Hello, hello!

Pas trop d'attente ce coup-ci, vous voyez je m'améliore :) J'espère que ce chapitre vous plaira, je sais que ce n'est pas la BIG confrontation que tout le monde attend mais, ça, ça viendra plus tard. Petit à petit l'oiseau fait son nid comme on dit (expression de mamie du jour).

Et pas de Cliffhanger, ce qui, je pense, mérite une récompense. ^^

Enjoy & Review!


I have love in me the likes of which you can scarcely imagine and rage the likes of which you would not believe. If I cannot satisfy the one, I will indulge the other.

Mary Shelley – Frankenstein

J'ai en moi un amour tel que vous ne pourrez jamais l'imaginer et une fureur telle que vous ne pourrez jamais la concevoir. Si je ne peux satisfaire l'un, je cèderai à l'autre.

Mary Shelley – Frankenstein

Chapitre 4 : Indulge the Other

Remus finit par littéralement arracher la bouteille des mains de Sirius.

« Mais puisque je te dis qu'il me hait… » insista l'Animagus, avec cette apathie que faisait toujours naître l'alcool chez lui.

« Harry ne te hait pas. » gronda le loup-garou, en posant la vodka sur la console, à l'autre bout du petit salon. « Il y a quelque chose qui nous échappe, voilà tout. »

Il l'espérait, du moins, parce qu'il n'avait pas du tout été satisfait par ce que Sirius lui avait rapporté de leur entrevue à Poudlard. Pour ne pas dire qu'il était assez inquiet. Ce que son meilleur ami lui avait raconté ne ressemblait pas à Harry…

« Je l'ai attaqué. » grogna Sirius, vautré sur le canapé. Il attrapa un coussin et le pressa contre son visage, de sorte que ses paroles suivantes furent légèrement étouffées. « Je n'aurais jamais dû faire ça mais… J'étais persuadé… Il n'avait pas l'air d'être lui-même. »

« Tu es certain qu'il n'était pas sous l'influence d'un Imperium ? » insista Remus.

Il ne voyait pas bien qui aurait pu jeter cet impardonnable à Harry dans le seul but de le retourner contre son parrain. Severus ? Dans quel but ? Harry ne s'en était pas pris à Sirius, il s'était contenté de se défendre d'après ce qu'en avait dit l'Animagus. Son comportement avait peut-être été bizarre, mais… Comment savoir ce qui s'était passé durant ces derniers mois ? Tant qu'Harry ne le leur en aurait pas parlé…

« Non. » soupira Sirius, en ôtant le coussin pour le laisser tomber par terre. Son meilleur ami n'était pas aussi ivre qu'il aurait souhaité l'être. « Son regard était lucide. Je pensais plus à du polynectar. Mais c'était Harry, Lunard. Je suis certain que c'était lui. »

« D'accord. » admit-il, en s'appuyant sur le dossier d'un fauteuil. « Il a dit que tu pouvais lui écrire ? Fais-le dès maintenant. Demande-lui quel est le problème. Ou… Demande-lui s'il accepterait de me rencontrer. »

Après tout, il n'avait pas spécifiquement dit qu'il ne voulait pas le voir, lui. Albus avait eu l'air de penser qu'il aurait été préférable que Sirius et lui gardent leurs distances pendant quelques jours mais, à sa connaissance, Harry n'avait rien à lui reprocher. Cela dit, il ne savait pas, non plus, ce qu'il pouvait bien avoir contre Sirius…

« Il était tellement en colère après moi… » se désola Patmol. « Si tu avais vu la manière dont il m'a regardé… »

« Je suis certain qu'il s'agit d'un simple malentendu. » répéta-t-il.

« Je n'en suis pas si sûr, Remus. » contra Sirius, en se levant, sans doute pour aller chercher ses cigarettes abandonnées quelque part dans la cuisine. « Quand il a parlé de Snape… On aurait presque dit qu'il était de son côté. »

Le loup-garou leva les yeux au ciel. « Eh bien, peut-être que c'est une partie du problème. Il ne devrait pas y avoir de côtés à prendre. »

Sirius croisa les bras et le dévisagea, cigarettes oubliées.

« Pourquoi prendrait-il… »

La fin de sa question se perdit dans le bruit de transplannage.

« Lupin ! Black ! » aboya Fol'Œil.

Remus n'eut que le temps d'apercevoir le tas sanguinolent de chair que l'homme portait dans les bras, avant que le loup ne s'éveille dans un hurlement qui le poussa à porter la main à sa tempe. L'odeur de sang et d'entrailles ne rivalisait qu'avec le musc d'un autre loup-garou. Un loup-garou qu'il aurait reconnu entre milles autres.

« Nyssa. » lâcha Sirius, avec horreur.

« Greyback. » souffla-t-il, au même moment. « Tonks ! Elle était avec toi, où… »

« À sa poursuite. » grogna l'ancien Auror, en déposant son précieux fardeau sur le canapé. « Je lui à moitié sectionné la patte. »

Maugrey s'était agenouillé auprès de Nyssandra, sans une arrière pensée pour sa jambe de bois, l'homme écarta les mèches brunes qui étaient tombées sur son visage dans un geste que l'on aurait pu qualifier que de tendre. C'était tellement incongru, tellement…

Sirius se hâta de contourner l'ancien Auror pour inspecter les plaies de la jeune femme.

L'odeur du sang, celle de Greyback et celle de la vampire attaquaient son nez et l'empêchaient de réfléchir.

« Remus, il faut un Médicomage. » ordonna Sirius, d'une voix tremblante, après avoir jeté un coup d'œil à l'abdomen de la jeune femme. « Andromeda. »

« Andromeda est injoignable. » répondit-il, la voix tremblante, en reculant jusqu'à se tenir contre le mur. « Et un Médicomage ne pourra rien pour elle, il nous faut un expert en créatures magiques. »

Où était Tonks ? Partie seule aux trousses de Greyback, quelle idée… Non… Elle n'était pas seule, Anthony devait être avec elle. Quelle différence ? Elle était en danger. Elle était… Le loup devenait compliqué à maîtriser. Il brûlait de se lancer à sa poursuite, de…

« Tu es un expert en créatures magiques ! » l'agressa Fol'Œil. « Tu es une foutue créature magique ! »

« Et hier encore tu voulais la voir morte ! » répliqua-t-il, en perdant son calme.

Jamais encore l'animal en lui n'avait été aussi dur à calmer. Il avait presque l'impression que le loup le déchiquetait de l'intérieur, à coups de griffes, pour se libérer de son carcan de chair. C'était impossible, bien entendu, la lune n'était pas pleine, mais ça ne comptait pas pour le loup. Il voulait sortir, il voulait…

« Remus, fais quelque chose. » exigea Sirius.

Les mains de son meilleur ami étaient couvertes de sang, ce qui ne faisait rien pour apaiser le désir du loup-garou de protéger sa meute. Il se mit à racler le mur de ses ongles, dans son dos, sans parvenir à trouver dans la tapisserie qu'il déchirait un réceptacle à cette angoisse. Que se passerait-il s'il ne reprenait pas le contrôle ? D'autres lycanthropes étaient devenus fous confrontés à pareille chose. D'autres avaient dû être abattus parce qu'ils ne se contrôlaient plus… Lorsque l'animal était plus fort que l'humain, lorsque…

« Remus ! »

Remus rouvrit les yeux et croisa le regard de Sirius. L'Animagus était pâle, couvert de sang et terriblement inquiet. Il tentait d'endiguer l'hémorragie avec ses mains mais le sang continuait de couler librement, imbibant le tissu sombre du canapé, les vêtements de la vampire, les… La détresse de son meilleur ami n'avait d'égale que celle de Fol'Œil qui continuait à caresser les cheveux de Nyssandra sans plus leur prêter attention.

« Severus. » lâcha-t-il, parce qu'il ne voyait pas qui appeler d'autre.

Pomfresh n'aurait pas su quoi faire. Ils auraient mis des heures à contacter Andromeda. Severus devait être à Poudlard, s'y connaissait en créatures magiques et avait toujours une potion ou deux dans ses robes.

Sirius n'hésita qu'une demi-seconde. À peine le temps de baisser le regard vers la vampire qui continuait de se vider de son sang. Sa peau, naturellement blanche, avait perdu le peu de couleur qu'elle possédait au point d'être presque translucide. Le contraste avec le noir de ses cheveux était saisissant.

« Où sont-ils exactement ? » demanda-t-il à Maugrey, pendant que Sirius jetait sa tête dans la cheminée. « Je vais… »

« Tu ne vas nulle part. » grinça Fol'Œil. « On n'a pas besoin de davantage de blessés. »

Le loup se révolta contre cet ordre mal déguisé et Remus aussi. L'odeur, l'inquiétude… C'en était trop. Beaucoup trop.

« Si Nymphadora a besoin d'aide… » gronda-t-il.

« Nymphadora n'a pas besoin de ton aide. » répliqua Maugrey. « Elle est capable de se défendre seule. C'est une Auror, je te rappelle. »

Aveuglé par sa fureur, il fit un pas vers Fol'Œil, les poings serrés.

« Il arrive. » déclara Sirius, d'un ton renfrogné, en se redressant, coupant court aux envies de meurtres de Remus. « Pas très bien disposé, évidemment. »

L'Animagus ne chercha pas à enlever la suie qui collait à ses vêtements trempés de sang, préférant se percher sur l'accoudoir près de la tête de Nyssa. La vampire était toujours inconsciente, l'ancien Auror était toujours agenouillé auprès d'elle, et Tonks n'était toujours pas revenue.

« Dis-moi où est Tonks. » réitéra-t-il, sans que cela soit une question.

Troublé par son ton agressif, Sirius leva brièvement les yeux mais les rebaissa tout aussi vite sans plus lui prêter attention, visiblement terrifié pour Nyssandra. Fol'Œil, lui, ne daigna même pas lui adresser un regard.

« Dis-le moi. » ordonna-t-il, d'une voix où le loup se disputait à l'humain.

Son ordre se perdit dans le jet de flammes vertes qui éclaira la cheminée. Severus en émergea comme s'il n'avait jamais disparu. Le Maître des Potions était identique au souvenir qu'il en gardait : robes, cheveux gras, expression renfrognée, tout y était.

Le Professeur jeta un regard à la ronde et fondit immédiatement sur le canapé, écartant Fol'Œil sans ménagement. Chose curieuse, il resta interdit en apercevant la vampire puis sembla se reprendre et entreprit d'examiner leur amie.

« Tu peux la sauver ? » demanda Sirius. À la tension dans sa voix, Remus devina qu'il essayait de contenir son hostilité, probablement pour ne pas porter préjudice à Nyssa.

Le loup-garou n'attendit pas à la réponse de Severus pour se rapprocher de Fol'Œil qui se relevait péniblement à l'aide de la table basse.

« est Tonks ? » rugit-il, sans plus se soucier des apparences.

Le loup labourait son âme de ses griffes, c'était comme une démangeaison à l'intérieur de son corps que rien ne pourrait apaiser. Il lui fallait retrouver Tonks. Il lui fallait retrouver Tonks et s'assurer qu'elle soit en sécurité et…

« Reste où tu es, Lupin. » siffla soudain Severus, baguette pointée sur lui.

« Snape. » grinça Sirius, cherchant, dans ses poches, la baguette qui était restée posée sur la table de la cuisine. « Si tu… »

« Ce n'est vraiment pas le moment, Severus. » coupa Remus, en se tournant vers la menace. Il n'hésiterait pas à détruire tout ce qui se dresserait sur sa route. Il n'hésiterait pas à…

« Pour une fois dans ta vie, Black, tais-toi et réfléchis. » rétorqua Snape. « Regarde ses yeux. »

Sirius ouvrit la bouche mais la referma bien vite lorsqu'il eut tourné la tête vers lui. Son meilleur ami se leva de l'accoudoir sur lequel il était assis et s'approcha lentement de lui, mains levées.

« Baisse ta baguette. » exigea-t-il.

Remus attendit que Severus s'exécute, un grondement bloqué dans le fond de la gorge. Fol'Œil avait également tiré la sienne.

Mais ce n'était pas sur le Maître des Potions qu'elle était pointée. C'était sur lui.

« Black. » avertit Severus. Du moins ça sonnait comme un avertissement.

« Remus, ta baguette. » répéta Sirius.

Sa baguette ? Il baissa les yeux vers sa main, surpris d'y trouver sa baguette. Il n'avait pas besoin de baguette. Il avait des griffes et des crocs et des…

La baguette cliqueta en heurtant le sol.

« Sirius… » lâcha-t-il. « Sirius, je… je perds le contrôle. »

Il ne parvenait pas à détourner les yeux de ses doigts tremblants, à moitié persuadé que ce n'était pas naturel. Il n'aurait pas dû avoir de doigts. Ce n'était pas sa nature, ce n'était pas sa forme…

« Tout va bien, Lunard. » promit doucement Sirius.

La puanteur du sang lui emplissait la truffe. Le nez. Il n'avait pas de truffe. Il n'était pas un loup. Il n'était pas un monstre.

Sur le canapé, la vampire laissa échapper un gémissement.

Il tourna brusquement la tête vers elle. Il aurait retroussé ses babines s'il avait eu des babines à retrousser. Elle était l'ennemie. Elle…

Il y eut un double bruit de transplannage et tout se passa en même temps. Il identifia Tonks avant même qu'elle ait totalement fini de transplanner. Son odeur, si caractéristique, fut comme un baume sur ses blessures. Il se jeta sur elle et…

Fut brutalement projeté contre le mur.

Snape s'était interposé, baguette levée, entre la jeune femme et lui. Fol'Œil avait naturellement protégé Anthony qui avait transplanné juste à côté de lui. Sirius, lui, s'était jeté sur Nyssandra.

« Qu'est-ce qui se passe ? » demanda Tonks, d'un ton inquiet.

« Rupture, sang, vampire et attaque de loup-garou ne font pas bon ménage. » voulut plaisanter Sirius, mais ça tomba à plat.

« Nymphadora… » supplia Remus, sans bien savoir ce qu'il faisait.

L'Auror fit instinctivement un pas vers lui, mais Snape l'arrêta d'un geste. Elle se dégagea avec irritation et vint s'agenouiller près de lui.

« Qu'est-ce qui se passe ? » insista-t-elle.

Il y avait une plaie sur son front et du sang séché sur sa tempe mais, cela mis à part, elle semblait en un seul morceau. Le loup se calma immédiatement.

« Snape ! » appela Sirius, paniqué. « Elle… Elle ne respire plus. »

Severus cessa d'observer Remus avec méfiance pour retourner vers sa patiente.

« Évidemment qu'elle ne respire plus, espèce de crétin. » soupira le Maître des Potions. « C'est une vampire. Elle est morte. »

Ce devait être davantage rhétorique qu'une réflexion sur son état de santé parce que Remus voyait les paupières de Nyssandra s'ouvrir et se fermer avec difficulté.

« Remus ? » insista Tonks alors qu'Anthony expliquait à la cantonade, sans que personne ne s'y intéresse véritablement, que Greyback leur avait échappé.

Remus ferma les yeux et tenta de reprendre le contrôle de sa respiration. Elle avait posé une main sur son épaule, le loup s'était calmé. L'odeur de sang et celle de son ennemi étaient encore trop présentes pour qu'il soit tout à fait à l'aise, mais le loup était calmé. Tonks était vivante. Elle était là. Tout allait bien.

« Je regrette, je sais comment tuer un vampire, je n'ai jamais pensé à apprendre comment en sauver un. » cingla Snape, en réponse à une question de Fol'Œil. Le Professeur scandait une formule que Remus identifia vaguement comme un sortilège destiné à refermer les plaies.

« Qu'est-ce qui t'a pris ? » demanda le loup-garou, dès qu'il fut certain de pouvoir articuler autre chose qu'un grondement informe. « Qu'est-ce qui t'est passé par la tête, Nymphadora ? »

« Recule, gamine. » ordonna Maugrey « Il est dangereux. »

Tonks leva les yeux au ciel avant de sécher ses vêtements trempés d'un coup de baguette.

« Remus ne fera de mal à personne. » affirma-t-elle.

Snape fut le seul à émettre un bruit faussement amusé, mais les expressions des autres semblaient toutes aussi peu convaincues que celle du Professeur.

« Toujours moins que Greyback. » grinça Remus, en fusillant l'ancien Auror des yeux. « Et ça ne t'a pas empêché de la laisser se lancer à sa poursuite. Tu sais ce qu'il aurait pu lui faire ? »

« Tonks est une Auror, Lupin. » asséna Fol'Œil, de son ton bourru. « C'est même une sacré bonne Auror. Elle n'a pas besoin de toi pour mener ses batailles à sa place. »

« Il aurait pu la tuer. » gronda-t-il.

À nouveau, le loup s'agitait.

« Tonks est juste devant vous. » lâcha la jeune femme, en se relevant. Il ne put retenir un léger grognement lorsqu'elle ôta sa main de son épaule. « Ne parlez pas de moi comme si je n'étais là. »

« Ne parlez plus du tout si vous voulez que je sauve votre amie. » s'énerva Severus, entre deux formules.

« Tu es inconsciente ! » accusa-t-il la jeune femme, en s'aidant du mur pour se relever. « Tu es… »

« Je t'interdis de me parler comme ça ! » riposta-t-elle, en pivotant vers lui. « Je te l'interdis. »

« Tu me l'interdis ? » rétorqua-t-il, d'un ton moqueur. « Tu n'es qu'une gamine qui croit pouvoir maîtriser le loup-garou le plus puissant de notre génération et tu veux m'interdire de te le dire en face ? Tu es inconsciente, arrogante et maladroite ! Laisse Greyback et Bellatrix à ceux qui peuvent les battre ! »

Ses paroles furent suivies par un silence pesant que les marmonnements de Snape ne parvinrent pas à troubler. Le regard de Sirius passa de son meilleur ami à sa cousine pour finalement revenir se poser sur Nyssandra. Il ne bougea pas du chevet de la vampire. Fol'Œil, lui, paraissait partagé entre l'envie de le frapper et celui de laisser Tonks le faire. Anthony s'était assis dans un fauteuil et avait posé une main sur les yeux, comme s'il ne voulait pas voir ce qui allait suivre.

Tonks était restée figée, visiblement choquée et blessée par son discours. Il ne parvint pas tout à fait à s'en vouloir. Elle ne se rendait pas compte. Elle ne savait pas de quoi Greyback ou Bellatrix était capable. Et s'il n'y avait que lui pour lui ouvrir les yeux, eh bien…

« Je suis peut-être une gamine. » siffla finalement la jeune femme, en le toisant. « Je suis peut-être inconsciente, arrogante et maladroite. Mais, toi… Toi, tu es vraiment un connard. Pire, tu es un lâche et tu es immature. Ça fait des semaines que tu ne m'as pas adressé la parole. Tu envoie Sirius faire tes commissions comme si nous étions en première année… »

« Notre histoire n'a rien à voir… » s'agaça-t-il.

« Ne m'interromps pas. » cingla-t-elle. « Ne me dis plus jamais ce que je peux ou ne peux pas faire, Remus, parce que, contrairement à toi, je ne me mets pas de limites. Je ne vis pas dans un carré bien dessiné duquel je ne sors jamais si je peux l'éviter. Je fais ce que je veux, comme je veux et quand je veux. Je suis une Auror. Si je prends la décision de poursuivre un loup-garou blessé, dans un quartier Moldu, c'est une décision mûrement réfléchie, prise en toute connaissance de cause. Tu sais ce qui me permet de prendre cette décision ? Ma formation. »

Remus ouvrit la bouche pour la contredire, pour réitérer que son expérience personnelle avec Greyback comptait bien davantage que les quelques scénarios qu'on lui avait proposé lors de sa formation mais elle fit siffler sa baguette dans l'air et il se retrouva muet, prisonnier d'un silencio.

Anthony cachait à présent un sourire derrière sa main. Fol'Œil, Snape et Sirius ne leur prêtaient pratiquement pas attention.

« Je pensais que tu avais finalement compris, ces derniers mois. » reprit-elle. « Je suis adulte. Je ne suis pas une enfant. Je n'ai pas besoin de toi pour décider de ce que je suis, ou pas, capable de faire. Ou, d'ailleurs, de ce que je veux ou ne veux pas. Tu as décidé que je ne voulais pas de toi sans même me demander mon avis ou me laisser une possibilité de m'expliquer, soit. Mais lorsqu'il est question de mon travail ou de l'Ordre, garde tes opinions pour toi. »

Elle tourna les talons et quitta le salon, la tête haute.

Il la regarda partir, toujours incapable de prononcer un mot. Il se rendit compte, un peu tard, que Snape avait cessé ses incantations. Le Maître des Potions, toutefois, était plus occupé à ausculter la vampire qu'à écouter la scène de ménage. Sirius avait posé une main sur l'épaule de Nyssandra, celle de Fol'Œil touchait sa cheville avec hésitation.

« On ne peut pas dire que tu l'ais volé. » remarqua Anthony.

S'il avait pu répondre, il lui aurait enjoint de se mêler de ses affaires.

« Il lui faut du sang. » décréta Severus, coupant court à l'échange.

Nyssandra commençait à s'agiter. Ses yeux étaient ouverts, ses doigts raclaient le canapé dans des spasmes incontrôlés et sa bouche était ouverte, découvrant des crocs qui firent frémir Remus. L'envie de tirer Sirius loin d'elle… Protéger la meute. Le loup recommença à s'agiter…

« Je vais le faire. » offrit Sirius, en arrachant pratiquement sa manche pour porter le poignet aux lèvres de la vampire.

Severus écarta son bras d'un geste brusque, avant même que Remus ait pu émettre une protestation.

« Hors de question. » siffla le Maître des Potions. « Où vit-elle ? Il doit bien y avoir des réserves quelque part… »

« Dans la cuisine. » intervint Anthony, en se levant. « Je vais en chercher. »

Le jeune homme se dépêcha de quitter la pièce.

« Je peux le faire. » insista Sirius, s'attirant le regard noir de Maugrey et de Snape.

« Sais-tu ce qui arrivent aux personnes qui invitent un vampire à boire à leurs veines ? » siffla Severus.

Remus savait, lui : addiction, obsession, dépression, mort… Tout un tas de choses peu plaisantes. Il y avait de bonnes raisons pour lesquelles ce genre de pratiques étaient interdites.

« Quelle importance, si ça peut la sauver ? » riposta l'Animagus.

Remus vit bien que la manière possessive dont il serra l'épaule de Nyssa n'échappa pas à l'ancien Auror mais fut incapable d'avertir son ami. Alastor, s'il fallait en croire son expression, commençait petit à petit à comprendre.

« Quelle importance ? » répéta Severus, d'un ton qui trahissait une profonde animosité. « Dis-moi, Black, que comptes-tu faire d'Harry pendant que tu joues les calices humains ? Et, quand tu seras mort, lequel de tes deux monstres en héritera ? La vampire ou le loup ? »

Remus conclut silencieusement que Severus n'avait pas volé le crochet du droit de Sirius.

°°O°°O°°O°°O°°

« Je crois que tu m'as cassé le nez. » grogna Sirius.

Il pressa la poche de glace sur sa figure sans que cela ne soulage véritablement la douleur.

« Si tu n'en es pas certain alors j'aurais dû frapper plus fort. » rétorqua Snape.

Sirius ôta la poche suffisamment longtemps pour lui jeter un regard noir de là où il était affalé sur une des chaises de la cuisine. Snape, bien sûr, avait refusé de s'asseoir et se tenait debout, légèrement appuyé contre le comptoir, une poche de glace similaire à la sienne pressée contre sa pommette. Sa lèvre était fendue, ce qui tira un sourire à l'Animagus. Parler faisait un mal de chien lorsqu'on avait une lèvre fendue et il n'y avait rien que Snape appréciait autant que de se livrer à des discours grinçants.

« Ne recommencez pas. » cingla Tonks.

Perchée sur la table de la cuisine, les jambes battant distraitement le vide, la jeune femme les dévisageait tour à tour, baguette posée sur les genoux, avec un air sérieux qui ne lui allait pas du tout. Il fallait dire qu'elle avait été celle à interrompre leur petite bagarre, plus tôt, et que ça ne l'avait amusée le moins du monde. Remus n'avait pas levé un petit doigt pour les séparer, ce qui valait probablement mieux étant donné les problèmes qu'il avait à se maîtriser ce soir là. Sirius ne l'avait jamais vu dans cet état. Ses yeux… Ses yeux avaient été comme fous. Il aurait pu jurer que c'était le loup qui les regardait et pas Remus.

Déconcertant, perturbant, et préoccupant, tout à la fois.

Le loup-garou, sur sa suggestion, était parti s'allonger après que Tonks ait mis un terme à la bagarre. De plus, il doutait que Remus ait eu très envie de rester dans la même pièce que la jeune femme… Il n'avait pas véritablement prêté attention à leur dispute, trop inquiet pour Nyssandra, mais ça n'avait pas eu l'air très joli.

Nyssa… Il résista à l'envie de retourner dans le salon pour s'assurer qu'elle était toujours vivante. Ou morte. Ou quel que soit le terme politiquement correct.

Fol'Œil avait décrété qu'il veillerait sur elle, sans vraiment leur laisser le choix de protester. Anthony, après avoir apporté le sang demandé, était resté un peu, puis avait filé retrouver Charlie. Sirius n'était pas certain d'être à l'aise à l'idée que l'ancien Auror soit seul avec la vampire alors qu'elle était si vulnérable physiquement…

Cependant, Tonks ne leur avait pas demandé leur avis avant de les traîner dans la cuisine et de leur ordonner de presser de la glace contre leurs blessures. Snape avait osé refuser la poche de glace et s'était retrouvée avec une torchon rempli de glaçons magiquement collé sur le visage. Sirius avait accepté la sienne sans un mot de protestation.

« Où sont passées vos coiffures et tenues extravagantes, Miss Tonks ? » s'enquit Snape, avec curiosité.

C'était étrange d'entendre quelqu'un s'adresser à sa cousine en l'appelant 'miss' comme si elle n'était encore qu'une écolière en jupe plissée.

« Sur ta personne. » marmonna-t-il, récoltant, pour sa peine, deux regards aussi peu aimables l'un que l'autre.

« Pourquoi ? » répliqua Tonks, avec mauvaise humeur. « Vous aussi vous voulez me traiter de gamine incompétente, Professeur ? »

Sirius se cala plus confortablement sur sa chaise, décidé à profiter du spectacle. Si Snape s'avisait de faire ne serait-ce qu'une réflexion, Tonks allait lui arracher la tête. Et ce serait jouissif.

« Je n'ai jamais pensé que vous étiez incompétente. » se défendit l'homme. « Ridicule, certainement, toutefois la garde-robe du Professeur Dumbledore est la preuve que le ridicule peut toucher même les grands hommes. Maladroite, parfois, je me souviens vous l'avoir assez reproché. Mais jamais incompétente, non. »

Un sourire amusé jouait sur les lèvres de l'Auror.

À l'abri derrière sa poche de glace, Sirius leva les yeux au ciel.

Flatteries, flatteries et un peu plus de flatteries. Les Serpentards et leur langue de bois… Et Tonks ne courrait pas, elle volait.

« Vous ne m'accusez pas d'incompétence mais vous ne niez pas penser que je suis une gamine. » riposta-t-elle. Remus aurait mieux fait de réfléchir à deux fois à ce qu'il balançait au visage de la jeune femme, songea Sirius. En l'occurrence, l'Animagus soupçonnait que le loup-garou avait appuyé exactement là où il fallait pour blesser Tonks.

Il y avait une drôle de note respectueuse dans la voix de cousine. Non, pas respectueuse… Déférente. La même touche de respect craintif qu'il utilisait toujours lorsqu'il s'adressait à McGonagall ou à Flitwick, ou même à Madame Pomfresh. Remus et Snape faisaient de même, sans s'en rendre compte. Le temps avait eu beau passer et gommer la différence sociale, il restait toujours cette hiérarchie tacite, mise en place à l'adolescence. Ils restaient les Professeurs et, eux, les anciens élèves. Mais entendre cette nuance dans la bouche de Tonks alors qu'elle s'adressait à Snape, c'était…

« Je vous ai eue dans ma classe pendant sept ans. » rappela Snape, en déposant sa poche de glace dans l'évier. Sa pommette était violacée, lorsque Dumbledore verrait ça… « Sept ans de chaudrons renversés, par ailleurs, le sol de mes cachots garde toujours les marques de votre passage. Il est parfois difficile pour un Professeur de se rendre compte qu'un élève a grandi, Miss. »

Où était l'animosité dans la voix de Snape ? Où étaient les grommellements, les insultes, la mauvaise humeur ?

On aurait presque dit que Snape appréciait Tonks. Ce qui était idiot parce que Servilus n'appréciait personne d'autre que son reflet sur un de ses chaudrons. Il n'appréciait certainement pas ses élèves. C'était très bizarre de se dire que sa cousine l'avait eu comme Professeur. Ils n'avaient pas tant d'écart, en âge… Sirius n'aurait jamais pu intégrer le corps enseignant de Poudlard quelques années seulement après avoir quitté l'école. Enseigner à des élèves à peine plus jeune que lui… N'être entouré que de collègues ayant le double voire le triple de son âge… Se retrouver claquemuré entre les mêmes murs de la même salle de classe, jour après jour, semaine après semaine, et mois après mois jusqu'à ce que les mois se transforment en années que l'on ne comptait plus… Il n'aurait jamais pu. Ça serait devenu une prison davantage qu'une opportunité.

Quoi que, à choisir, il aurait largement préféré Poudlard à Azkaban.

De eux deux, Snape avait eu le meilleur lot.

Sans parler du fait que Snape, lui, était coupable.

« Bien grandi. » commenta Tonks, sans paraître se rendre compte que Sirius philosophait silencieusement derrière sa poche de glace. « Je suis une femme, à présent, plus une ado. »

D'un autre côté, Sirius commençait à soupçonner que personne ne lui prêtait attention. Snape lui jetait quelques coups d'œil mais davantage pour s'assurer d'être prêt à lui jeter un mauvais sort s'il s'avisait de faire un mouvement brusque que par réel intérêt. Cela faisait plus de dix minutes que le Serpentard ne lui avait pas envoyé de pique au visage. Était-il devenu invisible ?

« Indéniablement. » lâcha le Mangemort, en étirant le mot avec cette lenteur insupportable qui caractérisait sa manière de s'exprimer.

Sirius avait-il rêvé ou bien la bouche de l'homme avait-elle tressauté dans ce qui aurait pu passer, pour la parodie d'être humain qu'était Snape, pour un sourire? Fronçant les sourcils, il posa la poche de glace sur la table, prenant soin de bien faire s'entrechoquer les glaçons à moitié fondus. Il aurait aussi bien pu faire apparaître des castagnettes et se lancer dans un flamenco, vu l'effet que ça eut.

« Vous pourriez peut-être arrêter de m'appeler Miss, dans ce cas, non ? » insista la jeune femme.

Sirius se racla la gorge.

« Peut-être. » répondit Snape, d'un ton que l'Animagus aurait qualifié d'espiègle si ça avait été n'importe qui d'autre.

Il toussota.

« Pour l'amour de Merlin, Black, prends une pastille pour la gorge. » cingla l'homme, en se tournant finalement vers lui avec un rictus mauvais. « Ou mieux, cesse-donc de fumer avant de ne plus avoir de poumons à cracher. »

La grimace moqueuse de Sirius se transforma en véritable grimace de douleur lorsque son nez, qu'il espérait toujours plus enflé que cassé, se rappela à son mauvais souvenir.

« Tu te soucies de ma santé, maintenant ? » grinça-t-il quand même. Plutôt mourir que de perdre la face devant Snape.

« Je me soucie de ce qu'il adviendra de Potter s'il t'arrive quelque chose. » rétorqua le Mangemort. « Il faut bien que quelqu'un le fasse puisque, apparemment, tu es trop idiot pour t'en inquiéter toi-même. »

Sa pulsion initiale fut de se lever, de tirer sa baguette et de lui jeter le premier maléfice qui lui passerait par la tête. Pourtant, Sirius se força à rester calme et, surtout, assis sur sa chaise. Les dégâts que ses poings avaient laissés sur le visage de Snape étaient suffisamment de preuves accablantes comme cela. Ses propres blessures, il ne s'en souciait guère. Ce n'était rien que quelques sorts et baumes ne pouvaient réparer… Non, ce qui l'inquiétait, c'était ce que l'homme comptait faire des siennes.

Si tu ne te tiens pas loin de Severus, ce n'est plus la peine de m'adresser la parole.

Il n'aurait pas dû perdre son sang-froid, plus tôt. Il avait été trop perturbé par ce qui était arrivé, trop paniqué par le corps exsangue de Nyssa… Les remarques désobligeantes de l'homme sur Remus et sur Nyssandra avaient été la goutte d'eau qui avait eu raison de sa patience déjà maigre.

Mais il n'aurait pas dû…

Non. Il n'aurait pas dû.

Il pensait ce qu'il avait dit à Remus. Il était certain que l'adolescent qu'il avait eu en face de lui, cet après-midi là, était bien Harry. Il avait douté, au début, parce que son attitude, son discours… Le garçon avait agi différemment de ce à quoi il l'avait habitué. Il avait pensé à du Polynectar parce que ça expliquait les réticences de Dumbledore à ce qu'il s'approche de son filleul. Durant les quelques secondes où il avait plaqué Harry contre le mur, il avait été certain d'avoir compris : Harry n'était pas revenu, Dumbledore avait monté un stratagème de toutes pièces pour donner à la communauté magique ce qu'elle voulait : un sauveur. Mais ensuite… Ensuite, Harry avait prouvé qu'il était bien lui et puis… Et puis, Sirius l'avait lu dans son regard. C'était Harry. Harry qui le regardait avec un mépris et une rancœur qu'il n'avait, jusque là, aperçu que dans un seul autre regard.

Celui de l'homme qui se tenait devant lui, bras croisés dans une attitude qui se voulait certainement intimidante mais que Sirius avait toujours trouvé pathétique.

« Tu l'appelais Harry, tout à l'heure. » remarqua-t-il.

Une expression de surprise flasha sur le visage de Snape avant de disparaître, avalée par ce masque de désintérêt que le Mangemort présentait, sans cesse, au reste du monde. De quoi était-il donc surpris ? Que Sirius ait relevé ? Ou bien qu'il n'ait pas encore cherché à l'attaquer ?

Si tu ne te tiens pas loin de Severus, ce n'est plus la peine de m'adresser la parole.

Cela faisait deux fois que Snape faisait part d'une inquiétude pour le futur de son filleul, sans pourtant l'exprimer clairement. Harry, lui, avait été beaucoup plus direct. Raison pour laquelle Sirius regrettait son mouvement d'humeur. Si le Professeur lui montrait les marques sur son visage et inventait un conte où il serait la victime, qui Harry croirait-il ? Parce que, s'il avait dû s'en remettre à l'entrevue de la journée, Sirius aurait parié que ça ne serait pas lui.

Il ne savait pas ce qui s'était passé durant tous ces mois, il ne savait pas ce qui avait bien pu arriver pour changer le statuquo entre Snape et Harry, mais une chose était claire, le statuquo avait changé. Sirius était loin d'être stupide. Pour l'instant, en l'état, il n'était pas en position de force dans cette affaire.

« Il me semble qu'une conversation s'impose. » insista Sirius, parce que Snape s'était muré dans le silence.

Le Mangemort le défiait du regard. Sirius se serait damné plutôt que de détourner les yeux le premier. Il n'avait aucune intention de céder devant les tentatives d'intimidation manifestes de son vieux rival. Il resta négligemment affalé sur sa chaise et prétendit ne pas être prêt à bondir, baguette levée, au moindre geste agressif.

« Malheureusement. » acquiesça Snape, dans un soupir. « Cela devra attendre, cependant. »

« Snape. » gronda-t-il, abandonnant sa posture nonchalante. Il posa les deux mains à plat sur la table, avec tant de force, que le bois tressauta. Tonks, qui s'était appliquée à se faire oublier, lui jeta un regard noir. « Je veux savoir pourquoi mon filleul refuse de me voir. Maintenant. »

C'était aussi facile que d'appuyer sur un interrupteur moldu.

Le Mangemort se redressa imperceptiblement et le toisa avec un dédain et une hostilité affichée.

« Premièrement, je ne suis pas à tes ordres, Black. » siffla l'homme. « Deuxièmement, si tu étais un peu moins stupide, tu… »

Snape s'interrompit brusquement en plein milieu de sa tirade, ferma brièvement les yeux et prit une profonde inspiration.

« Je te déconseille de chercher à voir Harry avant qu'il n'y soit prêt. » reprit le Mangemort, d'un ton plat qui sonnait faux. « Écris-lui et rappelle-lui que tu es son parrain, pas le Gryffondor imbécile qu'il a côtoyé pendant huit mois. Il y a d'autres détails dont nous devons discuter mais nous aurons le temps pour cela un peu plus tard. La présence de Lupin ne serait pas malvenue. »

Sirius se massa la tempe, assailli par une migraine intempestive.

« Ça ne répond pas à ma question. » gronda-t-il.

Snape leva les yeux au ciel.

« Il était à Serpentard, en 1975. » cingla le Mangemort. « C'est une explication en soi. Pour une fois, fais fonctionner ta boîte crânienne, cela ne peut lui faire que du bien. » L'homme se tourna vers Tonks et désigna, d'un coup de menton, la plaie sur son front. « Vous devriez soigner cela. Bonsoir. »

« Snape, ne t'avise pas de… » avertit-il, en se levant.

Il était à peine debout que l'homme avait transplanné.

« Enflure. » cracha-t-il, en jetant un regard mauvais à l'espace que leur prétendu espion avait précédemment occupé.

Il donna un coup de pied rageur dans sa chaise, ignorant la manière dont Tonks baissa la tête pour cacher son amusement.

« Qu'est-ce qu'il voulait dire ? » s'enquit-elle. « Qu'est-ce qui se passe avec Harry ? »

Il lui résuma la situation en quelques phrases, tout en observant le sang séché qui lui couvrait la moitié du visage. Pas étonnant que Remus ait tant paniqué…

« Laisse-moi jeter un coup d'œil. » ordonna-t-il finalement, en se plantant devant elle.

Il fit disparaître les traces de sang d'un coup de baguette et inspecta la petite plaie, c'était plus impressionnant que grave.

« Tu sais ce que tu fais, au moins ? » s'inquiéta-t-elle.

« Indéniablement. » plaisanta-t-il, en laissant sa voir s'étirer de façon interminable, comme le faisait Snape.

Tonks leva les yeux au ciel. « Tu l'imites très mal. »

Il posa le bout de sa baguette sur le bort de la plaie et marmonna la formule adéquate.

« Je l'imite très bien. » protesta-t-il, lorsqu'il eut terminé. « J'ai eu des années pour me perfectionner. Pas très difficile de toute manière, il suffit d'avoir l'air perpétuellement en colère et d'imaginer qu'on a la vue bouchée par un énorme nez. » Il y réfléchit une seconde. « Peut-être que c'est ça qui le rend aussi désagréable… Il ne voit jamais où il va. »

« Charlie croyait dur comme fer que c'était un vampire. » confia-t-elle, amusée malgré elle. « On était persuadés qu'il pouvait vraiment se transformer en chauve-souris, que c'était comme ça qu'il savait toujours tout. »

« Une chauve-souris moche et visqueuse, alors. » grinça-t-il, en s'écartant, satisfait de son œuvre.

La plaie sur le front de Tonks n'était plus qu'une fine ligne rosâtre.

« Tu exagère, quand même. » insista-t-elle. « Il n'est pas si terrible que ça. »

Sirius la dévisagea, sourcils froncés.

« Il l'est, à en croire Harry et ses amis. Et je les crois volontiers. » répondit-il. « Comment se fait-il qu'il soit aussi agré… Non, il n'est jamais agréable… mais pourquoi est-il aussi aimable avec toi ? »

Elle haussa les épaules.

« Je n'étais pas très douée en potions mais je ne mettais jamais le souk dans sa classe et je faisais des efforts. » offrit-elle. « Il savait que je travaillais, il n'avait aucune raison de s'en prendre à moi. Et puis… Les Poufsouffles ont cours avec les Serdaigles en Potions, l'ambiance n'est pas aussi… volatile que dans les classes Gryffondors/Serpentards, je suppose. »

« Ouais… Et le fait que ta mère est une Sang-Pure n'a rien à voir là-dedans, bien sûr. » ironisa-t-il, en jouant avec son paquet de cigarettes défoncé.

Elle inclina la tête et l'observa comme s'il venait de proférer la plus grosse idiotie de sa vie.

« Ma mère étant également ta cousine, je ne suis pas certaine que ça aurait joué en ma faveur s'il avait pris mon arbre généalogique en compte. » se moqua-t-elle.

Sirius traversa la cuisine, ouvrit le placard enchanté pour garder les aliments au frais et attrapa la part de tarte aux pommes qu'il y restait.

« Les Black m'on renié. » riposta-t-il. « Tout le monde le sait. »

« Oui, ils ont aussi renié maman. » contra-t-elle. « Franchement, ça te tuerait d'admettre que ce n'est pas un monstre qui hait tout ce qui respire ? »

Il prit le temps de soigneusement mâcher avant de donner sa réponse. Cela le tuerait-il d'admettre que Snape était humain ? Probablement. Et, surtout, il ne voulait pas le prendre en considération. Parce que si Snape était véritablement humain, alors…

Non… Non… Il était beaucoup plus sage de s'en tenir à la théorie selon laquelle Snape préparait un mauvais coup parce que, au final, Snape préparait toujours un mauvais coup. Restait à déterminer lequel et comment en tirer Harry.

Il ne faisait pas confiance à Snape. Il ne lui faisait pas confiance une seule seconde.

Il avait dû parler tout haut parce que Tonks soupira avec agacement.

« Dumbledore a dit… » commença-t-elle, mais il ne la laissa pas terminer.

« Peut-on arrêter de considérer la parole de Dumbledore comme un commandement divin ? » râla-t-il. « Il ne nous a jamais expliqué pourquoi il pense que Snape a vraiment changé de camp et tant que je n'aurais pas d'explications, je n'y croirais pas. Tu ne connais pas Snape, moi si. C'est un homme cruel, raciste et impitoyable. »

La jeune femme sauta de la table pour venir, à son tour, fouiller dans le placard. Elle en tira un plat avec une tarte à la pèche encore entière – Molly leur faisait parvenir des tonnes et des tonnes de nourriture, comme pour mieux compenser son absence – et s'en coupa une part.

« Tu sais, c'est drôle… » déclara prudemment Tonks, en transférant la part dans une assiette qu'elle prit sur l'égouttoir, près de l'évier. « Je me rappelle d'un moment, juste avant de passer la partie pratique des A.S.P.I.C.s de Potion. J'étais devant la porte de la salle, j'attendais qu'on m'appelle, et je n'arrêtais pas de me dire que j'allais faire exploser mon chaudron ou casser une fiole ou trébucher et renverser tout ce qu'il y avait sur la table… Et c'est arrivé plus d'une fois, en cours, laisse-moi te le dire. » Elle pêcha une fourchette dans le tiroir et avala un morceau. « Je me disais que je n'allais jamais être acceptée dans le programme des Aurors, je repensais à tous ces gens à qui j'avais affirmé que j'allais devenir la plus grande chasseuse de mages noirs de tous les temps, et je me demandais comment j'allais bien pouvoir les regarder en face… C'est très, très bête, ce qui peut te passer par la tête dans ces moments là. »

Sirius la regarda s'installer à table, sans vraiment comprendre où elle voulait en venir. Ses yeux étaient rivés sur sa part de tarte, comme si elle avait peur d'affronter les siens. Ridicule, bien entendu, Tonks n'avait pas peur de grand-chose et certainement pas de lui.

« On a tous vécu ça. » commenta-t-il. « La panique des examens. Pour celui de Défense, j'ai failli mettre le feu à la robe de l'examinateur. »

Et quel grand moment de gloire, cela avait été… Il avait eu beau jurer, après-coup, qu'il l'avait fait exprès, une dernière plaisanterie pour la route, aucun des Maraudeurs n'avait voulu le croire. C'était une anecdote que James avait tour particulièrement affectionnée.

La jeune femme lui sourit distraitement.

« Quand ils ont appelé mon nom, j'étais prête à m'évanouir de trouille. » raconta-t-elle. « Je te jure que je m'étais mis dans la tête tout un tas de scénarios catastrophiques. »

« Et ? » pressa-t-il, en posant le plat vide qu'il avait à la main dans l'évier. « Tu as réussi, au final. »

Pendant quelques secondes, le cliquetis de sa fourchette sur la faïence fut le seul bruit dans la cuisine.

« Snape est passé, à ce moment là. » lâcha-t-elle. « Quand il a vu l'état dans lequel j'étais, il m'a reproché d'être ridicule et tout un tas d'autres épithètes peu flatteurs… »

« Parce que c'est un connard. » triompha Sirius.

« J'étais tellement énervée contre lui que je n'ai plus pensé à avoir peur. » continua-t-elle, sans lui prêter attention. « Et, après-coup, je me suis dit qu'il l'avait fait exprès. Ça m'a marquée, ce moment. Ce n'est pas un mauvais Professeur, tu sais. »

L'Animagus lui ôta son assiette vide de devant le nez et la déposa dans l'évier, en se retenant de ne pas lever les yeux au ciel. Où était encore passé ce stupide elfe de maison ? La vaisselle s'amoncelait…

« Ça ne change rien au fait que c'est un des pires êtres humains que j'ai rencontré. » riposta-t-il, en lui tournant le dos. Il fit couler l'eau chaude, iIl détestait faire la vaisselle. Et il ne connaissait aucun sort de ménage… À quoi bon quand on avait un elfe de maison ? Bien sûr, quand, comme lui, on avait l'elfe le plus incompétent de la création…

« Cruel, raciste et impitoyable. » répéta-t-elle, d'un voix lasse. « Tu vois, pour moi, c'est l'homme qui a pris le temps de venir me parler avant l'examen le plus décisif de ma vie. »

« Il voulait probablement te démoraliser davantage. » grommela-t-il, refusant de lui accorder le bénéfice du doute. Il connaissait Snape. Et Snape n'aurait jamais pris le temps d'aider un élève en difficulté.

« Peut-être. » accorda-t-elle. La chaise racla sur la pierre lorsqu'elle se leva. « Mais peut-être aussi que c'était sa manière d'être gentil. »

Sirius ne pleura pas le savon pour faire disparaître ces taches récalcitrantes.

Snape, gentil. Les poules auraient des dents bien avant que Snape accomplisse une bonne action.

« Si Harry a de bonnes raisons de… » insista Tonks, avec tact.

« Harry ne sait pas de quoi il parle. » coupa-t-il. « Je ne sais pas encore ce qui s'est passé mais je suis sûr d'une chose, Snape a une idée derrière la tête. »

Et pourtant… Il y avait eu une véritable inquiétude dans la voix de Snape lorsqu'il avait parlé d'Harry… Harry, pas Potter. À quoi jouait le Mangemort ? Cela semblait bien trop tordu et complexe pour une tentative de livrer son filleul à Voldemort… Et puis, sans se leurrer, si l'homme avait voulu tuer Harry, il aurait eu tout le loisir de le faire en 75. Non, c'était bien plus compliqué que ça. Quelque chose lui échappait et quand il aurait trouvé quoi…

Il était à Serpentard, en 1975.

Ces derniers mois, Severus et Snape étaient de mon côté. Toi, en revanche, ça t'amusait bien de faire rire la galerie en me…

Il avait peur de comprendre ce qu'Harry lui reprochait. Il avait peur de comprendre et refusait d'y penser. Ça n'expliquait pas Snape de toute manière. Snape aurait été du genre à se repaître du spectacle, pas à… Pas à se ranger du côté d'Harry. Snape n'aurait jamais levé le petit doigt pour le fils de James Potter. Jamais.

Le mystère paraissait insoluble.

« Tu devrais parler à Remus. » lança-t-il, tout d'un coup, en abandonnant la vaisselle.

Le visage de Tonks se referma brusquement. Elle avait l'air épuisé des gens que le sommeil fuyait ou emprisonnait dans des cauchemars… Ses yeux semblaient trop clairs, ses cheveux trop ternes… Il se surprit à espérer qu'elle retrouve bien vite ses dons de Métamorphomage. Il n'aimait décidemment pas la voir dans cet état.

« Ou pas. » contra-t-elle. Elle attrapa le blouson qu'elle avait jeté sur le buffet, un peu plus tôt, et l'enfila. « Je devrais rentrer. Je travaille demain matin. »

« Tonks. » asséna-t-il sérieusement – aussi sérieusement qu'on pouvait l'être en s'essuyant les mains sur un vieux torchon rose, du moins. « Il ne pensait pas ce qu'il a dit tout à l'heure. »

La jeune femme l'étudia en silence, quelques secondes, puis secoua la tête et croisa les bras devant sa poitrine. Il n'était pas habitué à la voir si vulnérable. Il n'était pas sûr de savoir comment réagir, étant donné que c'était son meilleur ami qui était responsable de son état.

« C'est très triste et probablement un peu pathétique, mais je crois que si, Sirius. » répondit-elle doucement.

« Bien sûr que non. » protesta-t-il immédiatement. « Remus t'aime. Je ne l'ai jamais vu tomber amoureux d'une femme comme il est tombé amoureux de toi. Vous êtes faits pour être ensemble, c'est… »

« Remus ne me fait pas confiance pour prendre les bonnes décisions. » coupa-t-elle. « Ou pour prendre une décision tout court, d'ailleurs. »

Il fallait admettre que le loup-garou avait peut-être, parfois, tendance à exagérer sur ce point. Mais ce n'était pas véritablement sa faute, il…

« Il veut simplement te protéger. » le défendit-il. « C'est juste… »

« Je n'ai pas besoin qu'on me protège. » l'interrompit Tonks. « J'ai besoin qu'on me respecte. »

Rendu momentanément muet par la sincérité de sa supplique, Sirius finit par jeter le torchon qu'il avait toujours dans les mains comme s'il était responsable de la situation dans laquelle il s'était fourré. Il n'avait pas vraiment envie de se retrouver pris en étau entre sa cousine et son meilleur ami.

« Tout le monde te respecte. » affirma-t-il, parce que c'était la vérité. « Remus aussi. Il s'est emporté parce que tu étais en danger, c'est tout. »

L'Auror soupira, de lassitude ou d'irritation, il n'aurait su le dire.

« Ce n'est pas qu'il pense que je ne sois pas capable d'affronter Bellatrix ou Greyback qui me dérange. » expliqua-t-elle. « Ce qui me dérange, c'est qu'il ne me fasse pas suffisamment confiance pour savoir que je suis consciente de mes limites. »

« Pourquoi avoir poursuivi Greyback, dans ce cas ? » demanda-t-il, perdu.

Tonks souffla avec agacement.

« Ça n'a rien à voir avec ce que je pense pouvoir faire ou pas. Je ne pouvais pas laisser un loup-garou blessé errer dans une ville Moldue. » cingla-t-elle. « Quelqu'un l'attendait et à transplanné avec lui avant qu'on ait pu essayer de les arrêter. Un autre loup-garou sous forme humaine, sans doute. On doit vraiment faire quelque chose pour cette potion. »

Sirius coinça une cigarette entre ses lèvres et l'alluma.

« Dumbledore a dit que Snape allait s'y mettre. » marmonna-t-il, sans grand enthousiasme.

Ils s'étaient très bien débrouillés sans le Maître des Potions jusque là, mais, à entendre Dumbledore ce matin là, l'homme leur était soudain indispensable.

« Monte voir Remus. » insista-t-il « Il ne va pas bien du tout depuis votre rupture. »

« Ce n'est pas moi qui ait décidé de rompre. » s'entêta-t-elle. « Et au cas où ça t'aurait échappé, je ne suis pas non plus en pleine forme. »

C'était un point qu'il ne pouvait lui refuser. Mais c'était quand même idiot…

« Tu l'aimes, non ? » pressa-t-il.

Elle sourit avec une amertume qui n'avait rien à faire sur le visage de quelqu'un d'aussi jeune et insouciant que Tonks.

« Si je ne l'aimais pas… »

Elle laissa sa phrase en suspens, sans savoir elle-même, peut-être, comment la terminer.

« Monte le voir. » réitéra-t-il. « Ça va forcément s'arranger. »

« C'est un peu plus compliqué que ça, Sirius. » répondit-elle, avec tristesse. « Je vais voir comment va Nyssa et je rentre. J'enverrai un hibou à Ginny, peut-être qu'elle en saura plus au sujet d'Harry. »

Ginny. Les amis d'Harry, voilà une bonne idée… Il allait écrire à Hermione, dès ce soir là.

« Sois prudente. » ordonna-t-il.

Elle lui sourit et partit en direction du salon. Il entendit l'écho de voix mais ne prêta pas attention à ce qui était dit, occupé à préparer un thé qui serait à peine buvable – parce qu'il n'aurait pas su préparer quoi que ce soit de comestible si sa vie en avait dépendu – et à disposer théière, tasse et les petits sandwiches que Bill avait rapporté du Terrier, un peu plus tôt, sur un plateau. Il lui faudrait rendre visite à Molly… Charlie et Bill insistaient pour qu'ils ne la dérangent pas, elle se remettait d'une mauvaise grippe, mais Sirius se sentait un peu coupable d'accepter toute cette nourriture qu'elle envoyait au Q.G. sans jamais trouver le temps de la remercier en personne. Il ne l'avait croisée qu'une seule fois depuis sa libération, sur le Chemin de Traverse où elle se promenait avec Percy, et ils n'avaient pas pu échanger plus de quelques mots. C'était toujours curieux de se déplacer librement dans la rue, d'être la cible de murmures excités et admirateurs plutôt que de cris terrifiés…

Il attrapa le plateau et se dirigea vers l'escalier, non sans jeter discrètement un coup d'œil dans le salon. Nyssandra était toujours allongée sur le canapé, trop pâle et trop alanguie, mais ses grands yeux verts étaient ouverts et elle portait, de temps en temps, un vieux mug aux couleurs fanées à ses lèvres. Fol'Œil était assis sur le fauteuil, à sa gauche, légèrement penché en avant, le regard perdu dans les flammes de la cheminée, les mains jointes sur ses genoux. Le silence était lourd mais pas aussi pesant qu'il l'avait été entre eux par le passé et Sirius se sentit immédiatement de trop. Il ne s'attarda pas sur le seuil et personne ne le rappela dans la pièce.

Ce fut un peu perturbé qu'il frappa à la porte de la chambre de Remus et entra sans attendre de réponse. Il n'avait pas pensé que Fol'Œil et Nyssandra parviendraient un jour à passer au-dessus de leur ressentiment mutuel. Il n'avait pas pensé que… Cela le contrariait de penser à ce que cela pouvait signifier pour lui. Il n'avait pas vraiment de sentiments amoureux pour Nyssa. Il l'appréciait énormément en tant qu'amie, il appréciait encore plus les nuits torrides qu'il leur arrivait de partager, mais il n'était pas… Il n'avait pas… C'était bien trop tôt, bien trop prématuré de parler de sentiments amoureux. Amouraché, à la rigueur. Attaché, certainement… Attiré… Attiré était un mot un peu faible pour décrire ce qu'il éprouvait pour elle.

Elle avait ce côté femme fatale qui dissimulait mal la fêlure qu'avait laissée Fol'Œil en lui brisant le cœur. Elle était un peu détruite, il était un peu détruit… Ils étaient faits pour s'entendre. C'était physique, plus qu'autre chose, peut-être. Elle avait cette grâce féline, ce regard de prédateur qui lui enflammait le sang. Elle était un danger et il n'avait jamais su résister à l'attrait du danger.

Lorsqu'il l'avait aperçue dans les bras de l'ancien Auror, inconsciente et se vidant de son sang, le temps s'était arrêté net. Il avait été certain qu'elle était morte. Morte, morte, n'en déplaise à Snape et à ses tournures de phrases sophistiquées. Il n'avait pas souvent fait l'expérience de ces secondes qui semblaient durer une éternité, mais à cet instant, il lui était passé tout un tas de choses par la tête. La douceur de sa peau, la manière dont elle riait à gorge déployée derrière les portes closes mais souriait à peine en public, ses baisers farouches… Tout lui était revenu en mémoire et il avait su, dans un de ces moments de certitude absolue, qu'il ne voulait pas la perdre.

Chassant ses pensées, il étudia la manière dont Remus, couché sur le côté, s'était réfugié sous la tonne de couvertures jetées à la va-vite sur le lit. Il hésita un peu, puis abandonna le plateau sur le bureau dans le coin de la pièce. Le loup-garou lui tournait le dos mais Sirius savait bien qu'il ne dormait pas. Ils avaient partagé un dortoir pendant trop longtemps, Remus souffletait lorsqu'il dormait, c'était entre le ronflement et le soupir.

« Tu veux que je te dise, il y a des jours où on ferait mieux de ne pas sortir de son lit. » déclara-t-il, très sérieusement.

Il s'allongea de l'autre côté du lit, sur le dos, une main sous la tête et l'autre sur le ventre. Cela faisait des années que Sirius ne s'était pas invité sur le lit de Remus dans l'idée de partager des confidences. Pas depuis Poudlard. Un peu après Poudlard, peut-être. Pourtant, ce soir là, il avait envie de prétendre que rien n'avait changé, que leur amitié était aussi facile qu'elle l'avait été autrefois, sans tabous, sans gêne et sans frontières.

« C'était la pire journée de ma vie. » soupira-t-il, tout en sachant que ce n'était pas vrai. Il y avait eu bien pire. Bien, bien pire. « Et, toi, tu as fait n'importe quoi avec Tonks. »

Remus remua mais ne prononça pas un mot.

« Sans parler de Fol'Œil qui fait l'œil doux à Nyssa. » plaisanta-t-il amèrement.

Les bougies que le loup-garou n'avait pas soufflées commençaient à se consumer, plongeant peu à peu la pièce dans l'obscurité. Sirius se perdit dans la contemplation d'un ombre sur le mur qui tremblait au même rythme indolent que la flamme de la chandelle posée sur la commode, près de la fenêtre.

« Tu dors ? » demanda-t-il, au bout d'un moment.

« J'essaye. » gronda la montagne de couvertures.

« Qu'est-ce qui s'est passé tout à l'heure ? » s'enquit-il, doucement. « Je ne t'ai jamais vu comme ça. »

Il ne savait pas s'il parlait de sa perte de contrôle ou de son comportement envers Tonks. Il était plus ou moins persuadé que les deux étaient liés.

« Je deviens vieux. » marmonna Remus. « Et les vieux monstres, on les abat. »

Sirius leva les yeux au ciel. Quand ils pensaient que les gens affirmaient que c'était lui qui était mélodramatique…

« N'exagérons rien. » nuança-t-il. « Et Tonks ? »

Sous ses couvertures, Remus poussa un profond soupir.

« Tonks… » répéta le loup-garou, la lassitude se disputant à la tristesse dans sa voix. « Je n'aurais jamais autant perdu le contrôle, si elle n'avait pas… Elle me rend fou. Complètement fou. »

Traduction : il l'aimait tellement que l'animal en lui devenait incontrôlable dès qu'elle était en danger.

Il n'était pas certain que ce soit l'apanage des lycanthropes, beaucoup d'hommes avaient commis des actes désespérés par amour.

« L'insulter n'est pas vraiment le meilleur moyen de le lui dire, tu sais ? » remarqua-t-il.

L'ombre sur le mur s'agrandit d'un seul coup lorsque la chandelle s'éteignit.

Remus soupira à nouveau et se tourna pour pouvoir le dévisager. Dans l'obscurité quasi-totale, il distinguait à peine les traits de son meilleur ami.

« Je ne voulais pas l'insulter, mais elle est beaucoup trop imprudente. » lâcha le loup-garou. « Greyback… »

« Elle sait ce qu'elle fait. » coupa Sirius. « Je sais que tu t'inquiète, mais elle sait ce qu'elle fait. »

« Non, elle ne sait pas. » protesta Remus, avec mauvaise humeur. « Je sais de quoi Greyback est capable. Elle… » Il laissa momentanément sa phrase en suspens, comme s'il n'était pas certain de bien savoir comment la terminer. « Elle ne devrait rien avoir à faire avec Greyback. Elle ne devrait pas être impliquée là-dedans. C'est ma faute. »

Sirius retourna la chose dans sa tête pendant une bonne minute, cherchant la meilleure manière de dire ce qu'il avait à dire, sans provoquer une nouvelle dispute entre eux.

« Lunard, il me semble que jouer les martyrs, c'est passé de mode. » annonça-t-il, finalement. « Tonks t'aime, tu l'aimes, ça ne devrait pas être bien plus compliqué que ça. »

« Je ne veux pas gâcher son avenir. » répliqua immédiatement Remus. « Je n'ai rien d'autres à lui offrir que ma maladie et mes problèmes. »

Sirius fixa le plafond au travers de la vieille tenture verte déchirée qui avait, un jour, fait office de baldaquin. Ce n'était pas têtu comme une mule que l'on aurait dû dire, mais têtu comme un loup-garou.

« C'est à elle de prendre la décision, tu ne crois pas ? » rétorqua-t-il, un peu plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu.

Il détestait voir sa cousine souffrir. Dans le temps, il lui était arrivé d'observer Andy se mettre à pleurer avec le malaise affreux de l'enfant qui voit sa grande sœur se répandre en larmes et n'a pas les moyens d'effacer la douleur d'un être jusque là indestructible dans son imagination. Les chagrins de Cissy, il les avait tous vus passer de loin, sans s'y impliquer, sans s'y intéresser. La seule fois où il l'avait vue pleurer, il s'était retrouvé démuni, à court de mots et de gestes pour consoler cette poupée de porcelaine qui, soudain, devenait humaine. Quant à Bella, la seule plus jeune que lui… Bella n'avait jamais été triste, elle avait toujours été en colère. Ou peut-être était-ce sa façon d'être triste, il l'ignorait. Toujours était-il qu'il n'avait jamais eu de petite sœur. Narcissa et Andy étaient plus grandes, Bella trop indépendante. Regulus, ce n'était pas la même chose. C'était un garçon et il avait cru, à tort, qu'il lui ressemblait et prendrait mal toute tentative de le protéger, de le guider… Il n'avait certainement jamais pris le temps d'écouter ses problèmes.

Mais Tonks… Tonks lui rappelait Andy, Cissy et Bella, tout à la fois. Tonks, il l'avait tenue dans ses bras lorsqu'elle était née, l'avait fait danser et tournoyer dans les airs alors qu'elle était à peine assez grande pour balbutier ses premiers mots… Il avait pour elle la tendresse d'un grand-frère et il ressentait ce besoin, cette envie, de la protéger, de la taquiner, d'assassiner les hommes qui lui faisaient du mal… Le fait que Remus soit un de ceux là était un conflit d'intérêt permanent.

Le loup-garou ne parut pas se rendre compte de son dilemme parce qu'il émit un bruit railleur.

« Tu savais ce que tu voulais, toi, à son âge ? » se moqua Remus.

À l'âge de Tonks, il était déjà à Azkaban.

« James et Lily savaient. » riposta-t-il.

Qu'avait ressenti Harry en se retrouvant face à ses parents ? C'était étrange de se dire que, pour son filleul, James était revenu à la vie, l'espace de quelques mois. Un James plus jeune, encore innocent des horreurs de la guerre… Le James rieur, blagueur et frondeur de ses souvenirs. Son cœur se serra légèrement à la pensée de son meilleur ami. Azkaban, curieusement, n'avait jamais eu véritablement raison de ses souvenirs. Il s'était réfugié dans le passé comme d'autres se pelotonnaient dans le coin de leur cellule en espérant apercevoir un morceau de ciel entre deux barreaux.

Pour Harry, James avait été bel et bien vivant. En chair et en os. Un James qui ne disparaissait pas lorsqu'on essayait de le toucher, comme les fantômes qui dansaient à la limite de son champ de vision le faisaient toujours. Il aurait été hypocrite de ne pas admettre un certain degré de jalousie. Il aurait donné n'importe quoi pour revoir James, ne serait-ce que l'espace d'un instant.

« James et Lily n'étaient pas ordinaires. » répondit doucement Remus, un regret dans la voix. Peut-être que Sirius n'était pas le seul à envier Harry… « Il y a des gens comme ça. Ils brillent plus forts que les autres. »

James et Lily avaient brillé plus fort que quiconque. Ils avaient été comme deux de ces corps célestes qui gravitent l'un autour de l'autre, et, autour d'eux, dispersés dans l'immensité de l'espace, plus ou moins loin, il y avait les satellites. Sirius, Remus, Peter, Dumbledore, McGonagall, Slughorn, Alice et, plus tard, Frank…

Cela faisait des années qu'il n'avait plus repensé à Alice et Frank. Qu'étaient-ils devenus après que les Lestrange les aient torturés ? La vieille Londubat les avait-elle gardés chez elle ou les avait-elle faits interner à Sainte Mangouste ? Il gardait d'Alice l'image d'une jeune fille blonde, un peu quelconque, suivant Lily à la trace. Elle était la marraine d'Harry, naturellement. Quelqu'un avait-il seulement pris le temps de le dire au garçon ? Sûrement pas… Pourquoi lui annoncer qu'il avait une marraine uniquement pour lui dire qu'elle était folle à lier ?

« Je crois que tu es en train de faire une erreur, Remus. » insista-t-il, un peu tard.

Au temps que mis le loup-garou à répondre, Sirius sut qu'il était en train de s'endormir.

« Le loup devient fou quand elle est en danger. » marmonna Lunard, les yeux fermés. « C'est trop dangereux, trop… incontrôlable. Même si on pouvait avoir un futur ensemble – ce qui n'est pas le cas. On est en guerre. On ne peut pas se permettre ce genre de distraction. »

L'Animagus laissa rouler sa tête sur l'oreiller, de sorte qu'il ne puisse plus voir son ami. Il retraça du regard le contour de la table de nuit, dans l'obscurité, se demandant pourquoi chaque contour de chaque meuble de cette maison était gravé dans sa mémoire avec tant de précision.

« Justement, on est en guerre. » répondit-il. « Tu parles de futur mais on n'est pas sûr d'en avoir un, de futur. Si j'ai appris une chose de la première guerre, c'est qu'il faut prendre ce qu'on peut, quand on peut. »

Et s'il avait pu, lui aussi, remonter le temps… Il y avait des choses qu'il aurait faites différemment, d'autres qu'il n'aurait pas faites du tout, et d'autres, encore, qu'il oserait faire. Comme trouver le courage de recontacter Agathe, après Poudlard, ou avouer à James qu'il lui avait sauvé la vie plus d'une fois et de tout un tas de façons différentes. C'était étrange l'amitié… Il y avait des choses, pourtant évidentes, qu'on n'osait jamais dire. Par pudeur, par honte, par timidité.

Il chassa la boule qui lui obstruait la gorge en même temps que ces pensées parasites et attrapa, à tâtons, une poignée des couvertures amoncelées sur Remus. Il s'en recouvrit tant bien que mal, se débarrassant de ses chaussures dans la foulée. Il n'avait pas le courage de retraverser la maison vide, d'affronter les spectres qui l'attendaient à chaque détour de couloir, ou de s'envelopper dans cette solitude qui lui pesait davantage chaque jour.

Il devait découvrir ce qui s'était passé avec Harry et réparer les dégâts. Il devait récupérer son filleul.

« J'ai l'impression d'être de retour en quatrième année. » râla Remus, en tirant sur le couvre-lit. « Tu prends toutes les couvertures. »

Un autre que Remus lui aurait probablement fait remarquer qu'ils n'avaient plus l'âge de partager un lit, comme des gamins qui avaient peur du noir. Combien de fois s'étaient-ils endormis dans le lit de l'un ou de l'autre, en échangeant des secrets idiots ? Déjà, à l'époque, Remus était son confident favori. James se moquait parfois un peu trop rudement et Peter était trop avides de ce genre d'aveux nocturnes, mais Remus écoutait sans jamais juger ou répéter. Il lui arrivait même de donner d'excellents conseils.

Regrettable qu'il n'ait pas de conseils concernant le mystère qu'était devenue la relation entre Harry et Snape… Décidément, il n'aimait pas la sincérité qu'il avait perçu dans la voix de Snape lorsque ce dernier s'était inquiété d'Harry. Et il aimait encore moins la réaction d'Harry lorsqu'il avait insulté l'homme. Il se passait décidément quelque chose de louche…

Il aurait été prêt à parier que Dumbledore trempait dans le coup.

« Snape est bizarre, tu ne trouves pas ? » demanda-t-il, soudain.

Ce n'était pas uniquement Harry qui lui avait paru différent… Même Snape… La manière dont il se tenait, parlait, regardait les gens… Il y avait quelque chose de différent. Quelque chose sur lequel il ne pouvait pas mettre le doigt.

Remus étouffa un rire dans l'oreiller.

« Maintenant, j'ai vraiment l'impression d'être en quatrième année. » répliqua le loup-garou.