What is human existence? It turns out it's pretty simple: We are dead stars, looking back up at the sky.

Michelle Thaller

Qu'est-ce que l'humanité? C'est assez simple, somme toute : Nous sommes des étoiles éteintes qui tournons à nouveau les yeux vers le ciel.

Michelle Thaller

Chapitre 24 : Dead Stars

Harry se frotta les yeux.

Ils brûlaient de fatigue et, pourtant, le sommeil le fuyait. Il avait retiré et remis ses lentilles plusieurs fois avant de finalement accepter son sort. Une nuit blanche le guettait. Ce ne serait ni la première, ni la dernière. Il avait tiré les épaisses tentures qui entouraient son lit et s'occupait comme il le pouvait à la lumière de son lumos.

Il feuilletait distraitement le carnet à dessins que lui avait offert sa mère, claquant de temps en temps la langue en direction de Masque qui semblait penser que chaque mouvement de son pied sous les couvertures étaient une invitation au jeu, tout en gardant un œil sur la carte des Maraudeurs étalée sur ses genoux.

Les points libellés Dumbledore et McGonagall l'intriguaient mais il les surveillait davantage par ennui que par réel intérêt. Le reste du château était calme, tout le monde était où ils étaient supposés être, encore que Severus Snape ne soit pas encore réapparu malgré l'heure tardive – ou matinale. Il n'était nulle part sur le domaine et étant donné la conversation qu'ils avaient eue plus tôt…

La colère lui brûla à nouveau l'estomac, teintée d'inquiétude cette fois ci. Il gigota et tâcha d'occluder ces émotions importunes mais la terreur était tenace et bien trop forte pour être si facilement balayée. La terreur et la rancœur. Il ne voulait pas, ne pouvait pas perdre Severus.

Masque attaqua ses jambes et Harry se dégagea sans douceur, jetant un regard noir au félin peu impressionné qui se recoucha avec un air vexé.

Était-ce Snape que le Directeur et la sous-directrice attendaient ? Cela faisait une demi-heure à présent que McGonagall faisait les cent pas. Elle allait et venait d'un côté à l'autre de la pièce sans relâche tandis que le point de Dumbledore demeurait fixe.

Avec un soupir, il referma le carnet à dessins et le glissa sous son oreiller avant de s'installer plus confortablement, espérant sans trop y croire parvenir à trouver le sommeil. Au matin, si Snape n'était toujours pas rentré, il enverrait un hibou à Sirius en exigeant de savoir ce qu'il se passait. Son parrain serait probablement plus enclin à lui répondre que n'importe quel autre adulte qui penserait le protéger en lui dissimulant la vérité.

Harry n'avait nul besoin qu'on le protège.

Il se débrouillait très bien tout seul.

Il se désintéressa du bureau du directeur pour observer les couloirs du château au cas, somme toute improbable, où il s'y passerait quelque chose de plus intéressant. Il retraçait du regard le chemin qui menait vers la salle commune des Serdaigles lorsque son attention fut attirée par la trace d'encre qui s'étira soudain de l'extrémité du parchemin jusqu'à la tour d'Astronomie.

Non…

Pas une trace mais un point se déplaçant si vite qu'il ne laissa derrière lui qu'une traînée noire indéchiffrable. La trajectoire donnait à penser que le point – et la personne – était tombé du ciel.

Harry ne prit même pas la peine de vérifier de qui il s'agissait, il bondit hors du lit, prit à peine le temps de passer ses chaussures – certainement pas celui de nouer les lacets – et d'attraper la cape en laine qui traînait par terre. Il dévala les marches vers la salle commune et jeta la cape sur ses épaules en attendant impatiemment que le portrait de la Grosse Dame bascule, ce qui ne fit rien pour empêcher le choc de température lorsqu'il s'élança à toute allure dans les couloirs, vêtu de son seul pyjama.

Il courut si vite qu'il était déjà essoufflé en arrivant au pied des escaliers de la tour d'Astronomie. Ça ne l'empêcha pas de monter les marches quatre à quatre.

Il ne savait pas ce qu'il découvrirait au sommet.

Des télescopes brisés l'attendaient, et, au milieu des débris, sur le parapet extérieur…

« Severus ! » s'écria-t-il, en proie à la panique. Il se jeta à genoux près du sombral qui convulsait, de l'écume rosâtre plein la bouche. Une patte manqua le heurter au flan et Harry enjamba l'animal, s'accroupissant dans son dos avec une inquiétude grandissante. Il posa la main sur l'encolure du sombral et la retira pleine de sang.

Du sang, il y en avait partout.

Une flaque sombre se formait sous l'animal. Certains os étaient clairement brisés. Il était couché sur son aile gauche et cela n'était sans doute pas une bonne chose. Sa respiration était hachée et un râle s'échappait de sa poitrine à chaque expiration.

« Ça va aller. » promit Harry dans un murmure, en posant à nouveau sa main sur l'encolure. « Ça va aller. » Il pêcha sa baguette dans sa poche et s'humecta nerveusement les lèvres. « Spero Patronum. » Rien ne se passa. Rageant contre sa propre incompétence, il s'efforça d'ignorer les tremblements de ses doigts, prit une profonde inspiration et ferma les yeux. Il occluda la terreur sourde qui lui broyait l'estomac, l'enferma derrière un mur de flammes, et, ensuite seulement, se laissa-t-il aller à des souvenirs heureux. Lily qui riait en jetant ses bras autour de ses épaules, une partie d'échec au coin du feu contre Severus, retrouver Hermione et Ron après tant de mois… Il laissa la bulle de bonheur grandir en lui et éclater dans le sortilège. « Spero Patronum. » Lorsqu'il rouvrit les yeux le patronus étincelait, plus brillant qu'il ne l'avait été depuis un bon moment. « Trouve Dumbledore. » ordonna-t-il. « La tour d'Astronomie. C'est urgent. Prévenez Pomfresh. »

Le sombral argenté déplia ses longues ailes et s'envola en direction d'une autre tour.

Harry baissa les yeux vers le sombral bien réel qui déclinait lentement sous sa main. Les convulsions s'arrêtaient pour mieux reprendre.

« Pouvez-vous vous transformer ? » s'enquit-il en pure perte. Si Severus l'avait pu, nul doute qu'il l'aurait fait de lui-même.

Il ne savait pas par où commencer pour aider le Professeur. Il était difficile de déterminer d'où le sang provenait, il semblait qu'il y avait des plaies partout, et Harry rechignait à appuyer dessus pour contenir les hémorragies parce qu'il y avait trop de fractures ou d'hématomes et qu'à chaque fois qu'il posait sa main autre part que sur l'encolure, le sombral s'agitait avec un râle de douleur.

« Ça va aller. Vous allez vous en sortir. » répéta inlassablement Harry, en caressant du bout des doigts la fine membrane de l'aile, la seule partie de l'animal qui semblait intacte. « Vous êtes rentré à la maison. Vous vous êtes échappé. Ça va aller maintenant. »

Il lui sembla attendre pendant des heures pourtant il devinait qu'il ne s'était pas passé plus de deux minutes entre le moment où il avait envoyé le patronus et l'instant où Dumbledore déboula en courant dans la tour d'Astronomie, suivi de McGonagall.

« Harry ! » s'écria le Directeur avec un soulagement évident. « Harry, où est… »

Un soulagement qui s'effaça lorsqu'il aperçut le sombral étalé sur son flan. Il fronça les sourcils, visiblement confus, avant qu'un éclair de compréhension ne passe sur son visage.

« Où est Severus ? » demanda la sous-directrice. « Vous avez affirmé qu'il était revenu sur le domaine, Albus. est-il ? Et, Mr Potter, que faites-vous hors de votre dortoir à cette heure-ci ? Qu'est-il arrivé à cet animal ? Et, surtout, qu'est-il arrivé à votre Patronus ? »

Dumbledore se laissa tomber à genoux à côté de la tête de Nox. Le sombral s'agita faiblement lorsque le vieux sorcier posa la main sur son encolure, agitant déjà sa baguette de sa main libre.

« C'est Severus. » offrit Harry en guise d'explication, en levant les yeux vers sa Directrice de Maison.

« Severus ? Mais… » Elle s'interrompit, ses yeux voyageant du lion au sombral, puis elle se passa une main sur le visage et s'agenouilla elle-aussi. « Se transformer alors qu'il était blessé n'aura fait qu'aggraver les blessures. »

« Il lui faut pourtant bien se retransformer. » jugea Dumbledore. « Son état est trop instable. Un sombral ne survivra pas à ces blessures. C'est un miracle qu'il soit parvenu jusque ici. »

Pomfresh arriva sur ses entrefaites, à bout de souffle. Elle se figea lorsqu'elle les aperçut tous autour de l'animal.

« Je ne suis pas vétérinaire. » déclara-t-elle tout de go. « Vous auriez mieux fait de prévenir Hagrid. »

« Il s'agit de Severus, Poppy. » expliqua McGonagall.

L'infirmière accepta cela dans un battement de cils et enjamba l'animal pour prendre place à côté d'Harry. Elle étudia la situation quelques secondes, agita sa baguette et échangea finalement un long regard avec Dumbledore.

« Ne faites pas ça. » gronda Harry. Les adultes tournèrent vers lui des yeux soit tristes, soit compréhensifs, qui l'énervèrent davantage. « N'abandonnez pas avant même d'avoir tenté quoi que ce soit. »

Hagrid n'était pas une mauvaise idée, en fin de compte. S'ils comptaient simplement rester assis là et attendre que Severus meure… Hagrid pouvait sauver le sombral, Harry en était persuadé.

« Personne ne va abandonner Severus, Mr Potter. » déclara sèchement McGonagall. « Personne. » Elle posa une main protectrice sur la tête de l'animal, défiant les deux autres adultes du regard de la contredire. Personne ne s'y aventura et elle hocha brièvement la tête. « Bien. Une chose à la fois. Sommes-nous tous d'accord qu'il est nécessaire de forcer une transformation ? »

« Les nerfs sont touchés. » remarqua Pomfresh.

« Les nerfs ne sont pas la priorité. » contra Dumbledore, d'un ton sérieux. « Je suis plus inquiet à propos de l'hémorragie interne. Ajoutée aux plaies ouvertes… Il perd trop de sang. Les fractures compliqueront également la tâche. »

« Les nerfs seront la priorités de Severus. » répliqua Minerva. « Il nous faut en faire une priorité. »

« Je ne peux rien faire tant qu'il n'est pas humain. » soupira Pomfresh. « Et une fois qu'il sera retransformé, il faudra agir vite. Il est instable. »

« Sauvez-le. » intervint Harry. « Faites ce qu'il faut, n'importe quoi, mais sauvez-le. »

Il croisa le regard de Dumbledore et le soutint, abattant tous ses boucliers, s'offrant tout entier aux yeux inquisiteurs du Directeur. Tout son désespoir, toute sa terreur, tout ce que Severus représentait pour lui…

Le vieux sorcier cilla et se racla la gorge.

« Poppy, retournez à l'infirmerie. Préparez-vous. Nous le transfèrerons là bas dès que la transformation sera terminée. » ordonna Dumbledore. « Harry, place sa tête sur tes genoux, maintiens là sur le côté. Au moins un des poumons est perforé, il pourrait s'étouffer dans son propre sang. Minerva, avec moi. »

Tout le monde s'empressa d'obéir à ses ordres. Harry ignora de son mieux l'élan de culpabilité lorsque le sombral laissa échapper une plainte alors qu'il soulevait sa tête et la calait du mieux qu'il le pouvait sur ses genoux.

« Severus. » murmura Minerva, en flattant l'encolure du sombral. « Severus. » Elle attendit que l'animal s'immobilise autant que les spasmes irréguliers l'y autorisaient, elle attendit d'être sûre d'avoir sa pleine attention avant de continuer. « Ce sera douloureux, mon garçon. Quoi qu'il arrive, respirez. Ne tentez pas de résister la transformation. Respirez. » Le regard de la sorcière se posa sur lui et Harry se redressa instinctivement. « Gardez la tête froide, Mr Potter. »

Il hocha la tête pour marquer sa compréhension. Cela n'allait pas être beau à voir.

Cela pouvait difficilement être pire que d'être forcé à revivre le pire souvenir de Severus encore et encore.

Il avait tort.

Cela pouvait facilement être pire.

Main dans la main, Dumbledore et McGonagall fermèrent les yeux et se mirent à psalmodier d'une même voix.

Pendant quelques secondes, il ne se passa rien. Puis ça commença. Au niveau du torse d'abord et le sombral se mit à hennir, le cou tendu à l'extrême, les pattes s'agitant brutalement… Harry dut lutter pour maintenir sa tête et l'empêcher de se blesser par accident.

Toutes les transformations Animagus auxquelles il avait assisté se déroulaient en un clin d'œil. Celle-ci ressemblait à une leçon qui se serait mal passée. Il réalisa soudain à quel point il avait été idiot de s'entraîner seul lorsque Severus se retrouva avec un torse humain et des appendices de sombrals.

Harry aurait voulu détourner les yeux mais il n'y parvenait pas. Pas même lorsque la tête de l'animal se transforma à son tour et les hennissements se transformèrent en hurlements rauques. Le Professeur toussait entre deux cris, crachant du sang, alors que Dumbledore et McGonagall continuaient impitoyablement.

Il fallut presque trois bonnes minutes avant que la transformation ne soit complète.

Harry était figé d'horreur, incapable de faire autre chose que ce que Dumbledore lui avait ordonné, les paroles réconfortantes qu'il aurait voulu prodiguer demeuraient prisonnières de sa gorge.

Ce fut McGonagall qui se pencha sur le Professeur dès qu'elle eut lâché la main du Directeur et rouvert les yeux, ce fut elle qui écarta les cheveux sombres de son visage avec une tendresse malhabile mais maternelle, ce fut elle qui essuya son front moite de sa manche, attentive à ne pas frotter la plaie qui lui barrait le front.

« Là… Là… C'est terminé, mon garçon. » promit-elle doucement. « C'est terminé… »

Les hurlements cessèrent sans qu'Harry en éprouve un quelconque soulagement. C'était presque comme si Severus n'avait tout simplement plus la force de se plaindre, chaque inspiration qu'il prenait était profonde mais chaque expiration était un râle. Ses yeux voyaient sans voir, s'ancrant à ceux de McGonagall sans sembler la reconnaître. Tout son corps tremblait, Harry le sentait sous ses mains, sans toutefois pouvoir déterminer s'il s'agit d'une réaction à la transformation, s'il était en état de choc ou s'il s'agissait de bien plus grave.

« Il faut le transporter. » déclara Dumbledore, en posant une main sur l'épaule de la sorcière. Elle la couvrit brièvement de la sienne sans jeter un œil au Directeur.

Le Directeur se releva souplement pour un homme de son âge et agita sa baguette. Le corps du Maître des Potions se mit à léviter et Severus laissa échapper un gémissement de douleur.

« Un dernier petit effort, Severus. » murmura McGonagall, en glissant sa main dans celle du Professeur. « Un bon lit vous attend à l'infirmerie. Poppy vous remettra à neuf en un tour de main, vous verrez. »

La procession jusqu'à l'infirmerie fut lente. La sous-directrice ne cessait de jeter des sorts de diagnostics trop compliqués pour qu'Harry ne comprenne la raison des regards lourds de sens que les adultes échangeaient.

« Severus, restez éveillé. » gronda McGonagall, alors qu'ils étaient à deux couloirs de l'infirmerie. « Severus… »

« Il s'enfonce. » déclara Dumbledore calmement. Harry ne pouvait s'empêcher de penser qu'il occludait la panique bien plus efficacement que lui ne le faisait.

Ils pressèrent le pas, abandonnant visiblement l'idée de ne pas se dépêcher au risque d'aggraver ses blessures. Pomfresh était prête dans l'infirmerie et ce ne fut que lorsqu'il aperçut la quantité d'appareils magiques et de potions disposés sur un plateau près d'un lit qu'Harry comprit à quel point la situation était sérieuse. Il l'avait su, peut-être, mais à cet instant, cela le frappa.

« Il ne respire plus ! » lança la Directrice des Gryffondors à l'infirmière alors que Dumbledore déposait Severus sur le lit.

« Ce sont les poumons. » ragea Pomfresh. « Il me faut… Écartez-vous. »

McGonagall fut poussée sans ménagement tandis que la Médicomage réglait ses instruments et agitait sa baguette, jetant de temps en temps des instructions pratiques que Dumbledore suivait sans la moindre hésitation. Quelques secondes plus tard un son irrégulier retentit, rebondissant contre les murs de pierre comme autant de coups de tambour déformés.

Il fallut un moment au Gryffondor avant de réaliser qu'il s'agissait de battements de cœur.

« Combien de temps l'ont-ils soumis à l'endoloris ? » demanda l'infirmière.

« Impossible à dire. » répondit tristement Dumbledore. « Il n'a pas dit un mot. Pensez-vous… Pensez-vous que le cerveau soit touché ? »

Pomfresh laissa échapper un claquement de langue qui n'engageait à rien. « Les poumons doivent être notre priorité pour l'instant. Tâchez de déterminer d'où provient l'hémorragie externe. Ces robes sont pleines de sang, faites les disparaître. Minerva, faites sortir Potter. »

McGonagall s'approcha de lui mais Harry se campa sur ses pieds, bras croisés devant son torse, avec tout l'entêtement d'un bon lion. « Je reste là. »

Ce ne fut pas le Professeur de Métamorphose qui l'entraina dans le couloir mais Dumbledore. La prise du Directeur sur son bras était ferme et il était impossible d'y résister.

« Je sais que tu es inquiet pour Severus, Harry. » déclara le vieux sorcier, sans ménagement. « Mais pour l'instant, nous devons nous concentrer sur lui et il n'aimerait pas que tu le vois ainsi, comprends-tu ? »

Il aurait voulu répliquer qu'il se fichait bien de ce que le Professeur souhaitait ou non, qu'il lui avait demandé de ne pas risquer sa vie inutilement et qu'il ne l'avait pas écouté, qu'il était hors de question qu'il le laisse alors que… Alors que…

« Est-ce qu'il va mourir ? » s'entendit-il demander d'une toute petite voix.

Évidemment qu'il allait mourir, répondit une voix sifflante à l'intérieur de son crâne, tous ceux qui s'approchaient trop près d'Harry finissaient par mourir.

Ses yeux le brûlaient et ses mains tremblaient en dépit de toutes ses tentatives pour occluder.

« Je l'ignore. » offrit Dumbledore, choisissant cet instant entre tous pour être honnête alors que l'adolescent aurait, pour une fois, préféré un mensonge. « Nous ferons notre possible pour le sauver. Tu dois nous laisser faire. »

Il hocha la tête parce qu'il n'y avait rien d'autre à faire.

Le visage du Directeur s'adoucit et il lui tapota l'épaule.

« J'ai une mission pour toi. » déclara le vieux sorcier. « Va dans mon bureau, utilise la poudre de cheminette pour te rendre au Square Grimmaurd. L'Ordre voudra des nouvelles. »

Il doutait que qui que ce soit veuille des nouvelles de Severus, toutefois lorsque le Directeur le poussa gentiment avant de se précipiter à nouveau à l'intérieur de l'infirmerie, Harry continua d'avancer, comme dans le brouillard. Les torches s'enflammaient sur son passage, éclairant inutilement un chemin qu'il connaissait par cœur.

La gargouille s'écarta sans qu'il ait besoin de donner un mot de passe et il pénétra dans le bureau sans difficulté. Fumseck vola jusqu'à son épaule et nicha la tête dans son cou, laissant échapper une volée de notes réconfortantes.

Elles lui donnèrent envie de pleurer.

Il gratta la tête du phœnix mais se dégagea de la prise de l'oiseau d'un bref coup d'épaule. La poudre de cheminette était bien en évidence sur le manteau de la cheminée, il en jeta une poignée dans l'âtre sans réfléchir, se raclant la gorge avant d'énoncer clairement « Square Grimmaurd. »

Il déboucha dans le petit salon, face à Fleur qui écarquilla les yeux en l'apercevant.

« Harry ! » s'écria-t-elle. Sur le canapé à côté d'elle, Bill grogna dans son sommeil et elle grimaça avant d'approcher de lui à grandes enjambées, baissant la voix. « Harry, que s'est-il passé ? Es-tu blessé ? »

La main qu'elle posa sur son épaule était légère et tremblait. Il se rendit compte, avec un temps de retard, que son pyjama était couvert de sang et que la cape de laine ne dissimulait aucune des tâches. Il secoua la tête pour répondre à sa question, l'explication restant bloquée dans sa gorge.

La française était couverte de suie, de sang et de sueur. Il fronça les sourcils. « Il y a eu une bataille ? » Elle acquiesça sobrement, son visage s'assombrissant à son tour. Elle n'offrit pas davantage d'explication. Il serra brièvement son poignet. « Sirius. Il faut que… J'ai un message pour Sirius. »

« Il est dans la cuisine. » offrit-elle, en l'étudiant des pieds à la tête. « Tu es certain que tu n'es pas blessé ? »

Il secoua à nouveau la tête et la contourna, ses pieds le menant mécaniquement vers la cuisine comme ils l'avaient mené au bureau du Directeur. Il était vaguement conscient qu'elle retourna s'asseoir près de Bill.

Il ne savait pas particulièrement ce qu'il s'attendait à trouver dans la cuisine. Il n'eut pas la force d'être surpris, choqué ou agacé de voir son parrain, Lupin et la vampire occupés à vider une bouteille de Whiskey-Pur-Feu. Remus et Nyssa furent les premiers à réagir, pourtant ce fut Sirius qui le rejoignit et attrapa ses épaules.

« Harry, que s'est-il passé ? Où es-tu blessé ? » demanda son parrain, en proie à la panique. « Harry… »

« Ce n'est pas mon sang. » lâcha-t-il, ayant la désagréable sensation de ne pas être tout à fait en contrôle de son propre corps. C'était comme si sa tête était bourrée de coton. Ses mains tremblaient. Il sentait la crise de panique arriver sans rien pouvoir faire pour la repousser. « Severus… » Sa voix se brisa sur le prénom de son mentor et il se racla la gorge avant d'essayer à nouveau. « Severus est blessé. »

« Blessé. » répéta Sirius, ses yeux gris ancrés aux siens. Harry n'était pas sûr d'à quel moment son parrain s'était accroupi et d'à quel moment lui-même s'était assis à même les tuiles froides et crasseuses de la cuisine. Il cilla mais les papillons noirs continuèrent à danser devant ses yeux. « Blessé mais vivant ? »

« Oui… » souffla-t-il. « Oui, mais… Il est… Il est… »

« Tiens. » dit la voix de Remus, lui parvenant de bien loin.

Ce ne fut pas le loup-garou qui lui présenta une fiole, cependant, mais la vampire. Il détourna la tête par réflexe, mais elle approcha à nouveau le flacon de ses lèvres.

« C'est une potion calmante. » murmura-t-elle, d'une voix trop douce et apaisante pour qu'il n'y ait pas quelque magie là-dessous. « Tout va bien. »

Il avala la potion parce que cela paraissait préférable à un bon quart d'heure passé à chercher sa respiration et à trembler de tous ses membres.

Des bras l'enserrèrent et sa tête roula sur une épaule. L'odeur de tabac froid et de poils de chien était suffisamment familière et rassurante pour qu'il ne tente pas de se débattre. Il ferma les yeux, tâchant d'effacer de son esprit la puanteur du sang et de la sueur ainsi que les hurlements atroces. Il se concentra sur ses boucliers mentaux, refaisant patiemment et un à un tous les exercices basiques nécessaires à leur construction. Il redessina mentalement chaque flamme, chaque piège… Il se jeta dans le feu imaginaire jusqu'à ce qu'il se sente suffisamment calme pour rouvrir les paupières.

Il n'était pas certain de combien de temps avait passé.

Sirius et lui étaient toujours assis à même le sol, son parrain soutenait la grande majorité de son poids sans se plaindre. La vampire était assise par terre, non loin d'eux, en tailleur. Remus les observait de la chaise qu'il avait tirée loin de la table.

« Harry, tu te sens mieux ? » demanda l'Animagus.

Il hocha faiblement la tête, sentant le rouge lui monter aux joues. Personne ne fit cas de sa gêne, ils se détendirent tous tandis que Sirius l'aidait à se remettre sur ses pieds.

« Ah, Harry… » hésita le loup-garou, en désignant son pyjama trempé de sang du bout de sa baguette. « Cela te dérangerait-il si… »

Ses yeux ambrés voyagèrent jusqu'à Nyssandra et Harry comprit immédiatement le sous-entendu.

« Non. Allez-y. » donna-t-il son autorisation.

Remus fit disparaître les tâches d'un coup de baguette tandis que Sirius le poussait gentiment vers une chaise.

« Je dois rentrer à Poudlard. » protesta-t-il. « Dumbledore voulait juste que je vous avertisse. »

« Je vais te ramener. » promit Sirius. « Mais j'aimerais que tu nous expliques d'abord. »

Il accepta avec reconnaissance la tasse de thé fumante que le loup-garou lui mit entre les mains et résuma rapidement les événements de la soirée, sans manquer les mines sombres que partageaient tous les adultes présents à chaque fois qu'il s'interrompait pour porter la tasse à ses lèvres.

« Attends, attends… » exigea gentiment Remus, en levant une main pour l'interrompre. « Severus est un Animagus ? Depuis quand ? »

Harry hésita, regrettant presque d'avoir vendu la mèche. Dumbledore, McGonagall et Promfresh savaient à présent, cependant, et étant donné qu'il était évident que Severus était parvenu à échapper aux Mangemorts, Voldemort était également au courant. Quel secret y avait-il encore à préserver ?

« Soixante-quinze. » répondit-il, en se frottant le visage.

Les deux Maraudeurs échangèrent un coup d'œil, visiblement perplexe.

« Ton soixante-quinze ou notre soixante-quinze ? » insista Sirius. « Non parce que Snape n'était pas exactement le meilleur élève que McGonagall ait jamais eu et… »

« Depuis quelques mois. » l'interrompit-il d'un ton ferme, pour couper court à la discussion. Il termina son résumé des événements et leva vers son parrain des yeux plein de lassitude. « Je veux retourner à l'école. »

Sirius hocha immédiatement la tête, en se levant de son siège.

« Je vais essayer de joindre Tonks et Kingsley au Ministère. » déclara Remus. « Ils voudront sans doute des nouvelles. »

« Fais ça. » approuva son parrain. « Nyssa… »

L'Animagus sembla hésiter, sa voix demeurant en suspens quelques secondes. Harry fit de son mieux pour ne pas trépigner d'impatience.

« Ça ira. » offrit la vampire avec un sourire amer. « Ne t'inquiète pas. Je ne ferai rien d'inconsidéré. Le soleil va bientôt se lever de toute manière. »

Sirius l'étudia quelques secondes, toujours hésitant, puis lui adressa une légère grimace de regret. « J'aimerai rester avec toi mais… »

« Je comprends. » l'interrompit Nyssandra avec une sincérité évidente. « Vas-y. »

Harry était déjà à mi-chemin du petit salon lorsque l'Animagus le rattrapa par le bout de la cape.

« Il va falloir transplaner. » expliqua-t-il. « Les protections de Poudlard sont au maximum, personne ne peut entrer sur le domaine sans permission excepté les Professeurs. »

Il accepta ce changement de plans sans broncher et suivit docilement son parrain lorsqu'il se dirigea vers la porte d'entrée.

« Fleur a dit qu'il y avait eu une bataille ? » se souvint-il, un peu tard.

Le visage de Sirius s'assombrit. Il prit le temps d'attraper le blouson en cuir qui pendait à une patère avant de répondre. « Voldemort a pris Azkaban et une partie de l'Allée des Embrumes a été détruite. Fol'Œil… Fol'Œil ne s'en est pas sorti. »

La tristesse était immense mais la douleur n'était pas aussi vivace qu'elle aurait pu l'être. Plus tard, suspectait-il. Plus tard. Pour l'instant… « Je dois rejoindre Severus. »

Sirius acquiesça et tendit le bras. Il s'y accrocha, se préparant mentalement à… Ils réapparurent près du portail de l'école et Harry se plia en deux, inspirant de profondes bouffées d'air, certain qu'il allait rendre le contenu de son estomac.

« On s'habitue. » grimaça son parrain, en lui tapant dans le dos. Sans plus attendre, il plaça la main sur la grille, l'y laissant quelques secondes avant de reculer.

Remarquant que Sirius avait sorti sa baguette et la tapotait nerveusement contre sa cuisse en jetant des regards prudents alentours, Harry fit de même. Vigilance constante, songea-t-il avec un pincement au cœur.

Le ciel s'éclaircissait lentement d'une lueur rosée alors que l'aube se levait. Le froid était vif, pourtant Harry n'en sentait pas la morsure. Il ne sentait pas grand-chose, en vérité.

Il fallut plusieurs minutes avant qu'un lumos tremblotant ne se rapproche du portail. Le visage grave de McGonagall apparut entre les grilles qu'elle ouvrit d'un murmure. Il sembla à Harry que la sorcière avait pris dix ans en une nuit.

Le souvenir de son corps brisé s'effondrant la poussière s'imposa à son esprit et il le repoussa d'un battement de cil, s'accrochant à ses boucliers comme un naufragé à sa bouée. Cela ne pourrait durer éternellement, il n'était pas un Maître Occlumens. Il finirait par lâcher prise et la chute serait douloureuse.

« Alors ? » demanda Sirius, sourcils froncés, avant qu'Harry ait pu le faire.

La sorcière secoua la tête avec regret. « Poppy et Albus tentent toujours de le sauver. Andromeda est venu en renfort mais… Les nerfs sont touchés, cela rend la tâche bien plus compliquée. Je n'en sais pas beaucoup plus. J'ai dû m'occuper des parents d'élèves… Certaines familles sont venues chercher leurs enfants. »

Sirius ne parut pas surpris par cette observation. « Après ce qui s'est passé cette nuit, on va faire face à un exode. »

« Probablement. » acquiesça le Professeur.

Se désintéressant de la conversation, Harry s'élança sur le chemin de terre qui le ramènerait au château, ignorant les appels de son nom. Il courut parce qu'il n'y avait rien d'autre à faire. Il courut jusqu'à être à bout de souffle. Il courut jusqu'à déraper au détour d'un couloir et s'étaler par terre. Il frappa le sol du poing, comme si les dalles de pierre y pouvaient véritablement quelque chose, puis se remit lentement debout.

Il fit le reste du trajet en marchant.

Les portes de l'infirmerie étaient closes mais elles s'ouvrirent sans résistance lorsqu'il en poussa le battant. L'odeur le prit à la gorge, les flaques de sang lui sautèrent aux yeux et le son irrégulier des battements de cœur fut tout ce qu'il entendit lorsque son regard se posa sur la sorcière penchée au-dessus du Professeur à moitié dénudé. Les plaies se perdaient au milieu des cicatrices.

Il ne s'était jamais retrouvé face à face avec Bellatrix Black à cette époque-ci mais il la reconnut sans mal. Il réagit avant même de pleinement intégrer ce qu'il voyait.

La formule passa ses lèvres, le maléfice fusa vers la sorcière.

Il fut dévié au tout dernier moment et alla s'écraser contre le mur de pierre, faisant voler de la poussière. Harry perçut le sort de désarmement foncer vers lui et para d'un revers de bras. La force du sortilège le fit reculer de deux pas.

Lorsqu'il aperçut Dumbledore, baguette pointée sur lui, le garçon se dit que c'était un miracle qu'il ait réussi à parer tout court.

« Harry. » plaida le Directeur, l'air épuisé. « Ce n'est pas… »

« Écartez-vous. » gronda-t-il, ses yeux passant de Dumbledore à Bellatrix qui était toujours penchée sur le corps inerte de Severus, les lèvres murmurant sans relâche une litanie qu'elle n'interrompit pas.

« Mr Potter. » gronda Pomfresh, en émergeant de son bureau, les mains pleines de fioles. « Vous n'avez rien à… »

« Écartez-vous de mon père ou… » menaça-t-il, une nouvelle fois, sa baguette pointée sur Dumbledore. Il n'avait aucune idée de s'il s'agissait d'un imposteur ou de s'ils étaient tous sous imperium mais…

« Votre père ? » répéta l'infirmière, complètement perdue, au moment où Sirius et McGonagall pénétrait dans la pièce.

« Qu'est-ce qui se passe ? » demanda son parrain, le rejoignant immédiatement. Il posa une main sur son épaule, hésitant visiblement à sortir sa baguette. « Harry ? »

« Tu es aveugle ? » s'agaça le garçon.

« Comme j'essayais de te l'expliquer, Harry, il ne s'agit pas de Bellatrix mais de sa sœur Andromeda. » intervint Dumbledore, avec une irritation palpable. « La mère de Tonks. »

Harry hésita. Sirius pressa gentiment son épaule.

« C'est bien Andy. » confirma l'Animagus. « Elles se ressemblent, c'est vrai. »

Et pourtant, à présent qu'il leur prêtait attention, les différences étaient évidentes. Ses cheveux étaient moins sombres, le visage légèrement différent dans sa forme…

« Désolé. » marmonna-t-il, en direction de la sorcière qui hocha la tête sans cesser de marmonner la formule qu'elle répétait inlassablement.

Il baissa sa baguette et Dumbledore en fit de même, ses yeux bleus se portant sur Sirius par-dessus ses lunettes en demi-lune.

« Il serait préférable que vous et Harry attendiez à l'extérieur, pour l'instant. » exigea le vieux sorcier.

« Qu'est-ce qu'il a exactement ? » intervint Harry, fatigué de se voir sans cesse renvoyer.

« Mr Potter. » grinça l'infirmière.

« C'est mon père et j'ai le droit de savoir. » rétorqua-t-il, bien trop fort et bien trop violemment.

Il s'attendait presque à ce que Sirius proteste, pourtant la main qui était toujours sur son épaule la pressa à nouveau en guise de soutien. Ou, du moins, ce fut ainsi qu'il l'interpréta.

« Plusieurs de ses côtes sont fracturées, ce qui a perforé un poumon. » déclara Andromeda Tonks, en acceptant avec reconnaissance le verre d'eau que Pomfresh lui tendit. Elle en prit une gorgée et le posa sur une table de nuit avant de poursuivre. « Nous avons colmaté de notre mieux mais il a été exposé à l'endoloris trop longtemps. Son corps convulse de temps en temps or pour parvenir à le soigner correctement, il faudrait qu'il reste immobile. Il est clair que les nerfs ont été touchés ce qui signifie qu'il gardera forcément des séquelles, nous faisons de notre mieux pour les minimiser. Je ne vais pas mentir, pour l'instant, il est loin d'être stable et je ne peux pas promettre que nous parviendrons à le sauver. Je peux promettre de faire tout mon possible, cependant. »

Cette explication fut suivie par un long silence. Les mots se bousculaient dans l'esprit d'Harry sans qu'il ne parvienne à en énoncer aucun clairement. Un simple fait semblait clair : Severus n'était pas encore sauf.

« Et est-ce que tu sais si… » commença Sirius, avant de se racler la gorge. « Le cerveau… Parce qu'il ne voudrait pas… Il ne voudrait pas finir comme un légume. »

« Sirius. » cingla McGonagall, clairement outrée.

L'Animagus grimaça mais Harry y prêta à peine attention. Il approcha du lit sur lequel le Professeur gisait, inconscient, et attrapa sa main.

« Vous devez vous battre. » murmura-t-il. « Vous m'avez promis. »

« Il est trop tôt pour se prononcer. » offrit Promfresh, en les poussant, Sirius et lui, sans ménagement mais avec gentillesse vers les portes de l'infirmerie.

McGonagall les suivit mais ne s'attarda pas, marmonnant une excuse à propos d'hiboux et de parents d'élèves trop anxieux. Harry et Sirius s'installèrent à même le sol, devant les portes closes de l'infirmerie et attendirent en silence.

À un moment, il dut s'endormir parce que des bruits de pas hâtifs le firent sursauter, il rouvrit les paupières et se retrouva à fixer bêtement le jean déchiré et les grosses bottes plates de Tonks.

« Je suis venue dès que j'ai pu mais je ne peux pas rester. C'est la folie là-dehors. La moitié des familles veulent quitter le pays, le monde magique est en panique… » déclara la jeune femme, les yeux rivés sur son cousin. « Le message de Remus n'était pas clair et McGonagall était pressée. Est-ce que… »

« On ne sait toujours pas. » l'interrompit Sirius, en secouant la tête. « Ta mère, Pomfresh et Dumbledore font ce qu'ils peuvent. »

Tonks se frotta le visage et Harry se fit la réflexion qu'elle avait l'air aussi fatigué que lui.

« Je ne peux pas rester. » répéta-t-elle, à regret, comme si elle avait ressenti une obligation d'être présente et d'attendre avec eux.

« Je te préviendrai dès qu'il y aura du nouveau. » promit l'Animagus. « Je suis sûr que tout ira bien. Il en faut plus que ça pour achever Snape, pas vrai, Harry ? »

Il donna un léger coup de coude au garçon qui se força à sourire pour la forme. Tonks s'attarda quelques minutes de plus puis repartit et l'attente reprit de plus belle.

L'écho de bruits de conversations enfla et Harry supposa que l'école s'était réveillée. Son estomac gargouilla mais lorsque Sirius suggéra, à moitié convaincu, d'aller chercher de quoi manger, Harry refusa. Il avait faim mais l'inquiétude lui tordait le ventre.

Le petit-déjeuner ne devait pas être servi dans la Grande Salle depuis plus de vingt minutes lorsque que le bruit de cavalcade retentit. Il haussa les sourcils, peu surpris d'apercevoir Hermione et Ron en tête du groupe, mais choqué par les élèves qui les suivaient. Malfoy, Ginny, Zabini, Luna, Lavande, Neville, Greengrass et les jumeaux Weasley…

« Qu'est-ce que vous faites là ? » demanda-t-il, en se remettant lentement debout, les jambes quelque peu ankylosées par les longues heures passées assis par terre.

« Tu rigoles ? » répondit Ron qui semblait agacé. « On s'est réveillé et tu avais disparu. Ton chat grattait la porte du dortoir en miaulant de désespoir, la carte des Maraudeurs abandonnée sur le lit, plus de chaussures, pas de cape… Pleins de gens sont partis pendant la nuit… Il n'y a pas de Gazette ce matin mais tout le monde parle d'une bataille… Et en regardant la carte, on voit que tu es à l'infirmerie avec Sirius. On a pensé que… »

« On était inquiet. » le coupa Hermione, en attrapant sa main. « Qu'est-ce qui s'est passé ? »

Son regard passa de ses meilleurs amis au reste du groupe auquel il n'aurait pas fait le choix de tout expliquer tout de suite – particulièrement à Malfoy – mais tous les adolescents paraissaient sincèrement inquiets pour lui et Harry soupira.

Certains secrets ne pouvaient pas demeurer secrets éternellement.

« Fol'Œil est mort. Voldemort a pris Azkaban. L'Allée des Embrumes est en ruines. » résuma-t-il succinctement. « Et Severus a été démasqué. »

Hermione porta la main à sa bouche sous le choc, son autre main s'emparant immédiatement de celle de Malfoy. Le Serpentard encaissa la nouvelle sans ciller mais il suffit à Harry de croiser son regard pour comprendre qu'il en avait saisi la gravité.

« Bill et Charlie ? » s'enquit immédiatement Ginny.

« Ils vont bien tous les deux. » intervint Sirius. « Quelques blessures mais rien de grave. »

« Et Snape ? » demanda Zabini, sans paraître relever la familiarité avec laquelle il venait de parler de leur Directeur de Maison. Une feinte probablement. Il lui faudrait fournir d'autres explications plus tard.

« Ce n'est pas bon. » lâcha le Gryffondor. « Mais pour le moment… On ne sait pas. »

Il fallut longtemps avant que le groupe accepte de se disperser. Hermione et Ron refusèrent tout net de quitter Harry, cependant, et Sirius ne fit pas de gros efforts pour les en convaincre. Ce ne fut que lorsque Chourave vint aux nouvelles et les aperçut qu'ils furent forcé d'aller en cours et ils ne le firent qu'en grommelant et en râlant.

Le Professeur de Botanique ne tenta même pas de faire bouger Harry.

Sirius s'était endormi, la tête à un angle qui le laisserait très certainement avec un torticolis lorsque les doubles portes s'ouvrirent enfin.

Dumbledore avait l'air complètement épuisé, son teint était grisâtre.

« Les convulsions ont cessé. Il est stable. » annonça le vieux sorcier. « Il n'a pas repris connaissance et nous ne pouvons toujours pas nous prononcer sur l'étendue des séquelles mais si son état demeure stable… Ses chances sont bonnes. »

Harry bondit sur ses pieds. « Je peux le voir ? »

Le Directeur acquiesça et Harry se dépêcha d'entrer dans l'infirmerie avant qu'il ne change d'avis. À la seconde où elle l'aperçut, Pomfresh lui fit signe de se taire d'un doigt sur les lèvres. Il en comprit la raison lorsqu'il repéra Andromeda endormie sur un des lits. Il prit silencieusement une chaise qu'il plaça au chevet du Professeur et il débuta sa veille.

Les pyjamas rayés de l'infirmerie paraissaient déplacés sur lui… Les draps blancs le faisaient paraître plus pâle encore… Il y avait toujours tout un tas d'instruments magiques autour de lui et Harry fit bien attention de n'en déranger aucun.

Il détestait attendre.

Au bout de quelques minutes, Sirius vint le rejoindre, marmonnant entre ses dents que quelqu'un aurait pu le réveiller. Lorsque Pomfresh l'y invita, il s'allongea sur le lit voisin et succomba à nouveau au sommeil. L'infirmière tenta de convaincre Harry de faire de même mais sans succès.

Comme Dumbledore, qui sirotait discrètement des potions de force dès que Pomfresh avait le dos tourné, il était décidé à rester éveillé.

Cependant, il ne refusa pas le sandwich que lui apporta Dobby vers l'heure du déjeuner – ordre du Professeur McGonagall, déclara l'elfe.

L'après-midi était bien avancé et Harry avait cessé de prêter attention aux allées et venues dans l'infirmerie lorsque Severus émit un grognement. Le premier réflexe d'Harry fut de regarder autour de lui mais Sirius était parti avec Dumbledore, McGonagall n'était pas là, et le temps qu'il fasse signe à Andromeda et Pomfresh qui étaient à l'autre bout de l'infirmerie, le Professeur se tordait de douleur, les gémissements de plus en plus poussés.

« Il nous faut davantage de potions antidouleur. » déclara l'infirmière.

La Médicomage secoua la tête. « Nous frôlons déjà les doses limites et je ne veux pas risquer d'endommager ses neurones davantage. Il faut attendre quelques heures. » Ses yeux gris se posèrent sur Harry et elle grimaça légèrement. « Peut-être serait-il bon que… »

« Je reste ici. » gronda-t-il avec détermination avant qu'elle ait pu suggérer qu'il aille faire un tour.

« Comme tu veux. » capitula-t-elle. « Mais cela ne va pas être joli à voir. »

Ce ne le fut pas.

Après une demi-heure, ils furent obligé de le sangler au lit pour ne pas qu'il aggrave accidentellement ses propres blessures.

Severus délirait.

Il parlait de poursuites, des Mangemorts à ses trousses… Qu'importe combien de fois ils lui répétaient tous à tour de rôle qu'il était en sécurité à présent, il en revenait toujours à cela. Les Mangemorts à ses trousses sur des balais…

De temps en temps, des prénoms contrastaient avec les marmonnements presque inintelligibles… Harry, surtout. Lily, de temps en temps. Albus et Minerva, de manière récurrente. Nymphadora, plus rarement, ce qui fit lever les sourcils à Andromeda et laissa Harry légèrement perplexe.

Il était évident qu'il était prisonnier de son délire, prisonnier de la fièvre qui semblait découler d'une infection…

Pomfresh épongeait régulièrement son front, murmurant des paroles rassurantes qui n'avaient jamais véritablement l'effet escompté. Lorsqu'il revint, Sirius se percha sur le lit et appuya les coudes sur ses genoux, perdu dans ses pensées.

« Est-ce que c'est que c'est la fière ou est-ce que c'est une séquelle de l'endoloris ? » demanda l'Animagus lorsque Andromeda décida finalement de lui redonner une dose d'antidouleur.

Personne ne lui répondit.

Personne ne connaissait la réponse.

Comme ils ne cessaient tous de le répéter à Harry, il fallait attendre.