et de Lisa. Et dieux, elle n'était pas prête pour ça.

Oh. Ambre se stoppa net en voyant que personne n'était assis à la table : la dernière fois, le dieu était arrivé avant elle et là, il n'était pas encore là alors qu'elle avait dix bonnes minutes de retard. Se pourrait-il qu'il ait décidé de…

« Je ne savais pas si tu allais venir. »

Bien que douce et prudente, la voix d'Hermès fit sursauter Ambre, qui se retourna brutalement et se retrouva nez à nez avec le dieu. Seulement quelques centimètres les séparaient. Gênée par cette soudaine proximité, la fille d'Iris rougit violemment tout en reculant de quelques pas, manquant de peu de renverser une chaise.

« Moi..moi non plus, bredouilla-t-elle, rattrapant la chaise au passage. Je veux dire, continua-t-elle d'une voix plus sûre après s'être raclé la gorge. Je ne savais pas si tu allais venir. Ou même si j'allais venir. Mais j'ai des progrès à faire en maths si je veux pouvoir exercer le métier de mes rêves alors… »

Ce n'était qu'un demi-mensonge après tout. Elle voulait vraiment avoir de meilleures notes en mathématiques. Mais l'envie de voir comment il se comporterait avec elle en tête à tête après « l'incident », l'avait finalement poussée à venir : continuerait-il à faire comme si rien ne s'était passé ou finirait-il par évoquer l'événement ? Sauf qu'il était hors de question qu'il l'apprenne.

Il régna un instant de silence entre eux, tandis qu'Hermès levait un sourcil, pas certain de tout comprendre et pas sûr non plus que Ambre lui ait dit l'entière vérité : il avait senti un léger tremblement dans sa voix et ses mains avaient été agitées de tics nerveux pendant son discours. Rien n'échappait à la vigilance du dieu des menteurs. Cependant, quelque chose lui disait que ce n'était pas vraiment le moment de signaler à la jeune fille qu'il savait qu'elle lui cachait quelque chose : parce qu'il avait tellement espéré qu'elle vienne qu'il ne voulait pas la faire fuir avec des réflexions de ce genre. Après tout, la semaine qui s'était écoulée avait été très étrange pour lui aussi. Quoiqu'un peu désarmé lorsque Ambre avait fondu en larmes contre lui, le dieu avait ressenti le soudain besoin de la serrer plus souvent contre lui et de la protéger de tout danger qui pourrait se présenter. Et cela, rien qu'à son contact. Et l'impression n'avait toujours pas disparu une semaine après. Hermès en était troublé et voulait voir comment Ambre - qui l'avait superbement ignoré sept jours durant - se comporterait avec lui maintenant qu'ils étaient seuls et qu'elle était débarrassée de son jumeau et de cette fille d'Aphrodite dont le dieu avait tant de mal à retenir le nom. Allait-elle évoquer la chose ? Ou reprendre les exercices de maths là où ils les avaient laissés et faire comme si rien ne s'était passé ?

Mais loin de vouloir faire le premier pas, et ayant peur que Ambre ne l'envoie sur les roses en disant qu'elle n'avait rien ressenti du tout, le dieu des messagers préféra se pencher sur un autre sujet, mais qui attisait tout autant sa curiosité :

« Et c'est quoi le métier de tes rêves ? »

C'est quoi le… il venait vraiment de poser cette question ? Qu'est-ce que ça pouvait lui faire ? Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir faire d'une telle information ? Se moquer ? Mais, plus Ambre observait le dieu, plus elle voyait une réelle et sincère curiosité inscrite sur son visage.

Alors, rougissante parce qu'affreusement gênée et peu habituée à ce qu'on s'intéresse à ce qu'elle veuille faire de son avenir - Lisa lui parlait toujours du sien mais ne s'intéressait jamais à ce que Ambre pouvait bien avoir en tête -, la fille d'Iris jeta un coup d'œil aux alentours, comme pour s'assurer que personne d'autre ne pouvait entendre. Parce qu'elle avait honte. Honte de ne pas être à la hauteur de son rêve. Alors seulement, elle prononça dans un murmure :

« Je … sage-femme. Je veux … être sage-femme. »

« Et pourquoi cela serait-il impossible ? »

Pourquoi…d'où sortait cette question ? Ambre avait juste dit ce qu'elle voulait devenir. Elle n'avait pas précisé qu'elle avait toujours pensé avoir très peu de chances d'y arriver.

« Je n'ai jamais… »

« Mais tout dans ton attitude le montre, Ambre. »

Cette remarque, bien qu'inattendue, n'avait rien de sarcastique ou de blessant, bien au contraire. Le dieu l'avait prononcé d'un ton bienveillant que la jeune fille ne lui avait pas connu jusqu'alors. Et l'usage du prénom… pas de « jeune fille » ou de « fille d'Iris ». Juste « Ambre ». Cette dernière avait ressenti une sensation très étrange au niveau de son estomac lorsqu'elle avait entendu son prénom sortir de la bouche du dieu. Ça faisait bizarre, mais c'était agréable. Parce qu'une fois de plus, c'était sécurisant et chaleureux.

Oublie pas qu'il est très rusé et donc très fort pour manipuler les gens. Il se montre peut-être comme ça avec toi aujourd'hui juste pour t'avoir dans la poche et avoir quelqu'un pour surveiller son demi-frère quand il en aura marre de le surveiller lui-même.

« D'ailleurs, il est où le dieu du soleil en ce moment-même ? Qui le surveille ? »

« Matthew. »

Cette réponse surprit Ambre plus que de raison. D'une part, parce qu'elle voyait mal comment son jumeau pouvait être capable de « surveiller » quelqu'un alors qu'il agissait parfois lui-même comme un petit garçon… et d'autre part, avait-elle vraiment dit cela tout haut ? Le rouge lui montant aux joues rien qu'à cette idée, Ambre ressentit soudain le besoin d'aller se cacher derrière une étagère de bouquins. Cependant, elle se retint de justesse, préférant changer vite fait de sujet :

« Heu… du coup, on… on s'y met ? Aux maths ? »

Un sourire amusé aux lèvres depuis qu'Ambre avait exposé ses pensées à voix haute, Hermès laissa échapper un rire, ne pouvant se retenir plus longtemps (la voir aussi mal à l'aise l'amusait autant que cela l'attendrissait) puis hocha la tête d'un air affirmatif, un livre de maths sous le bras.

« Les probabilités, aujourd'hui. », précisa-t-il alors que les deux s'asseyaient côte à côte à leur table habituelle.

XxxxxX

Cela faisait à peu près une demi-heure qu'Hermès était parti à la bibliothèque - sans lui dire pourquoi d'ailleurs - et avait refilé Matthew Jones à Apollon. Jones qui était censé le « surveiller ». Le dieu du soleil n'avait pas osé dire à Hermès que s'il décidait soudainement d'aller quelque part, il voyait mal comment un demi-dieu pourrait l'en empêcher : il avait beau avoir perdu ses pouvoirs, il lui restait sa force et les intonations de sa voix. Il pouvait tout à fait faire faire pipi à Matthew dans son pantalon rien qu'en élevant sa voix ou en lui lançant un de ces regards meurtriers dont il avait le secret. Mais malgré l'envie urgente de lancer cette pique au messager, Apollon ne lui avait rien dit. Parce qu'il fallait avouer qu'une après-midi sans père de substitution qui refusait la moindre proposition de sortie, ça se prenait volontiers.

Mais alors qu'il pensait que le demi-dieu allait tenter de nouer ne serait-ce qu'un maigre contact avec lui - et qu'il pourrait ainsi le rembarrer avec grand plaisir -, Matthew semblait avoir choisi une tout autre activité : assis au bureau qui jouxtait la porte qui donnait sur la salle de bain, le jeune homme semblait absorbé par ses devoirs, n'ayant même pas une seule fois tenté de lui adresser un mot ou de lui accorder ne serait-ce qu'un simple regard. Et, il fallait le dire, cela avait beau être contradictoire à ce moment même, mais en tant que dieu, olympien de surcroît, Apollon n'aimait pas trop être ignoré.

Alors il essaya de se racler bruyamment la gorge, en vain. Il fit même semblant de s'étouffer. Mais le fils Jones resta impassible. Même lorsque Apollon se jeta hors du lit, sur le parquet de la chambre, le tout en criant « JE VAIS TOMMMBER ». Ou lorsqu'il s'approcha de la porte et lui adressa un « salut, je m'en vais ». Quelque peu contrarié, le dieu finit par rejoindre de nouveau son lit, le tout en soupirant toutes les deux secondes. Mais il n'obtint pas plus de réaction et après seulement quelques instants de silence, il finit par craquer :

« Tu sais que tu ferais un très mauvais baby-sitter ? »

Son ton était ironique, presque agressif. Matthew, qui pouvait sentir la brûlure du regard d'Apollon au creux de sa nuque, ne se démonta pas pour autant et répondit, d'une voix calme, tout en continuant ses activités :

« Ça tombe bien, j'ai jamais eu l'intention d'exercer ce métier. »

« Et quel métier Matthew Jones voudrait exercer ? »

Apollon ne savait pas trop s'il avait vraiment envie de savoir, mais le simple fait que le jeune homme ait arrêté d'ignorer sa présence le satisfaisait quelque peu et avait légèrement fait retomber sa frustration : il en avait marre de rester dans sa chambre sans rien faire ; alors autant continuer à adresser la parole à l'un de ses descendants. Même s'il n'avait toujours pas l'impression que Matthew en était réellement un. Ni sa sœur jumelle d'ailleurs. Aucun des deux n'avait montré de dons qui puissent correspondre. De dons tout court d'ailleurs.

En même temps, c'est pas en restant h24 dans cet hôtel qu'ils auront l'occasion de montrer de quoi ils sont capables. Pourquoi ils ne vont pas à la colo ? Je crois qu'Hermy me l'a dit, mais… aucun souvenir.

« … jardinier-paysagiste ou décorateur d'intérieur. Je ne sais pas trop encore. »

L'hésitation se faisait entendre dans la voix du jeune homme, comme s'il avait honte de ses choix et peur qu'Apollon ne se moque de lui. Apollon s'assit dans son lit et inclina la tête, pensif. Il n'était pas réellement intéressé mais souhaitait tout de même continuer à discuter.

Pour passer le temps.

« Il faut de sacrées compétences en dessin, pour ça, finit-il par murmurer. T'as le niveau, tu crois ? »

Devant le manque de réponse du demi-dieu, il ajouta, presque un peu trop précipitamment à son goût :

« Ce n'était pas une critique ou une pique. Je te posais réellement la question. »

Le silence se poursuivit pendant quelques minutes - à tel point que le dieu se demanda si Matthew n'avait pas bugué entre-temps -, puis le jeune homme finit par hausser les épaules. Il posa son crayon et tourna la tête vers le dieu.

« Aucune idée. Je dessine depuis que je suis petit. Ambre dit que mes dessins sont magnifiques. Mais c'est ma sœur jumelle et du coup… je ne sais pas vraiment si ses avis sont réellement objectifs. »

« Tu dessines, là ? »

Apollon avait cru voir un fusain au moment où le demi-dieu s'était retourné vers lui. Soudainement attentif, il s'approcha du bureau et jeta un coup d'œil au-dessus de l'épaule de Matthew, qui avait fortement rougi.

« Wow, murmura le dieu lorsque ses yeux se posèrent sur une réplique exacte de la façade de l'hôtel dans lequel ils se trouvaient. Et moi qui étais persuadé que tu faisais tes devoirs d'histoire. », ajouta-t-il avec un sourire en coin.

« J'avais commencé mais… je me suis laissé emporter par l'inspiration. »

Matthew avait légèrement baissé le regard, ce dernier fixé sur ses mains, comme s'il avait honte.

« Vous n'êtes pas obligés de dire que c'est génial si ça ne vaut pas gra… »

Vous.

« Hum. Déjà, Matt… je peux t'appeler Matt ? (Apollon n'attendit pas la réponse et continua :), va falloir apprendre à me tutoyer. Le vouvoiement me donne l'impression d'être un vieux de 50 ans. »

« … heu… »

Matthew avait brusquement relevé la tête et le regardait, un air à la fois amusé et perplexe sur le visage. Il n'en dit pas plus mais Apollon comprit tout de même le message :

« Oui, je sais, j'ai plus de 50 ans. Mais pas physiquement ni même mentalement. Et j'aimerais bien ne pas avoir l'impression de l'être en t'entendant me vouvoyer, tu vois. »

« Bref, ajouta-t-il alors que Matthew réprimait un rire malgré lui. Je répète ce que j'ai dit : wow. T'as un réel talent, mon gars. Un talent digne de mes descendants. Même si très peu d'entre eux s'expriment par le dessin. Mise à part… »

Mise à part Hélia.

Le dieu ressentit soudainement une forte tristesse associée à un sentiment de manque profond et de frustration. Les dessins étaient aussi détaillés que ceux de sa fille. Mais il ne pouvait pas continuer sa phrase. Il ne pouvait pas parce que …

Père ne veut pas que les mortels aient connaissance de son existence.

L'estomac du dieu se tordit violemment et ses mâchoires se crispèrent pendant une demi-seconde. En plus, ce diable de père leur avait interdit, à Hermès et à lui, de la contacter pendant leur temps sur terre. Ce qui se révélait être une punition encore plus sévère que de passer son temps dans un hôtel quatre étoiles avec des demi-dieux.

« Mis à part…? », murmura Matthew, hésitant.

Cela suffit à ramener Apollon à la réalité. Ses paupières papillonnèrent pendant quelques secondes, puis il essaya de reprendre la conversation comme si de rien n'était, la bile lui montant tout de même encore à la gorge.

« … non, oublie ce que je voulais dire, ça n'a pas vraiment d'importance. (Il eut l'impression de s'assommer lui-même avec une massue à ces paroles). La pratique du dessin est plutôt rare chez mes descendants. Mais tu la maîtrises à la perfection. Tu ne fais que des paysages ou aussi d'autres choses ? »

Quelque peu désarçonné par l'attitude soudaine avenante du dieu, Matthew mit quelques secondes à répondre. Puis, sur l'encouragement d'Apollon, qui s'était emparé d'une chaise et était désormais assis à côté de lui, le jeune homme sortit son carnet de dessin et le lui tendit.

Une longue conversation sur l'art du dessin s'ensuivit alors.

XxxxxX

« Donc si je comprends bien, la probabilité que les enfants ont de tirer une boule bleue est de… 30% ? »

Pour la première fois depuis le début du cours, Ambre leva la tête de son cahier et regarda Hermès, un air à la fois interrogateur et gêné sur le visage. Mais le dieu, le regard fixé sur le manuel de mathématiques semblait absorbé par d'autres pensées, une expression de complète perplexité peinte sur le visage. Ne sachant pas trop quoi faire, Ambre se mordilla la lèvre inférieure avec nervosité et entreprit inconsciemment de taper régulièrement son crayon à papier contre le bois de la table.

Ce bruit sembla ramener le dieu à la réalité : sursautant légèrement, il battit plusieurs fois des paupières avant de plonger son regard interrogateur dans celui de son interlocutrice. Mais avant que Ambre n'ait le temps de s'excuser pour l'avoir dérangé dans ses pensées et de répéter sa question d'une toute petite voix, Hermès lâcha :

« La confiance en soi, ça te dit quelque chose ? »

Encore une fois, il n'avait pas prononcé cette phrase comme le faisaient de nombreuses personnes que Ambre côtoyait. Ou plutôt, comme ses camarades ou Lisa pouvaient parfois le faire : d'un ton sarcastique en se moquant ouvertement d'elle et en imitant les crises d'angoisse qu'elle pouvait avoir en classe. Non. Son ton avait été doux et l'expression de son visage montrait une réelle inquiétude, comme s'il se souciait véritablement de son bien-être. La fille d'Iris avait d'ailleurs déjà vu cette expression plusieurs fois sur son visage : lors de leur première rencontre au café, lorsqu'elle s'était emportée contre lui et tous les autres dieux qui n'avaient pas voté contre Héphaïstos, et lorsqu'elle avait été blessée par une drakaina. Elle avait toujours fini par penser qu'il s'agissait là d'une comédie. Mais après ce qui s'était passé la semaine passée…

Se pouvait-il vraiment que, lui, Hermès, dieu des voyageurs et messager des dieux, s'intéresse à elle, une pauvre fille d'Iris qui avait été victime d'un mauvais tour du dieu des forges et avait eu une enfance catastrophique ?

Peut-être que je lui fais pitié, tout simplement.

« Ambre ? Ambre, tu m'entends ? »

Le dieu des messagers passa sa main à plusieurs reprises devant le visage de la concernée, puis finit par poser une main sur son épaule, perturbé par le manque de réaction et effrayé à l'idée que sa question l'ait irritée. Alors que ce n'était absolument pas le but.

« Heu … »

Ambre revint à la réalité à la seconde où Hermès lui toucha l'épaule.

« Oui, pourquoi ? »

« Tu… tu étais partie… assez loin dans tes pensées. »

Hermès regarda la demi-déesse avec attention avant d'ajouter : « Si ma remarque t'a vexé, je m'en excuse… je ne voulais pas… »

« Non, ne vous…ne t'en fais pas, murmura Ambre avec un sourire qui ressemblait plus à une grimace. On me le dit souvent. Mais pas avec autant de bienveillance que toi. »

Devant le regard étonné et attentif du dieu, elle continua, après avoir pris une grande inspiration :

« Mes camarades de classe ont la mauvaise habitude d'imiter mes crises d'angoisse et de me huer lorsque j'ai une bonne note parce que « t'es pas censée être nulle ? »… bref. Je sais pertinemment que je n'ai pas confiance en moi. Mais peut-être est-ce parce que j'ai grandi avec un père tout sauf aimant et que je n'ai pas été capable d'être là pour mon meilleur ami lorsqu'il en avait le plus besoin. »

Un instant de silence s'installa pendant lequel Ambre tenta de se racler la gorge tout en essuyant discrètement les larmes qui avaient commencé à couler le long de ses joues.

Hermès, quant à lui, était tiraillé entre deux envies contradictoires : celle d'infiltrer les rêves des camarades de classe d'Ambre et de leur dire deux mots au sujet de leur comportement et de leur faire peur au point qu'ils fassent pipi au lit et celle de prendre de nouveau la jeune fille dans ses bras. Surtout que les dernières paroles d'Ambre se répétaient en boucle dans sa tête et lui donnaient l'impression d'avoir reçu un point en plein estomac. Et une violente gifle, de celles qu'Ares réservait à ceux qui avaient eu le culot de tester sa patience.

Un père tout sauf aimant. Hermès se souvenait d'une rumeur qui avait circulé sur l'Olympe il y avait de cela sept ans : certaines nymphes étaient persuadées que Déméter et Perséphone avaient aidé Iris à se débarrasser d'un ancien amant qui « battait et violentait régulièrement ses enfants ». D'après ce qu'il avait pu entendre, l'homme s'était fait embrocher par un des taureaux de sa ferme. Certaines déités avaient trouvé la sentence un peu trop gore et violente, mais Hermès avait trouvé ça juste. On ne battait jamais ses enfants. Jamais. On les aimait, on les élevait avec bonheur. On prenait soin d'eux. Mais les frapper et abuser d'eux ? C'était un comportement qui révoltait le dieu. Et il avait même pensé à féliciter Iris pour le courage qu'elle avait eu en s'opposant certainement à Zeus. Mais jamais il n'avait imaginé un seul instant qu'il puisse s'agir du père d'Ambre et de Matthew. Et cette réalisation ne faisait qu'augmenter la rancune qu'il avait envers lui-même et envers les autres olympiens qui avaient défendu Héphaïstos, lorsque Aphrodite avait demandé à Zeus qu'il soit condamné pour la mort de son fils et la torture qu'il avait infligé aux autres héros qui étaient présents à ses côtés.

Comment… comment il avait pu défendre son frère ? Comment… Hermès se souvenait de la détresse d'Ambre pendant le vote. Prostrée contre un mur, recroquevillée sur elle-même, les habits encore maculés de sang qui était à la fois le sien et celui de Benjamin White. Il avait croisé son regard bleu perçant et avait été traversé par un millier d'émotions et avait senti la bile et la rage monter en lui… pour finalement se défiler au dernier moment. Il se détestait. Il avait envie de demander à Hadès de le punir pour la souffrance supplémentaire qu'il avait provoqué à Ambre et à Matthew. Eux qui n'avaient même pas eu la chance de connaître l'amour paternel… et qui, en plus, avaient été négligés par les dieux.

« Ce n'est pas de votre… de ta faute. »

La voix d'Ambre le sortit de ses sombres souvenirs. La jeune demi-déesse le regardait, les yeux pleins de larmes mais un léger sourire compatissant sur le visage.

« Je veux dire… ce n'est pas à toi, en y réfléchissant, que j'en veux le plus. C'est à ton père et au dieu qui s'est amusé à diffuser l'agonie de Be… de Ben sur sa chaîne de télé. A l'entente des histoires que j'ai pu entendre et celles que j'ai lu quand je prenais des cours de grec, je peux comprendre pourquoi certains d'entre vous ont choisi de ne pas s'opposer à Zeus. »

Le tonnerre se fit entendre à l'extérieur mais Ambre ne sembla pas y faire attention.

« Ce n'est pas une démocratie que vous évoluez, mais dans une dictature. »

Une dictature. C'était exactement le mot. Les Olympiens étaient tous censés être sur un pied d'égalité mais c'était loin d'être le cas : depuis des millénaires, Zeus s'appropriait le pouvoir et n'accordait que très peu - pour ne pas dire aucune - importance à l'avis et aux envies des autres. A moins que vous trouviez le moyen d'entrer dans ses bonnes grâces. Une discipline dans laquelle seul Arès excellait. Peut-être parce qu'il était le seul à réellement essayer : aucun des autres olympiens n'avait envie de se corrompre ou de faire abstraction d'une partie de ses valeurs pour faire plaisir à Zeus. Et Hermès en était le premier. Résultat, il avait essuyé plusieurs revers, plus ou moins douloureux.

Comme… comme Helia.

Par les Parques, comme elle lui manquait en ce moment. Ses boucles brunes, son parfum, son enthousiasme. Il aurait aimé pouvoir la voir. Lui rendre visite. Mais Zeus s'était assuré que cela ne serait pas possible tant qu'Apollon et lui seraient sur terre. La décision avait déchiré le cœur d'Hermes. Qui se déchirait maintenant encore plus maintenant qu'il se rendait compte que Ambre et Matthew, en plus d'avoir servi de jouets à Héphaïstos, n'avaient pas eu la chance de connaître ce que Helia avait connu et continuait de connaître : l'amour de deux pères, leur fierté, leur bienveillance. Leur protection.

« Tu… tu vas bien ? Tu veux un mouchoir ? »

Le ton préoccupé et hésitant d'Ambre ramena de nouveau Hermès à la réalité. La jeune fille le regardait avec un mélange de compassion et d'inquiétude, la tête légèrement penchée vers la gauche.

Il fallut à Hermès pour se rendre compte que les rôles avaient subitement été échangés : maintenant, c'était lui qui pleurait silencieusement, sans pouvoir s'arrêter.

Le cœur et l'estomac en vrac, légèrement gêné, le dieu attrapa le mouchoir que lui tendait Ambre et la remercia d'un mouvement de tête avant de se moucher bruyamment.

« Pardon., arriva-t-il à murmurer après quelques secondes de silence. C'est juste que… que j'ai eu mon compte de revers moi aussi. »

Ambre garda le silence, se contentant de lui offrir un sourire rassurant. Puis, d'un geste presque impulsif, elle se saisit lentement de la main du dieu et resserra sa prise quelques instants avant de la lâcher. Mais à peine avait-elle eu le temps de retirer sa main qu'Hermès la saisit et la serra à son tour.

Aucun des deux ne laissa transparaître d'émotions particulières lorsque leurs mains respectives se touchèrent mais tous les deux ressentirent la même chose : une douce chaleur au niveau de la poitrine.

Il est peut-être temps de lui montrer combien elle est extraordinaire.

Peut-être qu'il est juste aussi meurtri que toi, en fin de compte.

XxxxX

Hermès jeta un rapide coup d'œil à sa montre avant de grimacer. Vingt heures. Lui qui avait promis à Matthew et à Apollon d'être de retour à dix-sept heures, c'était raté. Le messager espérait simplement que le dieu de la musique n'ait pas désintégré le frère d'Ambre… ou ne l'avait pas rendu fou, tout simplement. Parce qu'il fallait bien le dire, depuis qu'ils étaient arrivés tous les deux à Phoenix, le dieu se montrait assez désagréable envers les deux demi-dieux. Alors qu'au fond, les pauvres n'y étaient pour rien ; la mission leur était tombée dessus comme la décision de Zeus les avait percutés de plein fouet, Apollon et lui. Un an sur terre juste parce que le dieu de la musique avait eu le culot de montrer une fois de trop son désaccord envers l'une de ses décisions. Un an sur terre sans pouvoirs mais toujours avec l'alléchante odeur qui attirait tant de monstres. Et qui punissait-on aussi sous prétexte qu'Apollon avait besoin d'être "supervisé" durant cette période ?...

Athéna aurait fait un meilleur travail que moi. Apollon aurait demandé pardon à père en même pas vingt-quatre heures avec elle à ses côtés. Et notre fille aurait pu…

Non. Non, non et non. Il fallait qu'il arrête de penser à Hélia. Il fallait qu'il arrête de se demander ce qu'elle faisait et si elle ne souffrait pas trop de l'absence de ses deux pères. Mais en parler avec Ambre… en parler avec Ambre lui avait fait du bien tout comme cela l'avait replongé dans une sorte de nostalgie et de tristesse dont il n'arrivait pas réellement à se défaire.

C'était d'ailleurs en partie pour cela qu'il rentrait aussi tard à l'hôtel : après la séance d'aide aux mathématiques, qui s'était terminée de manière tout aussi étrange que hautement positive pour Hermès, le dieu avait éprouvé le besoin de prendre l'air. De sortir, de marcher sans réel but aux alentours de l'hôtel et de la bibliothèque municipale. Après tout, il n'était pas le dieu des voyageurs pour rien : marcher, randonner, visiter de nouveaux ou d'anciens lieux lui permettait d'apaiser son esprit, de le rendre plus clair, d'évacuer un trop plein d'émotions. Alors, une fois sorti de la bibliothèque, et après demandé à Ambre si elle souhaitait l'accompagner - mais la fille d'Iris était attendue de pied ferme dans un magasin de vêtement par sa meilleure amie et s'était donc sincèrement excusée avant de disparaître aussi rapidement qu'un éclair -, il s'était fondu dans la masse des habitants de Phoenix et avait entrepris de faire le tour de la ville. Ou plutôt, de laisser ses pas le guider vers on savait quelle destination pendant que son esprit prenait une profonde inspiration et essayait tant bien que mal de se calmer. Se calmer à propos de son père, à propos d'Hélia mais aussi… d'Ambre.

Hermès était l'un des dieux - après Aphrodite et Apollon, et peut-être même Héphaïstos -, qui avait eu et avait encore le plus de conquêtes amoureuses et d'enfants dans le monde des mortels. Il ne s'en cachait pas, se justifiant par le fait qu'il était l'un des Olympiens le plus proche de ce monde où les choses allaient beaucoup trop vite. Et par le fait, aussi, qu'il aimait sincèrement chaque personne qu'il charmait et chaque enfant qui naissait de cette union. Il était l'un des premiers à regarder constamment leur évolution et n'hésitait jamais à les revendiquer dès leur premier soir à la colonie des Sang-Mêlés. Et était-il aussi nécessaire d'ajouter qu'il accueillait les enfants des autres sans aucun jugement et s'attachait même parfois à eux ? Il ne les prenait pas en pitié, non. Il avait honte pour ses frères et sœurs ou toute autre déité qui n'était pas capable, ou ne souhaitait simplement pas - pour telle ou telle raison - revendiquer comme l'un des leurs un de leurs enfants. Combien de fois avait-il vu Arès ou Aphrodite hésiter longuement en se demandant si celui-ci valait "le coup" ? Combien de fois avait-il entendu le dieu de la guerre dire que celui-là n'était définitivement pas assez costaud pour intégrer son bungalow ("j'ai mal choisi la mère en fin de compte") ? Ce genre de remarques l'avait toujours dégoûté. Elles lui donnaient à chaque fois une profonde envie de vomir. D'hurler. De les secouer comme des pruniers et de leur dire que les enfants ne servaient pas simplement à accomplir ce qu'eux avaient la flemme d'accomplir sur terre. On ne faisait pas simplement des enfants pour s'en servir comme outils. Mais apparemment, cet avis n'était pas le plus populaire au six-centième étage de l'Empire State Building.

Bref, tout cela pour dire qu'en quelques trois millénaires d'existence, il avait eu pas mal d'aventures, d'histoires d'amour et d'enfants. Mais est-ce qu'il avait ressenti envers eux le centième des émotions qu'il avait ressentis lorsque Ambre et lui s'étaient tenus la main à la bibliothèque ? Cela avait été la première fois depuis longtemps qu'il avait ressenti une telle chaleur dans toute la poitrine. La dernière fois remontait à sa relation avec Apollon. Et même si celle-ci s'était terminée il y avait à peu près quarante ans, elle restait précieuse pour Hermès. Et était facilement l'une de ses préférées. Et jamais, ô grand jamais, il n'aurait cru que quelqu'un d'autre puisse lui faire ressentir cela. Mais Ambre… quelque chose chez elle l'attirait comme un aimant depuis le début. Ce n'était pas l'obsession de se racheter, comme semblait le penser la jeune fille, non. C'était… c'était quelque chose de beaucoup plus précieux. Comme… comme une éviden…

« Par les Parques, mais regardez qui voilà enfin ! Je ne pensais pas que la bibliothèque se trouvait aussi loin ! Tu y es allé en avion ? Ou en train, peut-être ? Il y avait des bouchons ? Ou l'endroit est tellement grand que tu t'y es perdu et as eu un mal de chien à retrouver la sortie ? »

De nouveau profondément plongé dans ses pensées, Hermès ne s'était même pas rendu compte qu'il venait de franchir le seuil de la chambre qu'il partageait avec Apollon. Celui-ci, un sourire à la fois moqueur et amusé aux lèvres, était appuyé contre le chambranle de la porte de la salle de bain, les mains dans les poches de son jean et l'air beaucoup plus joyeux et relaxé que lorsque Hermès l'avait quitté en début d'après-midi.

Ce fut d'ailleurs cela qui fit redescendre Hermès, beaucoup plus vite que la pique sur son retard de plusieurs heures : se rendant compte du sourire éclatant de son demi-frère et de son attitude totalement détendue, le messager scanna la pièce et ouvrit de grands yeux lorsqu'il se rendit compte que Matthew ne s'y trouvait pas.

Par les Parques, mais où… où est-ce qu'il… non, il doit… mais qu'est-ce que…?

« Oh, on calme ses pensées, Hermy ! Et on respire. Matt est toujours en vie. Il est juste parti manger avec sa jumelle. Moi, je t'attendais pour y aller. Et franchement, tu as eu raison de me confier à Matthew cet aprem. Parce qu'il est tout comme tu me l'as décrit : insupportable, aigri et immature. Sans parler de l'égo surdimensionné qu'il possède. »

« C'est bon à savoir. »

Assis sur l'un des lits, les épaules légèrement voûtées, le regard vide, Hermès n'écoutait plus réellement Apollon : le "Hermy" l'avait de nouveau fait disjoncter. Apollon n'avait commencé qu'à l'appeler ainsi lorsque leur relation avait débuté. Et lorsqu'ils cohabitaient sous le même toit, tous les deux, avec… Hélia.

Apollon l'avait bien remarqué d'ailleurs. Ce fut pour cela qu'il tenta une dernière joute, histoire de savoir s'il devait bel et bien commencer à s'inquiéter:

« J'ai parlé avec le chef cuisto de l'hôtel. Il est O.K pour qu'on fasse cuire les jumeaux Jones à la broche. Qu'est-ce que t'en dis, ça te plaît comme idée de repas ? »

« Pas de problème. Fais comme tu veux. »

« Hermès, qu'est-ce qu'il se passe ? »

Le regard inquiet, les sourcils froncés, Apollon venait de s'agenouiller devant Hermès et de poser doucement l'une de ses mains sur l'un des genoux du dieu. Hermès se replia alors davantage sur lui-même et détourna le regard pour admirer le faux parquet de la chambre. Croiser le regard d'Apollon qui était le même que leur fille et que celui d'Ambre, par extension, risquait de le faire craquer pour de bon. Et il n'en avait aucune envie.

« Hermès ? », retenta Apollon, après quelques instants de silence.

Et alors qu'il allait se saisir du visage d'Hermès pour plonger son regard dans le sien, le messager prit une profonde inspiration, avant de lâcher, les larmes aux yeux et les mâchoires serrées pour tenter de contrôler l'émotion qui transparaissait dans sa voix:

« J'ai beaucoup pensé à Hélia aujourd'hui. »

« A qui le dis-tu ? »

La réponse du dieu du soleil ne fut qu'un simple murmure et Apollon se retrouva soudain assis en tailleur, une expression de tristesse sur le visage.

« Je pense à elle tous les jours depuis que j'ai eu la maladresse de décevoir une fois de trop notre cher père., reprit-il, les bras serrés contre la poitrine. Et je m'en veux. Je m'en veux parce qu'en faisant cela, je ne me suis pas simplement puni moi-même. Je vous ai surtout punis, toi et Hélia. Zeus n'avait pas à t'envoyer aussi ici. Et à te priver également de tes pouvoirs. De ta vie. De ta fille. Tu n'as rien fait pour. Qu'il m'empêche de la contacter, je veux bien, si ça doit faire partie de ma punition. Mais te l'interdire à toi aussi ? J'ai du mal à en comprendre le sens. Tu es censé me surveiller, pas être puni autant que moi. »

Hermès ne répondit pas. D'un côté, il était entièrement d'accord avec ce que venait de dire le dieu du soleil. Mais de l'autre… lui aussi avait souvent joué avec le feu. Et à force, on s'y brûle. Peut-être que Zeus avait voulu faire un tir groupé pour mettre en garde Hermès sur ce qui l'attendait si lui non plus ne changeait pas de comportement.

« Je suis sûr qu'elle va bien., tenta de le rassurer Apollon avec un sourire. Elle a toujours été d'une grande débrouillardise, même lorsqu'elle était petite. Et au fond, je suis même sûr qu'elle doit être soulagée de ne plus avoir ses deux pères hyper protecteurs sur le dos. Avec tous ces kilos en moins, elle doit se sentir beaucoup plus légère. »

Il avait ajouté cette dernière phrase d'un ton amusé, essayant de casser l'ambiance devenue un peu trop lourde à supporter. Même s'il était triste, Apollon savait que cela ne servait à rien de ressasser toujours les mêmes choses. Et qu'est-ce qu'était un an quand on était immortel, au fond ?

Cette dernière pique sembla faire mouche auprès d'Hermès qui esquissa un sourire amusé. Fier que sa tentative ait fonctionné, Apollon lui rendit son sourire en coin avant d'enchaîner sur un autre sujet :

« Alors, cette séance de mathématiques ? »

« Quelle…? »

« Oooh, Hermès, allez ! J'ai réussi à tirer les vers du nez de Matt pour savoir où tu étais. Depuis quand tu fais de l'aide aux devoirs pour demi-dieux, toi ? »

« Depuis… depuis que… Ne me regarde pas comme ça, Pollo ! »

A la fois gêné et amusé par le regard goguenard et plein de sous-entendus du dieu, Hermès s'empara d'un oreiller qu'il lui lança ensuite en pleine figure. Apollon laissa échapper un petit rire mais ne changea pas d'expression pour autant, ce qui enflamma les joues d'Hermès.

« Ambre a juste besoin d'un petit coup de pouce en mathématiques et en confiance en elle pour remonter ses notes, rien d'autre. Et comme elle est quelque peu obligée de supporter notre présence… »

« Hum, hum. Un échange de service, en quelque sorte. »

« Exactement. »

« Il se passe rien alors ? Rien du tout ? »

« Apolloooon. »

Le dieu du soleil se prit de nouveau un coussin en pleine tête, mais cela ne l'arrêta pas pour autant, au grand dam de son demi-frère.

« Quoi ? Je me renseigne, c'est tout ! »

« Et qu'est-ce que ces infos pourraient t'apporter, hein ? Je veux dire, même si je ressentais quelque chose pour Ambre, qu'est-ce que tu pourrais… aaaargh ! Arrête de sourire comme ça ! »

Toujours assis en tailleur devant Hermès, Apollon évita un troisième projectile avant d'afficher un sourire triomphant.

« Il se passe donc bien quelque chose !, s'exclama-t-il, en se levant subitement. Mesdames, messieurs, grande nouvelle, NOTRE HERMES NATIONAL EST DE NOUVEAU AMOUREUX ! »

« Essaie d'être un peu plus discret, s'il te plaît ! », gémit le concerné.

Il avait réussi à attraper Apollon par le bras gauche et tentait tant bien que mal de couvrir sa bouche à l'aide de sa main.

« J'ai pas envie que tout l'hôtel soit au courant ! Et on est pas loin de la chambre d'Ambre… », ajouta-t-il, un air suppliant sur le visage.

« OK, OK, capitula finalement Apollon, levant les mains en l'air en signe de reddition. Mais je suis heureux pour toi, Hermy ; ça faisait longtemps. »

C'était ce qu'il y avait de bien avec Apollon finalement, pensa Hermès. Ils s'étaient quittés de manière tellement naturelle et non conflictuelle qu'ils arrivaient à rester proches tout en étant heureux lorsque l'autre rencontrait de nouveau l'amour.

« Oui, enfin… »

Hermès se passa une main dans ses cheveux bouclés, soudain encore plus mal à l'aise qu'auparavant, si cela était possible.

« Ne t'emballe pas trop, Apollon. Je ne sais même pas si c'est réciproque. Et si ça l'est, je ne veux en aucun cas brusquer les choses. On ne se connaît que depuis deux semaines. »

Puis voyant que le dieu du soleil s'apprêter à dire quelque chose mais voulant terriblement changer de sujet avant qu'Apollon ne réussisse à lui mettre de fausses idées en tête, il reprit, un sourire moqueur aux lèvres :

"D'ailleurs, pourquoi es-tu aussi heureux pour moi ? Je pensais que ces deux jumeaux de demi-dieux t'ennuyaient terriblement."

Ce fut au tour d'Apollon de rougir légèrement, et Hermès ne résista pas à l'envie de rire : des millénaires de cohabitation lui avaient fait comprendre que le dieu de la musique n'aimait pas reconnaître ses torts, et voilà qu'il se faisait coincer.

« Oui, bon…je me suis peut-être trompé. Je les ai peut-être jugés un peu trop vite. Ce sont des choses qui arrivent, non ? »

Il y eut un instant de silence pendant lequel Hermès regarda Apollon d'un air perplexe, sourcil droit levé.

« Bon, d'accord, ça arrive surtout à moi. Mais j'ai beaucoup parlé avec Matt cet après-midi. Et c'est un chouette gars. Tu sais qu'il communique lui aussi ses émotions par le dessin ? C'est le deuxième avec Hélia. Et franchement, il se débrouille plutôt bien. Il m'en a même laissé quelques-uns, attends. »

Soudain enthousiaste, Apollon se dirigea vers le bureau et s'apprêtait à ouvrir le premier tiroir lorsqu'un hurlement à glacer le sang résonna dans les couloirs de l'hôtel.

Les deux dieux restèrent immobiles quelques instants, puis Apollon se tourna vers Hermès, sourcils froncés :

« Ce n'était pas Ambre par has... »

Mais il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'Hermès ouvrait déjà la porte de la chambre et se précipitait à l'extérieur.

Une vague d'appréhension le submergeant, Apollon le suivit aussitôt, priant pour qu'aucun monstre n'ait fait irruption dans la chambre de la sang-mêlée.