Hello, hello!

Bon je ne m'étalerai pas sur l'affaire du plagiat. Je tiens juste vraiment à remercier tout ce qui ont pris le temps de m'envoyer un message de soutien, de signaler le bloc et de laisser des commentaires. C'est vraiment grâce au signalement massif qu'on a réussi à faire supprimer le blog en question. Certains ont émis l'idée que la "fuite" venait de mes dossiers ou de ma bêta, en pensant qu'il était impossible de copier des histoires à partir de ce site. Juste pour clarification, je n'utilise pas de cloud j'y suis réfractaire, la seule manière d'accéder à mes dossiers serait de hacker mon ordi ou de me cambrioler. Quant à ma bêta (unique et fantastique) j'ai entièrement et pleinement confiance en elle. Il existe des dizaines de façons de récupérer les textes sur ce site. Ne vous y trompez pas le copié collé n'est qu'une seule des manières de récupérer des données.

Enfin, bref, passons aux choses sérieuses : le chapitre. J'espère que vous l'apprécierez. Je ne veux pas trop en dire mais je suis impatiente de connaître votre avis. =)

Enjoy & Review


« We don't always fall in love with the most suitable person, do we ? »

Ken Follet – Winter of the World

« Nous ne tombons pas toujours amoureux de la personne qui nous conviendrait le mieux, n'est-ce pas? »

Ken Follet – Winter of the World

Chapitre 18 : The Most Suitable Person

« Bill tient à garder le secret aussi longtemps que possible. » conclut Minerva, dans un soupir las.

Appuyé contre le cadre de la fenêtre de son bureau, Albus lissa distraitement sa longue barbe blanche, fixant du regard la danse lointaine de deux hiboux. La nuit était claire et déjà bien avancée.

Au creux de la nuit

Albus aimait cette expression. Au creux de la nuit. C'était encore là qu'il réfléchissait le mieux, là qu'il prenait ses décisions les plus importantes, lorsque le reste du monde dormait sur ses deux oreilles, inconscient du poids qui pesait sur ses épaules.

« Dépêchez Poppy au Terrier, à la première heure. » offrit-il finalement, en se tournant vers sa sous-directrice. Il désigna d'un geste de la tête la tasse de thé oubliée sur le bureau devant elle. « Buvez, vos nerfs ont été mis à rude épreuve, ce soir. »

Il réchauffa le thé d'un coup de baguette plein de sollicitude. Cela n'avait pas dû être aisé pour Minerva de voir Molly dans l'état qu'elle venait de lui décrire. Cela n'avait pas été plus aisé pour lui de l'entendre.

« Severus est-il déjà rentré ? » s'enquit Minerva, en portant la tasse à ses lèvres après l'avoir remercié.

« Il y a déjà plusieurs heures. » répondit-il.

Il se garda de préciser que Severus n'était pas revenu au domaine seul. Sirius l'avait averti qu'ils avaient récupéré la potion sans problèmes, une fois n'était pas coutume, et que Tonks était partie la remettre en mains propres à leur espion. Remettre une fiole ne lui paraissait pas nécessiter une conversation aussi prolongée, toutefois, Albus se serait bien gardé de se mêler de cette affaire. Les alarmes liées à la position de Directeur l'avaient averti de l'arrivée de la jeune femme mais pas de son départ. Le vieux sorcier aurait menti s'il avait prétendu ne pas être surpris de la complicité manifeste qu'il avait plusieurs fois remarquée entre son enseignant et l'Auror, ces dernières semaines. Il n'en était, pourtant, pas mécontent. Plus que quiconque, Severus méritait de trouver un petit peu de bonheur.

Albus n'aurait jamais pensé le Maître des Potions capable d'oublier Lily Evans. Il ne l'aurait jamais pensé capable de passer outre sa haine envers James, non plus, cela dit. Cela tendait à prouver que le Directeur n'était pas aussi omniscient qu'on aimait à le lui répétait et qu'il se plaisait quelques fois à penser. Il aurait payé cher pour avoir été témoin de ce qui s'était produit dans cette réalité alternée, pour avoir vu de ses propres yeux ce qui avait, à ce point, changé l'espion.

« Tant mieux. » déclara Minerva. « Je m'inquiète pour lui, Albus. »

Il y avait matière à s'inquiéter. Voldemort devenait de plus en plus méfiant chaque jour. Cependant, il fallait préserver le statu quo, mettre en avant un espion pour mieux cacher le second, se tenir près à retirer le premier au bon moment quitte à sacrifier le deuxième…

Ils agissaient sur le fil du rasoir mais Severus savait ce qu'il risquait.

Albus aurait préféré pouvoir le décharger tout à fait de cette lourde tâche. Souvent, ces derniers temps, il s'interrogeait sur le bien fondé de poursuivre une farce à laquelle plus grand monde ne croyait. Severus ne lui serait-il pas plus utile en tant que bras droit qu'en tant qu'espion qui ne rapportait que de fausses informations ? Certes, cela permettait à Lucius d'agir dans l'ombre mais n'y avait-il pas plus utile emploi pour quelqu'un d'aussi brillant que le Maître des Potions ?

Il y avait des choses dont il aurait aimé discuter avec le Professeur, des choses qu'il ne lui aurait pas dissimulées avant que la tempête magique ne les frappe, comme les horcruxes ou bien encore cet espion au sein de l'Ordre… En l'état, il ne pouvait lui confier ses informations. Il avait toute confiance en Severus. Pleine et entière confiance. Pourtant, il ne pouvait être certain que le Maître des Potions ne révélerait pas ces informations malgré lui. L'état de ses boucliers, son empressement à faire passer Harry avant les besoins de la guerre, son état émotionnel aussi… Il y avait trop de risques.

« Vous comme moi. » soupira-t-il avec tristesse. « Vous comme moi… »

°°O°°O°°O°°O°°

Tonks ouvrit brusquement les yeux, tirée du sommeil par un bruit étrange qui ne s'avéra être que le craquement d'une buche dans la cheminée. Elle se détendit immédiatement, s'enfonçant davantage sous les couvertures et songeant que c'était tout de même bizarre parce qu'elle n'avait pas de cheminée dans sa chambre. Elle avait dû s'endormir sur le canapé.

Sauf que son canapé était bien moins confortable que celui sur lequel elle était allongée.

Pour la deuxième fois en l'espace d'une poignée de secondes, elle rouvrit les yeux, alarmée cette fois-ci. Le décor, ou ce qu'elle en devinait dans la pénombre, n'était pas du tout familier. Elle s'assit, ramenant par réflexe les trois couvertures sur elle. Il faisait froid malgré le feu qui ronflait dans l'âtre, il y avait comme une humidité persistante dans l'air.

Ses chaussures l'attendaient au pied du canapé, sagement alignées. Son blouson de cuir était plié sur la table basse, à côté d'une fiole étiquetée d'une écriture familière. La vue de la potion fut suffisante pour que les souvenirs de la veille lui reviennent en mémoire. Elle ne put réprimer une grimace.

Elle avait bu mais pas assez pour ne pas se rappeler parfaitement ce qui s'était passé. Elle n'avait certainement pas été aussi ivre que Severus l'avait accusée d'être, pourtant elle avait saisi l'excuse à bras le corps lorsqu'il l'avait repoussée.

Elle avait tenté d'embrasser Severus Snape dans une alcôve.

Très visiblement, elle avait complètement perdu l'esprit.

Elle enfila ses chaussures et son blouson, ôta l'élastique qui emprisonnait sa queue de cheval à moitié défaite, ébouriffa ses cheveux – s'assurant par la même occasion qu'il était bien à nouveau châtain – mais délaissa la fiole, ne ressentant pas suffisamment les effets d'une gueule de bois pour prendre un remède visant à en supprimer les symptômes. C'était gentil à lui d'y avoir pensé, cela dit. C'était également gentil à lui de l'avoir abandonnée sur son canapé plutôt que de la jeter en pâture à Pomfresh.

Il n'y avait pas un bruit dans ses appartements et, incapable de réprimer un élan de curiosité, elle s'autorisa à faire le tour de la pièce. Elle ne fouina pas, ne souleva rien et n'examina pas attentivement les parchemins jaunis qui traînaient ci-et-là. Elle laissa simplement traîner ses doigts sur les rayonnages fournis d'une des quatre énormes étagères qui bordaient les murs, surprise malgré elle de trouver l'endroit décoré avec plus de goût qu'elle n'en aurait accordé au Professeur de Potions.

La décoration était sobre. Il y avait des grimoires, des livres et des ouvrages divers et variés sur chaque surface plane. Les piles de livres étaient, toutefois, nettes et, elle le soupçonnait, classées par sujets. Pour autant qu'elle puisse le dire dans la pénombre, les meubles étaient tous taillés dans un bois sombre et noueux, un énorme tapis de laine épaisse s'étendait de la cheminée à derrière le canapé, plusieurs fauteuils dépareillés mais à l'aspect confortable parsemaient la pièce. Chacun d'eux était disposé près d'un des rayonnages, certains étaient occupés par des livres et des calepins. Ses pas la conduisirent naturellement au seul pan de mur qui n'était pas occupé par des étagères. D'épais rideaux verts tombaient du plafond jusqu'au sol où ils ramassaient la poussière et occupaient toute la longueur du mur. Elle les ouvrit sans y penser à deux fois.

La fenêtre était immense et prenait tout le pan de mur. La vue donnait sur la forêt interdite, ce qu'elle trouva surprenant car elle aurait parié qu'ils étaient loin sous le lac étant donné la température. Un simple sort confirma que la fenêtre était enchantée comme celles du Ministère. Elle ne résista pas à l'envie d'un finite trop curieuse de la vue réelle que le Maître des Potions avait de son salon.

Elle le regretta immédiatement lorsqu'un être de l'eau à la peau grisâtre et aux yeux jaunes lui fit une grimace. Elle sursauta et fit un pas en arrière tandis que la créature s'éloignait à grand coup de nageoire. Elle s'approcha à nouveau de la vitre avec curiosité, remarquant qu'il était possible d'apercevoir le village sous-marin dans le lointain. Elle s'amusa quelques secondes à observer les poissons, les sirènes et les tritons qui s'approchaient maintenant en masse, aussi curieux d'elle qu'elle était curieuse d'eux.

Il fallut plusieurs secondes avant que les regards scrutateurs ne commencent à la déranger et qu'elle ne comprenne pourquoi Severus gardait les rideaux tirés ou, tout du moins, la fenêtre enchantée. Elle eut soudain la sensation désagréable d'être du mauvais côté de la vitre d'un zoo et elle rejeta le sort qui permettait de surplomber la forêt interdite avant de fermer les rideaux d'un geste brusque.

Puis elle s'aventura dans le couloir en quête de la sortie.

Ou, tout du moins, ce fut ce dont elle essaya de se convaincre. La sortie était plus qu'évidente, l'énorme porte de pierre trônait au bout du couloir, facilement repérable aux fines rainures qui laissaient percer la lumière des torches et découpait un cadre parfait dans le mur autrement lisse. Il y avait d'autres portes dans le couloir : une était ouverte et donnait sur une petite cuisine fonctionnelle et tellement bien organisée qu'Andromeda en aurait probablement pleuré de joie, trois étaient closes, la quatrième était béante.

Cela ressemblait presque à une invitation.

Un coup d'œil à sa montre confirma qu'il était très tard et qu'elle aurait mieux fait de rentrer chez elle sans tarder si elle voulait dormir davantage et ne pas ressembler à un zombie au travail le lendemain. Les décisions que l'on prenait au plus noir de la nuit n'étaient pas censées être bonnes ou réfléchies, cependant, et, pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas, Tonks était curieuse.

Baguette à la main, au cas où, elle s'enfonça dans ce qui se révéla être un couloir pavé de toute part par des pierres humides. Le passage était long et elle finit par se dire qu'elle s'était trompée et qu'il s'agissait là de la sortie, qu'elle allait déboucher près du Grand Hall et qu'elle n'aurait plus qu'à entamer le long chemin qui la ramènerait chez elle.

En un sens, c'était la sortie.

Le couloir déboucha sur le bureau du Directeur de Maison. La porte était là et lui tendait les bras. Elle n'aurait aucun mal à se repérer – ce qui n'aurait pas été aussi évident à un autre endroit des cachots – et peut-être était-ce pour cela qu'il avait laissé ce chemin-là bien en évidence. Excepté que la porte dérobée qui menait à son laboratoire personnel était ouverte et qu'elle la franchit sans vraiment y réfléchir.

Il lui fallut redoubler de prudence tout au long du passage, les pierres étaient particulièrement glissantes et l'odeur de vase presque trop entêtante. Elle émergea dans le laboratoire sans s'être cassé la figure une seule fois, ce qu'elle comptait comme une éclatante victoire.

« Êtes-vous à nouveau sobre ? » lança l'homme, sans daigner se retourner.

Il était penché au-dessus d'une des tables de travail et étudiait à la lumière des torches la fiole qu'elle avait transportée un peu plus tôt. Elle tâcha de ne pas s'attarder sur le pantalon noir et la large chemise blanche qu'il portait et qui auraient davantage eu leur place au dix-neuvième siècle qu'à leur époque. Les sur-robes, plus familières, étaient à nouveau accrochées à la patère près de l'entrée.

« Je n'ai jamais été soule. » rétorqua-t-elle. « Éméchée, à la rigueur. »

« Rappelez-moi de ne jamais vous offrir d'alcool dans ce cas. » se moqua-t-il, en reposant délicatement la fiole avant de griffonner quelques notes sur un parchemin. « Pendant que vous vous enivriez aux Trois Balais, j'ai pu déterminer que Bill Weasley n'était pas notre espion. »

« Comment ? » fronça-t-elle les sourcils, soulagée malgré tout.

« Véritaserum. » répondit-il, laconique.

« C'est illégal. » commenta-t-elle avec amusement. « Je devrais vous arrêter. »

« Rien ne vous empêche d'essayer. » railla-t-il.

« Ne me tentez pas. » répliqua-t-elle. Il y avait comme un défi dans sa voix que la plaisanterie ne justifiait pas. Il lui jeta un coup d'œil indéchiffrable par-dessus son épaule puis retourna à ses observations sur la potion. Elle se racla la gorge, gênée sans trop bien savoir pourquoi. Ou, plutôt, elle savait pourquoi. « Ne devriez-vous pas être au lit ? »

La plume lui en échappa des mains et elle aurait trouvé ça amusant s'il n'avait pas eu soudain l'air si en colère. Il se tourna vers elle, des éclairs dans les yeux, et, sur-robes ou pas, il était presque effrayant.

« Je ne suis pas certain du jeu auquel vous croyez jouer... » commença-t-il.

« Vous n'avez pas dormi, la nuit dernière. » l'interrompit-elle rapidement. « Et vous avez l'air fatigué. C'est tout. »

Il la scruta du regard suffisamment longtemps pour qu'elle dresse quelques barrières mentales juste au cas où. Il ne tenta pas de pénétrer son esprit, cependant, se contentant de pincer les lèvres dans un rictus agacé.

« J'ai dormi quelques heures pendant que vous cuviez votre vodka. Cela m'est suffisant. » lâcha-t-il.

Quelques heures, si ses calculs étaient exacts, devaient se résumer à moins de trois heures. Elle doutait sincèrement que cela soit suffisant.

« Si vous le dites. » capitula-t-elle tout de même. « Qui est le prochain sur la liste ? »

Bill ayant été radié de la liste des suspects – et il lui faudrait une explication plus détaillée mais cela pouvait attendre – elle supposait qu'elle en était quitte pour une nouvelle mission de surveillance.

« La vampire. » répondit-il distraitement, en se dirigeant vers une étagère recouverte d'instruments en tout genre. Il tendit la main vers une sorte de balance posée une étagère au-dessus de sa tête. « Il va me falloir... » Il retira son bras et s'interrompit brusquement, légèrement courbé, la main sur son flan, la respiration sifflante.

« Vous êtes blessé. » déduisit-elle, en le rejoignant immédiatement. Elle tenta de soulever la chemise, de voir ce qu'il en était vraiment, mais il écarta ses mains d'un geste sec.

« Je n'ai pas besoin d'aide. » grinça-t-il entre ses dents.

Elle leva les yeux au ciel, agacée par cette attitude typiquement masculine.

« C'est ça. Répétez-le suffisamment de fois et peut-être qu'on y croira. » rétorqua-t-elle. « Vous aviez une réunion, hier soir, n'est-ce pas ? Si vous êtes blessé... »

« Ce n'est qu'un hématome. » gronda-t-il.

« Et vous savez probablement mieux que quiconque qu'il y a des baumes pour ça. » soupira-t-elle. « Avez-vous pris quelque chose ? » Il la fusilla du regard, ce qu'elle prit pour un non. « C'est bien ce que je pensais. Accio baume anti-hématomes. »

Elle lança le sort un peu au hasard, supposant qu'il devait bien avoir une réserve dans les parages.

« Vous a-t-on déjà dit que vous étiez insupportable ? » siffla-t-il.

« Oui, vous. Hier soir. » lui rappela-t-elle, dans un haussement d'épaules. « Vous dites insupportable, d'autres personnes disent charmante. »

« Des fous. » cingla-t-il.

Ils étaient tellement occupés à se dévisager que le bruit d'un objet heurtant la porte close à toute vitesse avant d'éclater contre les dalles de pierre qui pavaient les couloirs des cachots attira à peine leur attention. Elle supposa qu'elle aurait pu penser à ouvrir la porte.

« Vous êtes une calamité ambulante. » accusa-t-il méchamment.

« Et vous, vous êtes un lâche. » répliqua-t-elle sans mesurer ses paroles.

Il eut un léger mouvement de recul, comme surpris par l'attaque soudaine, avant qu'un masque froid et lisse fige ses traits dans un rictus méprisant.

« Il est temps que vous preniez congé, Miss Tonks. » lâcha-t-il.

« Ce n'est pas ce que je voulais dire. » grimaça-t-elle. « Pas dans ce sens là. Je voulais juste dire... »

« Vous avez été parfaitement claire. » coupa-t-il.

« Oh, pour l'amour de Merlin ! » s'exclama-t-elle avec agacement. « Est-ce que tous les hommes de votre génération sont aussi idiots les uns que les autres ou est-ce que j'ai le chic pour tomber sur les plus stupides ? »

Il se redressa de toute sa hauteur, la toisant avec indignation et ouvrit la bouche, très certainement pour délivrer une de ses terribles tirades qui faisait fondre en larmes le plus dur des élèves. Tonks avait toujours été très douée pour attraper le taureau par les cornes. Avant qu'il ait eu le temps de dire quoi que ce soit, elle agrippa le col de sa chemise et l'attira vers elle.

Ses lèvres étaient sèches et dures sous les siennes.

À aucun moment il ne lui rendit son baiser.

Deux tentatives ratées en une seule soirée, il aurait peut-être été temps qu'elle en tire une leçon.

Elle s'écarta, les joues en feu, incapable de le regarder en face et se racla la gorge. Elle avait connu des moments de grande solitude dans sa vie mais elle avait rarement eu aussi honte qu'à se moment là. Cela battait presque le jour où elle avait découvert que Charlie était gay et son amourette sans espoir.

« Je ferai mieux d'y aller. » balbutia-t-elle maladroitement, en tournant les talons pour s'éloigner aussi vite que possible.

Il lui attrapa le bras avant qu'elle put faire plus de deux pas et la tira en arrière sans douceur mais sans brutalité non plus. Elle se retrouva coincée entre lui et l'étagère mais ne ressentit ni crainte ni le besoin de s'enfuir. Ses yeux gris restèrent rivés droits devant elle, fixant un point au niveau de son épaule.

« Ils ne cessent de prendre cette couleur. » déclara-t-il d'un ton perplexe mais méfiant, en effleurant les mèches qui encadraient son visage.

Elle n'avait pas besoin de vérifier pour savoir que ses cheveux étaient rose bonbon.

« C'est vous qui avez dit qu'on lisait en moi comme dans un livre. » murmura-t-elle, en osant finalement croiser son regard.

Il fronça légèrement les sourcils sans que la méfiance ne disparaisse tout à fait de ses yeux. Elle retint sa respiration lorsqu'il retraça la ligne de sa mâchoire du bout des doigts d'un geste hésitant, électrifiant.

Elle n'aurait pas sur dire ce qu'elle faisait ou pourquoi elle en avait tellement envie, surtout en sachant qu'elle avait toujours des sentiments pour Remus – et cela était un bel euphémisme – elle savait simplement que cela couvait depuis un petit moment.

Une main se posa sur sa taille, l'emprisonnant davantage encore entre son corps et l'étagère, leurs souffles se mêlèrent... Leurs lèvres s'effleurèrent une première fois mais elle recula rapidement, le laissant prendre la décision de franchir le maigre espace qui les séparait encore ou non. Elle en avait assez d'être celle à toujours faire les concessions, à devoir batailler pour obtenir ce qu'elle voulait. Elle avait trop donné avec Remus. Elle ne supplierait pas Severus de la désirer comme elle avait supplié le loup-garou.

Elle n'en eut pas besoin.

Ses lèvres capturèrent les siennes dans un baiser presque violent d'exigence.

Ensuite, il n'y eut plus lieu de réfléchir.

°°O°°O°°O°°O°°

Le whiskey lui brûla la gorge, pourtant il en prit une seconde rasade.

Sirius ne sursauta pas lorsque la porte d'entrée s'ouvrit dans son dos ou lorsqu'il sentit la présence silencieuse, presque féline, se glisser derrière lui. Le perron n'était pas si large et, une fois assise, Nyssa se retrouva coincée entre son corps et la rambarde.

« Qu'as-tu fait ce soir ? » s'enquit-elle.

« Mission. » répondit-il, laconique. Albus et Remus avaient été clairs sur le sujet, la récupération de la potion devait demeurer secrète.

Elle ne posa pas davantage de questions mais tendit la main et il lui passa la bouteille sans hésitation. Elle but quelques petites gorgées et la lui rendit.

« Alastor est passé. » déclara-t-elle. « Il a laissé un rapport pour Remus. »

Il se demanda si c'était un subtil appel du pied pour savoir où était le loup-garou ou bien une invitation à aborder un sujet qui fâche. Il préféra avaler une nouvelle gorgée de whiskey avant de décider qu'il en avait déjà trop bu et de poser la bouteille. Il chercha son paquet de cigarettes dans sa poche, se souvint qu'il était vide et poussa un profond soupir.

« Et ? » céda-t-il au final à l'envie de demander. « Tu l'as emmené chasser ? »

Nyssa demeura silencieuse un long moment.

« Je ne chasse qu'avec toi, Sirius. » offrit-elle, d'un ton détaché qui masquait mal une certaine nervosité. Ou peut-être de l'agacement.

« Chasser n'engage qu'à ça. » rétorqua-t-il.

Elle ramassa la bouteille et en but une gorgée sans tressaillir ou trahir le moindre signe que l'alcool avait un quelconque effet sur elle. Probablement parce qu'il n'en avait pas. Il ignorait si les vampires pouvaient s'enivrer et il supposait que si c'était bien le cas, il devait falloir une quantité phénoménale de whiskey.

« Je suis morte, Sirius. » lâcha-t-elle.

Il ouvrit la bouche pour protester ou tourner la chose en plaisanterie mais elle posa une main sur son bras, l'interrompant tout net.

« Je suis morte et pourtant je suis immortelle. » déclara-t-elle tristement. « Es-tu sûr que tu veux t'engager là-dedans ? Vieillir jour après jour alors que je demeure la même ? Je ne suis pas certaine d'être prête à te voir vieillir, mourir. L'immortalité est une malédiction, tu sais. C'est en partie pour ça que nous vivons en essaims. » Elle porta la bouteille à ses lèvres et détourna le regard. « Réfléchis bien avant d'engager ton cœur sur cette voie là. Chasser n'engage qu'à ça mais cela évite aussi beaucoup de douleur. »

« J'ai passé douze ans à Azkaban, j'ai eu mon compte de douleur. » ricana-t-il amèrement. « Je ne pense pas que ça peut être bien pire. »

« Justement. » insista-t-elle. « Tu n'es pas obligé de t'en créer davantage. »

Il réfléchit à la chose quelques secondes, ses doigts se portant automatiquement vers sa poche avant de retomber, une nouvelle fois, lorsqu'il se rappela que son paquet était toujours vide.

« Tu veux aller faire un tour ? » lâcha-t-il. « J'ai besoin de clopes. » Il fronça les sourcils. « Je ne sais pas quelle heure il est. Combien de temps avant le lever du soleil ? »

« Suffisamment. » offrit-elle.

Si quelqu'un surveillait la maison, cela dût leur paraître étrange de voir deux personnes émerger de ce qui était essentiellement un mur. Ils s'éloignèrent sans s'en préoccuper. Sirius les guida au travers de ruelles plus ou moins sûres, prenant autant de raccourcis que possible jusqu'aux petits magasins ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Ils marchaient en silence, sans que cela soit gênant.

« Je n'ai jamais été très doué pour faire les choses comme tout le monde. » offrit-il finalement alors qu'ils rejoignaient la civilisation.

Elle ne répondit pas mais sa main glissa dans la sienne.

Sirius s'y accrocha.

Pouvoir à nouveau coincer une cigarette entre ses lèvres était un soulagement. Il respira à pleins poumons l'odeur de tabac et profita du plaisir simple de pouvoir fumer en paix. Ils se baladèrent un moment dans les rues proprettes et distinguées autour du Square Grimmaurd. Londres était endormie, tout était paisible. Ils étaient seuls au monde.

À un moment, il lâcha sa main pour draper un bras autour de ses épaules et elle se blottit contre lui sans trop protester, glissant un bras sous son blouson de cuir pour lui attraper la taille.

« Sirius ? » demanda-t-elle, alors que le square se dessinait déjà au bout d'une rue. « Qu'est-ce que tu fabriques avec Severus Snape ? »

Il se tendit et il était impossible qu'elle ne l'ait pas senti, collée contre lui comme elle l'était. Elle l'aurait probablement senti de toute manière. C'était, après tout, une vampire.

« Je ne sais pas de quoi tu parles. » mentit-il, et mal.

Elle garda le silence quelques secondes puis soupira.

« Écoute, je ne le connais pas mais Alastor… » déclara-t-elle.

« Fol'Œil est parano. » coupa-t-il.

« Il dit que c'est un espion et que Dumbledore est aveugle lorsqu'il est question de Snape. » insista-t-elle. « Tu disais la même chose avant que lui et Harry ne reviennent. Et maintenant… »

« J'ai confiance en Snape, d'accord ? » s'énerva-t-il quelque peu. Ça lui arrachait la bouche de devoir l'admettre.

Il retira son bras de ses épaules et elle s'écarta, un éclat sauvage dans le regard.

« Vous faites des messes basses, vous vous consultez du regard dès qu'Albus dit quelque chose, vous vous parlez bien plus que vous ne le laissez croire aux autres. » énuméra-t-elle. « Tu disais le détester mais… »

« Tu m'espionnes ? » s'enquit-il froidement.

« J'ai des yeux pour voir, Sirius. » cingla-t-elle. « Qu'est-ce que vous complotez ? »

Il la détailla des pieds à la tête et se rendit compte, à cette seconde, que malgré les sentiments naissants qui palpitaient dans sa poitrine, il ne lui faisait pas totalement confiance. Pas au point de lui révéler ce secret là.

« Si on te le demande, tu diras que tu ne sais pas. » se moqua-t-il dans un rictus.

Il accéléra le pas en direction du QG, l'abandonnant derrière.

Elle le rattrapa sans mal mais ils n'échangèrent pas un mot, pas même lorsque la porte d'entrée claqua dans leur dos et que le portrait de sa mère se mit à hurler.

°°O°°O°°O°°O°°

Severus était un idiot.

Cela le peinait d'avoir à l'admettre, lui qui s'était toujours targué de ses capacités intellectuelles supérieures à la norme, mais il était idiot.

Son cœur battait trop fort et trop vite, comme un oiseau pris en cage. Il se sentait pris en cage. Belle ironie, songea-t-il, prisonnier de sa propre chambre à coucher, incapable de faire autre chose que de fixer le mur dans la pénombre, allongé sur son lit, en se demandant pourquoi – mais pourquoi – prenait-il toujours les pires décisions ?

N'avait-il pas affirmé à Minerva, quelques heures auparavant seulement, qu'elle était folle à lier ?

N'avait-il pas suffisamment de problèmes en l'état pour en rajouter davantage à la liste ?

N'y avait-il pas…

« Je peux m'en aller si tu veux. »

Severus s'efforça de ne pas tressaillir en sentant les draps être tirés loin de lui alors que Nymphadora s'asseyait. Il n'avait pas l'habitude de partager un lit, n'avait pas l'habitude de faire face à ce genre de situation. Les sorcières avec qui cela arrivait d'habitude partaient aussitôt la besogne réglée, sans au revoir et sans faux semblants non plus, et ils ne se revoyaient jamais. Qu'importe comment il choisirait de gérer la situation présente, il devrait revoir la jeune femme.

« S'il s'agit de blesser le loup, choisir Black aurait été plus judicieux. » lâcha-t-il, sans cesser de fixer ce mur décidemment fascinant pour un amas de pierres lisses.

La tension envahit immédiatement la pièce lorsqu'il évoqua le proverbial éléphant qu'aucun d'eux n'avait jusque là nommé – ou loup-garou plutôt.

« Tu crois que… » commença-t-elle, uniquement pour s'interrompre. « Ça n'a rien à voir avec Remus ! »

Sa voix était indignée, blessée presque, et il tourna finalement la tête vers elle avec un soupir. Elle était belle. La pensée lui vint, fugace, sans qu'il ne parvienne à l'ignorer tout à fait. Elle était assise, le drap fermement enroulé autour de la poitrine, dissimulant à sa vue tout ce qu'elle n'avait plus à cacher.

« Non ? » grinça-t-il, dans un rictus. « Un pari perdu, alors ? Suis-je supposé croire que l'envie de séduire ton Professeur de Potions t'a subitement prise ? »

Elle pinça les lèvres avec agacement et repoussa d'un geste de la tête ses cheveux roses qui, plus longs que tout à l'heure, cascadaient jusqu'à ses épaules. Il occluda prestement le souvenir de ses doigts les agrippant à pleines mains.

« Ça fait longtemps que tu n'es plus mon professeur, Severus. » lâcha-t-elle. « Et je croyais que tu me faisais confiance. »

« La confiance est relative. » répliqua-t-il, dans un haussement d'épaules. « Selon mon expérience, personne ne fait rien sans rien. »

« C'est si difficile à croire que je puisse juste en avoir envie ? » se moqua-t-elle.

Il ferma les yeux et ne chercha pas à dissimuler un amusement amer, s'engonçant davantage dans la chemise qu'il n'avait pas retirée. Elle ne l'avait pas encore assassiné, il supposait qu'elle n'allait pas s'y risquer. L'idée l'avait taraudé un moment, la possibilité qu'elle soit en fait l'espion et qu'elle ait prévu de profiter d'un moment de vulnérabilité pour frapper. Elle n'avait pas frappé. Et il ne parvenait pas à déterminer ce qu'elle espérait retirer de tout cela.

« Severus. » insista-t-elle, d'un ton sérieux qui ne lui allait pas tout à fait.

Il rouvrit les paupières bien qu'elles soient lourdes, se reprochant une nouvelle fois d'avoir cédé à une tentation qui lui faisait perdre un temps précieux. Il aurait pu utiliser ces heures pour dormir ou travailler. Et au lieu de ça…

Il effleura sa joue de sa main, s'attendant à tout moment à ce qu'elle l'écarte d'un geste brusque et éclate d'un rire moqueur – elle ne serait ni la première, ni la dernière – mais au lieu de cela, elle rechercha le contact. Sa paume glissa presque paresseusement jusqu'à sa nuque sans quelle ne tressaille.

Il se demanda brièvement si elle réalisait à quel point il aurait été facile pour lui de la blesser, de la tuer.

Mangemort, avaient craché les autres la veille. Mangemort, il était et, Mangemort, il resterait. Il n'y avait rien que ses cheveux colorés, sa joie de vivre quelque peu élimée et ses grands yeux gris puissent y changer.

Non, il ne croyait pas une seconde que l'envie ait pu simplement la prendre de le séduire. Même le retour en soixante-quinze ne l'avait pas rendu assez naïf pour croire à cela.

« Tu es trop jeune, trop jolie et tu n'es pas sur le point de me présenter une facture. » lâcha-t-il, d'un ton neutre.

« Je croirais entendre Remus. » soupira-t-elle. « Trop jeune, trop jolie… Ce sont tes seules objections ? Cela peut facilement s'arranger. »

Il observa, fasciné malgré lui, son visage fondre lentement comme une statue de cire avant de se recomposer en un autre, complètement étranger. Elle avait l'air plus près de son âge, à présent, plus vieille même que ses propres trente-six ans, et n'était certainement plus une beauté.

« J'espère que tu aimes le nez. » plaisanta-t-elle. « Cela m'a pris des années pour le perfectionner. » Son propre nez, crochu et trop large, semblait le narguer. Le sourire taquin disparut des lèvres de la jeune femme et son visage s'adoucit. « Je ne fais pas autant attention que ça à l'apparence des gens, Severus. Je sais trop à quel point c'est traître. »

Elle cilla et l'illusion se dissipa, elle retrouva le visage plus familier qu'il lui connaissait. Malgré lui, la main qu'il avait oubliée sur sa nuque glissa jusqu'à son épaule.

Il devrait arrêter de la toucher, songea-t-il, la mettre diplomatiquement à la porte et prétendre que rien ne s'était jamais produit. Jeter un oubliette était tentant. Quelques mois plus tôt, il en aurait usé sans sourciller. Tout était différent, à présent. Harry l'avait rendu différent et trahir la confiance de la jeune femme de la sorte lui semblait impensable. Surtout après ce qui s'était produit avec Albus.

De plus, il avait supervisé son entraînement dans la magie de l'esprit et elle était suffisamment douée dans la discipline pour se rendre compte que des fragments de mémoire lui manquaient. Cela ne solutionnerait rien et lui apporterait plus d'ennuis que nécessaire.

« Écoute, tu sais que j'ai toujours des sentiments pour Remus. » déclara-t-elle, en baissant les yeux. « Et j'ai l'impression que tu n'es pas tout à fait libre non plus dans ta tête alors… Est-ce qu'on a vraiment besoin de mettre un nom sur ce qui passe entre nous ? On est attiré l'un par l'autre, on peut être adultes et le reconnaître. Ça ne veut pas dire qu'on va tomber amoureux et vivre un conte de fée. On peut simplement… voir où ça nous mène. » Elle haussa les épaules, délogeant accidentellement sa main. « Tu veux la vérité ? Je me sens seule. Cette guerre me fait peur, j'ai des nouvelles de mes parents tous les quinze jours et encore, mon meilleur ami est trop occupé avec son petit-ami, Remus… Je ne veux même pas parler de Remus. Et j'ai besoin d'avoir quelque chose à moi, d'accord ? Même si c'est égoïste. Même si c'est occasionnel. J'ai confiance en toi et c'est un luxe de nos jours, alors… »

Elle garda les yeux détournés et s'humecta nerveusement les lèvres. Elle ne termina pas sa phrase.

Il était temps que Severus soit couronné roi des idiots, décida-t-il, parce qu'aussi convainquant et sincère que son discours soit, il n'en demeurait pas moins que sa vie était suffisamment compliquée en l'état. Il y avait Harry dont il ne pouvait s'occuper comme l'adolescent le méritait ou en avait tout simplement besoin, il y avait les horcruxes et le problème de la potion permettant la transformation lycanthrope, il y avait l'espion dont le mystère continuait à les narguer, il y avait Albus et ses machinations en coulisses, et, bien sûr, il y avait l'épée de Damoclès qui ondulait au-dessus de sa tête, plus bas de jour en jour. Combien de temps lui restait-il avant que le Seigneur des Ténèbres ne se lasse de cette comédie qu'il lui jouait ?

Sa vie était trop compliquée et il aurait dû la chasser de ses appartements sans y penser à deux fois. Elle était intelligente, s'il s'était donné la peine de formuler la chose de manière un tant soit peu diplomate, elle aurait probablement compris.

Et pourtant, il se retrouva à répondre à ses baisers sans que l'Occlumencie ne l'aide à refouler des pulsions primaires qu'il parvenait d'ordinaire à contrôler sans trop de mal.

Roi des idiots.

°°O°°O°°O°°O°°

Lucius était le roi des crétins.

Il caressa d'un geste distrait la pierre froide et lisse barrée d'un P avant de la laisser tomber dans un des nombreux coffrets à bijoux de Narcissa, à l'abri des regards indiscrets. L'amulette des Peverell était aussi utile qu'un caillou, à présent, et toutes ses tentatives pour la recharger avaient échouées. Contacter Burke avait été une erreur mais comment aurait-il pu prévoir que cet idiot aurait engagé un Weasley, aussi doué dans son domaine soit-il ?

Il retraça du bout des doigts les arabesques dorées gravées sur le coffret préféré de Narcissa, celui qu'elle utilisait pour conserver les bijoux que Lucius lui avait offert pour des occasions particulières. Il sentit la magie lui chatouiller la peau lorsqu'il ouvrit délicatement la boîte, les enchantements protecteurs le reconnaissant et lui autorisant l'accès. N'importe qui d'autre se serait retrouvé à hurler de douleur, son épouse n'avait que peu de patience pour les voleurs. Une partie des joyaux manquait parce qu'elle ne s'en séparait que rarement et les avait portés le soir où…

Il referma brusquement le couvercle, agacé de son propre accès de sentimentalisme. Il n'aurait pas dû écouter Narcissa, ce soir-là. Il aurait dû suivre son propre instinct, sauver autant de possessions que possible, retirer la totalité de leur or de Gringotts, et mettre sa famille en sécurité loin du Royaume-Uni. Peut-être auraient-ils perdu le prestige mais ils auraient au moins eu l'assurance de rester en vie.

Quelle assurance leur restait-il, à présent ?

Celle de Dumbledore ?

Le vieil homme était avide d'informations mais avare de mots lorsqu'il s'agissait de répondre à ses questions.

Et, en cédant aux suppliques de son épouse durant la Nuit des Ténèbres, il avait fourni au Directeur sur un plateau d'argent les deux otages rêvés pour l'enchaîner à l'Ordre du Phoenix. Il espérait que Draco savait ce qu'il faisait, qu'il n'aurait pas le malheur de regretter son choix dans le futur. Il espérait également que la Sang-de-Bourde valait tous ces tracas…

L'amour ne se commandait pas, cependant, et il était bien placé pour le savoir.

Où était Narcissa ? Était-elle seulement en vie ? Il délaissa l'imposante coiffeuse qui trônait dans un coin de la chambre pour s'approcher de la fenêtre. Ses yeux gris retracèrent distraitement les contours du jardin.

Il aurait dû aller se coucher. Il était tard – ou tôt – et il y aurait fort à faire le lendemain au Ministère. Il y avait toujours fort à faire pour contrer Dumbledore sur la question des Détraqueurs. Le bras de fer devenait de plus en plus difficile. À chaque fois que l'un d'entre eux semblait prendre le dessus, l'autre revenait par surprise. Lucius jouait sur le fil du rasoir et il n'en aurait pas fallu beaucoup pour qu'il perde l'équilibre.

Le grand lit à baldaquin lui faisait désormais horreur.

Sans Narcissa, les draps étaient froids. Tout était froid.

Un mouvement attira son attention dans le jardin et, instinctivement, il recula dans l'ombre pour ne pas être repéré. Voilà à quoi il en était réduit, songea-t-il, en observant Bellatrix valser sous la lune comme seule une personne complètement folle aurait pu le faire : se cacher dans sa propre maison.

Combien de temps encore ?

Combien de temps avant que le Seigneur des Ténèbres ne se décide à leur révéler ce plan dont, pour l'instant, seule Bellatrix avait eu connaissance ?

Combien de temps avant que Lucius ne bascule d'un côté ou de l'autre du fil et ne s'écrase sur la piste comme un équilibriste brisé ?

Combien de temps avant que la situation ne bascule ?