Hello, hello!
Que dire à part que vous êtes des fous? 106 reviews pour un premier chapitre! Ma boîte mail inondée! Alors évidemment, je n'ai pas pu répondre à tout le monde (honte à moi) mais j'ai essayé de privilégier les gens avec des questions... Beaucoup m'ont demandé pour le rythme de publication mais vraiment, là, c'est un peu tendu de mon côté. Certains auront remarqué que j'ai publié plusieurs petits (touuut petits) os pour Hunger Games et peut-être même vous dites vous que je me moque de vous parce que je dis que je n'ai pas le temps de travailler sur Le Dernier Secret, mais la triste vérité c'est que les chapitre du LDS (oui j'abrège) sont très long maintenant que les deux fics sont jointes et qu'ils demandent des heures de travail alors qu'un os me prend entre une et deux heures. Ne m'en veuillez pas! Bientôt j'aurais raté mes écrits (non je ne suis pas quelqu'un d'optimiste) et j'aurais tout le temps du monde ;)
Bref, ceci étant dit, je tiens vraiment à vous dire merci parce que les retours que j'ai eu sur le premier chapitre étaient vraiment, vraiment merveilleux et ça me fait vraiment chaud au coeur de savoir que vous aimez tellement cette histoire. Je sais que je ne réponds pas à tout le monde et j'aimerai pouvoir le faire mais vous êtes trop nombreux (ce qui n'est pas une excuse, je sais). Si vous tenez absooolument à me poser une question particulière, vous pouvez toujours m'envoyer un MP ou me contacter sur Twitter.
Je vous aiiiiime tous, merci pour votre soutien.
Ah, vous ne m'aimerez plus à la fin du chapitre, mais c'est un détail ;)
Enjoy & Review !
It amazes me how easy it is for things to change, how easy it is to start off down the same road you always take and wind up somewhere new. Just one false step, one pause, one detour, and you end up with new friends or a bad reputation or a boyfriend or a breakup. It's never occurred to me before; I've never been able to see it. And it makes me feel, weirdly, like maybe all of these different possibilities exist at the same time, like each moment we live has a thousand other moments layered underneath it that look different.
Lauren Oliver (Before I Fall)
Ça m'épate comme les choses changent facilement, comme il est facile d'emprunter la même route que l'on prend toujours et d'atterrir dans un endroit nouveau. Il suffit d'un seul faux pas, d'une seule hésitation, d'un seul détour, et on retrouve avec de nouveaux amis ou une mauvaise réputation, ou avec un petit-ami ou une rupture. Ça ne m'avait jamais frappée avant, je n'avais jamais su le voir. Et ça me donne l'impression, bizarrement, que, peut-être, toutes ces possibilités différentes existent toutes en même temps, comme si chaque moment que nous vivons est au sommet d'une couche de milliers de moments différents.
Lauren Oliver (Before I Fall)
Chapitre 2 : Somewhere New
« Comment ça il ne veut pas me voir ?! » s'énerva Sirius, en tapant du poing sur la table de la cuisine du Square Grimmaurd. « Qu'est-ce que ça veut dire, il ne veut pas me voir ? »
Dumbledore était reparti depuis plus d'un quart d'heure mais Sirius ne parvenait pas à décolérer, malgré les tentatives peu convaincues de Remus pour l'apaiser. La seule raison pour laquelle il n'avait pas encore foncé à Poudlard, en dépit de toutes les interdictions et suppliques visant à l'en dissuader, était la promesse que lui avait extorquée le loup-garou, entre deux hurlements.
Il avait écouté avec autant d'attention que son meilleur ami les explications de Dumbledore, mais il avait refusé de les comprendre. Harry dans un soixante-quinze alternatif, il voulait bien le croire. Mais Harry réparti à Serpentard ? Harry la cible de leurs plaisanteries ? Jamais. Jamais il n'aurait fait quoi que ce soit qui aurait pu blesser son filleul. Il aurait mis sa main à couper que tout était la faute de Snape. C'était lui qui avait monté la tête d'Harry… C'était lui qui…
« Je pense que ça signifie qu'il ne veut pas se retrouver face à toi. » répliqua Nyssandra, perchée sur la table.
Remus soupira. « Nyssa, s'il te plait. »
« Si tu n'as rien de constructif à dire, va voir ailleurs. » aboya Sirius, en attrapant son paquet de cigarettes. Il était tellement énervé qu'il lui échappa des mains trois fois. « Et toi ! Va plutôt nettoyer la chambre de Buck, elle empeste ! »
Kreattur cessa d'astiquer, sans aucun entrain, les restes de vaisselles pour disparaître dans un crack sonore, sans même se faire prier. La vampire, elle, sauta de son perchoir avec mauvaise humeur, et déclara qu'elle allait se coucher.
Restés seuls, Sirius et Remus échangèrent un regard inquiet.
« Je ne comprends pas ce qui lui prend, Lunard. » lâcha Sirius, en se laissant tomber sur une des chaises de la cuisine. « Si je pouvais lui parler… »
« Albus a été plutôt clair… » hésita Remus, en s'asseyant à son tour. « Il a dit qu'Harry voulait bien que tu lui écrive. Peut-être que si tu lui envoyais une lettre… »
Sa cigarette refusait de s'allumer. Il la jeta par terre, avec énervement, avant de balancer le paquet et le briquet contre le mur pour faire bonne mesure.
« Si Snape… » grinça-t-il, en bondissant à nouveau de sa chaise.
« Tu as entendu Albus, comme moi, Severus ne lui a rien fait. » tempéra Remus, dans un soupir. « On était con, il y a vingt ans, Sirius. Peut-être que ce qu'il a vu de nous ne lui a pas plu. »
Il se mit à tourner en rond autour de la table, débordant du besoin de faire quelque chose. Il avait attendu des mois, il avait gardé espoir quand tout le monde avait renoncé et…
« C'est ridicule. » riposta-t-il. « Complètement ridicule. »
Le loup-garou, sans avoir l'air aussi dévasté que lui, avait l'air chagriné de ne pas pouvoir se rendre immédiatement à Poudlard.
« Je ne sais pas quoi te dire. » soupira Remus. « Je suis déçu, moi aussi. »
« Si je pouvais juste lui parler. » insista-t-il.
Son meilleur ami secoua immédiatement la tête. « Je ne pense pas qu'Albus plaisantait quand il a dit qu'il valait mieux lui laisser un peu d'espace. »
Sirius s'immobilisa et se tourna vers lui, jetant les bras en l'air avec impuissance.
« Mais j'ai besoin de le voir. » gémit-il. « Je veux être certain qu'il va bien, je veux… » Sirius poussa un soupir. « C'est mon filleul, quel droit ont-ils de m'empêcher de le voir ? »
« C'est Harry qui ne veut pas te voir. » le corrigea Remus, en se frottant le visage. « Écris-lui. Demande-lui ce qui ne va pas. C'est sans doute un malentendu. »
« Je n'en crois pas un mot. » déclara-t-il, soudain. Il croisa les bras et s'adossa au plan de travail. « Tu veux que je te dise, Remus ? Tout ça, c'est une invention de Dumbledore pour m'empêcher de réclamer sa garde. »
Le loup-garou le dévisagea, quelques secondes, et Sirius attendit les accusations de paranoïa qui ne manqueraient pas de suivre. Il fut surpris lorsque Remus, après avoir fermé la porte d'un coup de baguette, se pencha légèrement en avant, comme pour mieux prêter toute son attention au problème.
« Il insiste énormément pour qu'Harry retourne chez les Dursley. » lui accorda Remus. « Il m'a demandé de te convaincre d'abandonner l'idée de la demande de tutelle. »
L'expression de Sirius se durcit. « Je ne crois pas, une seule seconde, qu'Harry ne veuille pas me parler. »
La pleine lune approchait et le corps de Remus le faisait déjà souffrir, Sirius le voyait bien à la manière dont il grimaçait à chaque mouvement. Au moins, songea-t-il, le retour de Snape aurait une conséquence positive.
« J'avoue que je trouve ça bizarre. » admit Remus. « Tu peux faire du thé, s'il te plait ? »
« Tu sais qu'on a un elfe de maison, Lunard ? » plaisanta-t-il, sans que le cœur y soit. Il n'aimait pas voir son meilleur ami dans cet état. Il mit l'eau à bouillir et tira des tasses propres des placards, non sans ruminer leur problème.
« Albus pense que ça ne fait pas grande différence que tu sois officiellement le tuteur d'Harry ou pas. » déclara Remus, en mettant enfin cartes sur table. Sirius se demanda si ça signifiait que le loup-garou était désormais dans son camp… Parce que, une chose était certaine, ils avaient beau tous se battre contre Voldemort, Dumbledore avait ses propres projets et Sirius n'était pas sûr d'aimer ce qu'il en devinait. « Il dit qu'Harry est plus en sécurité avec Pétunia, mais que ça ne change rien pour le garçon. Tu restes son parrain, il n'y a pas de différence. »
Sirius ne cacha pas son ricanement moqueur.
« Je vais te dire où est la différence. » répliqua-t-il, en sortant le nécessaire au petit-déjeuner. Il posa une des tasses avec tellement de force qu'elle s'ébrécha. « Tant que les Dursley sont ses tuteurs, Albus décide et je n'ai pas mon mot à dire. Voilà la différence. »
Le sifflement de la bouilloire ponctua son petit discours. Il ne fit pas un geste pour la sortir de sur le feu, attendant de savoir ce qu'en pensait Remus.
« Pourquoi mentirait-il en prétendant qu'Harry ne veut pas te voir ? » demanda le loup-garou. « Ça n'a pas de sens. L'histoire ne tiendrait pas plus de quelques jours, au mieux… Que peut-il espérer accomplir, en quelques jours ? »
Sirius haussa les épaules.
« Gagner du temps ? » supposa-t-il. « S'assurer que ma demande de tutelle soit enterrée dans un placard au fin fond du Ministère et ne passe jamais devant le Magenmagot ? Monter la tête d'Harry ? Je n'en sais rien. Ce dont je suis certain, en revanche, c'est que cette histoire est plus que suspecte. »
Remus transvasa l'eau de la bouilloire à la théière, avec sa baguette, tout en réfléchissant à voix haute.
« Je n'aime pas beaucoup la manière dont il parle d'Harry. » avoua le loup-garou. « Il est toujours très affectueux, ce n'est pas le problème, mais… Parfois, à l'écouter, on pourrait croire qu'Harry n'est qu'une arme ou… »
« Un pion ? » proposa-t-il. Un peu plus calme, il alla ramasser le paquet de cigarettes pour en allumer une. « J'ai autant envie que lui de gagner cette guerre, mais je ne vais pas le laisser utiliser le fils de James comme ça. Si Harry veut se battre, très bien. Mais ça doit être sa décision. Je ne veux pas que Dumbledore l'influence, je n'aime pas ses méthodes. »
Son ami demeura silencieux, quelques minutes.
« Dumbledore est notre meilleur espoir. » exposa calmement Remus. « Beaucoup diraient qu'il est même notre seul espoir. »
Le loup-garou se servit une tasse de thé, qu'il se mit à boire à petite gorgée.
« Je ne suis pas en train de dire qu'on devrait se débarrasser de Dumbledore, simplement que je refuse de lui laisser Harry. » déclara Sirius. « Ce pauvre gosse a passé huit mois avec Snape et, maintenant, Merlin sait ce que Dumbledore lui a raconté. Qui dit qu'il ne cherche pas à m'éloigner de Poudlard pour qu'Harry se sente abandonné et se tourne vers lui ? Qui dit qu'il ne veut pas faire croire à Harry que je n'en ai rien à faire de lui, maintenant que je suis libre ? »
« Harry ne croirait jamais une chose pareille. » contra Remus, en balayant l'idée d'un geste, pour bien montrer qu'elle était ridicule.
« Harry ne refuserait jamais de me voir. » riposta Sirius. « Tu l'as dit, toi-même, tout ceci est extrêmement bizarre, je vais faire quelque chose. Alors, toute la question c'est : est-ce que tu es avec moi ou pas ? »
Son ami reposa sa tasse sur la soucoupe ébréchée, dans un choc de faïence qui troubla le silence soudain.
« La carte du Ministère est pratiquement terminée. » lâcha Remus. « Si on met les bouchées doubles, elle pourrait être finie en fin d'après-midi. »
Sirius leva les yeux au ciel. Avec Percy Weasley à l'intérieur du Ministère, avancer sur la carte des Maraudeurs deuxième version avait été beaucoup plus simple. Certes, il s'agissait d'une des missions prioritaires qui leur avait été confiées à Remus et lui mais, vraiment, n'y avait-il pas plus urgent, à l'instant, que de savoir qui rendait visite à Scrimgeour ?
« Franchement, je me contrefous de ta fichue carte, Remus. » gronda-t-il, en écrasant son mégot dans l'évier. Kreattur pourrait le nettoyer plus tard.
« Tu as tort. » répliqua le loup-garou. « Parce que si nous finissions la carte, Albus devrait venir la voir et, toi, tu pourrais aller faire un tour, ailleurs, en étant sûr de ne pas l'y croiser. »
Lunard leva les sourcils et lui jeta le regard qui signifiait qu'il était un idiot. Sirius lui fit un grand sourire.
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Bill se glissa sur la chaise qui faisait face à Charlie et ordonna, d'un geste, à Tom de lui apporter un café. Le Chaudron Baveur n'était pas son lieu de rencontre favori, mais ils n'avaient que peu de temps avant de devoir aller à Gringotts.
« Alors ? » demanda immédiatement Charlie. « Est-ce que c'est vrai ? Potter et Snape sont revenus ? »
Bill jeta un regard à la ronde, juste pour s'assurer que personne ne leur prêtait plus d'attention que nécessaire. Ce n'était pas vraiment un secret. La moitié de la communauté magique avait été au courant avant même que le soleil ne soit levé. La nouvelle était partie d'un élève de Poudlard et Dumbledore l'avait confirmé à La Gazette à l'aube. Tous les journaux qu'il apercevait autour de lui ne parlaient que de ça : le retour triomphal du Survivant. Il n'enviait pas Harry. Ça allait être encore pire pour lui que cela l'avait été pour Sirius.
« Je sors du bureau de McGonagall. » confirma-t-il, en volant un des toasts que son frère avait abandonné sur son assiette. « Maman voulait à tout prix le voir, je l'ai accompagnée. »
Charlie grimaça d'appréhension. « Et ? Comment ça s'est passé ? »
« Bien sur le coup. » soupira Bill. « Maman était ravie, Harry semblait heureux de la revoir. Elle a eu l'air de comprendre lorsqu'il lui a offert ses condoléances, mais… Une fois à la maison, c'était pire. J'ai eu beau lui répéter que papa était mort, elle ne voulait rien entendre. Elle m'a appelé Gideon et m'a demandé où était Fabian. Percy est avec elle, pour l'instant. »
Charlie remua le reste de son café, les yeux baissés.
« Ça ne peut pas continuer. » murmura son frère. « On doit faire quelque chose. On doit en parler à quelqu'un. »
« Andromeda. » suggéra-t-il, parce qu'il avait retourné et retourné le problème sous tous ses angles.
Charlie secoua la tête, refusant toujours de le regarder en face.
« Elle est enfermée chez elle, la plupart du temps, et sa maison est sous Fidelitas. » répondit le dragonnier. « Tonks n'arrête pas de râler parce qu'il lui faut prendre rendez-vous pour voir ses parents et qu'elle ne peut même pas rentrer chez elle. »
« Pomfresh ? » proposa-t-il, avec un peu plus de réluctance.
« Elle va le dire à Dumbledore. » protesta Charlie.
« Et tu crois qu'Andromeda tiendra sa langue, peut-être ? » répliqua-t-il, un peu trop fort.
Le sorcier, à la table la plus proche, tourna la tête vers eux, avec une expression désapprobatrice. Tom choisit justement ce moment là pour lui apporter sa commande et les deux frères Weasley se turent le temps que le vieux barman ne retourne à son poste.
« On ne peut pas le cacher éternellement. » reprit-il, plus bas. « Ils vont tous finir par comprendre, étant donné que maman n'arrête pas de parler de papa comme s'il allait rentrer d'une seconde à l'autre. Et si, en plus, elle se met à nous confondre avec ses frères… McGonagall m'a demandé trois fois si elle se remettait bien. »
« On ne peut pas faire ça aux autres. » protesta Charlie. « Les jumeaux sont grands, mais Ron et Gin ? Tu as une idée de ce qu'ils ressentiront s'ils l'entendent parler de papa comme ça ? C'est suffisamment dur pour nous ! »
Bill se passa une main sur le visage et rajusta nerveusement son catogan.
« Je ne vois pas comment on peut le leur cacher. J'ai intercepté une lettre ou elle disait à Ron que papa venait juste de réparer la fenêtre de la cuisine. » déclara-t-il.
« C'est moi qui l'ait fait avant-hier. » marmonna Charlie, en baissant la tête comme s'il était responsable.
Il l'ignora. « Je ne peux pas contrôler tous les hiboux qu'elle envoie et on ne peut pas continuer à manquer le travail à tour de rôle. On va se faire renvoyer. »
La compassion, déjà limitée, de leurs employeurs ne durerait pas éternellement.
Ils avaient besoin d'aide.
« Si je demande à Anthony… » hésita son frère. « Parle-en à Fleur et si Percy veut bien rallier Audrey… »
« Fleur a rompu avec moi. » coupa-t-il. « Et Percy n'est pas en meilleure position avec Audrey, d'après ce que j'ai compris. »
« Oh. » lâcha Charlie, en jouant distraitement avec émiettant le dernier toast. « Désolé. »
Bill accepta sa commisération d'un demi-haussement d'épaules qui se voulait nonchalant mais qui était probablement plutôt pathétique. Il but son café, en trois petites gorgées, évitant soigneusement le regard de Charlie.
« Autre chose. » reprit-il, avec lassitude. « McGonagall m'a dit qu'il n'y avait toujours pas de nouvelles des Granger. Elle n'a rien dit à Hermione pour ne pas l'alarmer inutilement, mais des voisins ont confirmé que sa famille avait disparu peu après le jour de l'an. Tonks et Fol'Œil continuent de les chercher, seulement ça n'a pas l'air très prometteur. Maman a proposé d'accueillir Hermione si on ne les retrouve pas d'ici l'été. »
Charlie haussa les épaules. « Elle passe la moitié des vacances au Terrier, de toute manière. Harry aussi. Ça ne changera pas grand-chose. »
« Ça changera beaucoup lorsqu'on devra gérer maman et Ron et Ginny. » répliqua Bill. Ce n'était pas qu'il désirait mettre Hermione à la porte, mais ils avaient suffisamment de mal avec leur propres problèmes familiaux. « Si Sirius parvient à obtenir la garde d'Harry… Je vais lui demander d'héberger Hermione. Elle sera majeure l'année prochaine, de toute manière. Ce n'est qu'une formalité. »
Il voyait bien, à l'expression de son frère, que l'idée lui déplaisait. Eh bien, songea Bill, il n'avait qu'à essayer de prendre les décisions au lieu d'attendre que ses frères le fassent à sa place. Plus le temps passait, plus Charlie abandonnait leur mère à Percy et à lui, désireux de ne pas voir ce qui se passait sous ses yeux.
« Je vais écrire à Muriel. » rajouta-t-il. « Je ne veux pas imposer quotidiennement à Ron et Ginny, cet été, de devoir rappeler à maman que papa est mort. Je suis certain qu'elle voudra bien les prendre chez elle. »
Cette fois-ci, Charlie eut l'air scandalisé.
« Chez Muriel ? » répéta son frère, sidéré. « Est-ce que tu les détestes ? Pourquoi pas au Square Grimmaurd avec les autres ? Ce serait beaucoup plus simple. »
Bill hésita, ne voulant pas rejeter l'idée. Il doutait que Sirius refuse asile à son frère et à sa sœur, surtout une fois qu'Harry habiterait avec lui, mais… Tout ça ne regardait que les Weasley.
« On verra. » trancha Bill, sans s'engager.
Il serait toujours possible de prendre Ron chez lui et de caser Ginny chez Percy. Les solutions ne manquaient pas. Implorer l'aide de leur tante Muriel lui semblait juste la plus évidente et, surtout, la plus pratique.
« Tu dois passer… tu-sais-où, ce soir ? » s'enquit Charlie, en baissant la voix. « J'ai quelque chose pour Remus. Il y a eu de l'agitation au niveau des vieux coffres, précisément dans le secteur où se situe celui des Lestrange. Des clients mystérieux que nous ne devions croiser sous aucun prétexte, dragon ou pas. Je ne sais pas si c'est très important… Les Sang-Purs qui ont des coffres à ce niveau sont tous un peu bizarres, mais… on ne sait jamais. »
Bill hocha la tête. « J'y passerai ce soir, je veux emprunter le laboratoire. »
Qu'importe que le laboratoire situé en dessous de la maison n'ait pas servi depuis au minimum trois siècles et demi… Tout ce dont il avait besoin était d'un endroit frais ou personne ne viendrait le déranger. Il avait acheté tous les ingrédients nécessaires, la veille.
« Le laboratoire ? » s'inquiéta Charlie, en fronçant les sourcils. « Pourquoi faire ? Si tu veux une potion, pourquoi ne pas l'acheter directement chez l'apothicaire ? »
« Parce qu'il faut l'ordonnance d'un Médicomage pour obtenir de la potion pour sommeil sans rêve. » soupira Bill. « Et que je ne me vois pas demander à Sirius et Remus si l'Ordre a des somnifères en stock. »
Charlie n'eut pas l'air très rassuré par son explication.
« Tu n'as jamais été très bon en potion. » remarqua son frère. « Et ces potions sont dangereuses, si tu ne dors pas bien… »
« C'est pour maman, Charlie, pas pour moi. » coupa-t-il. « Je ne suis peut-être pas un génie des potions, mais je peux encore préparer une potion de cinquième année. »
Le dragonnier soupira à son tour, avant de se pencher pour récupérer son sac qui avait glissé sous la table.
« Si tu le dis. » lâcha Charlie, en jetant quelques pièces sur la table.
Bill le regarda faire, en tâchant de réguler son agacement. La situation était dure pour tout le monde. Charlie avait sa propre manière de réagir face aux difficultés et il n'aurait pas dû lui en vouloir pour ça.
Mais… Tout de même, les choses empiraient et si personne ne se décidait à l'épauler davantage, Bill ne savait pas comment il s'en sortirait.
À vrai dire, il commençait à désespérer.
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« Hermione se met avec Malfoy, en potions, et moi avec Zabini, mais… Je suis sûr que ça ne les dérangera pas de… »
Draco accéléra le pas pour dépasser le trio de Gryffondors qui trainaient dans le couloir, sans jeter un seul regard en arrière. Il ignora l'appel de son nom comme il les avait soigneusement ignorés tout le reste de la journée. Il avait passé le petit-déjeuner à la table des Poufsouffle, en compagnie de Luna, en évitant de regarder de trop près le groupe massif installé à la table des serpents – parce que, pour une raison indéterminée, c'était là que s'était spontanément assis Potter. Coup de chance, ils n'avaient aucun cours commun avec les lions le matin et il avait préféré sauter le déjeuner. Il était arrivé trop tard au cours de runes pour que Granger ait le temps de lui parler et il était parti dans les premiers, justement pour qu'elle n'ait pas le temps de proposer qu'ils fassent le chemin jusqu'aux cachots ensemble.
Il n'avait aucune envie de supporter Potter.
Entre le discours de Dumbledore au petit-déjeuner qui, aurait-on dit, retrouvait son fils prodigue et les murmures incessants qui exagéraient les exploits du Survivant, Draco avait atteint son quota de tolérance pour le Balafré. Huit mois sans lui avaient été un paradis dont il n'avait pas véritablement eu conscience.
Le pire étant que ses propres amis n'étaient pas en reste. Les traîtres.
Blaise et Daphné, après l'avoir écouté rager pendant une heure, suite à la réunion de l'A.D., avaient décrété qu'il dramatisait. De la part de la jeune fille, il ne s'était pas attendu à énormément de compassion, mais de la part de son meilleur ami ? Ce dernier avait tout simplement menacé de lui jeter un silencio s'il ne se taisait pas et ne le laissait pas tranquille. Il l'avait abandonné au petit-déjeuner pour s'installer avec les jumeaux Weasley et s'était fait un devoir de discuter avec Ron, Granger et les autres, comme si rien n'avait changé.
Les autres Serpentards membres de l'A.D. n'avaient pas l'air, eux non plus, de saisir la gravité de la situation.
Draco aurait mis sa main au feu qu'il ne faudrait pas plus de deux jours avant que Potter ait détruit ce qu'il avait mis des mois à construire. Le Gryffondor n'avait qu'un mot à dire et, lui, se retrouverait ostracisé. Il n'y avait qu'à le voir parader d'un bout à l'autre de l'école, entouré de tous les amis que Draco s'était fait cette année. Ses amis.
Quelqu'un avait-il pris le temps de seulement saluer Draco, ce jour là ? Non… Et pourquoi ? Parce qu'il n'y en avait que pour Potter. Potter. Et ? Encore Potter.
« Blaise. » lâcha-t-il, en apercevant son ami qui patientait devant la classe de potions en discutant avec Théo. Il ignora les regards moqueurs et les chuchotements peu discrets de Pansy et se planta entre ses deux camarades. « Assieds-toi avec moi, aujourd'hui. »
C'était un ordre davantage qu'une requête. Il aurait dû y réfléchir à deux fois avant d'employer ce ton là avec son ami, il le savait bien pourtant. Blaise était d'une susceptibilité maladive.
Le Serpentard soupira et Théo s'éclipsa, non sans un rictus amusé.
« Tu recommences à me prendre pour ton elfe de maison, Draco. » répliqua Blaise. « J'ai déjà un partenaire. Si tu t'es disputé avec Granger, ce n'est pas mon… »
« Oh, arrête. » coupa-t-il, en baissant d'un ton. Il entendait les échos de voix et le boucan d'une troupe d'éléphants au pas de charge : les Gryffondors se rapprochaient. Apparemment, le trio avait été rejoint par le reste de leur petit groupe. « Tu sais très bien qu'elle va faire équipe avec Potter. Tu veux me voir subir l'humiliation de me retrouver abandonné pour le binoclard ? »
Blaise le dévisagea un moment, comme s'il cherchait à évaluer le sérieux de sa question. Draco s'attendait à moitié à ce que son ami lui fasse la leçon, comme il se plaisait si souvent à le faire, mais le Serpentard se contenta d'émettre un bruit irrité.
« Il n'a plus de lunettes, tu ne peux plus l'appeler comme ça. » rétorqua Blaise.
« Franchement. » siffla-t-il, alors que le groupe de lions débarquaient. « Tu crois vraiment que c'est le moment de s'appesantir sur ce genre de détails ? Tu m'aides, oui ou non ? »
Daphné, cette traitresse, abandonna immédiatement Millicent et Pansy pour se précipiter – avec grâce et élégance, toutefois – vers Granger. Elle glissa un bras sous celui de la jeune fille et l'entraîna un peu plus loin, laissant Potter et Weasley secouer la tête face à ce comportement typiquement féminin. Il ne savait pas ce que la blonde lui racontait mais Granger leva les yeux au ciel. Quand elle tourna les yeux vers lui, Draco feignit d'être absorbé par sa conversation avec Blaise.
« Non. » répondit justement ce dernier, en haussant les épaules. « Non, je ne vais pas t'aider, parce que tu n'as toujours pas parlé à Granger aujourd'hui, alors que je te répète de le faire depuis hier soir. »
« Je ne vois pas ce que ça vient faire là-dedans. » riposta-t-il, en croisant les bras.
Les rires de Granger et de Daphné résonnèrent dans le couloir, couvrant les chuchotis hostiles de Pansy.
« Je vais te le dire. » déclara sérieusement Blaise, suffisamment bas pour que les lions n'entendent pas. Non pas qu'ils leur prêtassent attention, de toute manière. Weasley était occupé à relire hâtivement ses notes, probablement parce qu'il n'avait pas révisé pour le contrôle, et Potter regardait autour de lui, d'un air perdu. « Tu t'es persuadé que, parce que Potter est revenu, tout va redevenir comme avant. Seulement, voilà, Draco, il n'est pas aussi affreux que tu le penses et, même s'il l'était, je ne pense pas que les autres cesseraient d'être amis avec nous parce que quelqu'un le leur ordonne. Surtout Granger et les Weasley. Ce sont des Gryffondors après tout. »
« Et nous sommes les méchants Serpentards. » rétorqua-t-il, sur le même ton. « Tu as bien vu ce qui s'est passé, hier soir, non ? Potter les a tous retournés contre nous. »
« Nous n'avons pas dû assister à la même chose. » se moqua Blaise, en lui jetant ce regard qui signifiait qu'il était idiot et ferait mieux de rapidement s'en rendre compte. « Je ne dis pas que nous devons être amis avec Potter, simplement que nous pouvons parfaitement cohabiter. »
Draco ouvrit la bouche, pour lui indiquer qu'il pouvait prendre ses conseils et se les mettre où il pensait, lorsque la porte de la salle de classe s'ouvrit brusquement, faisant trébucher Brown. La jeune fille se serait probablement effondrée par terre, si Théo ne l'avait pas rattrapée.
Le regard perçant de Snape – parce que, bien sûr, c'était Snape, Slughorn n'avait probablement jamais eu un geste brusque de sa vie – passa sur les différents petits groupes mêlant Serpentards et Gryffondors, avec un déplaisir évident.
Voilà au moins une bonne chose au retour de Potter, il avait ramené Snape avec lui. L'homme avait repris ses fonctions de Directeur de Maison, dès le matin même, en commençant par une inspection des dortoirs et de la salle commune. Ceux qui n'avaient pas encore été au courant avaient eu droit à un réveil brutal, mais, il fallait admettre, qu'en moins d'une heure, Snape avait réglé tous les problèmes que les préfets de Serpentards soumettaient à Slughorn depuis des mois. Les septième année avaient même organisé une collecte pour lui offrir un cadeau de bienvenue.
La mauvaise nouvelle était que Slughorn continuerait d'assurer les cours de potions. Draco s'attendait tous les jours à ce qu'une explosion emporte la moitié du château, vu les méthodes d'enseignement laxistes du professeur. La bonne nouvelle était que Snape avait finalement obtenu le poste de professeur de Défense contre les Forces du Mal et qu'ils allaient enfin apprendre quelque chose sur le sujet.
« Vous pourriez faire attention ! » s'énerva Potter, sans raison apparente. « Vous auriez pu faire mal à Lavande. »
Les Serpentards, lucides, s'écartèrent immédiatement du Survivant qui venait, ni plus ni moins, de commettre un suicide. Draco vit même Daphné retenir Granger par le bras alors que celle-ci s'apprêtait à intervenir. Il ne fit rien pour retenir son propre rictus. Voir Snape réduire Potter en larmes avec de simples mots avait toujours été un de ses spectacles favoris.
« Mr Potter. » lâcha Snape, de son ton le plus méprisant. « Que n'ai-je pu vous abandonner dans le passé… Ce sera dix points en moins pour Gryffondor, pour votre impolitesse héréditaire, et une retenue, ce soir, à sept heures, car j'espérai ne plus avoir à vous entendre d'ici le prochain cours de Défense. »
Le Professeur salua ses élèves de la tête et disparut en direction des étages, dans un claquement de robes.
« Bien, bien… » hésita Slughorn, sur le seuil de la salle de classe, en se frottant les mains. « Voilà qui était peut-être un peu sévère… Ne vous inquiétez pas, Mr Potter… Harry, ne soyons pas si formel, j'ai très bien connu vos parents… Je parlerai au Professeur Snape. Je suis certain que… »
Draco leva les yeux au ciel et s'engouffra dans la salle de classe, préférant ne rien entendre de ce qui suivrait. Et on l'accusait, lui, de jouer sur le favoritisme ? C'était incroyable.
Il alla s'installer au fond de la classe, à sa table habituelle, décidant que ce n'était pas bien grave si Granger allait s'asseoir ailleurs. Après tout, il n'avait pas besoin d'elle pour avoir une bonne note.
Néanmoins, il s'avéra que Blaise n'avait pas tort – ce que le garçon lui fit remarquer par un long regard insistant qu'il feignit de ne pas voir – parce que Granger prit le tabouret situé à côté du sien, comme à l'accoutumée.
« Qu'est-ce que tu fait ? » demanda-t-il, sincèrement surpris.
Elle le regarda comme s'il avait été le pire des abrutis. C'était très injuste.
« Je m'assois. » déclara-t-elle, en sortant plumes et encre de son sac. « Tu m'as évitée toute la journée. »
« Pourquoi ne fais-tu pas équipe avec Potter ? » répliqua-t-il, d'un ton soupçonneux.
Au premier rang, Weasley avait pris place à côté de Blaise. Potter se tenait sur le pas de la porte et discutait avec Slughorn. Vu son expression crispée, le Gryffondor aurait sans doute préféré être n'importe où plutôt que dans la ligne de mire du Maître des Potions.
« Parce qu'il a dit que ce n'était pas la peine de tout chambouler pour lui. » répondit-elle, dans un soupir. « Crois-le ou non, il a même dit qu'il était prêt à être aimable avec toi. »
Ça ne fit rien pour apaiser les angoisses et inquiétudes de Draco. Il sortit ses affaires avec plus de brutalité que nécessaire, sa plume se cassa en deux. Il la jeta dans son sac, avec contrariété. C'était celle qu'il avait volé dans le bureau de Lucius, elle coûtait plus de trente galions, et s'il l'apprenait… Mais il ne l'apprendrait pas, parce que ses contacts avec son père se limitaient au strict minimum depuis la Nuit des Ténèbres. Quelques lettres, brèves et sibyllines, dont il avait retenu l'essentiel : sa mère était en sécurité, son père jouait sur la corde raide, et, lui, devait à tout prix conserver la protection offerte par Dumbledore.
« Saint Potter, à la rescousse. » marmonna-t-il, agacé que le Gryffondor ait pensé à jouer la carte de la maturité avant lui. Voilà que le Balafré allait endosser le rôle du grand seigneur qui savait dépasser ses préjugés…
« Draco… » soupira Granger, en lui tendant sa plume de réserve. « Tout n'a pas besoin d'être un combat, tu sais ? »
Il attrapa la plume, faisant un effort pour ne pas commenter la piètre qualité de l'objet, et commença à l'aiguiser à sa convenance.
« Il n'a aucune intention de remettre la Trêve en question. » insista-t-elle. « Ou l'A.D. Hier… il a été surpris. Essaye de comprendre, il revient et tout est différent. Aie un peu de compassion… »
« De la compassion ? » siffla-t-il, en tournant brusquement la tête vers elle. « Pour Potter ? »
Il dut parler un peu trop fort parce que la moitié de la classe se tourna vers eux. Bien entendu, il fallait que Potter fasse partie de cette moitié là… Mais au lieu de provoquer une altercation et, bien que Draco puisse lire le déplaisir sur son visage, le Gryffondor continua de sortir ses affaires. Il s'était installé seul. Ce qui était probablement la pire idée qu'il ait jamais eue, parce qu'il était encore pire en potion que Londubat. Slughorn aurait bien mieux fait de faire un trinôme…
« Oui. » rétorqua Granger, en pinçant les lèvres. « Pour Harry. Et si, ça, c'est trop te demander, tu pourrais au moins être heureux pour moi. »
Slughorn réclama le silence avant qu'il ait pu répondre et fit léviter vers chacun d'eux un parchemin avec dix questions. La partie théorique du contrôle n'était pas bien difficile, ce n'était, après tout, qu'un petit test de connaissance, rien qui soit à la hauteur de ce qu'on leur demanderait le jour des B.U.S.E.s… La partie pratique, elle, se révéla un peu plus compliquée, surtout parce que sa partenaire refusait de lui adresser la parole.
« Je suis heureux pour toi. » finit-il par exploser, quand elle se mit à broyer l'euphraise avec tant de violence qu'on aurait pu croire que la plante l'avait personnellement offensée. « C'est juste que… »
Il se tut parce qu'il n'avait aucun argument pertinent pour terminer sa phrase. La vérité était que, quoi qu'il n'ait jamais souhaité sa mort, il aurait préféré ne jamais revoir Potter. Potter gâchait toujours tout. Potter… Potter allait lui voler Granger.
« Que quoi, Draco ? » s'énerva-t-elle, en remuant leur potion.
Les mots restèrent bloqués dans sa gorge.
C'était idiot, il lui avait déjà confié tellement de choses… Il s'était humilié tant de fois devant elle…
Il l'observa mesurer la viscosité du liquide dans le chaudron, la regarda replacer machinalement une mèche rebelle derrière son oreille, redessina du regard la courbe de sa nuque lorsqu'elle se pencha pour mieux inspecter la poudre de fée…
« Je ne veux pas te perdre. »
Cette fois-ci, les mots étaient sortis tout seul et, avec eux, il se sentit soulagé d'un poids. Voilà, c'était dit. Il ne voulait pas la perdre et Potter allait la lui prendre.
Et il allait également récupérer Weasley et Ginny et les autres.
Granger tourna brusquement la tête vers lui, oubliant leur potion.
« Pourquoi est-ce que tu me perdrais ? » demanda-t-elle, confuse.
Il y avait tant de réponses possibles à cette question… Tant de raisons… Il avait la conviction profonde que sans cette tempête magique qui avait envoyé Potter et Snape au diable, ils ne seraient jamais devenus amis. C'était l'absence de Potter qui les avait poussés les uns vers les autres. C'était l'absence de Potter qui lui avait permis, à lui, d'ouvrir les yeux. C'était l'absence de Potter qui avait fait qu'il était tombé amoureux de…
« Tu as retrouvé Potter. » cracha-t-il, adoptant un air détaché qui ne la trompa probablement pas une seconde. « Pourquoi aurais-tu besoin de moi ? »
Il rajouta la poudre dans le chaudron et remua trois fois dans le sens des aiguilles d'une montre, puis reposa la louche en cuivre. Il fallait attendre deux minutes avant de…
Granger posa sa main sur la sienne.
« Ça n'a rien à voir. » contra-t-elle, doucement. « Tu sais très bien que ça n'a rien à voir. »
« Non ? » répliqua-t-il, avec défi.
Son attitude fanfaronne aurait, cependant, eut bien plus d'impact s'il avait su résister à la tentation de tourner sa main pour que, paume contre paume, il puisse entrelacer leurs doigts.
« Draco. » murmura-t-elle.
Ses yeux gris s'attardèrent sur leurs mains jointes puis croisèrent courageusement les siens. Son estomac se contracta mais ce n'était ni douloureux, ni véritablement désagréable. Il était un peu trop conscient du peu d'espace entre la table et le mur, derrière eux. Ils se tenaient toujours beaucoup plus près l'un de l'autre que nécessaire, au point que Draco avait parfois l'impression de graviter autour d'elle.
C'était tellement stupide…
Il avait toujours été le premier à se moquer des histoires romantiques que Daphné, Pansy et Millicent se racontaient depuis toujours, sans parler de ces chansons d'amour idiotes qu'elles écoutaient, en se languissant d'éprouver la même chose que tous ces chanteurs au cœur brisé… Et pourtant… Tout ces symptômes qu'elles ressassaient sans arrêt, comme si l'amour avait été une maladie, il les avait tous.
Et c'était ridicule.
Complètement ridicule.
Absolument ridicule.
Ridicule, la manière dont il lui semblait que le temps suspendait sa course, à chaque fois que leurs regards se croisaient. Ridicule, qu'il soit capable de réciter, sur le bout des doigts et avec la certitude de ne pas se tromper, la liste de ses livres favoris. Ridicule, l'obsession qu'il vouait à ses cheveux indomptables, surtout lorsque des mèches échappaient aux tresses ou aux chignons qui les emprisonnaient pour dessiner des spirales sur sa nuque ou ses épaules. Ridicule, la façon dont son cœur s'emballait, lorsque leurs mains se frôlaient. Ridicule, d'avoir l'impression que le monde autour d'eux se dissolvait dès qu'ils étaient ensemble. Ridicule, la pulsion qu'il éprouvait toujours lorsqu'il la voyait sourire. Il aimait la voir sourire. Il aurait aimé, davantage encore, pouvoir capturer son sourire d'un baiser. Ridicule.
« Tu voulais de l'espace. » lui rappela-t-elle, presque à contrecœur, lorsqu'il leva une main hésitante pour replacer derrière son oreille la mèche rebelle qui ne voulait pas tenir en place. « Tu voulais… »
De l'espace. Pour avoir l'esprit clair, une chose qu'il était impossible d'avoir avec elle.
Mais, l'espace, décida-t-il, en laissant sa main courir le long de sa mâchoire jusqu'à son menton, était une notion tout à fait surfaite.
« Si tu fais ça parce que Harry est revenu… » gronda-t-elle, en fronçant les sourcils.
Elle ne chercha pas à se dégager, pourtant, et il fit un pas en avant, de sorte qu'elle se retrouve coincée entre lui et la table.
« Draco. » répéta-t-elle, en posant sa main libre sur son torse. Essayait-elle de le repousser ? Si tel était le cas, elle manquait singulièrement de conviction.
Il était un peu plus grand qu'elle, il n'aurait eu qu'à baisser légèrement la tête pour l'embrasser. Arrachant finalement son regard au sien, il baissa les yeux vers sa bouche.
« Draco. » souffla-t-elle, avant de s'humecter les lèvres. Et, vraiment, cela aurait dû être illégal. Il aurait dû y avoir une loi, quelque part, qui lui interdisait de faire ça, parce que… Comment résister ?
Ses doigts se contractèrent lorsque leurs lèvres se frôlèrent. Sa chemise allait être froissée, mais il ne parvenait pas à s'en soucier. Pas alors que…
« Mr Malfoy ! Miss Granger ! » s'exclama Slughorn, bien, bien trop proche.
Draco fit un tel bon en arrière qu'il trébucha sur son tabouret, et manqua s'étaler par terre. Il se retint au mur, au tout dernier moment. Ça ne sauva ni le tabouret, ni la potion que Granger heurta dans son propre mouvement de surprise.
« Un T. » lâcha Slughorn, en secouant la tête, d'un air déçu. « À mes meilleurs élèves. Une honte. Je vous prierai de conserver un comportement convenable durant les heures de cours, jeunes gens, c'est la deuxième fois que je vous avertis cette année. » L'homme soupira. « Nettoyez-moi tout ça, s'il vous plaît. »
Granger, rouge comme une écrevisse, se dépêcha d'aller chercher les serpillières pour éponger la potion renversée sur le sol. Draco se racla la gorge, conscient que la plupart des élèves les regardaient avec amusement ou curiosité, conscient, surtout, du regard insistant de Potter. Il finit par affronter les yeux verts, accusateurs, posés sur lui, en redressant le menton. Il n'avait honte de rien. Pourquoi aurait-il eu honte d'embrasser Granger ? Elle était jolie, intelligente et il… Non, il n'avait pas honte. Et Potter pouvait ravaler sa grimace dégoûtée, il se passerait de sa bénédiction. Il leva un sourcil, en guise de défi, mais le Gryffondor retourna à son chaudron.
Dans leur coin, Blaise et Weasley ricanaient comme deux abrutis.
« Aide-moi. » exigea Granger, accroupie par terre, visiblement contrariée. « Je ne vais pas tout ramasser toute seule. »
Il attrapa la baguette qu'il avait posée sur la table, en levant les yeux au ciel, mais elle la lui arracha des mains avant qu'il ait pu jeter la formule.
« Tu ne peux pas utiliser de magie sur la poudre de fée. » siffla-t-elle, en posant la baguette par terre pour se remettre à tenter d'éponger. « Où as-tu la tête ? »
Le rictus, qu'il ne parvint pas à réprimer, dut être une réponse évidente parce qu'elle rougit davantage encore, ce qu'il n'aurait sincèrement pas cru possible.
« Crétin. » marmonna-t-elle, en baissant la tête. Il y avait un sourire dans sa voix.
Il s'accroupit à côté d'elle, et attrapa une des serpillères, mais il était bien trop occupé à se demander jusqu'où descendait son rougissement – parce que son cou n'était pas épargné – pour être tout à fait efficace.
« Arrête. » gronda-t-elle. « On a suffisamment d'ennuis comme ça. »
« Je n'ai rien fait. » protesta-t-il, en faisant attention à ne pas tacher son pantalon avec les restes de la potion.
Il aurait dû voir venir la claque qu'elle lui asséna sur le bras, mais, pour être tout à fait honnête, il flottait tellement sur son nuage qu'il ne la sentit même pas.
« Tu as une très mauvaise influence sur moi. » décréta-t-elle.
« J'aurais aimé avoir le temps d'exercer un peu plus d'influence. » répliqua-t-il, pince-sans-rire.
Leurs regards se croisèrent, elle pouffa, et, avant qu'il comprenne ce qui se passait, ils riaient tous les deux aussi discrètement qu'ils le pouvaient, sous le regard désapprobateur mais amusé de Slughorn.
Ils finirent de nettoyer rapidement et, faute d'avoir autre chose à faire, rangèrent leurs affaires.
« Tu ne devrais pas te sentir menacé par Harry. » déclara-t-elle. « Ce n'est pas parce qu'il est revenu que les choses doivent changer. »
Il se demanda si elle croyait vraiment à ce qu'elle disait. Il était évident, pour lui, que le retour de Potter changeait tout. Leur place dans le jeu venait de changer à nouveau. La sienne, surtout. L'influence qu'elle avait détenu, jusque là, sur leurs camarades était due à la disparition de Potter, et à présent…
« Je ne l'aime pas. » lâcha-t-il, parce qu'il n'avait aucune envie de lui mentir. « Ça ne va pas changer. »
Elle croisa les bras et appuya sa hanche contre la table. Il tenta de l'ignorer, en observant la manière dont le chaudron de Londubat bouillonnait, mais il avait déjà du mal à détacher son regard d'elle en temps normal, alors, quand il venait à peine de manquer s'embrasser… Avaient-ils manqué s'embrasser ou bien cela comptait-il comme un baiser ? Leurs lèvres s'étaient touchées…
« Tu ne m'aimais pas beaucoup non plus, au début. » lui rappela-t-elle.
« Qui a dit que je t'aimais davantage maintenant ? » rétorqua-t-il.
Elle n'eut pas l'air d'apprécier la plaisanterie.
Avait-elle conscience de lui forcer la main en permanence ?
« D'accord. » soupira-t-il. « Je vais essayer de faire un effort. »
Le sourire radieux lui fit lever les yeux au ciel.
« J'ai dit essayer, Granger. » grommela-t-il.
Elle déposa un baiser sur sa joue.
« C'est tout ce que je demande. » répondit-elle.
Foutus Gryffondors ! À trop les fréquenter, eux, les Serpentards, ils devenaient un peu trop doué dans l'art de la manipulation.
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Harry dévala les marches de la volière, sans grand entrain. Il s'était éclipsé, dès la fin du cours de potions, en lançant l'excuse vague qu'il voulait aller voir Hedwige. Ce n'était qu'un demi-prétexte. Sa chouette, elle, au moins, avait été enchantée de le revoir et il avait été heureux de la retrouver, mais, en vérité, ce qu'il avait surtout désiré, c'était un peu de calme.
Il avait l'impression de ne pas avoir eu une minute pour souffler de la journée. D'abord, il y avait eu le réveil, plutôt étrange, dans le dortoir des Gryffondors et l'intégralité des élèves de sa maison qui voulaient le féliciter, lui parler, lui souhaiter la bienvenue… Ensuite, il y avait le petit-déjeuner, complètement bizarre, où Hermione, Ron et lui s'étaient retrouvés noyés entre les Serdaigles, les Poufsouffles et même quelques Serpentards… Pire, il s'était même trompé en allant s'asseoir, machinalement, à la table des serpents et personne n'avait trouvé ça surprenant. Pourquoi donc ? Apparemment, plus personne ne s'asseyait par Maison, à présent.
Ensuite, il y avait eu l'entrevue avec McGonagall, où elle avait examiné des papiers que Snape-Prince – Snape, il devait vraiment arrêter de penser à lui comme à Snape-Prince – lui avait visiblement transmis, provenant de son séjour en soixante-quinze. Son relevé de notes, des appréciations de ses Professeurs, un résumé du programme scolaire… Elle avait décrété, un peu surprise, que vu le très bon niveau qu'il avait acquis, cette année là, il n'aurait probablement pas trop de mal à suivre, mais que si jamais il éprouvait des difficultés dans une matière ou une autre, il devait se sentir libre de venir la trouver, elle, ou un autre professeur. Puis Mrs Weasley et Bill étaient arrivés, et ils n'avaient plus eu le temps de discuter de quoi que ce soit ayant un rapport avec Poudlard.
Il avait été heureux de revoir Mrs Weasley. Un peu gêné de devoir lui présenter ses condoléances, surtout avec Bill qui était resté planté là, à les scruter comme un faucon… Il semblait à Harry que Bill avait beaucoup changé, mais il s'était bien gardé d'en faire la réflexion à Ron.
Ron et Hermione. Combien d'amis, exactement, ces deux là s'étaient-ils faits durant son absence ? Ils n'avaient jamais été tout à fait des parias, tous les trois, mais ils n'avaient jamais été aussi populaires. Ce jour là, ils n'avaient pas pu faire un pas dans un couloir sans que quelqu'un ne les aborde. Et ce n'était pas simplement Harry qui les intéressait, comme il l'avait cru au début, ce n'étaient pas simplement des curieux… Ils avaient tous un mot pour Ron ou Hermione, surtout Hermione, et ses meilleurs amis les traitaient comme s'ils discutaient régulièrement.
C'était bien simple, entre Ginny, Luna Lovegood, les deux sœurs Greengrass, Susan Bones, Hannah Abbot, Neville, Dean, Seamus, Zabini, et il devait certainement en oublier quelques uns, il n'avait pas été seul avec Hermione et Ron de la journée. Et ses amis n'avaient pas eu l'air de penser que cela sortait de l'ordinaire.
Lorsque Ron lui avait proposé de demander à Zabini si faire équipe avec quelqu'un d'autre en potions l'aurait dérangé, Harry avait accueilli avec un soulagement sans bornes l'occasion d'être un peu tranquille. Bien entendu… Le cours de potions ne s'était pas vraiment déroulé comme prévu non plus.
Enfin…
Il supposait que pour un contrôle qu'il n'avait pas travaillé, cela aurait pu être pire. Slughorn lui avait proposé de ne pas prendre la note en compte si elle était mauvaise, ce qu'il avait accepté avec joie. Mais, il doutait d'avoir totalement raté le test, à défaut d'avoir réussi la potion. Entre Severus et Lily, il avait suffisamment révisé pour les B.U.S.E.s… Non, le problème venait d'ailleurs. À savoir : Malfoy.
Ce dernier avait pris grand soin de l'éviter tout au long de la journée, ce pour quoi Harry était reconnaissant. Il avait déjà l'impression d'avoir débarqué dans un univers parallèle – un vrai, pour le coup – il n'avait pas besoin, en prime, de subir les attaques verbales du Serpentard. Cependant, il avait bien remarqué que le comportement du Sang-Pur avait contrarié ses amis. Ron avait tenté d'attirer trois fois son attention au petit-déjeuner, sans y parvenir, jusqu'à ce que Zabini lui conseille de laisser tomber. Et Hermione…
Que se passait-il entre Hermione et Malfoy ?
Il avait bien essayé de demander à Ron, durant la Divination, mais ce dernier avait levé les yeux au ciel et lui avait dit qu'il ne valait mieux pas s'en mêler parce que ces deux là étaient idiots. Il avait toujours su que Malfoy était un idiot, mais Hermione ?
Il ne savait pas ce qui l'avait le plus choqué pendant le cours de potion : qu'Hermione obtienne un T, qu'elle laisse Malfoy la peloter, ou qu'elle adopte un comportement aussi inconvenant dans une salle de classe, en plein milieu d'un contrôle ? Malfoy. Malfoy. Malfoy, pour l'amour du ciel !
Pire, après l'incident, alors que la moitié de la classe se répandait en remarques et ricanements moqueurs, il avait croisé le regard de Malfoy. Et… il n'avait vraiment pas eu l'intention de faire plus que de le fusiller des yeux, mais… Il n'y avait aucune défense… Ça avait été si facile de jeter un coup d'œil à l'intérieur de sa tête… Snape l'aurait tué s'il avait su. Il n'avait fait que frôlé son esprit, vraiment, rien de bien méchant…
Ça avait suffi pour le laisser figé d'horreur. Ce n'était pas du cinéma… Ce n'était pas un jeu ou un stratagème… Malfoy avait véritablement des sentiments pour Hermione.
Dans quel monde de fou était-il tombé ?
Que Malfoy tombe sous le charme d'Hermione, il pouvait le comprendre. Hermione était comme une sœur pour lui et, parfois, elle l'agaçait avec la même ferveur que Ginny mettait à contrarier Ron, mais ça ne signifiait pas qu'il était aveugle. Elle n'était peut-être pas aussi jolie que Lavande, Parvati, ou… ou même Ginny, mais elle avait du charme.
Mais comment Hermione pouvait-elle laisser Malfoy poser ses sales pattes sur elle ? Il avait passé les quatre dernières années à les insulter à chaque détour de couloir… Comment pouvait-elle pardonner ça ?
Certes, on pouvait en dire autant de Snape, mais c'était tout à fait différent…
Il poussa les portes de la bibliothèque et s'enfonça entre les rayonnages, saluant distraitement, d'un geste de la main, les jumeaux qui occupaient une table, près de la fenêtre, avec Angelina, Katie et Lee Jordan. Ils paraissaient tous plus occupés à chahuter qu'à travailler, cela dit. Il eut beau fouiller les recoins habituels, il ne trouva pas les autres, alors il poursuivit un peu plus loin, à la recherche de Ron et d'Hermione.
Son meilleur ami lui avait bien dit, pourtant, qu'ils comptaient aller à la bibliothèque… Mais pourquoi aller s'installer tout au bout pour…
Parce que c'était au bout qu'il y avait les plus grandes tables. Et vu le nombre de personnes, il fallait bien au moins deux tables, poussées l'une contre l'autre, à la va-vite.
« Je t'ai gardé une place, Harry ! » le héla Hermione, avec un grand sourire, en l'apercevant.
Elle ôta son sac de la chaise à côté d'elle et Harry, n'ayant plus le choix de s'éclipser, s'installa à la place qui lui avait été désigné, coincé entre Hermione et Zabini. Au moins, songea-t-il, il avait Ron en face. Certes, ça signifiait qu'il était aussi dans l'entourage de Malfoy qui, assis en face d'Hermione et à côté de Ron, était affalé sur son siège dans une attitude qu'il espérait sans doute faire passer pour de la nonchalance chic. À côté de Malfoy, il y avait Luna et à côté de Luna, Neville, puis Hanna Abbot, Susan Bones, Ginny, une Serpentard qu'on lui avait présenté au petit-déjeuner – Astoria ? Quelque chose comme ça – et puis, de l'autre côté d'Hermione, Greengrass.
Un petit groupe d'étude, avait dit Ron.
« Je peux voir tes cours ? » demanda-t-il à Hermione, faute de trouver autre chose à dire.
Il fallait bien qu'il commence à organiser ses propres notes… McGonagall lui avait dit que ni elle, ni Flitwick n'avait beaucoup changé leur programme… Slughorn, en revanche, avait suivi le syllabus laissé par Snape et Snape n'avait certainement pas les mêmes standards que le vieux Maître des Potions. Pareil pour les cours de Soins aux Créatures, la Divination, l'Histoire de la Magie, et la Défense… Il lui faudrait se mettre à jour. Quoi qu'en Défense…
« Prends les miens. » proposa Zabini, quand Hermione mit trop longtemps à se débattre avec la multitude de parchemins étalés entre elle et Malfoy.
Slughorn leur avait donné une dissertation à faire, en plus, pour rattraper leur note catastrophique.
« Euh… » hésita-t-il, en prenant le classeur que le Serpentard poussait vers lui. « Merci. »
Le garçon lui répondit d'un geste négligeant et retourna au manuel de Défense.
Harry, au bout de plusieurs minutes, finit par se détendre. Une fois que l'on avait fait abstraction des chuchotements et petits rires, à l'autre bout de la table, ce n'était pas si terrible. Zabini étudiait en silence, Ron peinait visiblement avec son devoir de Métamorphose, et Hermione sermonnait Malfoy sur la marche à suivre pour un philtre de force, ce qui ne tarda pas à dégénérer en chamailleries suffisamment bon enfant pour qu'il ne s'en préoccupe pas.
Les notes de Zabini étaient parfaitement organisées comparées aux siennes. Ça lui prit un temps fou de remettre ses propres parchemins dans l'ordre et il se sentit idiot lorsqu'il trouva, perdue au milieu de ses notes d'Histoire de la Magie, une fiche appartenant à Lily. Il retraça l'écriture familière du bout des doigts et dut ravaler un immense sentiment de chagrin. Combien de temps passerait-elle à chercher cette fiche avant d'abandonner ? Emprunterait-elle celle de Severus ? Que faisaient-ils à ce moment précis ? Enfin… Peut-être pas à ce moment précis. Il n'avait aucun moyen de savoir la vie qu'ils avaient eu, après son départ. Étaient-ils heureux ? Ensemble ? Étaient-ils seulement toujours vivants ?
« Il faut remuer quatre fois dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, puis rajouter une pincée de peau de salamandre broyée. » lâcha-t-il brusquement, sans même s'en apercevoir, mettant un terme à la dispute qui enflait à sa gauche.
Hermione et Malfoy se turent brusquement pour le dévisager, Ron cessa d'écrire et Neville lui jeta un coup d'œil surpris. Les autres continuèrent de discuter tranquillement.
« Ce n'est pas ce qui est marqué dans le livre, Potter. » répliqua le Serpentard, sèchement.
« Il a raison, Harry. » renchérit Hermione, sourcils froncés, en feuilletant le manuel de potions. « Je ne pense pas qu'ils parlent de salamandre… »
Harry haussa les épaules et intercala la fiche de Lily entre deux feuilles de cours, continuant sa réorganisation, sans plus leur prêter attention.
« J'ai vu mon père préparer suffisamment de philtres de force. » répondit-il, distraitement. « Les manuels n'ont pas toujours raison. »
« Et James Potter était un génie des potions, peut-être ? » se moqua Malfoy. « Parce que, si je me souviens bien, toi, tu ne l'es pas, alors… Aïe ! »
Le Serpentard se pencha pour se masser le mollet sous la table, fusillant Hermione des yeux. Étant donné qu'elle lui rendit son regard noir, et qu'il savait, d'expérience, qu'elle pouvait faire très mal lorsqu'elle le voulait, Harry poursuivit sa tâche. C'était un peu sa faute de toute manière. Le mensonge était devenu tellement naturel, au cours des derniers mois, qu'il se référait automatiquement à Snape comme à son père, en public. Ça devrait changer. Il ne pouvait pas se permettre ce genre d'erreur. Du moins, pas tant qu'il n'était pas seul avec Ron et Hermione.
Ce qui, supposa-t-il, en faisant un petit tas avec ses cours d'Histoire de la Magie, n'était pas près d'arriver.
« Il était bon en potion, ton père ? » demanda Ron, en croisant les bras sur son parchemin, sans faire attention à l'encre qu'il étalait avec son poignet. « Tu n'avais pas l'air… Tu n'avais pas l'air de dire que vous vous entendiez très bien… »
Son meilleur ami semblait un peu gêné, Harry espérait qu'il l'était plus qu'un peu. Il voulait bien lui parler de James, mais certainement pas en public, et encore moins devant Malfoy.
« Il se débrouille. » mentit-il. James était aussi mauvais que lui en potions.
« Il se débrouillait. » marmonna Malfoy, avant de reculer précipitamment lorsque Hermione fit mine de lui décocher un nouveau coup de pied.
« Il se débrouillait. » confirma-t-il, parce que, pour une fois, le Sang-Pur avait raison. Il ne pouvait pas parler au présent de gens qui étaient morts depuis vingt ans ou il finirait par devenir fou.
« Tu as rencontré d'autres gens qu'on connait ? » demanda nerveusement Neville. « Dans le passé ? Est-ce que… »
Mais le garçon ne termina pas sa question, et Harry ne pouvait pas l'en blâmer. Si leurs places avaient été inversées…
« On en parlera plus tard, si tu veux. » proposa-t-il. Quand ils seraient seuls.
Neville accepta d'un hochement de tête reconnaissant. Tout le monde devait avoir compris qu'ils parlaient de ses parents, mais, bien heureusement, personne ne fit de réflexion désagréable. Pas même Malfoy.
« Vingt ans… » lança soudain Ginny. « C'est trop tard pour nos parents, hein ? Ils n'étaient plus à l'école ? »
« Non. » répondit Harry, en mettant de côté ses cours de Métamorphose. « J'ai rencontré tes oncles, une fois, par contre. Fabian et Gideon. Ils ressemblaient beaucoup à Fred et George. »
« Snape devait être encore à Poudlard. » remarqua soudain Astoria. Il était presque sûr qu'elle s'appelait Astoria. « Il n'est pas si vieux que ça. »
Harry garda le silence, ignorant les regards curieux que lui jetaient les autres. Si Ron et Hermione se pensaient subtils, à avoir replongé dans leur travail respectif comme si ça ne les intéressait pas, ils avaient tort. Il leur faudrait apprendre à mentir avec plus de conviction.
« Je l'ai croisé quelques fois, oui. » offrit-il, finalement. « Il n'a pas beaucoup changé. »
« Et tu étais à Serpentard, alors ? » insista Astoria. « Ça doit être étrange de changer de Maison, au milieu de sa scolarité. Ce n'était pas trop dépaysant ? »
« J'étais davantage dépaysé par l'époque que par le décors. » répliqua-t-il, froidement, avant de se lever pour couper court à toute autre question.
Il marcha jusqu'à l'étagère la plus proche et feignit d'en parcourir les titres pendant plusieurs minutes. Ron ne tarda pas à le rejoindre.
« Ça va ? » demanda son ami.
Imaginait-il la note d'incertitude dans sa voix ? Hermione et lui étaient nerveux, ils ne paraissaient pas savoir comme lui adresser la parole. Ce n'était pas qu'ils n'étaient pas content de le voir, simplement… Harry avait l'impression qu'ils ne savaient pas trop quoi faire de lui.
« Oui. » lâcha-t-il. « J'avais besoin d'un livre, c'est tout. »
Ron parut hésiter quelques secondes, puis baissa les yeux.
« C'est la section sur les runes anciennes. » remarqua son meilleur ami.
Et Hermione était la seule d'entre eux à suivre les cours de runes…
« J'aimerai juste qu'ils me laissent tranquille. » admit Harry. « Ginny et Neville, d'accord, mais les autres… Je ne les connais pas vraiment. Ce ne sont pas mes amis. »
« Ils ne poseront plus de questions. » offrit Ron. « Astoria n'est pas méchante. Elle ne voulait pas te blesser. »
Il tira un des livres au hasard, parce qu'il ne pouvait pas revenir à la table les mains libres. Ron le suivit, mais resta un peu en retrait. Lorsqu'il fut rassis, il suffit qu'Hermione jette un seul coup d'œil au titre de l'ouvrage qu'il avait ramené pour qu'elle échange un long regard avec Ron. Harry les ignora tous et replaça les notes de Zabini devant leur propriétaire, qui ne leva pas le nez du manuel de Défense.
Les intentions d'Astoria, bonnes ou mauvaises, n'étaient tellement pas le problème…
« Dis-moi, Potter… » reprit Malfoy « Tu as soudoyé qui pour avoir des notes pareilles ? »
Harry cessa de feuilleter le livre sur les runes, auquel il ne comprenait rien, pour voir le Serpentard examiner ses anciens devoirs de Potions. Il manqua renverser la table en les lui arrachant des mains.
« Draco. » grinça Hermione. « Tu m'as promis. »
Malfoy leva les yeux au ciel et s'enfonça sur son siège, bras croisés, comme un gamin boudeur.
« Ce n'est pas ma faute s'il est susceptible. » grommela le Serpentard. « Je posais juste une question. »
« Tu peux la poser poliment. » répliqua Ron. « Ou tu peux dégager. »
Malfoy parut surpris par la virulence du Gryffondor. La joyeuse ambiance qui avait régné jusque là avait totalement disparu. Chacun était retourné à son travail, et le silence n'était troublé que par des raclements de gorge embarrassés.
« Je peux voir ? » demanda Hermione, avec incertitude.
Il haussa les épaules et lui passa ses vieux devoirs. Il y avait une très nette progression entre les premiers et les derniers. Des mois passés avec Severus et Snape-Prince avaient porté leurs fruits, il ne serait jamais un génie des potions, mais il s'y connaissait désormais suffisamment pour suivre des instructions et pour avoir une connaissance générale de la matière. Il était bien meilleur en Sortilèges également, grâce à Lily. Et puis, avec la poigne de fer que Snape-Prince avait eue sur ses prouesses académiques, il n'avait pas eu d'autre choix que d'obtenir de meilleurs résultats…
Il n'était pas au niveau d'Hermione, loin de là, mais il n'était pas mauvais du tout.
« C'est vraiment bon ! » s'exclama son amie, sincèrement surprise. « Tu as fait des progrès. »
Il haussa les épaules et rangea le tout, ignorant les regards qu'échangeaient ses amis. Il se demanda s'il aurait été extrêmement impoli de quitter le groupe sans donner d'explication crédible. La bibliothèque, étrangement, lui semblait étouffante. Il avait chaud, il avait envie d'air frais, et il avait envie… Il avait envie d'aller dans la vieille classe de Divination pour râler en paix, en compagnie de Severus, sur l'injustice de la vie. Il avait envie de déblatérer, en sachant que son ami ne l'écoutait pas, trop occupé à fumer ses éternelles cigarettes. Il avait envie de regarder Lily dessiner. Il avait envie d'essayer de la convaincre de le laisser copier sur son devoir de Botanique…
« Au risque de me faire frapper, une nouvelle fois, par ton garde du corps… » lança Malfoy, parce que, très visiblement, il était physiquement incapable de se taire. « Cette attitude mélancolique de garçon torturé par la vie qui ne peut pas répondre à une simple question sans être heurté par des considérations métaphysiques… Ça fonctionne avec les filles ? »
Sa remarque dégoulinante de sarcasme énerva Harry au point qu'il aurait aimé lui demander si son attitude de petit con arrogant fonctionnait davantage, mais il ravala sa réplique au tout dernier moment. Trop de mois passés à Serpentard pour qu'il tombe dans ce genre de piège grossier, destiné à le faire sortir de ses gonds. Il ne ferait pas ce plaisir à Malfoy.
« Je ne sais pas. » rétorqua-t-il, tout à fait calmement. « Pourquoi tu ne demandes pas à Zabini ? C'est davantage son style que le mien. »
Il y eut comme un soupir collectif autour de la table. Harry nota que plus d'une baguette trainait à portée de main.
Zabini qui, jusque là, était demeuré absorbé par son livre, releva la tête et dévisagea Harry, quelques secondes, cherchant probablement à déterminer s'il y avait une insulte là-dessous. Le Serpentard dut conclure qu'il n'avait pas voulu l'attaquer parce qu'il se tourna vers Malfoy, avec un rictus amusé.
« Et te revoilà, encore une fois, à te soucier du succès de Potter auprès de la gente féminine… » remarqua Zabini. « Et tu te demandes encore pourquoi il y a des rumeurs… »
Ne dis plus jamais que je suis ton Malfoy, Potter, il y a suffisamment de rumeurs comme ça.
Harry grogna et se frotta le front, assailli par le souvenir soudain. Encore une fois King's Cross, encore une fois Malfoy, encore une fois…
« Harry ? » s'inquiéta immédiatement Hermione, dans un murmure. « Est-ce que c'est ta cicatrice ? »
Harry secoua la tête. « Ça n'arrive plus. »
Plus avec l'Occlumencie.
« Après ce qui s'est passé en potions ? » se moqua Greengrass. « Plus personne ne fera attention à ces rumeurs là. Je parie que Pansy a déjà inventé une histoire totalement abracadabrante. »
Les joues d'Hermione se colorèrent brusquement en rouge.
« Je l'ai entendue dire à Lavande qu'Hermione lui avait fait boire un philtre d'amour. » intervint Ron.
« Bon ça suffit. » râla Malfoy « Passons à autre chose. »
« Pas si vite ! » protesta Ginny. « Qu'est-ce qui s'est passé en potions ? »
Hermione lâcha un grognement et se cacha, plus ou moins efficacement, derrière ses mains. Malfoy, de son côté, sans rougir, ne paraissait pas totalement à l'aise.
Bien fait, songea Harry, en rangeant discrètement ses affaires dans son sac. Le temps qu'il ait terminé, ils étaient tous si occupés à se moquer de l'un ou de l'autre, que personne ne le vit s'en aller. Zabini lui jeta bien un coup d'œil, mais il eut la bonne grâce de ne pas attirer l'attention sur lui.
Il courut plus qu'il ne marcha jusqu'à la première tourelle pourvue d'un chemin de ronde et il passa plusieurs minutes à aspirer l'air à pleins poumon, rassuré par la vision familière du domaine qui s'étendait sous ses pieds. Il ne rentra que lorsque le froid se fit trop mordant.
Il n'avait aucune envie de se retrouver, à nouveau, au milieu du groupe d'adolescents, alors il se mit à déambuler sans véritable but. Ses pas l'entrainèrent vers le portrait des loups qui gardaient leurs appartements. Leurs anciens appartements. Il eut beau donner des mots de passe, le portrait refusa de s'ouvrir. Peut-être qu'avec la carte des Maraudeurs… Mais à quoi bon ? Il ne trouverait rien, là derrière. Ce n'était pas une porte vers le passé.
Il s'apprêtait à remonter vers la Tour des Gryffondors, non sans avoir combattu l'envie de descendre vers la salle commune des Serpentards, lorsqu'il entendit le cliquetis de griffes raclant la pierre.
Il était sûr que c'étaient des griffes.
Le bruit était trop caractéristique.
Il se souvenait encore du raclement que celles de Remus produisaient, lorsqu'il l'avait poursuivi dans toute la Cabane Hurlante…
C'était un bruit de griffes, et un bruit de grosses griffes.
Il accéléra un peu le pas, espérant sans y croire que ce n'était que son imagination. Le bruit le poursuivit. Pire, il se coupla d'un halètement.
Malgré lui, il se mit à repenser à cette nuit où il avait cru se lancer à la poursuite de Severus mais s'était retrouvé face à l'énorme mâchoire de Remus… Le bruit des griffes, le halètement… Tout était similaire. Mais c'était impossible. La lune n'était pas pleine, le soleil n'était même pas couché… Et ils étaient à Poudlard. Surtout, ils étaient à Poudlard…
Il arrivait en vue d'un escalier, les couloirs étaient déserts – parce que, bien entendu, il avait choisi un moment où la plupart des gens étaient enfermés dans leur salle commune ou à la bibliothèque pour se balader dans le château – c'était le moment où jamais. S'il s'engageait dans l'escalier et que la bête choisissait ce moment pour lui sauter dessus…
Il monta trois marches, juste assez pour gagner un peu de hauteur, et pivota, baguette tendue. Il n'eut pas le temps de terminer son premier sortilège que la chose lui sautait dessus. Le poids le fit partir à la renverse, son dos heurta les marches trop brutalement pour que le choc ne laisse pas d'hématomes, et il glissa jusqu'en bas de l'escalier, aux prises avec l'animal.
Était-ce un loup-garou ? Impossible à dire, il n'y voyait rien. Il avait empoigné la fourrure sombre à deux mains et tirait sans ménagement pour l'éloigner de lui mais les mâchoires de l'animal luttaient pour atteindre sa gorge et…
Il n'avait même pas tenu vingt-quatre heures avant de se retrouver en danger de mort. Quand il trouverait son cadavre, Snape-Prince allait le ramener à la vie pour le simple plaisir de le tuer à nouveau, songea Harry, en lâchant l'animal d'une main pour essayer de trouver sa baguette à tâtons.
Comment un foutu loup-garou se retrouvait-il en liberté, en pleine journée, à Poudlard ?
L'animal couina lorsqu'Harry lui décocha un coup de genou en plein ventre.
Mais ce ne fut pas suffisamment pour le déloger, il était trop lourd et trop déterminé.
Désarmé, Harry se débattit, agrippa la fourrure, tenta de repousser le monstre…
Rien n'y fit.
