Hello, Hello!
Bon ne nous mentons pas, ça fait des mois XD Je pourrais m'étendre sur la durée du hiatus, sur les pourquoi du comment, mais ce serait compliqué à expliquer. Pour ce qui se sont inquiétés, je vous remercie pour vos messages, je vais bien ne vous inquiétez pas.
Je vous remercie tous pour vos reviews et vos encouragements. Ils font chaud au coeur et je suis toujours hallucinée de voir les retours sur les Cicatrices ou cette fic-ci.
Je remercie moins pour les messages un peu moins polis que certains ont cru bon de m'envoyer ;)
Espérons que le prochain chapitre arrivera plus vite. Je pense avoir cerné le blocage et vu où était le problème, donc j'espère pouvoir avancer plus vite désormais. =)
Je rappelle qu'il n'est pas possible de répondre directement aux reviews anonymes donc... Si vous avez des questions auxquelles vous voulez absolument des réponses et auxquelles je peux répondre sans spoilers, il faut soit vous connecter, soit me laisser un message ailleurs sur twitter ou tumblr (les liens sont sur mon profil). Ou si vous voulez juste savoir où on en est au niveau publication d'ailleurs. Je donne régulièrement des nouvelles sur twitter.
Il y a des remarques récurrentes à propos d'Harry qui serait OOC... Le Harry de cette histoire-ci vient directement des Cicatrices. Si vous le trouvez trop "enfant" c'est parce que j'ai volontairement essayé de lui rendre son age (je suis constamment entourée d'adolescents) et l'impact que les divers traumatismes qu'il a vécu ont eu sur lui. Je ne vois pas vraiment comment le justifier davantage et je n'en ai pas vraiment envie à vrai dire. J'ai passé les derniers mois à douter de cette histoire, à bloquer sur chaque détail... Je sais où chaque personnage va, je sais où l'histoire va... Vous avez bien sûr le droit d'avoir votre opinion, et je suis toute prête à entendre des critiques constructives, mais ma réponse sur le point d'Harry étant OOC est : je ne sais pas. On m'a dit qu'on ne retrouvait pas dans le Dernier Secret le Harry du début des Cicatrices, c'est normal. Il a changé, il évolue, il régresse... Il est humain. Ou du moins, j'essaye.
Quoi qu'il en soit, merci pour votre fidélité et vos messages. Je sais d'avance que je ne pourrais pas répondre à toutes les reviews donc ne vous offensez pas si vous n'obtenez pas de message mais sachez que je les lie et les apprécie toutes.
A tout bientôt j'espère!
Enjoy & Review
"Somewhere, far down, there was an itch in his heart, but he made it a point not to scratch it. He was afraid of what might come leaking out."
― Markus Zusak, The Book Thief
« Quelque part, tout au fond, un bout de son cœur le démangeait, mais il prenait garde à ne pas le gratter. Il avait peur de ce qui pourrait en suinter. »
― Markus Zusak, The Book Thief
Chapitre 12 : An Itch In His Heart
« Vois le bon côté des choses, ça évite un mariage. » plaisanta Charlie avec une telle désinvolture que Bill dut ravaler l'envie de l'attraper par les épaules et de le secouer pour lui mettre un peu de plomb dans la cervelle.
La chambre d'hôpital de Sainte Mangouste n'était pas l'endroit rêvé pour cela, cependant. Ses yeux bleus se posèrent sur la silhouette immobile d'Anthony. Des deux, il était le plus mal en point, ayant drainé ses réserves magiques presque jusqu'à l'épuisement. Il n'en garderait toutefois pas de séquelles durables. Charlie, lui, s'était remis rapidement.
Non, les conséquences, les vraies, étaient invisibles. Les Langues de Plomb avaient fait ce qu'ils avaient pu, les Médicomages avaient donné leur maximum, mais, en vérité, on ne mélangeait pas son empreinte magique avec celle d'un autre sorcier sans en garder quelques effets secondaires. Pour l'instant, les deux jeunes hommes ne pouvaient pas s'éloigner l'un de l'autre de plus de quelques mètres sans ressentir immédiatement une fatigue intense et une perte de contrôle de leur magie. Les Médicomages avaient bon espoir que la distance augmente avec le temps jusqu'à totalement disparaître. Mais pour l'instant…
« Est-ce que tu te rends compte de tout ce que ça implique ? » cingla Bill.
Il était clair que son frère n'avait aucune idée des ennuis dans lesquels ils étaient empêtrés jusqu'au cou. Ce n'était pas seulement la santé de Charlie et d'Anthony qui l'inquiétait. Comment allaient-ils tous vivre ? Les lettres de licenciement de Gringotts étaient arrivées par hiboux express le lendemain de l'attaque du Chemin de Traverse. Bill s'était immédiatement mis en quête d'un nouvel emploi et avait contacté son propriétaire afin de rendre son appartement – autant voir la réalité en face, il passait pratiquement toutes ses nuits au Terrier de toute manière – mais cela ne solutionnait rien. Personne ne recherchait un conjureur de sorts de manière permanente, certains Sang-Purs embauchaient toujours de façon épisodique lorsqu'il leur fallait de l'aide pour accéder à une vieillerie ou une autre protégée par des sortilèges dans leurs coffres familiaux, mais cela ne suffirait certainement pas à les nourrir tous et à payer les frais de ses frères et sœur. Pire, il ne voyait pas bien comment Charlie pourrait retrouver un travail dans sa condition actuelle – ou même où il pourrait bien se faire engager, les dragons ne courraient pas les rues en Angleterre – et le salaire de Percy, quoi que confortable, disparaitrait bien vite dans le gouffre financier qu'était le Terrier.
« Percy et moi envisageons de vendre la maison. » asséna-t-il, sans prendre de gants.
Charlie écarquilla les yeux, choqué. Le choc tourna vite à la colère, cependant. « Vous ne pouvez pas ! Je vous l'interdis ! Et qu'est-ce que vous voulez faire de maman ? La coller à Sainte-Mangouste ? Non. »
Bill s'était attendu à ce genre de réaction. « Que veux-tu que nous fassions d'autre ? Nous n'avons pas suffisamment d'argent, Charlie. C'est la maison ou Muriel mais tu sais comme moi qu'une fois qu'on l'aura impliquée… »
« Muriel est un dragon. » cracha Charlie. « Elle ne nous laissera jamais en paix. Si tu lui empruntes de l'argent… »
« Peut-être mais on en est là. » le coupa Bill. « Et, pour être franc, ça ne me dérangerait pas qu'elle se mêle de tout. Percy et moi ne pouvons pas garder un œil sur maman en permanence. Ce n'est pas possible. »
« L'argent ça se trouve. » bougonna Charlie. « Attends que je sorte d'ici et… »
« Et quoi ? » se moqua-t-il, sans véritable gentillesse. « Tu vas à nouveau essayer de défoncer la porte de Gringotts pour les cambrioler cette fois-ci ? Tu en as fait assez, Charlie. »
« N'agis pas comme si tout était de ma faute. » s'énerva son frère. « Je n'y peux rien si maman… »
Charlie avait l'air si triste soudain que la colère de Bill reflua lentement.
« Non, bien sûr. » soupira-t-il. « Mais on ne peut pas faire l'autruche éternellement. » Il sortit sa vieille montre cabossée de sa poche – un cadeau de son père pour ses dix-huit ans – et vérifia l'heure. « Je dois y aller. J'ai un job en Cornouaille. »
Un job qui impliquait des Sang-Purs étranges et une relique qui empestait la magie noire mais Bill avait trop besoin d'argent pour être regardant. Ce ne serait pas le premier travail douteux qu'il avait accepté ces dernières semaines, de toute manière.
Il était désormais le chef de famille et il ferait ce qui devait être fait pour la garder à flots.
°°O°°O°°O°°O°°
« Tu ne m'as jamais dit sur quoi tu travaillais. » remarqua Remus, de là où il était installé, sur le sofa usé jusqu'à la corde situé près de la cheminée. Les dossiers que Tonks avait chapardés au Ministère étaient étalés autour de lui, retraçant la vie à la fois banale et compliquée de Laura Flemmings.
Sirius leva les yeux du grimoire qu'il était en train de parcourir, cillant dans l'obscurité glauque qui régnait dans la bibliothèque. Il détestait cette pièce et ne s'était résolu à s'y installer uniquement lorsqu'il était apparu évident qu'il lui faudrait des textes de référence. Snape lui avait envoyé quelques livres traitant des Horcruxes ainsi que la copie de ses recherches mais tout était beaucoup trop technique pour lui, il peinait à suivre. Ajouté à cela, il devait s'entraîner de façon régulière à l'Occlumencie, ce qui l'obligeait régulièrement à consulter quelques grimoires. Il ne pouvait pas vider les rayonnages sans mettre la puce à l'oreille de son meilleur ami.
Il avait bien tenté de faire un peu le ménage, allant même jusqu'à essayer de contacter Molly pour qu'elle l'aide mais, depuis peu, elle ne semblait jamais être au Terrier, et sa maîtrise des sorts de nettoyage était aléatoire. Sa tentative de laver les carreaux de l'unique fenêtre s'était soldée par un échec cuisant qui n'avait eu pour égal que la catastrophe qui s'était produite lorsqu'il avait tenté de dépoussiérer l'énorme tapis. De guerre lasse, il avait fini par décrocher les lourdes tentures de velours qui pendaient de chaque côté de la fenêtre afin de laisser passer davantage de clarté et avait ordonné à Kreattur de s'occuper du reste. Comme toujours avec cet elfe de maison bon à rien, Sirius n'avait pas intérêt à être pressé.
« Rien de particulier. » haussa-t-il les épaules.
Il n'aimait pas mentir à Remus mais s'il le mettait dans la confidence et que Snape le découvrait, il craignait que leur alliance déjà fragile ne se brise. Oh, il ne tenait pas particulièrement à Snape mais il croyait à présent l'homme lorsqu'il disait se soucier en priorité d'Harry et il fallait admettre que Remus n'était pas l'exemple même de quelqu'un de mentalement stable récemment – et venant de lui, cela voulait sans doute tout dire. De plus, Sirius n'était pas suffisamment stupide pour ne pas s'être aperçu d'une tension nouvelle entre Remus et Snape. Il n'était pas persuadé que le loup-garou aurait cru en ce que le Mangemort avait à dire, souvenirs à l'appui ou pas.
L'ironie de la situation ne lui échappait pas davantage : que Remus soit prêt à sauter à la gorge de Snape et que lui, Sirius, se retrouve à faire tampon ne manquait pas de sel.
« Tu avances ? » demanda-t-il, par politesse plus que par réel intérêt. À chaque nouvelle réunion, Dumbledore demandait où en était la recherche de Remus et à chaque nouvelle réunion, Remus se présentait les mains vides. Tonks insistait pour reprendre les fouilles à sa place, persuadée qu'elle pourrait retrouver la mystérieuse femme en quelques heures et cela dégénérait immanquablement en dispute.
« Si je veux la localiser, je dois trouver la meute de Greyback. » décréta Remus. « C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. »
Ça ne pouvait pas être pire que lire et relire les atrocités nécessaires à la création d'un Horcruxe ou tous les commentaires, extrapolations et hypothèses de Snape sur le sujet. Toutes les voies que le Maître des Potions avaient explorées concernant un vaisseau humain aboutissaient toujours à la même conclusion : Harry ne survivrait pas à la destruction du fragment d'âme de Voldemort. Sirius pouvait presque sentir la frustration et la fureur de l'homme rien qu'à voir son écriture pointue se transformer en pattes de mouche illisible.
« Peut-être que si tu demandais à Tonks… » suggéra-t-il.
« Non. » aboya presque son meilleur ami. Le carillon sur la cheminée résonna à ce moment là et Sirius ne put s'empêcher de penser qu'il était sauvé par le gong. « C'est l'heure de la leçon d'Harry. Je dois aller à Poudlard. »
« À plus tard. » répondit-il distraitement, avant de se replonger dans ses recherches. Il ravala l'envie de proposer à Remus de l'accompagner, sachant que son filleul n'approuverait pas. Harry lui avait envoyé quelques lettres – quoi que si courtes qu'elles auraient pu être qualifiées de simple 'mots' mais Sirius rongeait son frein, déjà heureux d'avoir obtenu si peu– qui parlait de tout et de rien, surtout de rien d'ailleurs, et l'Animagus l'avait compris comme une offre de repartir à zéro. Il refusait de risquer de tout foutre en l'air par pure impatience. Il contrôlerait ses tendances purement Gryffondor et ferait de son mieux pour réparer les pots cassés.
En deux semaines, il estimait qu'ils avaient déjà fait des progrès.
°°O°°O°°O°°
Deux semaines et Harry ne constatait aucun progrès.
Les « cours particuliers de Défense » que Remus lui donnait étaient on ne peut plus différents de l'entraînement auquel Snape l'avait soumis.
Snape le formait pour une guerre.
Remus l'encourageait à camper sur une position défensive qui, au demeurant, ne le sauverait pas lors un véritable combat.
Les labyrinthes et autres mises en situation déroutantes que le Professeur des Portions lui inventaient lui manquaient. Certes, il avait appris quelques sortilèges défensifs intéressants avec Remus, des sortilèges qu'il s'était empressé de partager avec le reste de l'A.D., mais il n'y avait pas de véritable difficulté à esquiver, parer et bloquer les sorts que le loup-garou faisait pleuvoir sur lui et, de guerre lasse, Harry laissa échapper un soupir.
« Je t'ennuie, peut-être ? » demanda Remus, non sans humour.
Harry lui lança un sourire contrit et se força à se concentrer davantage sans toutefois y parvenir. Esquiver, parer, bloquer… Esquiver, parer, bloquer… Esquiver, parer, bloquer…
Le loup-garou voulait que les gestes deviennent instinctifs, que l'adolescent puisse les faire dans son sommeil… Si ça continuait ainsi, ils ne tarderaient pas à tester cette théorie.
« Bien. » Remus déclara, après une longue demi-heure. « Je pense que cela suffit pour aujourd'hui. Très bon travail, Harry. »
« Si vous le dites. » marmonna-t-il, acceptant toutefois la chocogrenouille que lui tendit le loup-garou. L'adolescent était partagé entre l'envie de lui rappeler qu'il n'était plus un troisième année et une gourmandise prononcée. Son estomac l'emporta et il décapita la grenouille en chocolat d'un coup de dent.
« Je sais que ces exercices te paraissent ennuyeux… » soupira l'ancien Professeur de Défense. « Cependant… »
« Je n'ai pas besoin de ça. » coupa-t-il. « Je ne veux pas vous vexer, Remus, mais je peux me défendre. Ce dont j'ai besoin, c'est de m'entraîner à faire face à plusieurs adversaires, d'être mis en difficulté. »
L'amusement se disputait à l'agacement sur le visage du lycanthrope. « Il y a une différence entre confiance en soi et arrogance, Harry. Tu… »
« J'ai affronté des Mangemorts. » lâcha-t-il, passablement ennuyé de devoir justifier son désir d'apprendre à se battre, pas simplement à se défendre. « J'ai affronté Voldemort. La Défense, c'est bien, Remus, mais croyez-moi, je sais de source sûre que ça ne suffit pas. Quand on était dans le passé… » Il haussa les épaules, se remémorant les multiples attaques et duels auxquels il avait dû faire face ces derniers mois. « Si je suis encore vivant aujourd'hui, c'est parce que mon père m'a entraîné comme il faut. »
Il ne se rendit compte qu'il avait fait une erreur qu'une seconde trop tard.
« Ton père… » hésita Remus, en fronçant les sourcils.
C'était drôle, songea Harry, le temps qu'il lui avait fallu pour apprendre à mentir au début, les mois passés à balbutier à chaque fois qu'il lui avait fallu affirmer que Snape était son père, que son nom était Harry Prince, qu'il était le fils du Professeur de Défense… Excepté que cela n'avait rien de drôle. Parce que, à présent, il ne savait plus où débutait le mensonge et où finissait la vérité. Il ne savait plus très bien qui il était. Saevus Prince n'existait pas davantage qu'Harry Prince. Quant à Severus Snape il ne pouvait être le père, même adoptif, d'Harry Potter. Pas dans cet univers-ci.
« Severus. » précisa-t-il toutefois. Le prénom passa ses lèvres avec une facilité déconcertante et il ne se reprit qu'un peu trop tard. Encore une fois. Décidément, moins d'un mois loin de la salle commune des Serpentards et il perdait toute la subtilité si rudement acquise. « Le Professeur Snape. »
Remus lui adressa un sourire qui débordait de gentillesse. « Oui, je sais qui est Severus. »
Harry haussa les épaules, finit sa chocogrenouille et essuya ses doigts poisseux de chocolat sur son pantalon.
Remus l'observait en silence, ses doigts pianotant distraitement sur le bureau contre lequel il était appuyé.
« Le Professeur Dumbledore m'a demandé d'insister sur la Défense. » avoua le loup-garou. « J'ai cru comprendre qu'il craignait que Severus t'ait poussé un peu trop loin. »
Les yeux d'Harry se braquèrent immédiatement sur le tableau qui pendait au fond de la salle de classe. La vieille princesse dormait dans sa tour ou, du moins, prétendait dormir.
« Sans blague ? » se moqua-t-il. Il ne savait pas à quoi jouait Dumbledore. Sa seule source d'information était Snape et, sans lui, il était tenu dans le noir complet quant à ce qui se passait à l'extérieur. Un simple coup du poignet suffit à faire tomber sa baguette dans sa main. D'un geste fluide, il fouetta l'air, murmurant le sortilège du bout des lèvres. Une sphère dorée emprisonna le tableau de la princesse. Remus l'avait regardé faire sans bien comprendre, une expression perplexe sur le visage. Harry se fendit d'un sourire satisfait. « Et si on faisait un pari ? Si je vous bats, on oublie la Défense pure et dure et on passe au niveau supérieur. »
Une lueur d'amusement s'alluma dans les yeux de Remus. « Tu ne me battras pas. »
« J'ai battu mon père. » répliqua-t-il. Il ne précisa pas qu'il parlait de Snape et le loup-garou ne le corrigea pas. Harry se détendit légèrement.
« Tu as battu Severus en duel… » répéta l'homme avec incrédulité.
« Une fois. » avoua-t-il. « Par surprise. Mais je l'ai fait. »
L'ancien Professeur le dévisagea quelques secondes puis haussa les épaules avec un sourire. L'espace d'un instant, Harry eut l'impression de se retrouver face à l'adolescent qu'il avait côtoyé des mois durant plutôt que face à l'ancien Professeur de Défense.
« Soit. » capitula le loup-garou. « Si tu me bats… »
Harry ne le laissa pas terminer sa phrase, il plongea derrière un des bureaux, jetant son premier stupefix. Surpris, Remus ne le para qu'in extremis.
« Il est de bon ton de saluer avant un duel… » le gronda gentiment le loup-garou.
« Ce n'est pas un duel, c'est un entraînement. » rétorqua-t-il, dissimulant mal une certaine excitation à la perspective d'un adversaire à sa mesure. Il brûlait de dépenser son énergie et aucun des membres de l'A.D. n'avait un niveau comparable au sien. « Nox. » Les torches s'éteignirent brutalement, plongeant la salle de classe dans la pénombre. « Nebula. » Aussitôt, un épais brouillard envahit la salle de classe, limitant dangereusement la visibilité. Cela handicapait Harry, évidemment, mais il était nécessaire de corser le jeu.
Pendant un moment, il n'y eut plus un bruit. Tout ce que le garçon pouvait entendre était les battements anarchiques de son cœur, et pourtant, un sourire extatique était accroché à ses lèvres. La décharge d'adrénaline lui fit du bien. Pour la première fois depuis un certain temps, son esprit était clair, libre des angoisses qu'il traînait quotidiennement comme un boulet à la cheville…
Malgré la brume épaisse, il détecta le mouvement sur sa gauche et dressa un bouclier qui ralentit à peine le stupefix ennemi. Cela n'avait aucune importance, Harry n'était déjà plus là. Il avait bondi par-dessus le bureau, s'était élancé vers l'autre bout de la salle et l'imposante armoire qui lui assurerait une bien meilleure couverture.
Étudier le terrain, était une des règles favorites de Severus.
« Nox et Nebula étaient deux bonnes idées… » observa Remus, sans qu'Harry ne parvienne à le localiser dans la pièce, sa voix semblait rebondir sur les murs, étrangement altérée. « La prochaine fois, cependant, tâche de te souvenir qu'un loup-garou a des sens plus affutés que la plupart des humains. »
Il lui sembla que la voix venait de derrière lui mais Harry devina instinctivement que ce n'était qu'un leurre pour la raison très simple que Remus était un Gryffondor et qu'un Gryffondor n'attaquait pas le gens dans le dos. Un an encore auparavant, il aurait hésité.
Lorsqu'il roula au sol, baguette pointé dans la direction opposée, son geste était sûr et fluide. « Petrificus Totalus. »
Il y eut un bruit sourd puis plus rien.
Harry retint mal un ricanement ravi. « Lumos. Evanesco. » Les torches se rallumèrent et le brouillard disparut. Remus était tombé sur le dos, et, les yeux grands ouverts, le fixait du regard avec une expression à moitié surprise et à moitié vexée. Le Gryffondor prit pitié. « Finite. »
Le loup-garou attrapa la main que l'adolescent lui tendit pour l'aider à se relever.
« Pas mal du tout. » commenta l'ancien Professeur de Défense.
Harry n'osa pas lui avouer que cela avait été facile.
« Leçon numéro un du programme Severus Snape : ne jamais sous-estimer l'adversaire. » se moqua-t-il gentiment, le sérieux dans sa voix était cependant perceptible. « Je perds mon temps avec ce genre d'entraînement, Remus. Je veux progresser pas régresser. »
Le loup-garou l'observa attentivement puis un sourire légèrement attristé étira ses lèvres.
« Tu as vraiment changé, Harry. » remarqua l'homme doucement. « Je comprends pourquoi Albus craint l'influence de Severus. »
Harry n'aimait pas le tour que prenait la discussion.
« Severus ne m'a pas changé. » se défendit-il. « J'ai juste grandi. J'ai appris beaucoup de choses en soixante-quinze. »
« Comme réfléchir en Serpentard. » avança le loup-garou prudemment. En apercevant l'expression d'Harry, il leva bien vite les mains en geste de paix. « Ce n'est pas une critique, les Serpentards sont souvent les meilleurs tacticiens et Severus est probablement l'un de nos meilleurs stratèges, toutefois ses méthodes sont… Eh bien, on ne peut nier que pour Severus la fin justifie les moyens. »
« Parce que la fin justifie souvent les moyens pour de vrai. » répliqua Harry.
« Je ne suis pas certain d'être tout à fait d'accord avec toi sur ce point. » répondit Remus. « Et je ne suis pas certain non plus que ce soit une valeur qu'il faille inculquer à un enfant. »
« C'est ça votre problème, alors. » lâcha-t-il. « Je ne suis pas un enfant. J'aurais pu vous tuer tout à l'heure. »
« Vraiment ? » s'enquit Remus. « Je t'ai sous-estimé, c'est vrai, mais si j'avais véritablement voulu gagner… »
« La prochaine fois, ne retenez pas vos coups, alors. » le coupa-t-il avec irritation. « On verra bien qui sera le meilleur. »
Il tourna les talons et planta le loup-garou dans la salle de classe, agacé au-delà des mots.
°°O°°O°°O°°O°°
« Comment ça non ? »
« Non veut dire non. » répondit Hermione calmement, en tournant la page de son livre de potions. « Si tu ignores la signification précise de ce mot, je te suggère le rayon des dictionnaires. Il est un peu plus loin là-bas, sur la gauche, juste après le rayonnage sur les runes. » Elle agita vaguement la main dans la bonne direction mais ne leva pas les yeux de son manuel, trop occupée à ficher les informations importantes du dernier chapitre qu'ils avaient étudié en vue de ses révisions pour les B.U.S.E.s.
Leur table habituelle, au fond de la bibliothèque, était moins pleine qu'à l'accoutumée : Luna et Neville étaient les grands absents avec Hannah et Susan. Toutefois, Ron et Lavande paraissaient bien plus occupés à se lécher le visage qu'à étudier, quant à Blaise et Daphné, ils avaient disparu entre les rayonnages plus d'une demi-heure auparavant et n'avaient pas réapparu depuis. Ginny et Astoria discutaient à voix basse de leur devoir de Sortilèges dans un coin, la cadette des Weasley jetant régulièrement des regards noirs à son frère, et Draco, bien entendu, faisait de son mieux pour empêcher Hermione de travailler correctement.
Elle aurait aimé pouvoir se mettre en colère mais à chaque fois que ses yeux croisaient les siens, son irritation fondait comme neige au soleil et elle devait s'efforcer de ravaler un sourire. Dieu, ce qu'il pouvait être agaçant.
« Granger… » plaida-t-il, de ce ton geignard que, fut-un temps, elle trouvait insupportable. Désormais, elle le trouvait tout aussi insupportable mais pour une raison indéterminée, elle le trouvait également mignon. Il y avait des jours, des jours comme celui-ci, où Hermione songeait sérieusement à consulter un Médicomage.
« Non. » répéta-t-elle fermement.
Non, elle ne le laisserait pas la convaincre d'aller faire un tour dans le parc. Non, elle ne céderait pas comme ses amis l'avaient fait aux hormones qui bouillonnaient en elle. Non, elle ne gâcherait pas une heure de révision à embrasser Draco jusqu'à en avoir mal aux lèvres parce qu'elle était Hermione Granger et qu'il était impensable qu'Hermione Granger n'obtienne pas un maximum de O à ses B.U.S.E.s.
« Quel ingrédient vient après la poudre d'acore ? » demanda-t-il, d'un ton où l'ennui se disputait à l'ironie.
« La bave de salamandre. » répondit-elle distraitement. « Puis deux tours dans le sens des aiguilles d'une montre et les larmes de fées, puis un tour dans le sens contraire des aiguilles d'une montre et un temps de repos de trois heures avant de rajouter les aiguilles de pin. »
« Tu connais ce chapitre par cœur ! » soupira Draco. « Il y a du soleil… Tu sais depuis combien de temps il n'y a pas eu de soleil ? »
« Depuis hier. » rétorqua-t-elle, en recopiant soigneusement un paragraphe sur son parchemin. « La Terre ne s'est pas arrêtée de tourner que je sache donc le soleil s'est levé hier et il se lèvera demain. »
« Tu n'as aucun sens de l'humour. » reprocha le Serpentard dans un de ces soupirs dramatiques dont il avait le secret. « Et aucune subtilité non plus. J'ai envie de t'embrasser. Dois-je te l'écrire en Runes anciennes pour que tu comprennes le message ? »
Elle cilla mais garda résolument les yeux rivés sur son parchemin. Détermination, se gronda-t-elle. Ce n'était qu'au prix d'une détermination sans bornes et d'un acharnement sans limites qu'elle obtiendrait les O qu'elle convoitait.
« Sérieusement, si vous vous comportez comme ces deux idiots là, je vais vous botter les fesses. » avertit Ginny, en désignant son frère d'un signe de tête. « On essaye d'étudier, nous. »
« Oh, comme tu es aigrie… » ricana Draco, ayant visiblement trouvé une autre distraction qu'elle. « Quel est le problème, Ginny ? Potter n'a toujours pas réalisé que tu étais la femme de sa vie ? »
« Ta gueule, Malfoy. » grinça la quatrième année.
« Ta gueule, Malfoy… Ça me plait. J'aime ce programme. » lança Harry, en jetant son sac par terre et en se laissant tomber sur une chaise libre. Il jeta un coup d'œil à Ron et Lavande et leva les yeux au ciel.
Hermione et Ginny échangèrent un regard. Ni l'une ni l'autre ne l'avaient vu arriver, impossible de dire s'il avait entendu la remarque de Draco ou pas. Pour la peine, Hermione décocha un coup de pied dans le tibia de son petit-ami.
« Ouch ! » s'exclama Draco. Il la fusilla du regard et se baissa pour se masser la jambe. « Il va vraiment falloir penser à faire quelque chose pour ta violence gratuite. »
Trop habitué à ce genre d'échanges entre eux, personne ne lui prêta attention.
« Ta leçon s'est bien passée ? » s'enquit Hermione.
Harry eut un regard en coin pour Draco, toujours méfiant à l'égard du Serpentard, mais haussa finalement les épaules. Les cours particuliers que Remus lui donnait étaient censés être un secret, en conséquence tout Poudlard était déjà au courant.
« Comme d'habitude. » soupira le Survivant, sans grand enthousiasme.
Elle en conclut qu'il avait trouvé cela aussi ennuyant que la fois précédente. Elle ne put retenir une moue agacée, elle n'aurait rien eu contre des cours particuliers de Défense.
« Tu as déjà commencé le devoir que Snape nous a donné ? » changea-t-elle de sujet.
« Celui sur les boucliers élémentaires ? Je l'ai déjà fait au début de l'année… » répondit-il. « Les cours étaient beaucoup plus avancés dans le passé. »
Malgré elle, Hermione eut un mouvement d'humeur. Elle croisa le regard moqueur de Draco. Ce dernier ne disait rien mais n'en pensait très visiblement pas moins qu'elle, la tête légèrement inclinée sur le côté, un fin sourire aux lèvres, la défiant tacitement de défendre à nouveau Harry la prochaine fois qu'il l'accuserait d'avoir la grosse tête.
Ses yeux se posèrent sur Ron qui n'avait rien suivi à la conversation, trop pris par Lavande – elle ne put retenir un raclement de gorge lorsqu'elle se rendit compte qu'une des mains de son meilleur ami avait disparu sous le pull de la jeune fille le Gryffondor la ressortit immédiatement et la posa sur la taille de Lavande sans cesser de l'embrasser, preuve qu'il n'était pas aussi distrait qu'il voulait le faire croire et préférait simplement ne pas s'impliquer. Lorsqu'elle regarda à nouveau vers Harry, il avait les yeux perdus dans le vague et agitait distraitement sa baguette, faisant apparaître et disparaître machinalement une petite sphère dont l'unique intérêt semblait être la lumière douce qu'elle dispensait. Il s'entraînait aux informulés, c'était du moins l'explication qu'il leur avait donné la dernière fois qu'il s'était amusé à ce manège. Hermione avait tenté de l'imiter mais les sortilèges informulés étaient encore bien au dessus de ses capacités et elle n'avait pas le temps nécessaire qu'il aurait fallu consacrer à leur maîtrise.
Qu'Harry qu'elle avait toujours surpassé en tout excepté en Défense et en Quidditch parvienne à maîtriser cela avant elle était agaçant – ça n'aurait sans doute pas dû l'être, mais ça l'était – toutefois, elle aurait pu passer outre s'il n'avait pas adopté cette attitude insupportable de Mr Je Sais Tout. Elle commençait à comprendre pourquoi les gens trouvaient ça si irritant lorsqu'elle agissait de la même manière.
Cela crevait les yeux qu'Harry peinait à retrouver son équilibre – encore que, il paraissait aller mieux dernièrement, il avait recommencé à parler à Sirius au moins et faisait des efforts pour s'intégrer au sein du groupe. Elle aurait aimé l'aider, vraiment, elle aurait fait n'importe quoi pour son meilleur ami, mais elle ignorait quoi faire. Elle ignorait comment s'y prendre.
Pire, elle détestait la tension qui résultait de cette détresse non formulée. Consciemment ou non, Ron et elle se reprochaient de ne pas parvenir à rétablir l'équilibre et cela dégénérait plus souvent que de raison en chamailleries stériles.
Elle croisa à nouveau le regard de Draco qui haussa les sourcils dans une invitation muette. Avec un soupir, elle capitula. Elle ne parviendrait, de toute manière, jamais à se concentrer avec Harry qui boudait à côté d'elle.
« Finalement, je pense qu'un petit tour dans le parc ne me ferait pas de mal. J'ai besoin d'air. » s'excusa-t-elle, en rangeant rapidement ses affaires.
Harry lui jeta un coup d'œil curieux mais elle prétendit ne pas s'en apercevoir.
Au lieu d'enfourner tous ses livres, parchemins et plumes dans son sac comme elle le faisait, Draco agita nonchalamment sa baguette et toutes ses affaires vinrent se ranger proprement dans sa besace.
« Prétentieux. » se moqua Ginny. « Il faut toujours que tu te fasses remarquer. »
« J'appelle ça avoir de la classe. » rétorqua-t-il, attrapant le sac d'Hermione avant qu'elle ait pu le passer sur son épaule. « Je ne m'attends pas à ce que tu saches ce que c'est, Weasley, c'est héréditaire. »
« Ça va avec la consanguinité et la connerie. » marmonna Harry.
« Veux-tu répéter, Potter ? » siffla Draco.
« Non, il ne veut pas. » intervint Hermione avant que ça ne dégénère, jetant un coup d'œil agacé à son meilleur ami. « Allons-y. »
« Quel crétin. » grommela Draco, dès qu'ils se furent suffisamment éloigné. « Si je n'avais pas besoin de lui, je… »
« Tu ne ferais rien du tout. » l'interrompit-elle fermement. « Parce que c'est mon ami et que tu ne m'obligerais jamais à choisir entre vous deux. N'est-ce pas ? »
Elle lui jeta un regard lourd de sens qui le fit grommeler davantage, cependant, il attrapa sa main et entrelaça leurs doigts. C'était toute la réponse dont elle avait besoin, au fond. Ils croisèrent Blaise et Daphné près de la sortie de la bibliothèque.
« Ah, Granger… » l'interpella Blaise. « Pourrais-je t'emprunter tes notes de Botanique ? »
« Plus tard. » décréta Draco, sans lui laisser le temps de répondre. Il l'entraîna en courant, ignorant royalement les remontrances de Madame Pince.
C'était stupide, immature et ridicule.
À peine digne de première année.
Pourtant, Hermione le suivit de son plein grès, courant à perdre haleine. Quand ils s'arrêtèrent enfin, à bout de souffle, dans un couloir désert, ils éclatèrent de rire face à leur propre stupidité.
Il était évident pour Hermione que l'amour lui avait fait perdre quelques neurones.
Loin de s'en plaindre, elle passa les bras autour de son cou et ne protesta pas lorsqu'il la poussa gentiment contre le mur pour mieux l'embrasser.
Là-dehors, il y avait une guerre. Plus près d'elle, son meilleur ami luttait pour se reconstruire.
Les deux problèmes la dévoraient d'impuissance.
Mais lorsque les lèvres de Draco se posaient sur les siennes, lorsqu'elle fermait les yeux et inspirait à pleins poumons son odeur si familière, le reste du monde disparaissait pour un temps.
Prétendre qu'elle ne vivait pas ces instants comme un soulagement sans nom aurait été un mensonge.
°°O°°O°°O°°O°°
Tonks débarqua au Square Grimmaurd en retard, comme à l'accoutumée. Elle se prit les pieds dans le porte-parapluies et manqua s'étaler dans l'entrée devant tout le monde, comme à l'accoutumée. La mère de Sirius se mit à l'abreuver d'injures, comme à l'accoutumée.
Bref, songea-t-elle, en époussetant son blouson de cuir pour en chasser la poussière qui semblait s'accumuler au quatre coins de la demeure des Black et attaquer quiconque y mettait les pieds, du classique Nymphadora Tonks.
« Tu t'es fait mal ? » demanda Remus avec un froncement de sourcils inquiet.
L'intention était sans doute bonne mais la question l'agaça.
« Non. » répondit-elle froidement, il devrait s'en contenter. D'un coup de baguette, elle ferma les rideaux qui cachaient le portrait de Walburga Black et jeta un silencio pour faire bonne mesure. Bien entendu, les autres ayant déduit qu'elle était de mauvaise humeur avaient tous filé vers la cuisine sans demander leur reste, la laissant seule avec le loup-garou.
« Écoute, Dora… » grimaça-t-il. « Je sais que tout ça est gênant… »
« Gênant ? » répéta-t-elle, sans parvenir à réprimer un éclat de rire amer. « Qu'est-ce qui est gênant précisément, Remus ? »
Le loup-garou eut la bonne grâce de s'empourprer. « Toi et moi. On… »
« Oh, tu trouves que c'est gênant ? » demanda-t-elle d'un ton tout à fait innocent. « Je suis absolument désolée, Remus. Est-ce que ma présence te met mal à l'aise ? Parce que pour être très franche, lorsque tu as décidé de me quitter sans me laisser libre de placer un mot alors que je venais de te dire que je t'aimais, c'était plus que gênant pour moi. Quand tu remets sans cesse mes capacités d'Auror en question, c'est plus que gênant pour moi. Quand tu me traites comme une gamine incapable de lacer ses chaussures sans supervision, je suis mal à l'aise. Alors si tout ça est gênant pour toi… Je suis vraiment, vraiment désolée ! »
Walburga clôtura son discours d'une nouvelle série de hurlements.
Elle planta Remus là où il était et dévala les quatre marches qui menaient à la cuisine, tentant de ne pas se formaliser des regards braqués sur elle. Elle avait suffisamment élevé la voix pour qu'ils ne ratent rien de la conversation mais elle avait les nerfs à vif et ne parvenait pas à s'en préoccuper.
Se retrouver en présence de Dumbledore, même dans une pièce pleine de monde, après ce qui s'était passé l'angoissait. Remus avait beau douter d'elle, elle connaissait ses limites. Si elle pouvait éventuellement l'emporter sur Bellatrix ou Greyback, elle n'avait aucune chance contre Dumbledore.
La simple pensée que le sorcier ait effacé sa mémoire et planté des faux souvenirs dans son esprit…
Quoi qu'il se soit passé dans son bureau, elle n'était pas certaine de vouloir s'en souvenir.
Elle prit bien soin de ne pas croiser le regard du Directeur. Un coup d'œil lui apprit que le Conseil était toujours aussi restreint. Charlie, Anthony et Molly manquaient toujours à l'appel. Fol'Œil, Bill, Flitwick et McGonagall n'étaient pas là. L'éternel absent Fletcher n'avait pas daigné se présenter. Elle se demandait presque pourquoi ils continuaient à avoir ce genre de réunion où ils ne faisaient que ressasser de vieilles informations.
« Ravie de voir que tu es en forme. » l'accueillit Nyssandra avec un sourire qui laissait deviner ses crocs. Tonks lui rendit son sourire mais délaissa le siège libre à sa gauche pour se laisser tomber sur la chaise vide entre Sirius et Severus.
« Aucun commentaire. » lâcha-t-elle en guise d'avertissement pour l'un comme pour l'autre.
Kingsley lui adressa un hochement de tête serein.
« Pouvons-nous commencer ? » s'enquit Dumbledore, après s'être raclé la gorge. Remus se glissa à côté de Nyssandra et garda les yeux rivés sur ses mains jointes. « Bien. Severus ? »
« J'ai trouvé la meute de Greyback. » déclara Tonks, avant que Snape n'ait pu ouvrir la bouche. Elle savoura les regards médusés davantage qu'elle ne l'aurait dû en tant que bonne Poufsouffle. « Je sais, je sais… C'est une affaire de loups-garous. Peut-être que je devrais garder l'information pour moi et attendre que Remus résolve le problème… »
« Tu exagères. » lui reprocha Sirius.
« Ça fait des semaines que je cherches. » protesta Remus. « Comment… »
« Une formation d'Auror. » l'interrompit-elle, goguenarde.
« Dis-nous ce que tu as trouvé. » la gronda gentiment Kingsley.
« Très bien. » haussa-t-elle les épaules. « Ce n'était pas bien difficile à découvrir, cela dit. Phénomènes étranges, augmentation des commandes de viande crue dans la région alors que c'est un trou perdu, ah, et, bien sûr, les animaux fuient la zone pour une raison qui laisse les experts Moldus perplexes. Il suffisait d'allumer la télé, en fait. Ils sont dans les highlands, en Écosse. Dans la lande un peu au nord d'Iverness. »
L'annonce jeta un froid.
« Êtes-vous certaine ? » s'enquit Severus.
« Je ne suis pas allée vérifier. » répondit-elle. « Mais ça colle. »
Les hautes terres étaient une région montagneuse, isolée, et très peu peuplée. L'endroit idéal pour dissimuler quelque chose.
« Aussi près de Poudlard ? Impossible ! » s'exclama Sirius. « Ce serait stupide. »
« Ou un coup de maître. » nuança Severus. « Nous devons renforcer les protections immédiatement. »
« Les protections actuelles sont suffisamment efficaces. » contra Dumbledore, en caressant sa barbe d'un air distrait. « Elles ne laisseront pas passer un loup-garou. »
« Faux. Elles laissent passer les loups-garous sous forme humaine. » contredit Remus. « Si quelqu'un pénétrait à l'intérieur du domaine et prenait la potion… »
« Personne ne peut pénétrer sur le domaine sans que je ne le sache. » argua le Directeur. « Modifier les protections comme Severus le suggère vous interdirait accès à l'école, Remus. Vérifions d'abord la fiabilité des informations de Tonks avant de prendre de telles mesures. »
« La pleine lune est dans deux jours. » rappela Sirius.
« Et ils peuvent se transformer à volonté, ça ne fait pas grande différence que la pleine lune soit dans deux jours ou trois semaines. » Severus balaya l'argument d'un geste de la main. « Ils ne vont pas attaquer Poudlard sans raison. »
« Peut-être, mais si on veut enquêter, il vaudrait mieux le faire demain ou attendre la fin du cycle lunaire. » rétorqua l'Animagus.
C'était presque poli pour un échange entre eux deux et Tonks leva les sourcils, étonnée.
« À vrai dire… » intervint Remus. « Sous forme animale ou humaine, nous parlons de tueurs. Severus a raison, cela ne fera pas grande différence. »
À son sens, il y avait une grosse différence entre d'énormes bestioles avec des mâchoires suffisamment larges pour vous arracher un bras et une bande de timbrés. Puis elle se souvint de Loba et tint sa langue. Loba avait été une adversaire extrêmement dangereuse sous sa forme humaine.
« Je peux y aller. » proposa Nyssa. « S'il y a des loups-garous près d'Iverness, je les trouverai sans mal et il y a peu de risques qu'ils me blessent. Je cours vite. »
« Et si la mission s'avérait durer plus d'une nuit, nous nous retrouverions sans réponse mais avec un joli tas de cendres… » se moqua le Maître des Potions. « J'irais. »
« Ou pas. » contra Sirius, de manière prévisible. « Je vais y aller, moi. »
« C'est mon enquête, c'est moi qui y vais. » soupira Tonks, agacée de ces discussions qui n'en finissaient jamais.
« Si Laura est là-bas, elle ne parlera qu'à moi, donc, si quelqu'un doit y aller, ce sera moi. » déclara Remus.
Dumbledore dissimulait mal son exaspération sous des airs faussement amusés. « Remus et Sirius s'en chargeront. Si vous pouvez établir un contact avec Laura Flemmings, faites-le, mais ne prenez aucun risque inutile. »
« C'est mon enquête ! » insista Tonks, outrée. « Et avec la pleine lune, Remus… »
Severus fit apparaître une fiole d'un mouvement de poignet absolument tape-à-l'œil. Elle avait beau être agacée, elle rajouta ça à la liste des sortilèges qu'elle souhaitait lui soutirer.
« J'ai tâché de stabiliser la potion Tue-Loup au mieux. » expliqua le Mangemort, en envoyant flotter, d'un coup de baguette, la fiole vers Remus. « Une dose ce soir, une deuxième demain et le reste au coucher du soleil le jour de la transformation. Si tout se passe comme je l'ai prévu, la potion devrait non seulement être plus puissante que celle de Slughorn mais tu devrais ressentir une différence au niveau mental. J'apprécierai un compte-rendu détaillé par écrit. »
Visiblement, Snape n'avait pas découvert comment forcer la transformation mais ses recherches n'avaient pas été vaines.
« Tu penses que je pourrais garder pleinement le contrôle lors de la transformation ? » demanda le loup-garou, surpris. « Je serais toujours… moi ? »
« Pleinement, cela reste à voir. » tempéra Severus. « Il est impossible de totalement supprimer l'instinct animal. Cette nouvelle version de la potion devrait l'atténuer davantage. »
« Je ne comprends rien. » avoua Sirius, traduisant la pensée générale.
« Ce n'est pas bien surprenant. » rétorqua le Maître des Potions dans un claquement de langue agacé. « Disons que la version classique de la potion Tue-Loup transforme Lupin en loup apprivoisé, il bride la sauvagerie de l'animal en quelque sorte. Celle-ci devrait transformer Lupin en un… Lupin sous forme de loup. »
« C'est fascinant, Severus. » commenta Dumbledore avec une réelle admiration. « J'aimerai lire vos recherches. »
« Revenons à nos moutons. » lâcha Tonks, avant de lever les yeux au ciel. « Enfin, à nos loups. »
« Avec la potion de Severus, je pourrais infiltrer le camp lors de la pleine lune. » déclara Remus. « La meute de Greyback est gigantesque. Tant que je ne me retrouve pas sur sa route, je devrais être en sécurité. Ensuite, il me suffit de retrouver la trace de Laura et… »
« De hurler à la lune avec elle jusqu'au petit matin ? » coupa Nyssandra, non sans ironie. « Comment vas-tu la convaincre ? »
« Les vampires ont leurs méthodes, nous avons les nôtres. » répliqua Remus, avant de se tourner vers Dumbledore. « C'est un bon plan. Sirius et moi partirons dès demain pour vérifier si la meute est vraiment dans les highlands et, le cas échéant, repérer les lieux. »
« Très bien. » approuva Dumbledore.
Tonks garda le silence, suffisamment honnête pour reconnaître que sa réticence à voir Remus chargé de la mission venait de ses propres sentiments et non d'un doute profond qu'il ne soit pas le mieux adapté à la réussir.
Elle n'écouta pas grand-chose du reste de la réunion pour la bonne raison que rien d'exceptionnel n'y fut dit. Charlie lui manquait. Si son meilleur ami avait été là, elle était certaine qu'il aurait trouvé un moyen de la distraire. Au lieu de ça, elle fut condamnée à écouter Dumbledore monologuer, se vit attribuer une énième mission de surveillance et prétendit ne pas remarquer les regards que Severus et Sirius échangeaient par-dessus sa tête.
Il se tramait définitivement quelque chose entre ces deux là et elle n'était pas la seule à l'avoir remarqué. Nyssandra avait les yeux rivés sur Sirius.
Tout venait à point à qui savait attendre. Une cuisine bondée où Dumbledore siégeait en empereur n'était pas l'endroit rêvé pour obtenir des réponses.
Enfin, au prix d'une interminable attente, le Directeur leur rendit finalement leur liberté. Tonks profita du bref chaos lorsque tout le monde se leva, parlant en même temps, pour discrètement attirer l'attention de Snape.
« Il faut qu'on parle. » murmura-t-elle.
L'emplacement de la meute de Greyback n'était pas la seule chose qu'elle avait découverte, seulement les informations qu'elle désirait partager avec Severus n'étaient pas faites pour toutes les oreilles…
Le Maître des Potions ne répondit pas mais hocha brièvement la tête. Ensuite, il ne lui accorda plus un regard.
Un truc d'espion, sans doute.
°°O°°O°°O°°O°°
« La reprise n'est pas trop dure ? » demanda Sirius, portant le verre à ses lèvres.
Dumbledore parti, l'ambiance s'était considérablement détendue même si Remus et Tonks prenaient garde de rester de pars et d'autre de la cuisine. L'Auror sirotait sa bièraubeurre en compagnie de Shacklebolt et lui, pendant que, près de l'évier, Snape s'étendait sur les modifications apportées à la potion. Remus buvait ses paroles avec attention, Nyssa avait son air boudeur des grands jours d'ennui profond.
Il devinait sans avoir à poser la question qu'elle aurait préféré partir à la chasse aux loups-garous plutôt que de rester terrée là.
« Tonks a fait un travail exemplaire en mon absence. » répondit chaleureusement Kingsley.
Sa cousine offrit un sourire ravi à son partenaire avant de lui donner un léger coup d'épaule. « Impatient d'aller te geler les fesses en Écosse ? »
« Tu penses. » marmonna-t-il avec une grimace. La perspective était des moins réjouissantes. « C'est du bon boulot, au fait, Tonks. »
« Que veux-tu ? » plaisanta la jeune femme. « Je suis géniale. »
« Et modeste. » se moqua gentiment Kingsley.
« Et modeste. » concéda Tonks, dans un éclat de rire.
Sirius aurait ri lui aussi si Snape n'avait pas choisi ce moment là pour croiser son regard. Il n'y eut aucun signe clair, aucune instruction subtile, pourtant, lorsque le Maître des Potions quitta la cuisine, l'Animagus devina qu'il devait suivre.
Il termina son verre cul-sec et annonça à la cantonade qu'il allait nourrir Buck. Nyssa fut la seule à le suivre des yeux.
Une fois dans le couloir, il se retrouva bien embêté. Où donc était-il censé retrouver Snape ?
Il jeta un coup d'œil dans le petit salon, remonta les couloirs jusqu'à la bibliothèque et descendit finalement dans le laboratoire installé dans les sous-sols. De son point de vue, ce n'était pas moins lugubre que la deuxième cave qui contenait les cellules et autres instruments de torture.
« Je t'en prie, prends ton temps. » cracha Snape, lorsqu'il l'aperçut. « Je n'ai que deux paquets de soixante copies à corriger avant l'aube. »
« Si tu pouvais t'étouffer avec… » grommela-t-il. « Tu as du nouveau ? »
Au prix d'un effort visible, le Mangemort ravala la réplique acerbe qu'il avait, sans aucun doute, au bord des lèvres.
« Non. » répondit l'homme. « Harry te parle-t-il ? »
Sirius fronça les sourcils. « On a échangé quelques lettres, pourquoi ? »
« Se confie-t-il ? » insista Snape.
« Pourquoi ? » Sirius croisa les bras. « S'il se passe quelque chose… »
« Je l'ignore. » soupira le Mangemort avec une frustration palpable. « Je ne peux pas… » Il haussa les épaules avec frustration. « Je dois garder mes distances, c'est crucial. Il est renfermé, ce n'est jamais bon lorsqu'il est renfermé. »
Snape était nerveux.
Snape était nerveux.
Le fait que, lui, parvienne à s'en rendre compte ne laissait rien présager de bon pour sa carrière d'espion.
Sirius garda le silence quelques secondes, détaillant son rival de toujours. Les torches accrochées au mur jetaient sur lui des ombres étranges qui accentuaient encore ses traits taillés à la serpe.
« Ce que j'ai lu sur les Horcruxes… » lâcha-t-il soudain. Il ne voulait pas poser la question. Il ne voulait pas. « Est-il possible que l'horcruxe l'influence ? Est-ce qu'il peut… Est-ce que tu crois qu'il peut posséder Harry ? »
Snape ne répondit pas immédiatement. Il laissa ses doigts courir sur les instruments abandonnés n'importe comment sur le plan de travail. Très visiblement, Kreattur ne se préoccupait pas plus de faire le ménage à la cave qu'à l'étage. À se demander ce que l'elfe faisait toute la journée.
« Je ne le pense pas. » déclara finalement le Mangemort. « Il n'est véritablement conscient de sa présence que lorsqu'il éprouve de la fureur ou de la haine. »
« Heureusement qu'Harry n'est pas le genre à se mettre en colère pour rien et à haïr le premier venu dans ce cas. » plaisanta-t-il.
Son amusement tourna court quand Snape lui jeta un regard lourd de sens.
« Non. » protesta-t-il. « Harry n'est pas comme ça. Il… »
« Il a passé son enfance enfermé dans un placard. C'est suffisant pour rendre n'importe qui fou de rage. » décréta le Maître des Potions. « Il le réprime, il n'en est pas conscient, mais il y a des choses qu'on ne peut dissimuler à un Maître Legilimens. »
Sirius leva les yeux au ciel. « Tu n'es pas obligé de te la jouer Maître Yoda en permanence. Ça ne m'aide pas à me souvenir que je n'ai plus envie de te coller mon poing dans la figure. »
Si Snape comprit la référence, il n'en fit pas mention.
« Je ne suis pas inquiet à propos de l'horcruxe. Ce n'est un problème dans l'immédiat. C'est Harry qui m'inquiète. »
Il était sincère, curieusement Sirius n'en doutait pas.
« Peut-être que tu lui manques. » suggéra-t-il. Les mots lui arrachèrent la bouche. « Remus dit qu'il fait toujours référence à toi comme à son père. »
Tout en lui lui hurlait qu'il trahissait James rien qu'en prononçant cette simple phrase, rien qu'en acceptant que cela puisse être un état de fait. Pourtant, il s'efforça de rejeter cette réaction instinctive. Harry était la seule chose qui importait et si Harry avait besoin de Snape, alors Sirius ferait avec.
Il refusait de croire que James aurait agi différent. Il n'y avait rien que James n'aurait fait pour son fils et Sirius se devait, par loyauté envers le souvenir de son ami, d'avoir la même attitude.
Il n'y avait rien non plus que Lily n'aurait fait pour son fils et Sirius supposait que Snape en était bien conscient et avait plus ou moins adopté la même approche que lui.
« Cela serait plus simple s'il te considérait, toi, ainsi. » rétorqua le Mangemort, réussissant l'exploit de faire sonner sa phrase comme un reproche ou une accusation. Comme si Sirius n'avait pas tout essayé pour se faire pardonner la stupidité de son lui adolescent.
« Je n'ai jamais voulu être son père. » réfuta-t-il. « Je ne veux pas être son père. »
Il ferait un père pitoyable. Lui, il voulait être le parrain génial qui encourageait à toutes les conneries.
« Nous ne faisons pas toujours ce que nous voulons dans la vie. » répliqua le Maître des Potions. « Tâche de ne pas te faire dévorer par un loup-garou, Black, l'un de nous doit survivre à cette guerre et, à mon grand chagrin, j'ai bien peur qu'il faille que ce soit toi. »
Sirius laissa échapper un bruit moqueur. « Un peu plus et je pourrais croire que tu tiens à moi. »
Snape eut l'air proprement horrifié.
Sirius 1. Snape O.
« Je tiens à ce qu'Harry ne se retrouve pas seul. » siffla le Professeur. « Ne me complique pas la tâche en te faisant assassiner, je connais peu de gens suffisamment fous pour s'opposer à Dumbledore si besoin est. » Il eut une moue dédaigneuse pour l'équipement éparpillé sur le plan de travail. « Et j'ignore qui était chargé de préparer les potions calmantes durant mon absence mais je te déconseille d'en boire. Il y a suffisamment de graine de pavot dans ce chaudron pour causer une démence passagère. » Il observa le chaudron où stagnait un reste de potion et leva un sourcil. « Il est sans doute optimiste d'espérer qu'Albus en ai accidentellement ingéré ? »
Snape savait plaisanter.
Sirius éprouva le besoin de s'asseoir.
Il remit les comptes à jour : Sirius 1. Snape 1.
« Slughorn et Pomfresh nous approvisionnaient en potions. » répondit-il toutefois, parce que, à sa connaissance, le laboratoire était resté inutilisé depuis la tempête magique. « Ce n'est pas toi qui a laissé tout ça en plan la dernière fois ? »
Le Maître des Potions lui jeta un regard dédaigneux, presque méprisant, et Sirius dut admettre en son fort intérieur que la question était quelque peu idiote. Il avait partagé la même salle de classe que Snape pendant sept ans. Le Serpentard était presque obsessionnel lorsqu'il était question d'ordonner, ranger et nettoyer son matériel.
« Lupin, peut-être ? » proposa le Mangemort.
Sirius rejeta la suggestion d'une secousse de la tête. « Si Remus veut se calmer les nerfs, il prend un verre de whiskey, pas une potion. Et puis Lunard est presque aussi maniaque que toi. »
Ça ne ressemblait pas du tout à son ami de laisser un tel désordre derrière lui.
« Puisque tu seras en Écosse et s'il y est favorable… Tente d'approcher Harry. » ordonna brusquement Snape, en plantant ses yeux dans les siens. « J'ai perdu suffisamment de temps avec tes bêtises. »
Sirius perçut immédiatement l'intrusion dans son esprit et dressa à la hâte une barricade mentale comme son père avait tenté de le lui apprendre dans sa jeunesse. Le Mangemort trouva une faille, s'y engouffra, mais l'Animagus était prêt et bloqua sa tentative. Il renouvela l'attaque plusieurs fois. Toutefois, bien que Sirius soit parfaitement conscient qu'il l'aurait pu s'il l'avait voulu, il n'envoya pas voler ses boucliers en éclat.
« Convenable. » décréta le Mangemort sur le même ton qu'on autre aurait employé pour dire minable. « Aucune subtilité mais je n'en attendais pas moins d'un Gryffondor. »
« Je vais prendre ça pour un compliment. » ricana Sirius, refusant de perdre son calme.
Snape protégeait Harry et Harry tenait à Snape, ce qui signifiait que Sirius n'avait d'autre choix que d'accepter sa présence pour le moins irritante dans son cercle de proches.
Combien de fois se l'était-il répété depuis que lui et le Mangemort avait conclu une alliance ?
« Cela n'en était pas un. » répliqua le Professeur, avant de tourner les talons dans un claquement de capes.
Le pop du transplannage résonna longtemps contre les murs de pierre.
Reste calme, se chanta Sirius comme un mantra, tu ne veux plus tuer Snape.
Lorsqu'il remonta dans la maison, le silence régnait. Il se dirigea instinctivement vers le petit salon, peu surpris de trouver Nyssa devant la fenêtre, observant le square d'un air morose.
« Personne ne t'a interdit de sortir, tu sais ? » lança-t-il. « Ce n'est pas comme si tu étais assignée à résidence… »
Le soupir qu'elle lui offrit en réponse était plus mélancolique qu'irrité.
« Londres n'est pas tout à fait un terrain de jeu idéal pour un vampire. » murmura-t-elle. « J'ai envie de chasser, c'est un désir qui me brûle les veines, mais il n'y a rien à chasser là-dehors… Je ne veux pas sortir, Sirius, j'ai peur de tuer quelqu'un. »
« Tu t'es nourris aujourd'hui ? » demanda-t-il, sans s'embarrasser du tact légèrement dégouté que Remus mettait toujours lorsqu'il posait cette question là.
« Oui. N'ai pas peur, je ne te mordrais que si tu me le demandes… » Elle lui jeta un regard provoquant par-dessus son épaule mais l'amusement ne dura pas longtemps et elle retourna à sa contemplation. « Je n'ai pas faim. J'ai juste… »
« Besoin de chasser. » termina-t-il pour elle.
Elle hocha la tête. « Je n'aurais rien eu contre une chasse au loup-garou. »
« Le dernier loup-garou que tu as rencontré t'as laissée plutôt amochée. » remarqua-t-il. Et avait soulevé un tas de questions que Sirius avait préféré ignorées jusque là. « Des nouvelles de Fol'Œil ? »
Snape l'avait dit, la subtilité n'était pas son fort.
Il ne voyait pas, de toute manière, l'intérêt de tourner autour du pot. Il était plutôt du genre à sauter dedans à pieds joints.
« Ne sois pas méchant. » cracha Nyssa.
« Méchant ? » répéta-t-il. « Désolé, je me posais juste la question… Après tout, vous êtes là, à vous tourner autour… »
« Il ne m'acceptera jamais et tu le sais. » répliqua-t-elle.
Une seconde, elle se tenait près de la fenêtre, la suivante, elle était devant lui, une main enroulée autour de sa gorge. Un frisson lui parcourut l'échine. Il aurait dû avoir peur. Une part de lui avait peur, mais une autre, bien plus grande, avait envie… de chasser.
« C'est un crétin. » déclara-t-il à voix basse.
Elle resserra légèrement sa prise, ses doigts s'enfoncèrent dans sa chair, puis un sourire amusé joua sur ses lèvres et elle glissa sa main à l'arrière de sa nuque.
« C'est toi le crétin. Tu es jaloux. » commenta-t-elle.
Elle l'attira à elle avant qu'il ait pu répondre. Ses lèvres étaient froides, comme toujours, et il s'appliqua à tenter de les réchauffer bien que la tâche soit sans espoir.
« Peut-être que c'est moi devrais être jalouse… » gronda-t-elle entre deux baisers, et cela ressemblait presque à un feulement. « Pourquoi tous ces mystères avec Snape ? »
Sirius n'était pas le meilleur menteur du monde alors il trouva un moyen efficace de la distraire.
°°O°°O°°O°°O°°
« Fou en D4. À ton tour. » offrit Ron, en étouffant un bâillement dans le creux de son coude.
L'échiquier reposait entre eux sur le lit d'Harry. Le brouhaha familier en provenance de la salle commune filtrait par la porte close.
« Pion en E6. » marmonna Harry sans grande conviction, avant de replonger dans son étude de la Carte des Maraudeurs.
Il s'était réfugié dans le dortoir assez vite après le dîner, ne parvenant pas à se sentir concerné par les chamailleries de Ron et d'Hermione à propos des B.U.S.E.s que le roux ne révisait pas assez au goût de la jeune fille ou par les suggestions enthousiastes de Ginny et Neville pour les prochaines séances de l'A.D.
Ron avait fini par le débusquer et avait décrété que ce dont Harry avait besoin, c'était d'une bonne vieille partie d'échecs sorcier.
« Qu'est-ce que tu fais avec ça ? » demanda Ron pour la quatrième fois en moins d'une heure.
« Je ne sais pas. » répondit-il machinalement, sans quitter la carte des yeux. « C'est ton tour. »
Il ne mentait pas vraiment, il ne faisait rien de précis. Il observait le point libellé Minerva McGonagall dans son bureau – vivante et non pas morte dans la poussière comme dans ses cauchemars. Mais il avait beau chercher…
« Tu sais que si tu as besoin de parler d'un truc… » déclara soudain Ron dans un seul souffle, signe que l'idée le taraudait depuis un moment. « Je sais que les choses ont changé et que tu trouves ça… » Son meilleur ami grimaça, peu à l'aise avec les mots et haussa les épaules. « Tu peux me parler, Harry. »
Il lui sourit, sincèrement touché. « Je sais. »
« Tu sais, tu sais, mais tu ne dis rien. » bougonna le Gryffondor.
Masque choisit ce moment pour sauter souplement sur le lit, renverser la moitié des pièces d'échecs et venir se rouler en boule sur ses genoux.
À croire que le chat devinait toujours quand Harry était en manque d'affection.
« Mon père me manque. » avoua-t-il doucement, un peu honteusement.
Il savait bien que c'était idiot. Il avait quinze ans, pas cinq. Il avait vécu toute sa vie tout seul. Cela n'aurait pas dû être si difficile de se réhabituer à être seul.
« Le mien aussi. » murmura Ron. « J'arrive pas à en parler. Les jumeaux en discutent entre eux, Ginny écrit à Percy mais moi… J'arrive pas à en parler. »
Harry garda le silence, ne sachant que trop bien que tous les « je suis désolé » qu'il aurait pu lui offrir n'auraient servi à rien. Ils n'auraient pas adouci sa peine et n'auraient pas étanché son sentiment d'injustice.
« Quand on a cru que tu étais mort… » continua le Gryffondor, les yeux rivés sur le couvre-lit. « C'était horrible mais c'était plus facile que papa. » Ron lui jeta un coup d'œil, comme effrayé qu'Harry le prenne mal mais Harry se contenta de hocher la tête en guise de compréhension alors son ami poursuivit. « On pouvait faire semblant. On pouvait se convaincre que tu étais toujours vivant quelque part, que ce n'était pas vraiment vrai. Mais, là, j'ai beau faire semblant, je sais qu'il n'y aura pas de tempête magique ou de miracle. J'arrive pas à parler de lui. Des fois, j'ai même du mal à y penser. »
Ses propres pensées s'égarèrent vers Arthur Weasley et, lâchement, il fut soulagé de ne pas avoir été là au moment où c'était arrivé. Il n'était pas certain qu'il aurait pu supporter sa perte si elle l'avait frappé de plein fouet.
« Il était génial, ton père. » offrit Harry, sachant que ce n'était pas grand-chose.
« Tu vois, à chaque fois que quelqu'un en parle au passé, ça me choque. » lâcha Ron avec un bruit amer.
La porte du dortoir s'ouvrit brusquement, laissant passer Dean et Seamus qui riaient et chahutaient comme à leur habitude. Harry et Ron échangèrent un regard envieux, sans avoir à se parler pour se comprendre. Ils auraient aimé être aussi insouciants.
L'arrivée de Neville, quelques secondes plus tard, mis définitivement un terme à la conversation. Ils se mirent tous au lit et se souhaitèrent une bonne nuit comme ils en avaient l'habitude.
C'était perturbant, parfois, comme les choses pouvaient être similaires et différentes à la fois. Lestrange n'avait jamais lancé un « bonne nuit ! » tonitruant comme Ron le faisait tous les soirs, MacNair ne ronflait pas comme Neville, et Severus ne parlait pas dans son sommeil comme Seamus. Toutefois, ils avaient tous leurs petites manies et, une fois la lumière éteinte, à moitié endormi, il lui arrivait de se demander à quelle époque il était.
Harry n'ôta pas tout de suite ses lentilles, cependant. A l'abri derrière les tentures de son lit à baldaquin, il fit apparaitre la petite sphère lumineuse qui accompagnait la plupart de ses nuits. C'était censé le relaxer et, sans doute, aurait-ce été efficace s'il avait observé la sphère au lieu de la Carte des Maraudeurs.
Il ne s'endormit que lorsque le point libellé Severus Snape ne réapparut sur la Carte, satisfait de savoir que le Professeur était toujours vivant.
