Hello, hello!

Bon je n'ai pas grand chose à dire mis à part que je suis terriblement désolée, que je rampe à même le sol de regret, car, oui, oui, Elisa et moi avons commis une faute impaaaaardonable, nous avons mis un T à Jedusor dans le dernier chapitre. Ne nous pendez pas tout de suite XD (oui ceci est sarcastique).

Mis à part ça... Rien de neuf sous le soleil à part que je pars bientôt en vacaaaaances! Londres, attends-moi, j'arrive! ah ah! Mais je vais faire le maximum pour que le prochain chapitre arrive vite.

J'espère que ce chapitre vous plaira, il n'y a pas beaucoup d'action et je sais d'ors et déjà que certains vont dire pas assez de Poudlard, mais tout vient à point à qui sait attendre

Enjoy & Review!


I've got thick skin and an elastic heart.

Sia – Elastic Heart

J'ai la peau dure et un cœur élastique.

Sia – Elastic Heart

Chapitre 16 : Elastic Heart

Tonks parapha le dernier rapport et l'ajouta à la pile à envoyer à Kingsley avec un soupir satisfait. Elle croisa les bras, posa la tête sur son coude et s'autorisa une sieste de quelques secondes. Juste quelques secondes…

Elle aimait son bureau. Ce n'était peut-être pas plus grand qu'un placard mais il était à elle, la plaque sur la porte portait son nom, et l'intérieur était à son image : un fatras incommensurable y régnait mais elle s'y sentait bien. Il n'y avait pas beaucoup de place, à peine de quoi y entasser un bureau, deux chaises, un porte-manteau et deux grands casiers qui contenaient ses dossiers. Kingsley était officiellement son équipier depuis que Fol'Œil avait pris sa retraite – et il l'était resté malgré le fait que Maugrey ait repris du service – et puisqu'il avait son propre bureau en tant que Chef du Département des Aurors – un bureau bien plus grand, avec fenêtre, cheminée et secrétaire – elle n'avait pas à partager, ce qui lui convenait très bien. La pièce était tranquille. Exactement, ce dont elle avait besoin en ce moment.

Enfin…

Tranquille…

« Oh, gamine ! » lança Fol'Œil, en entrant sans frapper. Elle se redressa instinctivement avec la sensation désagréable d'être prise en faute. Quoi qu'il ait été sur le point de dire, son mentor l'oublia au profit d'une expression déçue. « Dis moi, gamine, il faudrait peut-être songer à un peu moins faire la fête et à dormir davantage. »

Elle ne chercha pas à dissimuler son agacement, prenant simplement garde de contrôler ses pouvoirs toujours capricieux. Elle n'avait pas fait étalage du fait qu'elle avait retrouvé ses dons de Métamorphomage et si ses cheveux avaient brusquement viré au rouge, la mèche aurait été vendue.

« J'aimerai bien faire la fête, figure-toi. » grinça-t-elle. « Au lieu de ça, je me paye mission de surveillance après mission de surveillance. »

Maugrey fronça les sourcils, radouci. « Je pensais que Delacour couvrait Pré-au-lard une nuit sur deux. »

Elle lui aurait volontiers avoué qu'elle avait passé ses nuits, ces derniers jours, à redoubler d'ingéniosité pour filer Bill Weasley et que, mis à part la fois où Lucius Malfoy avait pointé le bout de son nez, cela avait consisté à poiroter dans le froid pendant des heures.

« Parce que tu comptes tes heures pour l'Ordre, toi, peut-être ? » se moqua-t-elle, avant de décider qu'un changement de sujet s'imposait. « Qu'est-ce qu'il y a ? »

« Le Ministre te demande. » répondit Fol'Œil dans un haussement d'épaules.

« Génial. » soupira-t-elle, en repoussant sa chaise pour se lever. « Juste ce qu'il manquait pour illuminer ma journée.

Son mentor lui jeta un coup d'œil désapprobateur mais dissimula mal son amusement.

La distance du Département des Aurors au bureau du Ministre n'était pas si grande mais le parcours était semé d'embuches. Tout d'abord, il y avait les collègues qu'il fallait saluer dans les couloirs et dont il fallait parfois subir la conversation, puis il y avait l'interminable attente dans les ascenseurs qui s'arrêtaient à tous les étages, et, enfin, pour arriver jusqu'au Ministre, il fallait braver tout un bataillon de secrétaires et d'assistants.

Le bureau du Ministre occupait entièrement le dernier étage du Ministère. Outre les bureaux individuels de ses assistants et plus proches collaborateurs, et une salle de réunion privée où se réunissaient la crème de ce que comptait la scène politique magique, un open space gigantesque qui rassemblait un amas de bureaux ou s'agitaient en tous sens sorciers et sorcières séparait le visiteur de son sésame : le bureau du Ministre.

Elle fut presque soulagée de repérer la tignasse rousse de Percy Weasley lorsqu'elle émergea de l'ascenseur au bon étage. Ce dernier, très visiblement au courant que le Ministre l'avait faite demander, lui évita de se répéter quinze fois auprès de quinze secrétaires différents.

Il la guida jusqu'à la porte du bureau ministériel puis s'immobilisa, l'air ennuyé. Ennuyée, Tonks l'était également. Il régnait dans cet endroit une telle frénésie que cela lui donnait le tournis.

« Tu as le temps de te rendre un peu plus… présentable. » offrit Percy, bon prince, en étudiant sa tenue avec une grimace. « Je suis sûr qu'une minute de plus ou de moins ne fera pas grande différence. »

Elle avait les nerfs à vif en ce moment et sa patience avait des limites.

« J'ai passé la matinée à courser un pyromane et une bonne partie de l'après-midi à l'interroger. » lâcha-t-elle. « Non, je ne sens pas très bon et, oui, mon pantalon est troué. Si ça pose un problème à Monsieur le Ministre, je peux revenir demain, quand je serais propre, moins fatiguée et de meilleure humeur. »

« Monsieur le Ministre a été un Auror suffisamment longtemps pour comprendre que ce genre de choses arrive. » lança Scrimgeour dans son dos.

« Monsieur le Ministre. » bredouilla Percy, confus.

Rufus Scrimgeour se glissa entre eux d'une démarche toujours souple malgré la claudication qui le ralentissait parfois, notamment, Tonks l'avait remarqué, lorsqu'il faisait humide, et ouvrit la porte du bureau, non sans jeter un coup d'œil agacé à Percy de derrière ses épaisses lunettes cerclées de fer.

« Entrez. » ordonna le Ministre, faisant signe à Tonks de passer devant.

À la nouvelle grimace de Percy, elle devina que ce n'était pas là la convenance et que le Ministre de la Magie aurait dû précéder tout le monde dans la pièce. Eh bien… La galanterie n'étouffait pas grand monde à leur époque et cela la mit dans de meilleures dispositions. Elle pénétra dans le bureau ministériel qu'elle n'avait eu si souvent l'occasion de visiter et attendit que le sorcier ait fermé la porte dans son dos et l'ait invitée à s'asseoir pour prendre place sur un des deux imposants fauteuils qui faisaient face au non moins imposant bureau en bois noir.

C'était, sans conteste, plus impressionnant que son placard à balais.

Le bureau du Ministre était impersonnel, comme si Scrimgeour n'avait guère eu le souci et le temps d'y imposer sa patte. Il ressemblait à ce à quoi on pouvait s'attendre d'un lieu occupé par ce que la politique britannique comptait de plus puissant : beaucoup de boiseries, beaucoup de moulures, beaucoup de dorures, quelques blasons, quelques portraits dont un de la reine – sorciers ou non, il y avait des symboles nationaux dans lesquels tout le monde se retrouvait – un mobilier qui datait probablement du Moyen Âge et une large fenêtre magique qui donnait l'impression que le bureau surplombait la ville.

Le bureau en bois noir était, lui, méticuleusement organisé. Il était clair que tout y avait une place réglée au centimètre, du strutoscope au rapeltout en passant par l'élégante plume d'aigle. Le seul objet de nature personnelle semblait être le cadre photo posé à droite du rapeltout et tourné de manière à ce que le visiteur ne puisse pas voir ce qu'il contenait.

« Bien. Notre temps est précieux, ne le perdons donc pas en plaisanteries inutiles. » déclara Scrimgeour, en l'observant attentivement.

Pour la première fois depuis que Fol'Œil était venue la chercher, elle se demanda si elle était là à des fins disciplinaires. Certes, il s'était passé quelques semaines depuis la deuxième attaque du Chemin de Traverse, mais ses décisions ce jour-là et les jours qui avaient suivis avaient été lourdes de conséquences. La réintégration de Maugrey n'était qu'un exemple. Son énervement lorsqu'elle avait découvert que Scrimgeour avait quitté le Terrier pour la protection de Dumbledore en était un autre.

Elle ne laissa rien percer de son malaise, peu encline à se donner en spectacle si elle devait se faire renvoyer. Elle n'était peut-être pas une Sang-Pur mais ce n'était pas pour ça qu'elle n'accordait pas un minimum d'importance à sa dignité.

« J'ai été très impressionné par la manière dont vous avez géré le Département en l'absence de Shacklebolt. » reprit le Ministre. « Tout autant que je l'ai été par vos capacités au combat. Alastor a toujours dit que vous étiez prometteuse, je suis heureux de constater qu'il avait raison. »

« Oh. » laissa-t-elle échapper malgré elle, surprise.

« Vous avez fait preuve de sang-froid et de discernement. » continua Scrimgeour, sans se laisser perturber. « Et prouvé, je pense, que vous étiez plus que apte à prendre des décisions délicates. C'est pourquoi j'ai décidé de vous confier une mission de nature particulière. »

Encore une mission spéciale, songea-t-elle non sans lassitude.

« Après la débâcle du Chemin de Traverse, il nous reste peu d'Aurors confirmés. » enchaina le Ministre.

« Une vingtaine. » intervint-elle. « Le reste sont encore en formation ou ont été nommés sans avoir terminé leur entrainement. » Les yeux de Scrimgeour étaient perçants et brillaient parfois d'un reflet jaune selon la lumière. Elle devina qu'il n'était pas souvent interrompu, toutefois cela ne l'empêcha pas de poursuivre. « Nous avons davantage d'Aurors incompétents que d'Aurors certifiés et cela va créer un problème. »

Et elle ne parlait pas simplement des innombrables vices de procédures dont le Département de la Justice Magique ne cessait de se plaindre. Ils étaient en guerre et les Aurors étaient censés garantir la paix.

« Certes. Cela n'est pas encore officiel, je vous demanderai donc de garder l'information pour vous, mais je compte rappeler autant d'Aurors à la retraite qui voudront bien reprendre du service. » offrit le Ministre.

« Des vieillards. » contra Tonks, sans pouvoir s'en empêcher. Elle grimaça immédiatement d'embarras. « Désolée. Mais sans vouloir vous offenser, s'ils sont à la retraite, il y a des raisons. »

Scrimgeour s'appuya plus confortablement contre le dossier de son fauteuil, sans la quitter des yeux. « Que suggérez-vous ? »

On ne lui demandait pas assez souvent son avis à son goût.

« Contacter tous les sorciers qui ont réussi leur A.S.P.I.C.S avec un O en Défense et leur proposer de se joindre à nous. » expliqua-t-elle, sans hésiter. « Nous avons davantage besoin de combattants que de médiateurs. Les Aurors certifiés et ceux qui sortent à peine de formation peuvent se charger de faire respecter la loi, les volontaires pourraient suivre un entraînement accéléré et être appelés en cas d'urgence. Les Aurors retraités qui veulent bien revenir pourraient s'occuper de l'entraînement. Cela ne ferait pas de mal à certaines de nos nouvelles recrues. »

Scrimgeour leva les sourcils, clairement surpris. « Vous aviez déjà réfléchi au problème. »

« C'est difficile de ne pas réfléchir au problème, là-dehors. » répondit-elle honnêtement. « Je dois non seulement faire attention au suspect que je veux arrêter mais m'assurer que mon propre collègue trop jeune et trop nerveux ne me tire pas dans le dos par accident. »

« L'idée a du mérite. » déclara Scrimgeour. « J'en discuterai avec Shacklebolt. » Il l'étudia en silence quelques secondes avec un intérêt nouveau. « Ce n'est pas pour cela que je vous ai convoquée toutefois. Comme je le disais, j'ai une mission qui doit impérativement être assignée à quelqu'un de compétent, quelqu'un en qui j'ai confiance. »

Elle se redressa instinctivement, flattée de cette déclaration. Voilà qui changeait de Dumbledore…

« Le Premier Ministre Moldu doit être protégé, cela est impératif. » lâcha-t-il. « Son service de sécurité a depuis longtemps été infiltré, tout comme celui de la famille royale, afin de s'assurer qu'aucun mage noir n'ait l'idée saugrenue de s'emparer du pouvoir par ce biais là. »

Elle hocha la tête, voyant mal ce que cela avait à voir avec elle. Les Aurors assignés à ces postes étaient en place depuis des années.

« Je souhaite m'assurer d'un suivi plus vigilent que celui qui est en place. » continu Scrimgeour. « À compter de demain, vous êtes le nouveau chef du service de sécurité de John Major. Vous n'aurez qu'à vous présenter à Downing Street. Votre père est Né-Moldu, je crois, vous faire passer pour l'un des leurs ne devrait pas poser de problème. »

Elle ouvrit et referma la bouche plusieurs fois, sans savoir que dire.

« Vous me retirez du terrain… » protesta-t-elle.

Il secoua la tête. « Non, Miss Tonks. Je place mes pions. D'après mes sources, vous avez affronté Bellatrix Black à plusieurs reprises. Peu de personnes peuvent se vanter d'une telle chose pour la simple et bonne raison que se retrouver face à elle est, d'ordinaire, une condamnation à mort. Je parle en connaissance de cause, je faisais parti des Aurors qui l'ont arrêtée après ce qu'elle a fait subir aux Londubat. J'avais moi-même formé Frank. »

La confidence la prit par surprise et elle éprouva un élan de compassion pour lui. Perdre un collègue n'était jamais facile, perdre un ami était pire.

« Espérons qu'un Mangemort y pensera à deux fois avant de tenter de s'attaquer au Premier Ministre en sachant que vous êtes chargée de sa protection. » conclut Scrimgeour.

« J'ai eu de la chance à chaque fois. » se sentit-elle obligée d'avouer.

« Quand bien même. » lâcha-t-il. « De plus, comme je l'ai déjà dit, vos capacités parlent pour vous. Ceci est une mission à responsabilités. Vous aurez carte blanche. » Son regard s'attarda sur sweater Bizarr' Sisters. « Des tenues plus professionnelles seront nécessaires. »

« Professionnelles. » répéta-t-elle.

« Des tailleurs, Miss Tonks. » clarifia-t-il. « Noirs de préférence. »

L'expression de la vendeuse lorsqu'elle se présenta dans la boutique une demi-heure plus tard n'avait pas de prix. Ou plutôt si, le prix exorbitant de quatre tailleurs-pantalons noir qu'elle ne remettrait probablement jamais une fois la mission terminée. Ils manquaient tellement de fantaisie et constituaient un tel trou dans son budget mensuel qu'elle ressortit de la boutique déprimée.

Elle déambula dans les rues de Londres pendant un moment, empruntant les ruelles et les allées peu fréquentées qui raccourciraient le chemin jusqu'à son appartement, tâchant de se rappeler quand elle avait fait ses comptes pour la dernière fois. Elle décida que le fait que son frigo soit vide n'était pas un problème et qu'elle se servirait directement au Square Grimmaurd lors de la réunion de ce soir là. Elle était bien certaine que la réunion serait à peu près aussi intéressante que d'habitude, quitte à lui faire perdre son temps, ils pouvaient bien la nourrir.

La lumière du hall de son immeuble était encore et toujours cassée et elle commençait à se lasser d'attendre que le concierge veuille bien la réparer. Après avoir vérifié qu'aucun de ses voisins n'étaient dans les parages, elle jeta un discret reparo et monta les marches quatre à quatre, appréciant de ne pas manquer se rompre le cou à chaque pas.

Elle jeta un coup d'œil distrait à sa montre avant d'introduire la clef dans la serrure. Il lui restait suffisamment de temps avant de devoir aller au QG pour une tasse de thé et une longue douche qui seraient toutes deux bienvenues. Elle s'en délectait d'avance lorsqu'elle pénétra dans son appartement et jeta clefs, paquets et blouson en tas près de l'entrée.

La douche d'abord. Le sorcier amateur d'incendio qu'elle avait finalement attrapé dans la matinée avait une hygiène plus que douteuse et l'odeur lui collait à la peau. Elle retira le sweater sans allumer la lumière et le jeta dans la vague direction du canapé tout en se dirigeant déjà vers la salle de bain. Elle était en train de retirer le débardeur qu'elle portait dessous lorsqu'un frisson descendit le long de sa nuque.

Il y avait quelqu'un dans le salon.

Et sa baguette était restée dans la poche de son sweater.

Sans geste brusque, elle baissa le débardeur et chercha du regard, dans l'obscurité relative, une arme potentielle.

Elle n'en eut pas le temps.

« Bonsoir, Dora. »

°°O°°O°°O°°O°°

« Mille-huit-cent-soixante-six. » insista Hermione, terriblement agacée.

« Soixante-sept. » rétorqua Draco, en agitant le parchemin couvert de son écriture de pâtes de mouche.

« Mes notes sont toujours précises. » grinça-t-elle des dents. « Si j'ai marqué que la rébellion des gobelins a eu lieu en soixante-six, c'est qu'elle a eu lieu en soixante-six. »

« Blaise a marqué soixante-cinq. » soupira Daphné, avant de remettre la baguette magique à la réglisse qu'elle suçotait depuis plus d'un quart d'heure dans sa bouche. Hermione aurait préféré que la Serpentard s'abstienne. Elle ne savait pas si la jeune fille avait remarqué la manière dont tous les garçons la regardaient, ou même si attirer les regards sur elle était le but, mais cette session d'étude ne se passait pas aussi bien que la Gryffondor l'aurait voulu.

Les examens approchaient à grands pas et la bibliothèque était prise d'assaut, à tel point qu'ils n'avaient pas trouvé de table suffisamment grande pour leur groupe d'étude et avait dû se rabattre sur le coin « détente » situé non loin de la section romans. L'endroit avait l'avantage d'être désert mais le décor n'encourageait pas à être studieux. Certains d'entre eux, Susan, Hanna, Neville, Daphné, Hermione et Ron s'étaient installés à même le sol, la moquette étant suffisamment douillette et l'espace dégagé leur permettant d'étaler leurs notes et de les mettre en commun. D'autres, comme Draco et Blaise, avaient jugé que s'asseoir par terre n'était pas assez digne de leurs lignées aristocratiques et avaient réquisitionné un fauteuil. D'autres encore avaient saisi l'opportunité que les canapés leur offraient. Dean était étalé sur l'un d'entre eux, Seamus et Padma partageaient un autre clairement plus occupés à se tourner autour qu'à travailler, quant à Ron et Lavande, elle n'osait même pas jeter un coup d'œil dans cette direction, certaine de ce qu'elle y verrait.

« Qu'en dis-tu, oh Saint Potter qui connait tout sur tout ? » railla Draco, tandis que les uns et les autres parcouraient leurs propres notes à la recherche de ce qu'eux même avaient marqué – un processus laborieux étant donné que presque personne ne se donnait la peine d'écouter Binns.

Harry, qui s'était juste là contenté de feuilleter un manuel sans écouter un traitre mot de ce qu'il se disait – à l'irritation croissante d'Hermione d'ailleurs – releva brusquement la tête, clairement confus.

« Quoi ? » demanda le garçon.

« La rébellion des gobelins de mille-huit-cent. » répondit gentiment Neville. « Est-ce que tu as les dates précises ? »

« Oh, euh… » s'embrouilla Harry. Il attrapa son sac et se mit à la recherche de ses feuilles de cours – celles qui dataient de soixante-quinze et qu'Hermione avait appris à détester pour la simple et bonne raison qu'il ne semblait pas avoir tort lorsqu'il prétendait que le programme était bien plus compliqué à l'époque. Elle n'aurait rien eu contre un programme un peu plus complexe.

« Laisse tomber. » soupira Hermione. « Autant consulter un manuel, au moins on sera certain de la réponse. »

« Je ne trouve pas. » offrit Blaise, le nez plongé dans leur livre d'Histoire de la Magie.

« Il y a un livre sur les rébellions des gobelins très complet. » déclara-t-elle, en se levant.

« Nous n'avons pas tellement besoin de concret, juste d'une date. » se moqua Draco, en tendant la main pour l'attraper au passage.

Elle l'esquiva, autant parce qu'il l'avait contrariée en la contredisant que parce qu'elle savait pertinemment que si elle le laissait faire, ils n'avanceraient pas dans leur étude et qu'elle n'avait aucune intention de terminer comme ceux présentement vautrés sur les canapés.

« Ron. » ordonna-t-elle. « Viens. »

Ron sursauta de se voir interpeler et cessa de planter des baisers dans le cou de Lavande pour jeter un regard circonspect à la ronde. Il était clair qu'il n'avait pas la moindre idée de ce dont il était question.

« Que Merlin me protège des adolescents en rut. » grommela-t-elle entre ses dents.

« Tu n'as pas toujours dit ça. » plaisanta Daphné, en jetant un coup d'œil lourd de sens à Draco.

Heureusement, Ron la connaissait suffisamment pour comprendre qu'il n'avait pas intérêt à discuter et, après s'être excusé d'un dernier baiser auprès de Lavande, lui emboîta le pas d'un air guilleret.

« Remplacé par Weasley. » lança Dean, alors qu'ils s'éloignaient. « Ça doit t'en foutre un coup, ça, Malfoy. »

Elle n'entendit pas la réponse qui, elle n'en doutait pas, n'avait pas dû être bien aimable. Elle et Ron s'enfoncèrent dans les rayonnages en silence jusqu'à ce qu'ils soient suffisamment loin pour être certain de ne plus être entendus.

« Tu ne trouves pas qu'Harry est bizarre en ce moment ? » s'enquit-elle, alors qu'ils arrivaient à la section dédiée à l'Histoire de la Magie.

« J'ai l'impression qu'on a eu cette discussion cinquante fois depuis qu'il est revenu. » soupira Ron.

Elle leva les yeux vers les inscriptions gravées en haut des rayonnages, autant pour s'orienter que pour ne pas regarder son meilleur ami en face. Il n'avait pas tort. Ce n'était pas faute d'offrir leur aide au Survivant pourtant…

« Ces trois derniers jours, je veux dire. » clarifia-t-elle. « Depuis que Dumbledore l'a pris à part. »

« Il est tracassé. » acquiesça son ami. « Il t'a dit ce que voulait Dumbledore ? »

Elle secoua la tête, ses boucles brunes volant en tout sens. « Il n'a rien voulu dire. Mais ça doit avoir un rapport avec la guerre, c'est évident, non ? » Elle repéra les lettres dorée qu'elle cherchait en haut d'un rayonnage. « C'est ici. »

Ron resta silencieux pendant qu'elle laissait courir ses doigts sur les rangées de livres à la recherche d'un tome qu'elle avait aperçu deux ans auparavant.

« Dis… » hésita son ami, après quelques minutes. « Tu ne crois pas qu'on a été un peu… » Il soupira et se frotta l'arrière de la nuque d'un air gêné. « D'habitude, dès qu'il y a un mystère on est les premiers à l'aider et là… Il y a la prophétie et les Horcruxes… »

« Chut ! » cingla-t-elle, en jetant un coup d'œil paniqué alentours. Heureusement, ce coin de la bibliothèque semblait désert. « Tu ne peux parler de ce genre de choses ici, Ron ! »

Son chuchotement anxieux porta plus loin que la voix de son meilleur ami et elle grimaça.

« Assurdiato. » marmonna Ron, en agitant sa baguette.

Hermione fronça les sourcils, toujours mal à l'aise lorsque lui ou Harry utilisaient des sorts non-approuvés par le Ministère. Que Snape les ait créés ne la rassurait que peu, non pas parce qu'elle n'avait pas confiance en lui – elle n'avait jamais eu besoin des certitudes d'Harry sur ce point, l'opinion de Dumbledore lui suffisait – mais parce que Snape était spécialiste de potions et, semblait-il, de Défense, et pas de sortilèges.

« D'habitude, on aurait sauté sur l'occasion de l'aider. » insista le Gryffondor. « Et là… Eh ben… Tu passes la moitié de ton temps avec Malfoy et moi avec Lavande et… Je n'ai pas l'impression qu'on fasse grand-chose. »

Il était vrai que depuis la Nuit des Ténèbres, mis à part maintenir l'A.D. ils n'avaient pas véritablement contribué à l'effort de guerre.

« J'ai essayé de faire quelques recherches sur les Horcruxes. » se défendit-elle. « Mais il n'y a pratiquement aucune mention dans la bibliothèque et je me vois mal demander à Madame Pince. On pourrait essayer la Réserve, je suppose. »

Sa voix manquait de conviction et Ron le perçut clairement.

« Tu ne penses pas que ce soit une bonne idée. » remarqua-t-il.

Sa main s'arrêta sur l'ouvrage qu'elle cherchait et elle le retira de l'étagère, tapotant distraitement la tranche du doigt. Elle garda les yeux rivés sur les lettres dorées, à moitié effacées, qui formaient le titre.

« Je pense… » hésita-t-elle. « Je pense que les choses sont différentes cette année. Harry s'entraîne avec Remus et McGonagall, il a des réunions avec Dumbledore, il ne nous confie pas autant de choses… »

« Toi aussi tu crois qu'il nous cache quelque chose, alors ? » s'exclama-t-il, avec un soulagement certain. « Je pensais que je devenais paranoïaque ! »

« Non. » confirma-t-elle, en croisant le regard de son ami. « Il nous cache quelque chose mais… c'est ce que j'essaye de te dire. Il y a la prophétie. Tu ne penses pas qu'il est plus impliqué que nous ? Qu'il fait partie de… Tu-sais-quoi ? »

L'idée lui avait traversé l'esprit à plusieurs reprises. Peut-être était-il désormais un membre de l'Ordre du Phoenix. Pourquoi pas ? Il était le Survivant, l'Élu…

« Il nous l'aurait dit. » protesta Ron.

Elle haussa les épaules. « Je ne sais pas. Je n'ai pas l'impression qu'il nous dise grand-chose. »

« Il parle à Ginny pourtant. » révéla-t-il. « Je les ai surpris plus d'une fois en train de discuter. »

Elle étudia le garçon avec une exaspération qui masquait mal son affection. « Pitié, dis moi que tu ne vas pas te mêler de ça… Ginny est assez grande pour savoir ce qu'elle fait et si tu te disputes avec Harry maintenant… »

« De quoi tu parles ? » Il leva les yeux au ciel. « Ils discutent, c'est tout. Harry n'est pas intéressé. »

Elle émit un bruit peu convaincu mais préféra lui laisser ses illusions. Tôt ou tard, elle en avait le pressentiment, Harry finirait par ouvrir les yeux et réaliserait que Ginny n'avait plus onze ans.

« Elle dit qu'ils parlaient de papa. » déclara Ron, tandis qu'elle ouvrait le livre et parcourait la table des matières des yeux. « Et de ses parents. »

« Soixante-six ! Je le savais ! » triompha-t-elle, après avoir finalement trouvé ce qu'elle cherchait.

Elle referma le livre et le remit en place avant de se tourner vers son meilleur ami. Comme à chaque fois qu'il parlait de son père, Ron s'était rembruni. Sa mâchoire était contractée et ses yeux bleus étaient rivés sur un point légèrement au-dessus de l'épaule d'Hermione. Elle prit une profonde inspiration, espérant ne pas dire ce qu'il ne fallait pas. La mort d'Arthur Weasley et ce qu'elle avait choisi de faire pour protéger sa propre famille était toujours un sujet épineux entre eux.

« C'est bien qu'elle ait quelqu'un avec qui en parler. » offrit-elle doucement « Et… Je ne peux même pas imager ce que ça doit être pour Harry. Apprendre à connaître des parents qu'il n'a jamais vraiment connus uniquement pour les perdre à nouveau… »

Ron haussa les épaules et fit demi-tour d'un pas raide. Elle lui emboîta le pas après avoir mis un terme au sortilège d'Assurdiato d'un bref Finite.

« Je lui ai proposé d'en parler avec moi. » lâcha-t-il. « Je lui ai dit qu'il pouvait tout me dire, que j'étais là s'il avait besoin… » Il haussa à nouveau les épaules, pas aussi nonchalant qu'il voulait le faire croire. « Je ne sais plus quoi dire ou faire. »

« Peut-être qu'il n'y a rien à dire ou à faire. » soupira Hermione. « Peut-être qu'on se fait une montagne d'un rien… Je pense que la meilleure chose à faire, pour l'instant, c'est d'être ses amis, tout simplement. »

Il accueillit cette proposition d'un troisième haussement d'épaules.

« Ce n'est pas que je ne veux pas aider, tu sais ? » murmura-t-il, alors que les bruits de conversation de leur groupe d'amis commençaient à porter jusqu'à eux. « Toutes les aventures qu'on a eu… Je ne les regrette pas. Et je suivrais Harry jusqu'à au bout du monde, s'il le fallait… Mais… C'est quand même chouette de ne se soucier que de nos devoirs et de nos copines… Ou copains, enfin tu vois… »

« Je sais. » le tranquillisa-t-elle.

« Je sais que ça ne peut pas durer toujours. » insista Ron. « Je sais qu'il y a une guerre dehors et qu'on va y jouer un rôle qu'on le veuille ou non parce que Harry… Je ne regrette pas d'avoir choisi d'être le meilleur ami d'Harry. Et je ne regretterai pas mon choix de le suivre dans cette guerre, mais… »

« Il n'y a rien de mal à profiter des bons moments, Ron. » le coupa-t-elle gentiment. « Je ne pense pas qu'Harry nous le reproche. »

Ils s'immobilisèrent dans l'ombre d'un rayonnage, hors de vue de leurs amis mais suffisamment près pour entendre les éclats d'une dispute entre Blaise, Daphné et Susan et Dean. Ils parlaient Quidditch. Bien entendu. Il suffisait qu'elle s'absente quelques minutes…

« On ne fait rien, alors ? » demanda Ron. « Pour… tu sais quoi. »

Elle réfléchit à la question quelques secondes, la soupesa puis grimaça, peu satisfaite de la conclusion à laquelle elle était arrivée.

« Donnons-lui quelques jours. » suggéra-t-elle. « S'il ne se confie pas à l'un de nous d'ici là, on lui en parlera. »

Ron approuva d'un hochement de tête et ils rejoignirent leurs amis. Le débat était animé et le Gryffondor fut immédiatement happé dans la conversation, pris à parti par Daphné. Seules trois personnes restaient en retrait, Lavande que le sujet ne passionnait clairement pas, Draco qui observait le chaos ambiant avec un léger sourire aux lèvres et Harry qui avait le regard perdu dans le vague.

Elle se percha sur l'accoudoir du fauteuil de Draco, tout autant découragée par l'attitude mélancolique de son ami que par le manque d'implications des autres. Il ne fallut pas bien longtemps pour que des bras enlacent sa taille et qu'elle soit tirée en arrière, sur les genoux du Serpentard. Elle n'était pas véritablement à l'aise lorsqu'il était question de ce genre de marque d'affection publique mais cela ne semblait pas déranger le Sang-Pur. Il paraissait fier lorsqu'elle l'autorisait à lui tenir la main dans les couloirs ou à l'embrasser dans le parc… Cela flattait Hermione. Elle était fière qu'il soit fier d'être vu avec elle, aussi arrogant que cela puisse paraître.

« Qu'y a-t-il ? » s'enquit-il, avec un léger froncement de sourcils.

« Rien. » répondit-elle instinctivement.

Le froncement de ses sourcils s'accentua.

« Ne me mens pas. » exigea-t-il doucement. « Si tu ne peux ou ne veux pas en parler, dis le simplement. Ne me mens pas. »

Malgré elle, un sourire amusé flotta sur ses lèvres.

« Un Serpentard qui l'apologie de la franchise ? » se moqua-t-elle sans hostilité.

« Juste entre toi et moi. » répondit-il, en inclinant la tête pour mieux l'étudier.

« Juste entre toi et moi. » répéta-t-elle, en posant sa tête sur son épaule pour mieux assister au fiasco qu'était devenu leur session d'étude.

Cela sonnait comme une promesse.

°°O°°O°°O°°O°°

La jeune femme ne sursauta pas mais il était clair à la manière dont tout son corps se tendit qu'elle n'était pas tout à fait heureuse de sa présence. Tonks se tourna vers lui, rajustant son débardeur et abattant brusquement la main sur l'interrupteur. Une lumière blafarde inonda le salon. Il aurait préféré qu'elle s'abstienne, la piètre luminosité de l'appareil moldu lui avait toujours donné la migraine.

« Tant qu'à rentrer par effraction tu aurais aussi bien pu allumer la lumière. » grinça-t-elle. « Te mettre à l'aise. Une tasse de thé, peut-être ? »

« Je voulais simplement te parler. » déclara Remus calmement.

Elle le foudroya des yeux, croisant les bras devant sa poitrine dans un geste qu'elle voulait sans doute autoritaire mais qui lui parut enfantin.

« Commence par sonner la prochaine fois. » répliqua-t-elle.

« Tu n'as jamais répondu à ma lettre. » lui rappela-t-il, légèrement agacé par ce manque de courtoisie.

Son regard se posa sur la porte qui menait au couloir et il se demanda brièvement si elle comptait s'enfuir. Il ne bougea pas du canapé où il était assis. L'effrayer n'avait jamais été son intention. Oh, bien sûr, il savait que venir chez elle était une mauvaise idée et, pourtant, il n'était pas parvenu à résister à la tentation. Il avait besoin de la voir. Non seulement parce qu'elle lui manquait mais parce qu'elle appartenait à sa meute, qu'elle le veuille ou non, et sa meute était éparpillée aux quatre coins du pays et cela lui laissait un sentiment de solitude impossible à combler. Déjà, Lunard se sentait apaisé rien qu'à être en sa présence.

Ce qui les avait séparés en premier lieu lui semblait désormais dérisoire.

« Peut-être parce que je n'ai rien à y répondre ? » cingla-t-elle.

« Dora… » soupira-t-il.

« Qu'est-ce que tu veux, Remus ? » lâcha-t-elle, d'un ton las.

Elle semblait peinée et le dissimulait mal. Il s'en voulut de lui causer autant de détresse, de lui avoir causé tant de détresse par le passé…

« Honnêtement ? » hésita-t-il. « Je ne sais pas. Je sais que toi et moi, c'est une mauvaise idée… Je sais qu'il arrivera un moment où tu voudras des choses que je ne pourrais pas t'offrir mais… Tu me manques. » Il marqua un autre temps d'hésitation mais puisqu'elle ne fit pas mine de prendre la parole, il continua. « Je n'en peux plus de ces disputes constantes. J'admets qu'une grande partie est de mon fait. Le loup… Le loup me rendait fou, ces derniers temps. La potion Révèle-Loup a fait des merveilles. Je vais beaucoup mieux. »

Il se tut, l'observant avec attention.

Le silence était oppressant.

Au bout d'un long moment, elle s'humecta les lèvres et ramassa le sweater qu'elle avait laissé tomber avant de l'enfiler.

« Va-t-en, s'il te plait. » exigea-t-elle, sans le regarder en face.

Il n'était pas totalement surpris toutefois il n'avait pas prévu une telle froideur.

« Tu es fâchée. » hasarda-t-il. « Je comprends, mais… »

« Non, tu ne comprends pas. » s'énerva-t-elle brusquement avant de prendre une profonde inspiration. Elle porta la main à ses cheveux en un réflexe désormais inutile puisqu'elle avait perdu son don de Métamorphomage.

« Dora… » plaida-t-il.

« Non. » cracha-t-elle. « Qu'est-ce que tu crois ? Que je suis un jouet à mâcher que ton putain de loup peut prendre et jeter à loisir quand l'envie lui en prend ? » Sa voix était dure et cassante. Elle balaya l'air d'un geste agacé de la main. « Ça n'a jamais été la lycanthropie, le problème. La lycanthropie était l'excuse sur laquelle tu as été bien heureux de sauter. »

Elle se dirigea vers la cuisine et le planta là. Il écouta pendant une seconde les bruits caractéristiques de placards qui s'ouvraient et se fermaient avec rage puis s'extirpa du canapé et la suivit, légèrement penaud.

« Tu es blessée. » grimaça-t-il. Évidemment qu'elle était blessée. Il était parfois singulièrement idiot.

« Non, tu crois ? » siffla-t-elle, en plaçant la bouilloire sur le feu avec tant de brutalité que le couvercle se renversa. « Tiens, tu te souviens de ce qui s'est passé dans cette cuisine ? Juste là. » Elle désigna d'un geste un coin près de la table. « C'est là que je t'ai dit que je t'aimais. Et, rappelle-moi ce que tu as fait ensuite ? »

Il y avait tellement de colère et de douleur dans sa voix que Lunard aurait aimé s'en émouvoir et pourtant, il savait qu'il avait fait ce qu'il fallait à l'époque. Cela lui avait arraché le cœur, mais la décision avait été prise pour son bien à elle, en faisant fi de tout ce que, lui, désirait.

« Quitter cette cuisine a probablement été l'un des choix les plus durs de ma vie. » répondit-il doucement. « Parfois pour protéger la meute… »

« Oh, pour l'amour de Merlin, si tu ne cesses pas de tout ramener aux loups-garous je vais te casser la figure, Remus ! » s'écria-t-elle. « Ça n'a strictement rien à voir. Ça n'a rien à voir avec le fait que tu me traites comme une enfant qu'on ne peut pas laisser seule. Ça n'a rien à voir avec le fait que tu ne me fais pas confiance pour prendre mes propres décisions. Ça n'a rien à voir avec le fait que tu t'es comporté comme le pire des connards depuis la Nuit des Ténèbres ! » À bout de souffle, elle lui tourna à nouveau le dos pour attraper un mug dans un des placards. « Je pensais qu'on n'était qu'une parenthèse et que tu l'avais refermée. »

« J'ai eu tort. » riposta-t-il. « C'est ce que tu veux entendre ? J'ai voulu faire ce qu'il y avait de mieux pour toi et j'ai eu tort. Quant au reste… »

Il hésita. Il ne savait pas quand et pourquoi il avait commencé à remettre en cause toutes ses décisions. Il lui semblait qu'elle faisait toujours le choix de l'imprudence. Il mourrait d'inquiétude pour elle à chaque seconde qu'elle passait là-dehors et il aurait largement préféré qu'elle se cache quelque part sous Fidelitas. Bellatrix Lestrange et Fenrir Greyback étaient après elle, il n'y avait pas de honte à se protéger d'ennemis qu'elle n'était, en dépit de toutes ses protestations, pas de taille à affronter. James et Lily n'avaient pas hésité à se cacher lorsque le moment était venu et beaucoup d'autres avaient cédé à la tentation avant eux.

« Ce n'est même pas la peine que tu essayes de te justifier sur le reste. » se moqua-t-elle. « Tu vas dire que tu me respectes et je n'en croirais pas un mot. »

Il ouvrit et referma la bouche, incapable de déterminer comment ils en étaient arrivés à ce point. Il était conscient qu'elle était en colère mais il ignorait qu'elle nourrissait autant de rancœur envers lui.

Et pourtant… Pourtant, il n'en pouvait plus de cette froideur, de cette distance entre eux. Laura était en Écosse, Sirius le tenait toujours quelque peu à l'écart depuis la pleine lune, et Lunard avait besoin de sa meute. À présent qu'il l'avait trouvée, sans elle, il avait froid. Un drôle de froid permanent qui lui collait aux os et le faisait tourner en rond des heures durant. Il avait besoin de sa compagne, à défaut du reste de la meute.

« Dora, je t'… » tenta-t-il d'offrir avec sincérité. C'étaient des mots qu'il aurait dû prononcer longtemps auparavant.

« N'y pense même pas. » l'interrompit-elle, en se retournant, baguette pointée vers lui en guise d'avertissement. Elle avait les larmes aux yeux et il s'en voulut de lui faire autant de mal. Il n'avait jamais voulu la blesser.

« Dora… » insista-t-il.

« Va-t-en. » ordonna-t-elle. « Je ne plaisante pas. Va-t-en. »

Il voulut insister, fit un pas en avant, tendit la main, mais avant qu'il ait pu la toucher, elle avait disparu dans le craquement caractéristique du transplannage.

Sur la gazinière, la bouilloire se mit à siffler.

°°O°°O°°O°°O°°

« Je déteste qu'on me regarde me nourrir. »

Sirius sursauta, rattrapant in extremis le bol de chips qu'il tenait à la main. Les en-cas servis lors des réunions étaient bien plus appétissants lorsque Molly était responsable de la cuisine mais la sorcière n'avait pas mis les pieds au Q.G. depuis un moment et Bill n'était pas encore arrivé avec l'éternel lot de nourriture que sa mère leur faisait transmettre régulièrement.

« Désolé. » s'excusa-t-il. « J'avais l'esprit ailleurs. »

Nyssandra s'appuya contre le plan de travail. Il était dur de ne pas l'observer lorsqu'elle était la seule autre distraction qu'offrait la cuisine de Square Grimmaurd – et quelle distraction…

« Tu continues à me regarder. » remarqua-t-elle, avec un sourire mi-agacé mi-satisfait, avant de porter le mug à ses lèvres une nouvelle fois. Le sang donnait une couleur sombre à sa bouche et Sirius détourna finalement le regard en sentant un frisson descendre le long de sa colonne. Ce n'était ni le lieu, ni le moment de se perdre dans la contemplation de la vampire.

« Il y a des bièraubeurres, de l'alcool… » énuméra-t-il. « Quoi d'autres que des chips ? Qu'est-ce qu'il reste dans les placards ? Kreattur ! »

L'elfe apparut au bout de longues minutes dans un CRACK sonore.

« Le Maître a appelé Kreattur ? » marmonna le vieil elfe avec une mauvaise volonté évidente.

« Prépare quelque chose à manger. » ordonna-t-il. « Et fais en sorte que ce soit comestible. »

« S'il te plait. » rajouta Nyssa, avec un froncement de sourcils désapprobateur.

« S'il te plait. » grinça-t-il entre ses dents. La vampire ne cessait de le réprimander à cause de la manière dont il parlait à l'elfe – une créature magique comme elle, ne cessait-elle d'argumenter. L'Animagus commençait à penser qu'il y avait un complot, quelque part, et que les gens qu'il appréciait, pour ne pas dire aimait, avaient décidé de le forcer à être cordial avec tous ceux qu'il détestait.

Il abandonna Nyssa à son repas pour rejoindre le petit salon où attendaient déjà Charlie, Anthony, Kingsley et Fleur. Il déposa le bol de chips sur la table basse et reprit sa place non loin de la cheminée, sans interrompre la conversation. Il écouta d'une oreille distraite, tirant de sa poche le paquet de cigarettes cabossé.

« Tonks m'a dit que vous aviez retrouvé un poste ? » s'enquit Kingsley. « J'ignorais qu'il y avait d'autres dragons dans la région… »

« Il y a une réserve naturelle en Irlande. » expliqua Anthony. « Mais ce sont des dragons d'eau, pas vraiment notre spécialité. »

« Dumbledore nous a offert un poste à Poudlard. » renchérit Charlie. « On commence la semaine prochaine. »

« Vraiment ? » s'étonna Sirius, oubliant la cigarette qu'il s'apprêtait à allumer et acceptant avec un remerciement le verre de whiskey-pur-feu que lui tendit Fleur. « Ne me dis pas qu'Hagrid a adopté un autre dragon… »

Harry lui avait raconté toute l'histoire et il ne parvenait toujours à décider si l'initiative du demi-géant était géniale ou complètement folle. Un peu comme toujours avec Hagrid, en somme.

« Un autre ? » releva Anthony, en levant les sourcils.

« Longue histoire. Je t'expliquerai. » répondit le Weasley dans un éclat de rire, en posant une main distraite sur la jambe de son petit-ami. « Et rien à voir. Ce n'est pas un gros secret alors je pense que je peux le dire… Hagrid a ramené un souvenir de son voyage, cet été, et il est débordé. »

« Par souvenir, tu sous-entends… » grimaça Kingsley.

« Son petit frère. » confirma Charlie, d'un hochement de tête.

« Pas si petit que ça. » plaisanta Anthony.

« Un géant ? » lâcha Sirius.

« Oui. Graup. Il vit dans la Forêt Interdite pour l'instant. » déclara Anthony. « Il est moins sauvage que je ne m'y attendais mais mis à part avec Hagrid il n'est pas très réceptif. Enfin… Un travail est un travail. À défaut de dragons… »

Sirius avala la moitié de son verre d'un coup, ayant soudain très chaud. Plus d'entraînement dans la Forêt Interdite, décida-t-il.

Un bruit de chute et de faïence brisée retentit dans le couloir.

« C'est toi, ma nymphe ? » plaisanta Charlie, provoquant quelques rires amusés.

« Désolée. » marmonna Tonks, en pénétrant dans la pièce. « J'ai cassé un vase. »

« Je savais bien que j'avais reconnu ta délicatesse habitu… » Charlie s'interrompit brusquement. Son visage se durcit et il se mit debout, traversant la pièce avant que quiconque n'ait pu bouger. « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »

Tonks n'était clairement pas au mieux de ses excentricités vestimentaires. Son jean était troué à la cuisse et tâché de suie, le sweater des Bizarr' Sisters avait été enfilé à la hâte, ses cheveux étaient ébouriffés… Toutefois ce ne fut que lorsque Sirius aperçut son visage qu'il comprit ce qui avait véritablement alarmé Charlie. Elle faisait de gros efforts pour se contenir mais des larmes lui échappaient et coulaient sur ses joues.

Une tension nouvelle envahit la pièce tandis que les deux amis échangeaient quelques mots à voix basse. Charlie hocha la tête et la guida vers le couloir d'une main au creux de son dos.

« On va prendre l'air. » lança-t-il, par-dessus son épaule. Son regard s'arrêta sur Anthony et s'adoucit. « Sur le square, ça devrait aller. »

« Je me rapprocherai au besoin. » le tranquillisa le dragonnier.

« Ce n'est pas trop pénible de ne pas pouvoir s'éloigner l'un de l'autre ? » s'enquit Fleur lorsque les deux amis eurent disparu.

Anthony fit la moue et avala une gorgée de bièraubeurre. « Quelques fois. »

Cela mit un terme à ce sujet de conversation et Kingsley lança la dernière interview que Sirius avait donné à Sorcière Hebdo sur le tapis où l'Animagus s'était étendu en large et en travers sur pourquoi il était nécessaire que le Magenmagot vote la loi qui retirerait les Détraqueurs d'Azkaban, au grand dam de la journaliste qui aurait préféré découvrir ce qu'il recherchait chez une femme davantage que ses opinions politiques.

Il était en train de raconter à quel point la journaliste avait eu l'air dépité lorsqu'il avait avoué détester le gratin aux épinards – le plat qu'elle réussissait apparemment à merveille et aurait adoré lui faire goûter lors d'un tête à tête – lorsque Nyssa se glissa silencieusement dans la pièce. Il se tut aussitôt et orienta la discussion sur le Ministère. La vampire se percha sur l'accoudoir de son fauteuil et attendit que les autres soient occupés à débattre des nouvelles consignes de sécurité que l'on donnait à la population avant de lui murmurer à l'oreille : « J'ai une excellente ouïe, tu sais, et tu parles fort. Je t'entendais de la cuisine, ce n'était pas la peine de t'interrompre pour moi. »

Il fut sauvé par l'arrivée de Remus qui émergea de la cheminé, jeta un coup d'œil à la ronde, marmonna à peine un « bonjour » avant de disparaître dans les étages où une porte claqua.

Ils s'entre-regardèrent tous avec surprise.

« Querelle d'amoureux. » déclara Fleur.

Il y eut quelques murmures d'assentiment auxquels Sirius ne participa pas. Il se leva, laissant la conversation s'orienter vers d'autres sujets et alla se poster à la fenêtre. Charlie et Tonks ne s'étaient pas énormément éloignés, le Weasley ne le pouvait de toute manière pas tant qu'Anthony ne se rapprochait pas, et il les discernait parfaitement malgré l'obscurité. Sa cousine était appuyée contre un lampadaire et la lumière jaunâtre qui dégoulinait sur elle lui donnait l'air fatigué et malade. Elle parlait de manière animée, agitant les mains et se frottant de temps en temps le visage. Charlie écoutait attentivement, offrant parfois une parole, touchant régulièrement son bras en une preuve de soutien… Il était clair à mesure que les minutes passaient que le jeune homme était en train de se mettre en colère. À un moment donné, il fit mine de retourner à l'intérieur mais elle le retint par le bras et éclata véritablement en sanglots. Charlie l'étreignit immédiatement.

Sirius rejeta l'idée d'aller voir comment allait Remus. Quoi qu'il se soit passé pour que sa cousine se mette dans un tel état, et si cela avait bien un rapport avec son meilleur ami, il préférait ne pas savoir pour l'instant. Sa relation avec le loup-garou était suffisamment volatile comme ça.

Fol'Œil arriva sur ses entrefaites et la tension changea sur le champ de cible, l'ancien Auror et Nyssa se tournant autour en silence. Sirius en venait à regretter le temps où ils se hurlaient dessus. Il regrettait également le temps où Maugrey avait le bon ton de tout simplement ignorer la vampire, ces rencontres la laissait toujours mélancolique et, invariablement, elle lui offrait d'aller chasser avec elle, ce qui lui donnait l'impression de n'être qu'un deuxième choix qui n'avait guère d'autre importance que l'avantage d'être au bon endroit au bon moment.

Ils auraient sans doute dû en discuter mais sa vie était suffisamment compliquée, en ce moment, pour qu'il y rajoute des problèmes supplémentaires.

Snape et McGonagall arrivèrent par voie de cheminette une demi-heure avant l'heure de la réunion. Si la sorcière se mêla immédiatement aux autres, le Maître des Potions resta en retrait. Sirius l'observa avec insistance jusqu'à ce que les yeux sombres se tournent dans sa direction. Il ne dit rien, ne fit aucun geste prouvant qu'il avait compris ce que l'Animagus désirait, pourtant cinq minutes plus tard, il se glissa hors de la pièce.

Sirius attendit cinq autres minutes avant de le suivre dans l'indifférence la plus totale. Il croisa Remus dans le couloir et serait passé à côté de lui sans un mot si le loup-garou ne lui avait pas attrapé le bras.

« Tonks est arrivée ? » demanda son ami.

Il y avait plusieurs réponses à cette question, pourtant l'Animagus se contenta de celle qui s'imposait.

« Laisse la tranquille, ce soir. » ordonna-t-il. « Je ne sais pas ce qu'il s'est passé mais je pense qu'elle a besoin d'espace, là, tout de suite. »

Il était évident que cela ne plut pas à Remus – ou bien, peut-être, était-ce le ton autoritaire qu'il avait employé et qui ne convenait pas au chef de meute … Peut-être Sirius aurait-il dû se comporter en bon petit loup qu'il n'était pas et s'aplatir.

Il se dégagea sans brutalité mais sans gentillesse non plus et poursuivit son chemin sans se retourner. Il aimait Remus, il aurait donné sa vie pour lui, mais il y avait des jours, et, en ce moment, ces jours s'étiraient en semaines, où le comportement du loup-garou était plus qu'il ne pouvait en supporter.

Il se dirigea vers la bibliothèque sans véritablement y réfléchir, parce qu'il en avait fait sa pièce. Nyssa et Remus y mettaient à peine les pieds depuis quelque temps.

Snape se tenait devant un des rayonnages et feuilletait un grimoire qu'il remit en place dès qu'il aperçut Sirius. Le Professeur fit mine de poser des protections anti-intrusions mais l'Animagus le stoppa d'un geste distrait.

« Inutile. » jugea-t-il. « J'ai simplement quelque chose pour toi. Enfin… Je suppose que c'est pour toi. »

Snape, au moins, avait l'air légèrement plus en forme. S'il avait toujours des cernes, son teint était moins cireux et il ne paraissait plus sur le point de s'évanouir. Il se demanda si McGonagall l'avait mis au repos forcé comme elle avait menacé de le faire lorsqu'il l'avait prévenue que l'homme se sentait mal et ne retournerait pas à Poudlard de la journée.

Il extirpa le parchemin froissé de sa poche et le lui tendit.

« C'était inclus dans une lettre d'Harry. » expliqua-t-il.

Le Mangemort prit le papier et le lissa avant d'étudier les trois lettres soigneusement tracées sur la petite enveloppe. Nox.

« Décachetée. » observa l'homme, d'un ton plat qui convoyait parfaitement son agacement.

« Je n'étais pas au courant que tu avais d'autres surnoms, Servillus. » se moqua-t-il. « Je n'étais même pas sûr qu'elle était pour toi, mais je ne vois pas bien à qui d'autre je suis censé passer des mots secrets. »

Snape le fusilla du regard et sortit le parchemin de l'enveloppe. Il en parcourut les quelques lignes avant d'approcher sa baguette de la missive. Ils la regardèrent tous deux se consumer sous l'effet d'un incendio informulé. Lorsque les flammes atteignirent ses doigts, le Professeur lâcha le papier et agita la main distraitement pour chasser la sensation de chaleur. Pour plus de sécurité, il fit disparaître les cendres d'un evanesco.

« Tu sais ce qu'il veut ? » s'enquit Sirius.

La lettre d'Harry était laconique. Deux phrases qui l'informaient qu'il comptait se rendre le lendemain, durant la pause déjeuner, aux écuries et qu'il espérait y trouver des sombrals.

« Aucune idée. » répondit le Maître des Potions. « Il est distrait ces jours-ci. »

Son visage ne trahit rien et Sirius ne parvint pas à décider s'il mentait ou non.

« Pourquoi les écuries ? » insista-t-il.

« C'est un lieu de rendez-vous comme un autre et nous n'y serons pas dérangés. » répliqua Snape.

Il y avait des jours où il était dur de se souvenir de pourquoi il devait réprimer son désir de le frapper. Le Mangemort était si laconique… Tout ce qui concernait Harry concernait aussi l'Animagus.

« Est-ce que tu crois que ça pourrait avoir un rapport avec son Patronus ? » grinça-t-il, déterminé à obtenir quelques réponses.

« Son Patronus ? » releva Snape. « De quoi parles-tu ? »

Sirius grimaça, n'ayant aucune intention de révéler au Professeur qu'il avait attiré Harry dans la Forêt Interdite au beau milieu de la nuit pour une chasse au drapeau qui s'était plus ou moins mal terminée.

« Il n'est pas arrivé à le faire apparaître l'autre jour. » expliqua-t-il d'un ton détaché.

Le regard noir cherchait à accrocher le sien et Sirius garda les yeux prudemment rivés sur l'épaule de l'homme, conscient qu'il ne l'emporterait pas face à ses dons de Legilimens.

« Je pensais… » continua-t-il, légèrement hésitant à aborder ce sujet avec Snape. Toutefois, il savait qu'il devait compter avec lui lorsqu'il était question d'Harry, à présent, et cela semblait être quelque chose dont ils devaient discuter si cela perturbait le garçon. « S'il est aussi en colère après James qu'il l'est après moi… Peut-être que le cerf… » Le Maître des Potions ne laissa rien transparaître et Sirius ne cacha pas son irritation. « Tu n'as rien à dire ? »

Snape leva un sourcil dédaigneux et ouvrit la bouche pour délivrer ce qui serait incontestablement une de ses répliques acerbes puis la referma sans avoir émis un son, les yeux rivés sur quelque chose derrière l'Animagus. Il se retourna pour trouver Nyssa qui les observait en silence. Il n'aurait su dire depuis combien de temps elle était là.

« Albus est arrivé. » déclara-t-elle. « Nous sommes prêt à commencer. »

Snape se glissa hors de la pièce sans ajouter un mot, ses capes claquant derrière lui. Sirius dévisagea la vampire jusqu'à ce qu'elle se détourne et rejoigne le salon. Il suivit à un pas plus mesuré, incapable de décider si les regards qu'elle lui jetait étaient méfiants ou scrutateurs.

Dumbledore, Remus et Fol'Œil étaient déjà dans la cuisine, toutefois les autres ne semblaient pas pressés de quitter le salon. Tonks et Charlie étaient revenus, Charlie s'était rassis à côté d'Anthony et sa cousine était perchée sur l'accoudoir du sofa. Il y avait plus de gens que lorsqu'il avait quitté la pièce, il semblait qu'ils seraient au complet ou presque ce soir là. Fletcher agrippait son verre d'alcool, ses yeux courraient partout comme une fouine aux aguets. Et Bill était appuyé contre le manteau de la cheminée.

« Et où en es-tu question travail ? » lança Tonks au jeune homme, avec une virulence que la question ne justifiait pas. « Tu fais toujours du free-lance ? »

Surpris de se voir pris à parti devant toute la pièce, Bill haussa les épaules. « Oui. Pourquoi ? Tu as besoin d'un briseur de sorts ? »

La réponse fut noyée par le flot des conversations lorsque Minerva frappa dans ses mains comme elle le faisait dans une salle de classe trop bruyante et leur ordonna à tous de passer dans la cuisine. Sirius se demanda s'il imagina ou non, le regard noir que Snape jeta à Tonks et l'expression contrite qu'elle prit en réponse. Il était certain, en revanche, de ne pas imaginer la manière dont le Mangemort observait Nyssandra : suspicion.

°°O°°O°°O°°O°°

La réunion était tout aussi redondante et ennuyeuse que ce à quoi Severus s'était attendu.

Le seul intérêt qu'elle présentait était la possibilité d'observer le Conseil au complet ou presque. Molly Weasley manquait toujours à l'appel.

Des parts de tourte à la viande furent passées autour de la table pendant que Shacklebolt terminait son rapport. Il aurait passé son tour si le regard perçant de Minerva ne l'avait pas intimé de ne pas seulement y penser. Depuis son malaise – un événement dont sa fierté ne se relèverait probablement jamais étant donné que, pour aggraver les choses, cela avait eu lieu en présence de Sirius Black – la sous-directrice était devenue une plaie dont il ne parvenait pas à se débarrasser. S'il ne se présentait pas à la Grande Salle pour le repas, elle n'hésitait pas à aller le débusquer où qu'il se soit caché dans le château. Elle s'arrêtait à son bureau ou à son laboratoire chaque soir avant d'aller se coucher et l'obligeait à regagner ses quartiers. Elle l'avait relevé de ses patrouilles nocturnes et les avait confiées à Filius et Pomona… Trois jours et Severus était prêt à se jeter de la plus haute tour.

Levant les yeux au ciel, il s'empara de la fourchette et avala une bouchée avec un regard de défi. Elle lui adressa un mince sourire, visiblement satisfaite, ratant tout à fait la dérision qu'il avait mis dans le geste. La tourte était de piètre qualité mais elle était comestible et c'était une distraction raisonnable étant donné que Shacklebolt n'avait rien à dire qui n'avait été dit cent fois.

À sa droite, Fletcher dévorait son assiette comme s'il n'avait pas mangé de six jours. À sa gauche, Nymphadora poussait distraitement des bouts de viande du bout de sa fourchette sans en avaler un morceau. Le coude sur la table, la tête appuyée sur sa main, elle ne prêtait attention à rien de ce qui l'entourait et cela durait depuis qu'elle s'était ruée sur le siège qu'il convoitait originalement en bout de table, à côté de Dumbledore qui présidait. Il n'avait compris pourquoi que lorsque Lupin s'était installé à l'autre bout, face à Albus.

« Gamine ? »

La jeune femme sursauta de se voir interpellée par Fol'Œil. Severus reporta son attention sur la conversation, n'ayant pas véritablement suivi les dernières minutes.

« Que voulait Scrimgeour ? » insista l'ancien Auror.

Nymphadora était clairement mal à l'aise. Elle se redressa et se racla la gorge, prenant une gorgée de sa bièraubeurre dans une tentative évidente de perdre du temps.

« Rien de particulier. » lâcha-t-elle finalement. « Me féliciter. »

Ses yeux gris s'immobilisèrent brièvement sur Bill et Severus devina qu'elle mentait afin de protéger des informations qu'elle savait sensibles.

« Il m'a envoyé un mémo comme quoi tu ne faisais plus partie de mon Département à compter de demain matin. » offrit Shacklebolt, en fronçant les sourcils.

« Il ne t'a pas renvoyée tout de même ? » s'étonna Lupin.

Son intervention était visiblement celle de trop.

« Non, désolée de te décevoir. » rétorqua-t-elle. « Je suis affectée ailleurs, c'est tout. »

« Où ? » insista Anthony. Le regard de Severus s'attarda sur le jeune homme. Il ne l'avait rencontré qu'une poignée de fois avant la tempête magique et ne l'avait jamais trouvé autrement sympathique, pourtant, il était clair qu'il avait trouvé sa place dans le groupe durant son absence.

Quoi qu'il en soit, c'était sur la vampire que ses yeux ne cessaient de se poser. Les avait-elle surpris, Black et lui, par accident ou avait-elle été occupée à les surveiller ? S'il en connaissait peu sur l'ami de Charlie Weasley, il en connaissait encore moins sur Nyssandra.

Nymphadora soupira, comprenant très certainement qu'il lui était impossible de ne pas révéler ce que le Ministre lui avait demandé sans créer un débat qui durerait des heures ou attirer l'attention de l'espion qui se saurait soupçonné.

« À Downing Street. » admit-elle à contrecœur.

Aussitôt, tout le monde y alla de sa suggestion sur comment protéger au mieux le Premier Ministre Moldu, le tout dans une cacophonie insupportable, jusqu'à ce qu'elle agite sa baguette et qu'un silence de plomb ne tombe sur l'assistance. Severus sentit le silencio peser sur sa langue et ne dissimula pas son irritation. Dumbledore que le sort n'aurait sans conteste pas incommodé bien longtemps paraissait amusé.

« Je n'ai pas besoin de vos conseils. Merci. » cingla-t-elle. « On passe à la suite. »

Elle leva le sort.

« Tu es d'une arrogance, gamine. » gronda Fol'Œil.

La jeune femme le fusilla du regard. « Je ne suis pas non plus d'humeur. »

« Du calme, je vous prie. » intervint posément Albus. « Miss Delacour, quelles nouvelles de Gringotts ? »

Il n'y avait pas énormément de nouvelles en provenance de Gringotts. Rien de bien intéressant quoi qu'il en soit. Le Seigneur des Ténèbres et ses partisans avaient pris le parti de la discrétion dernièrement. Fletcher, interrogé sur les allées et venues de l'Allée des Embrumes, confirma cet état de fait, non sans avoir jeté un coup d'œil à Bill Weasley.

Sentant la frustration et le découragement gagner la pièce au fur et à mesure que Black se mettait à parler de plus en plus fort et à taper du poing sur la table, incitant les autres à hausser la voix pour se faire entendre, Severus compta mentalement les secondes jusqu'à ce que…

« Et toi ? Tu n'as rien à dire ? » l'apostropha Fol'Œil avec son agressivité et son dégoût habituel.

Il resta de marbre, accoutumé à l'hostilité avec laquelle la plupart des regards se braquèrent soudain sur lui. Il lut de la méfiance dans beaucoup d'entre eux, parfois teintée de mépris.

« Il est évident que le Seigneur des Ténèbres a en tête une attaque d'envergure qui requiert des préparations auxquelles je n'ai pas été convié. » répondit-il calmement. « Comme je l'ai déjà rapporté à Albus qui, me semble-t-il, a relayé l'information jusqu'au Conseil. »

Le ton sarcastique ne plut pas à certains membres de l'Ordre.

« Ça fait deux semaines qu'une attaque se prépare et deux semaines que tu n'en sais pas plus. » remarqua Black. Le reproche n'était pas empreint de la même haine que d'ordinaire. Ce n'était pas tant une remise en question de ses véritables allégeances qu'une remise en question de ses capacités d'agent double.

« Je ne peux inventer des informations que je ne possède pas. » rétorqua-t-il. « Ma position est précaire depuis mon retour, la confiance du Seigneur des Ténèbres ne m'ait pas acquise. Si tu penses pouvoir obtenir de meilleurs résultats, je t'en prie, je te laisse volontiers ma place. »

« Le Seigneur des Ténèbres… » répéta Anthony, dans le silence qui s'en suivit. Il n'y avait pas d'injonction particulière dans sa voix mais ce qu'il ne se décidait pas à dire était clairement perceptible.

« On croirait entendre un Mangemort parler. » renchérit Charlie. Là encore, si ce n'était pas tout à fait une accusation, ce n'était pas tout à fait une observation non plus.

Severus contint son énervement à grand peine, se demandant pourquoi il persistait à assister à des réunions où il finissait toujours par échapper, de justesse, à un lynchage.

« C'est un Mangemort. » cracha Fol'Œil.

Il occluda l'irritation et la peine que se voir appelé ainsi lui causait. Il était un Mangemort et il le resterait jusqu'à sa mort. Il ne s'était jamais voilé la face sur ce fait. Mais il osait penser qu'il était un peu plus que simplement cela.

« C'est un espion. » cingla Nymphadora, dans un élan de loyauté qui ne déméritait pas sa Maison.

« Reste à savoir pour qui il espionne. » riposta Maugrey. « On ne peut pas dire que ses informations soient très fiables récemment. »

« Assez. » déclara Dumbledore, sans hausser la voix. Cela suffit pourtant à ramener l'ordre. « J'ai toute confiance en Severus. »

Fol'Œil émit un bruit qui était à la limite de l'amusement moqueur et de l'amertume. « Vous êtes bien le seul. »

Le sujet, toutefois, demeura clos, la volonté d'Albus Dumbledore faisant force de loi en toutes circonstances. La réunion s'étira pourtant durant une autre interminable demi-heure, le temps que Lupin s'étende sur son manque de progrès flagrant sur la question des loups-garous. Ou sur le manque de progrès affichés – Severus doutait fort qu'Albus l'aurait laissé discuter un sujet qui pourrait se révéler crucial pour l'effort de guerre devant un éventuel espion.

Lorsque les membres de l'Ordre se levèrent dans un brouhaha de conversation qui n'était pas sans lui rappeler sa salle de classe, Severus saisit l'occasion et s'éclipsa avant que Minerva ait pu lui imposer d'utiliser la poudre de cheminette afin qu'il s'économise. Le temps n'était pas des plus radieux mais une courte marche à l'air frais lui éclaircirait les idées, décida-t-il.

Il prit soin d'ouvrir et de refermer délicatement la porte d'entrée, attentif à ne pas réveiller le portrait de la mère de Black qui alerterait toute la maison de sa fuite en catimini, et traversa rapidement le Square en direction de la ruelle que les membres de l'Ordre utilisaient généralement pour transplanner.

Il n'en était plus bien loin lorsque l'écho de bruits de pas lui parvint. Il accéléra l'allure et les bruits de pas accélèrent eux aussi. Sans marquer le moindre signe indiquant qu'il avait remarqué être suivi, il s'engouffra dans la ruelle, fit tomber sa baguette dans sa main d'un léger coup de poignet et pivota à temps pour agripper le bras de son poursuivant et le plaquer contre le mur de briques, renversant au passage une poubelle qui se déversa sur la chaussée, avant de presser le bout de sa baguette contre la gorge de l'ennemi potentiel.

Cela aurait suffit à arrêter plus d'un sorcier mais la personne ne se laissa pas impressionner et répliqua tout aussi rapidement que Severus avait agi, décochant un coup de genou qu'il n'évita qu'au prix d'exceptionnels réflexes en sautant prestement en arrière.

Il amorça un sort qu'il n'abandonna qu'au tout dernier moment, lorsqu'il aperçut le visage de son assaillant.

« Il faut vraiment que nous arrêtions de nous battre dans les ruelles, Nymphadora. » lâcha-t-il dans un rictus. « Les gens bien pensants vont commencer à jaser. »

La sorcière se massa le bras qu'il avait probablement attrapé un peu trop violemment à son goût.

« Si vous arrêtiez de chercher à me coincer contre un mur… » bougonna-t-elle. « Offrez-moi un verre d'abord, la prochaine fois. »

« Cessez de m'attaquer par surprise et je cesserai peut-être de chercher à… » rétorqua-t-il avant de s'interrompre. « Que voulez-vous ? Avez-vous de nouvelles informations ? »

Il jeta un coup d'œil en direction de la place mais, pour autant qu'il pouvait le dire, personne ne les avait suivis.

« J'ai besoin d'une faveur. » répondit-elle. « Et vous m'en devez une. »

« Pardon ? » se moqua-t-il, en l'observant presque avec amusement.

Elle, par contre, semblait tout le contraire d'amusée.

« Vous m'avez jetée aux pieds de Vous-savez-qui, vous vous souvenez ? » grinça-t-elle. « Vous avez une dette envers moi. »

Il leva les yeux au ciel.

« Je pense m'être acquitté de quelque dette que j'ai pu contracter envers vous, Nymphadora. » décréta-t-il, en effleurant de la main une des mèches brunes qui encadraient son visage. Le contact fut bref mais apparemment suffisant pour que ses cheveux virent soudain au rose bonbon, comme si elle venait à peine de se souvenir de ce pouvoir retrouvé. Ce pouvoir qu'il l'avait aidée à récupérer.

Elle eut le bon ton de paraître contrite. Elle baissa les yeux et enfouit les mains dans les poches de son sweater.

« D'accord, alors disons que c'est moi qui aurait une dette envers vous. » lâcha-t-elle.

« Avoir une dette envers moi est une affaire dangereuse que je ne recommande pas. » déclara-t-il. « Je suis, après tout, un Serpentard. Et un Mangemort de surcroit. »

Elle leva la tête et fronça les sourcils, relevant très visiblement le mépris dans sa voix.

« Oubliez-les, ce sont des crétins. » conseilla-t-elle, bien inutilement. Il avait déjà décidé il y avait bien longtemps que peu de personnes au sein de l'Ordre avait une intelligence supérieure à celle d'un crustacé.

« De quel genre de faveur avez-vous besoin ? » s'enquit-il à contrecœur.

Il regrettait déjà le temps où ses alliances n'avaient pas été teintées de cette apparence d'amitié que les Gryffondors et les Poufsouffles mettaient à toute chose. Les Sangs-Purs avec qui il avait l'habitude de traiter comprenaient la différence entre affection et affaires et ne méprenaient jamais une alliance pour une amitié. Black avait clairement été élevé de cette manière et respectait pour l'instant le statu quo, pourtant Severus devinait que ce n'était qu'une question de temps avant que ses tendances toutes Gryffondors ne reprennent le dessus. Nymphadora, quant à elle, avait dès le départ paru décréter qu'une alliance impliquait un chamboulement de leurs rapports.

Elle avait toujours été plus tolérante que les autres avec lui, une tendance qu'il avait attribuée à sa nature Poufsouffle et au fait qu'il avait été son professeur et qu'il devait demeurer, chez elle, un certain respect inconscient de cette situation. Plus il apprenait à la connaître cependant, plus il doutait que le respect qu'elle accordait aux gens dépendait de leur fonction – plus il devenait difficile, également, de se souvenir de l'élève qu'elle n'était plus. Mise à part pour sa maladresse chronique, il gardait d'elle le souvenir de quelqu'un d'appliquée et de plutôt discrète dans sa salle de classe. Ses pitreries et ses bêtises, elle les avait gardées pour les autres Professeurs, soit par sagesse, soit par crainte, encore que l'un n'excluait pas toujours l'autre. Elle ne faisait pas parti des élèves avec qui il avait eu beaucoup d'interactions.

L'adulte qu'elle était devenue, en revanche, l'intriguait. Son potentiel était évident pour qui savait observer. Elle se battait bien, réfléchissait vite et n'était pas dépourvue de cervelle. Autant de qualités que Severus savait apprécier à leur juste valeur.

Et c'était bien pourquoi il se sentait obligé de l'aider gratuitement alors qu'il aurait saigné un autre à blanc en contrepartie d'un service rendu.

« S'il vous plaît. » insista-t-elle, sans pour autant préciser ce qu'elle attendait de lui.

Elle tendit la main.

Il n'avait jamais été friand du transplannage d'escorte et était encore moins friand d'un transplannage qui l'emmènerait Merlin seul savait où pour faire Merlin seul savait quoi… La seule personne qu'il aurait suivie aussi aveuglément était Harry et, peut-être, en une moindre mesure, Minerva.

Pourtant, il se retrouva à glisser sa main dans la sienne, beaucoup plus menue.

« Je vous fais confiance, ne m'obligez pas à le regretter. » l'avertit-il.

Elle hocha la tête avec gravité, puis amorça le transplannage.

Ils réapparurent dans une autre allée, en plein Londres s'il devait en croire les bruits de moteurs, les klaxons et les voix des passants qui riaient et s'interpellaient. Ils n'étaient pas loin de son appartement, et il ne fut donc pas surpris lorsqu'elle en prit le chemin. Il suivit en silence. L'absence de bavardages lui convenait, il n'avait jamais apprécié l'échange de platitudes inutiles. La manière dont elle s'était plongée dans ses pensées, en revanche, le mettait mal à l'aise.

Elle ne reprit la parole que lorsqu'ils furent devant sa porte.

« Hominum Revelio. » murmura-t-elle, après avoir tourné le verrou derrière lui.

Le sort ne révéla rien d'alarmant.

« Vous attendiez-vous à avoir de la compagnie ? » interrogea-t-il, sourcils froncés.

Elle écarta du pied des sacs plastiques abandonnés dans l'entrée et se tourna pour lui faire face. Son visage était impassible et il se demanda brièvement si elle était en train d'Occluder sans oser vérifier. Il l'avait testée à plusieurs reprises ces dernières semaines alors qu'elle ne s'y attendait pas mais il sentait, cependant, qu'une telle tentative, ce soir là, serait prise comme une agression. Il était évident qu'elle n'était pas tout à fait dans son état normal. Elle avait souvent une attitude négligée qui lui faisait parfois lever les yeux au ciel mais son pantalon tâché de suie et troué au genou était tout aussi loin de ses excentricités vestimentaires étudiées que l'odeur de fumée qui lui collait à la peau.

« J'ai besoin que vous m'aidiez à abattre toutes les protections. » annonça-t-elle.

Cela le prit de court.

Il regretta presque qu'elle n'ait pas fait appel à lui pour faire disparaître un cadavre ou pour l'aider à commettre un délit – ce que d'autres de ses alliés n'auraient pas manqué de faire.

« Les protections… » répéta-t-il avec surprise. Il n'avait pas besoin de sortir sa baguette pour savoir que les protections qui entouraient son appartement étaient aussi puissantes qu'efficaces. Mis à part un Fidelitas, il n'y avait guère mieux. C'était de l'excellente magie, il l'avait remarqué dès la première fois où il avait mis les pieds chez elle.

« Je veux les abattre. » répéta-t-elle, clairement agitée. « Celles anti-transplannage aussi. »

Il fronça les sourcils, plus confus qu'il n'aimait à l'avouer.

« Vous me demandez de vous aider à commettre un suicide, vous vous en rendez-compte ? » cingla-t-il. « Combien de temps pensez-vous qu'il faudra à Bellatrix Lestrange ou à Fenrir Greyback pour vous trouver ? Que comptez-vous faire ? Leur offrir du thé ? »

Elle secoua immédiatement la tête. « Non, non, non… Ensuite, vous devez m'aider à les remettre en place. »

Il se pinça l'arrête du nez.

« Expliquez-vous. » exigea-t-il. « Et soyez convaincante. Je n'ai guère envie de passer des heures à dissoudre des protections de cette envergure uniquement pour les reposer immédiatement ensuite. »

Elle se frotta le visage et poussa un long soupir.

« Remus m'a aidée à les poser. » lâcha-t-elle. « Il peut rentrer quand bon lui chante. Lui, et quelques autres en qui j'avais confiance avant qu'on ne découvre qu'il y avait un espion. Nyssa, Charlie, Anthony, Sirius… Pratiquement tous les membres de l'Ordre. Quant aux protections anti-transplannages, elles ne permettent pas d'entrer mais elles permettent de sortir. J'en veux qui verrouille l'accès dans les deux sens. Je veux bloquer la cheminée aussi. Je ne veux plus que qui que ce soit puisse rentrer dans mon appartement sans ma permission. »

Elle était à bout de souffle lorsqu'elle s'interrompit finalement. Ses yeux gris accrochèrent les siens, le suppliant presque du regard d'accéder à sa requête.

« Que s'est-il passé ? » insista-t-il, en levant un sourcil curieux. « Vous avez eu peur… »

Cela n'était pas bien difficile à déterminer, le langage corporel de la jeune femme parlait pour elle et elle n'était, de toute manière, pas bien difficile à lire. Quelque chose était arrivé pour la pousser à vouloir remplacer les protections… Quelque chose qui l'avait suffisamment secouée pour qu'elle ne se sente plus en sécurité chez elle.

Elle hésita puis haussa les épaules. « Remus m'attendait. »

« Et ? » pressa-t-il, à court de patience.

« Et… Je ne voulais pas le voir. » s'énerva-t-elle, en donnant un petit coup de pied dans un des sacs plastique. « Et… Et il est bizarre, en ce moment, d'accord ? Sirius pense comme moi. »

« Ah. Est-il encore question de la nouvelle version de la potion Tue-Loup ? » soupira-t-il. « Black m'a fait part de ses craintes. Lupin, toutefois, s'est estimé pleinement satisfait. »

Elle croisa les bras sur la poitrine et s'appuya contre le mur.

« Sirius dit que son comportement bizarre date de la pleine lune et que c'est la potion. » admit-elle. « Je trouve qu'il était étrange depuis bien plus longtemps que ça. »

Severus tourna pensivement sa baguette entre ses doigts.

« Il a suggéré de nommer la potion Révèle-Loup plutôt que Tue-Loup. Je pense que c'est révélateur de son expérience. » avança-t-il. « Savez-vous combien de loups-garous sombrent dans la folie ? »

Elle secoua la tête en signe d'ignorance.

« En moyenne trois sur cinq et presque tous sont des solitaires comme Lupin. » exposa-t-il. « Cela n'est pas tant une condition inhérente à la lycanthropie, elle-même, qu'à celui qui est porteur de la malédiction. Une personne qui accepte la malédiction comme une partie d'elle-même se portera probablement comme un charme jusqu'à la fin de ses jours. Une personne qui craint la malédiction, la refuse, en revanche, crée dans son esprit une rupture entre elle-même et la nature animale liée à la lycanthropie. Les loups-garous qui vivent en meute acceptent généralement leur sort plus facilement et sont donc moins susceptibles de sombrer dans la folie. »

Elle fronça légèrement les sourcils, repoussant distraitement une mèche rose de ses yeux. « Et vous pensez-que Remus devient fou ? »

« Je pense qu'il était en train de le devenir avant qu'il ne prenne cette potion et ne se trouve une meute. » objecta-t-il. « D'après le rapport qu'il m'a fait après la pleine lune, je pense qu'il a accepté la malédiction. En d'autres termes, il a fusionné avec le loup si vous préférez. De la même manière que Greyback a embrassé sa part animale. »

Elle grimaça.

« Vous m'excuserez mais Greyback n'est pas un modèle de santé mentale. » se moqua-t-elle.

« Non. » admit-il. « Mais les loups-garous ne sont pas réputés pour vivre très vieux… Ce que leur corps subit chaque mois… » Il balaya l'air de la main. « Ne pas combattre cette part animale facilite la transformation, la rend moins pénible. C'est une bonne chose et cela n'a rien à voir avec la folie de Greyback. Prenez vos distances si vous le jugez nécessaire mais je ne pense pas que Lupin représente un danger pour vous. »

S'il avait pensé Lupin dangereux, il ne l'aurait jamais laissé approcher Harry.

Nymphadora l'observa longuement puis décroisa les bras et se repoussa du mur pour mieux se tenir droite.

« Peut-être qu'il ne me ferait pas volontairement du mal. » lâcha-t-elle. « Mais il m'a brisé le cœur une fois et je n'ai pas vraiment fini de le recoller alors j'aimerai éviter qu'il recommence. Et puis… Je dormirai plus tranquille si j'étais certaine que personne ne peut rentrer chez moi à mon insu. »

Il devait admettre que ce dernier point était recevable.

Il poussa un soupir puis se tourna vers la porte d'entrée.

« Mettons-nous au travail, dans ce cas. » offrit-il. « Minerva n'hésitera sans doute pas à fouiller tout Londres pour me retrouver dès qu'elle aura remarqué ma disparition… »

Nymphadora eut l'air amusé mais tint sagement sa langue.

Démanteler toutes les protections leur prit une heure et demie, en poser de nouvelles prit presque le double.

« Je ne sais même pas si ça vaut la peine que j'aille me coucher. » se plaignit la jeune femme, en se frottant les yeux lorsqu'il eut finalement déclaré son appartement presque aussi impénétrable que Poudlard.

Severus jeta un rapide tempus et grimaça lorsque les chiffes quatre et cinquante-cinq apparurent dans les airs. Le temps qu'il transplanne jusqu'à Pré-au-Lard et rejoigne Poudlard, il ferait tout aussi bien de se présenter directement dans la Grande Salle pour le petit-déjeuner.

« Tâchez de ne pas faire tuer le Premier Ministre Moldu dès le premier jouer. » ironisa-t-il.

« Ah. Ah. » lança-t-elle tout aussi ironiquement, en levant les yeux au ciel. « Ce n'est pas pénible, à force, d'être toujours aussi sarcastique ? »

Il leva un sourcil, ses lèvres s'étirant malgré lui dans un rictus amusé. Il blâma la fatigue.

« Lorsque l'on est entouré d'imbéciles à longueur de journée, on se divertit comme on peut. » rétorqua-t-il.

Quelqu'un d'autre l'aurait mal pris. Nymphadora se contenta de secouer la tête, faisant voler ses mèches roses un peu partout, et le raccompagna à la porte puisqu'il était désormais impossible de quitter son appartement en tranplannant.

« L'imbécile vous remercie. » plaisanta-t-elle.

Cette fois-ci, il ne fut pas autant surpris lorsqu'elle se mit sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur sa joue mais ça ne l'empêcha pas de se raidir, mal à l'aise avec ces preuves d'affection physiques.

Il ne tourna pas la tête, se souvenant un peu trop clairement de l'accident qui avait failli se produire la dernière fois et de la gêne qui avait suivie.

Les lèvres de la jeune femme atterrirent tout de même au coin de sa bouche.

Ni l'un ni l'autre ne commentèrent.

Lorsqu'il descendit l'escalier pour rejoindre la rue, il s'étonna de son rythme cardiaque légèrement chaotique et décida qu'il était plus fatigué qu'il ne l'avait cru. Ce qui était étrange c'est qu'il n'avait pas sommeil du tout.