Chapitre 1 : L'Héritier du Vol Vert

Harry Potter comptait les secondes, enfermé dans sa petite chambre. Des adultes auraient plutôt nommé ça comme « placard à balai », tant l'espace était exigu et plein d'araignées, mais pour le petit garçon, c'était sa chambre.

Trente secondes.

Un petit garçon aux yeux verts allait fêter ses six ans, enfermé dans sa minuscule chambre, avec pour seule compagnie les araignées ayant tissé leur toile dans les coins abîmés du placard.

Quinze secondes.

Étrangement, l'enfant se sentait angoissé, comme si quelque chose allait arriver. Il secoua la tête, essayant de chasser cette impression qui le dérangeait. Les gens normaux n'avaient pas ce genre de pressentiments.
Mais Harry Potter n'était pas normal, après tout.

Trois. Deux. Une…

Une brusque bouffée de chaleur prit l'enfant à la gorge, et il se sentit suffoquer, les larmes aux yeux. L'instant d'après, un vent surnaturel agita les toiles d'araignées en dérangeant leur propriétaire, et le petit garçon disparut.
Cela n'avait duré qu'une seconde, et personne au 4, Privet Drive, ne remarqua quoi que ce soit.

Cette nuit du 31 juillet, où le Survivant Harry Potter fêtait ses six ans, scella pour toujours l'avenir du bambin encore inconscient de son propre pouvoir.

~ H. P ~

Quand le petit garçon de tout juste six ans ouvrit les yeux, il ne reconnut pas son environnement. Où étaient donc passées les araignées et leurs toiles, les murs en bois massif de sa chambre et son matelas inconfortable ?

Au lieu de cela, il se trouvait couché au milieu de ce qu'il semblait être un grand hall d'entrée, sur une douce moquette de couleur crème, bien plus agréable que son matelas si rêche. Harry se redressa et regarda avec curiosité autour de lui, cherchant quelque chose de familier. Il ne se sentait pas inquiet, peut-être que les anges avaient entendus son souhait d'anniversaire ? Lui qui aurait tant voulu être près de son papa et sa maman, plutôt que chez son oncle et sa tante…

— Harry Potter ?

L'enfant se retourna, un peu surpris. Rares étaient les adultes à l'appeler par son prénom. Chez lui, on l'appelait « Monstre », ou « Garçon ». Il n'avait appris son nom qu'en entrant à l'école, quand il avait bien fallu que son oncle et sa tante remplissent les papiers d'inscription, bien malgré eux.

Il découvrit derrière lui une grande dame aux étranges cheveux blancs, dotée d'impressionnants yeux rouges mais au regard bienveillant. Il remarqua aussi, brillant faiblement à la lumière des lustres, ce qu'il semblait être des écailles claires sur ses joues, descendant le long de son cou pour disparaître sous ses vêtements. Il sut instinctivement qu'elle n'était pas ce que l'Oncle Vernon appellerait quelqu'un de « Normal », mais plutôt un monstre, comme lui.

Alors qu'il se dandinait timidement devant l'inconnue, cette dernière sondait l'esprit du jeune garçon devant elle et devait retenir l'envie de meurtre qui grandissait au creux de ses entrailles. Dans quel environnement ce petit avait-il évolué, ces cinq dernières années ? Oh, Lily, tu devais tant pleurer ton fils, de là où tu étais.

— Oui madame ? répondit poliment l'enfant, bien que son malaise fut nettement perceptible
— Je m'appelle Sandra Blanchécaille, articula doucement l'adulte peu habituée à la langue humaine. Je suis une amie de ta maman. Tu viens d'avoir six ans aujourd'hui, pas vrai bonhomme ?
— Une amie de maman ? répéta Harry, les yeux brillants.
— Oui petit. Je suis ta marraine, et aujourd'hui, je peux enfin te récupérer près de moi… soupira doucement l'adulte en se mettant à genoux, près du garçon.

Elle aurait beaucoup de choses à dire à l'enfant. Beaucoup de choses à lui apprendre. Ce petit garçon aux yeux si caractéristiques, qui ignorait tout de son ascendance et de ses pouvoirs. Elle retint un frisson en goûtant la magie de son filleul. Oh oui, quel désastre cela aurait-il été, s'il continuait à grandir dans un tel environnement, sans cadre, sans explications, sans guide et surtout, sans amour.

— Je ne retournerai plus chez Oncle Vernon et Tante Pétunia ? demanda l'enfant, sans trop oser y croire.
— C'est compliqué, petit, je t'expliquerai un peu plus tard. Mais je te promets que tu ne seras plus jamais seul. Tu as faim ?

L'enfant hocha la tête, timidement. Avait-il le droit de demander de la nourriture à la madame en face, qui se montrait si douce, si gentille avec lui ?
Il craignait les coups, que cela ne soit qu'un piège.
Mais du haut de ses six ans, il avait besoin de croire en l'amour, alors il glissa sa petite main dans celle, si blanche, écailleuse de Sandra Blanchécaille, et la suivit, sans savoir où il allait. Cela ne pouvait pas être pire que chez son Oncle, pas vrai ?

~ H.P ~

Quand il se remémorait son sixième anniversaire, Harry n'éprouvait que tendresse et gratitude. Sa rencontre avec Sandra avait changé tant de choses dans sa vie.

Sa marraine, comme il l'avait supposé étant plus jeune, n'était pas humaine. Pas plus que lui, d'ailleurs. Elle était une formidable et puissante Lamia, mi-femme, mi-serpent. Une puissante Lamia, capable de se transformer intégralement et au venin si virulent que rares osaient se mettre en travers de sa route. Elle était la matriarche du clan Blanchécaille, un des trois clans de lamias vivant dans les Ombres.

Les Ombres… Son nouveau monde. Un monde proche de celui des Hommes et des Sorciers, dans lequel se réfugiait bon nombre de créatures magiques. Semblable en tout point à la Terre, ils vivaient dans un plan parallèle, se servant de l'ancienne magie rituelle pour passer de l'un à l'autre. Cette ancienne magie, qui s'était manifestée lors de son premier héritage magique, l'avait transposé dans la demeure de sa marraine.

Sa marraine… Harry se sentit bêtement fier de pouvoir appeler Sandra comme telle. Bien qu'il dût garder ses distances, taire cette relation lorsqu'il entra dans l'Ecole des Créatures Magiques, que Sandra dirigeait. Il y avait appris tant de choses là-bas… Et surtout, qui il était.

Harry était un dragon. Probablement le dernier de sa lignée, et à cause de cela, un grand poids pesait sur ses frêles épaules. Sa marraine lui avait enseigné les bases de l'éducation des nobles et des dragons, s'aidant dans sa tâche d'un précepteur draconique issu du Vol Bleu qui, apprenant la survie du Vol Vert, s'était mis à la tâche avec le plus grand enthousiasme.

Les dragons étaient une race particulière. Divisées en plusieurs Vols de couleurs différentes, caractérisées par un attrait physique reconnaissable, ils entretenaient une farouche rivalité entre leurs vols, mais au-delà de cette rivalité, aucun n'avait oublié la fraternité qui unissait les premiers dragons ayant foulé cette terre. Ainsi, lorsqu'on présenta Harry, à l'âge de sept ans, en tant qu'Héritier du Vol Draconique Vert, cela avait fait grand bruit dans le mondes des Ombres. Et cette annonce avait fait pleurer beaucoup, beaucoup de dragons qui revoyaient la douce mais terrifiante Lily Potter en son fils. Leur sœur avait peut-être disparu, quelques années plus tôt, mais leur fils, lui, était là, vivant, et prêt à embrasser son héritage draconique.

Demain, Harry fêterait ses onze ans, et il savait déjà ce qui l'attendait. Sandra l'avait prévenu. Il s'attendait à recevoir sa lettre pour Poudlard, une école de sorcellerie dirigée par Albus Dumbledore. Les sorciers ignoraient tout de la race véritable de Lily Potter, et le monde des Ombres se méfiait d'Albus Dumbledore comme de la peste. Il était trop blanc, trop lisse, et aux actions trop ambigues envers leurs peuples pour rester serein. Après tout, c'était lui qui avait placé Harry chez les Dursley, allant à l'encontre des dernières volontés de Lily Potter, quand de nombreuses autres personnes plus qualifiées auraient pu s'occuper du petit garçon.

Oui, Harry Potter était prêt. Il avait passé toute son enfance dans le monde des Ombres, sans que personne ne s'en doutât un jour. Les puissants enchantements qui assurait la protection des résidants avaient suffisamment altéré la mémoire des Dursley pour que personne ne s'en doutât jamais.

Devant le portail, il adressa un regard tendre à sa marraine, qui allait regretter son filleul. Oh, bien sûr, ce dernier reviendrait à chaque congé scolaire. Il avait des amis, dans l'Ecole des Créatures Magiques, et il n'était pas prêt à renier cette partie de son existence. Pourtant, il avait décidé, envers et contre tout, qu'il voulait aussi découvrir le monde de son père, le monde Sorcier. Après tout, beaucoup de créatures magiques faisaient pareil, et l'Ecole des Créatures Magiques ne fonctionnait pas sur le même modèle que Poudlard…

Il connaissait déjà quelques sorciers, d'ailleurs. Il savait qu'il allait retrouver l'un de ses plus proches amis cette année, et l'an prochain, sa petite sœur de cœur le rejoindrait également.
Toutefois, il était un peu angoissé par cette séparation. Nerveux, il effleuré le pendentif que lui avait offert Sandra pour ses dix ans, quand son second héritage magique l'avait touché. Il lui permettait de canaliser son trop plein de magie, contenait un téléporteur d'urgence pour le monde des Ombres et surtout, protégeait son esprit des intrusions mentales.

— Tu es prêt, Harry ?
— Oui marraine… soupira l'enfant, toujours aussi peu serein. Je sais que je vais vite rejoindre Neville et que Severus sera là aussi, même s'il va continuer à jouer un rôle auprès de Dumbledore…
— Mais ?
— Mais et si jamais je n'arrive pas à m'intégrer ? Ou si les gens se doutent que je ne suis pas qu'un sorcier ? Et si mes amis m'oublient ?
— Harry… Tu as encore deux héritages magiques à vivre avant d'acquérir ton plein potentiel magique ainsi que ta forme draconique. Tu n'as rien qui puisse te trahir, tes écailles n'apparaîtront pas avant tes quinze ans. Les copains que tu t'es fait ici ne t'oublieront pas, et tu n'auras aucune difficulté à te faire de nouveaux amis.
— Et… Et s'ils ne voient que Le Survivant ? Et pas moi ?
— Alors, c'est qu'ils ne te méritent pas. Au début, beaucoup seront intrigués par ce titre, laisse leur le temps de te connaître et de voir au-delà, mais je sais que tu parviendras à voir qui sera un ami, et qui sera juste intéressé par ta célébrité.

Harry se fit alors capturer par les bras frêles de sa marraine, et il se lova contre elle, profitant de ce câlin qui lui faisait tant de bien.

— Tu parviendras à garder ton rôle, Harry. Tu es le digne fils de ta mère et de ton père. Montre leur ce qu'ils veulent voir, et ils tomberont d'encore plus haut lorsque tu te révèleras. J'ai confiance en toi, petit lézard.
— Merci, marraine…

Après une dernière embrassade où Sandra et Harry retirent leurs larmes, le jeune adolescent franchit le portail menant au monde sorcier. Bientôt, il leur montrerait qui il était. Il devait juste être patient.

Et un dragon pouvait se montrer très, très patient…